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Le blog de Frédéric Delorca

L'armée vue de gauche

20 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

A la suite d'un contact avec l'ARAC à la Fête de l'Humanité la semaine dernière, j'ai ramené un stock de revues utiles, Le Réveil (qui est le journal de leur association) bien sûr, mais aussi les cahiers de l'Institut de documentation et de recherche sur la Paix de juin 2009 dans lequel je trouve un bon article de Daniel Durand "Sécurité paneuropéenne : un mythe dépassé" à propos des débats sur l'avenir de l'OTAN, les ambiguités du concept de "sécurité paneuropéenne" telle que l'entendent les Russes, et les absurdités de la politique de M. Sarkozy (en revanche les lecteurs de cette brochure pourront s'abstenir de lire les pauvres analyses de Dérens et Samary sur les Balkans).

Je lis aussi le numéro 108 la revue "Défense et citoyen" (en ligne sur Internet, il exite aussi en version papier) de la Fédération des Officiers de Réseve  républicains et de la Fédération des Officiers Mariniers et Sous Officiers de Réserve Républicains (FORR-FOMSORR), des structures basées à Ivry et qui sont nées dans l'atmosphère anti-fasciste des années 1930. J'y trouve un très bon article de Jacques Sapir sur le livre du général Vincent Desportes "La guerre probable" qui nourrit une réflexion intéressante sur l'incapacité d'un Etat néo-libéral à consolider une conquête militaire (comme on l'a vu avec les Etats-Unis en Irak), sur la forte capacité d'apprentissage d'une armée citoyenne comme le Hezbollah et sur l'importance d'entourer les moyens militaires d'une stratégie politique de soutien aux populations (ce que les auteurs américains de la Révolution dans les affaires militaires, qui ne pensent qu'en termes de technologie, sont incapables de comprendre).

Parallèlement cette semaine, je reçois le bulletin trimestriel de l'association grenobloise "Initiatives Citoyenneté Défenses" (ICD) "L'arme et le paix" dont l'édito signé par Denis Anselmet (le responsable de l'association qui m'avait contacté à août) est consacré à l'alignement de la France sur les USA et à la privatisation de la torture, un sujet qu'ils avaient aussi examiné dans leur numéro de juillet 2005 téléchargeable ici.

Toutes ces revues baignent dans la dénonciation de l'alignement de la France sur la notion d' "Occident" et le projet de démantèlement de l'héritage du Conseil national de la Résistance.

Bien que je n'aie jamais été un passionné de stratégie ni de la chose militaire, je continue de penser que  ces revues qui touchent au coeur régalien du pouvoir français et veulent l'infléchir "à gauche", devraient être mieux diffiusées dans des cercles progressistes qui, de plus en plus coupés de l'armée, envisagent les relations internationales sous un angle anti-militariste assez abstrait (je pense aux cercles anticapitalistes, à diverses composantes du PC, aux associations d'immigrés). Le lien intellectuel entre ces diverses nébuleuses de la gauche n'est pas facile à faire. Mon Programme pour une gauche française décomplexée faisait un peu signe vers cela. On ne peut pas penser un monde pacifique sans réfléchir à l'usage que la France doit faire de son armée dans cette perspective.

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Le Parti communiste d'Inde marxiste (CPI-M) et la lutte des classes (suite)

19 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Un ami du bulletin dont je vous parlais me répond à propos du PCI (M)

"Les conflits au Bengale avec les naxalistes c'était, dans les années 1960 début 1970. Aujourd'hui les naxalistes sont surtout présents au Bihar, Orissa, jusqu'au sud de l'Inde. Au Bengale occidental beaucoup moins et, effectivement, ils ont été éliminés dans les années 1960-70, par l'armée centrale indienne, mais on ne peut pas dire que le CPI-M n'ait pas coopéré à cette élimination, ou tout au moins fait comme s'il ne voyait pas (à vérifier tant les opinions sont partagées). Cela étant, les élections donnent toujours le CPI-M gagnant depuis cette date, ce qui démontre son ancrage populaire.

Sur le plan international, le CPI-M a une position radicalement correcte, anti-impérialiste (et c'est la position des PC qui comptent en plus, ceux d'Afrique du Sud, du Brésil, de Chine, du Japon, du Viet-Nam, de Russie, de Grèce, etc), et de notre point de vue, c'est ce que nous devons me semble-t-il retenir. la question quels communistes soutenir est une question interne aux Indiens à laquelle nous ne pouvons pas nous mêler, d'autant plus que le CPI-M est le plus grand parti jusqu'à preuve du contraire. C'est aussi pour cela que notre bulletin a eu des contacts aussi avec le CPI, mais que ces contacts sont toujours passés par un accord avec le CPI-M. Si un jour les naxalistes prennent le dessus (comme au Népal où c'est exactement le contraire qui s'est passé, les maoïstes ayant dépassé en ancrage le PC local pro-CPI-M) alors on pourra revoir les choses. Si nous devions avoir des contacts privilégiés au Népal, cela devrait être avec les maoistes avant tout en revanche, pour cette même raison.

Pour avoir discuté avec les uns et les autres, mon impression est que les deux tendances ont leurs propres bases sociales très différentes, mais toutes deux populaires, les uns dans les villes et chez les salariés, les autres dans les campagnes et chez les sans terres les plus pauvres, et qu'ils sont objectivement complémentaires, même s'il y a eu des conflits entre eux, ce qui est regrettable, mais ce n'est pas la première fois dans l'histoire des mouvements révolutionnaires. C'est pour cela qu'on a soutenu le FLN algérien et pas le PCA en première ligne. Tu sais aussi comment cela s'est passé pendant la guerre d'Espagne mais ce n'était pas aux étrangers de choisir entre le PCE et le POUM ou d'autres (même si l'URSS l'a fait, ce qui fut sans doute une erreur)."


Ce mail est intéressant, mais il m'a semblé "à côté" du problème soulevé par  Jairus Banaji  qui est celui d'une leader syndical battu par des villageois selon lui à la demande de cadres du PCI(M) parce qu'il a défendu les employés d'un programme de développement géré par ce parti...

Après une nouvelle objection, voici les remarques complémentaires que je reçois :

"Tu as raison et je suppose qu'il y a autoritarisme. En revanche il n'y a pas de vrai recul du CPI-M électoral en terme de voix. En terme de siège oui, et pour ses alliés aussi en terme de voix, mais pour lui-même il a pratiquement le même pourcentage de voix que précédemment (à quelques, 0,xxx % de voix prêts) ...Ce qui ne veut pas pour autant dire que tout baigne ! A cet égard, il est intéressant de lire les communiqués de son dernier comité central post-électoral.

Il est clair que les naxalistes représentent une force réelle (quoique malheureusement divisés en plusieurs scissions) qui a choisi dès l'origine la voie de la lutte armée, accompagnant un combat syndical de masse en particulier parmi les travailleurs sans statuts et dispersés, ce qui est tout à fait compréhensible et répond à la terreur régnant dans certaines régions ou poches régionales de l'Inde de la part des propriétaires. On peut comprendre que la fraction moins terrorisée de la population préfère des moyens plus "classiques" et il est normal que les deux voies se heurtent parfois, d'autant plus qu'il y a des inimitiés anciennes et du sang.

Par ailleurs, le rapprochement avec l'autre frère ennemi du CPI (plus à droite dans les faits) et d'autres partis de gauche ne peut pas ne pas avoir d'effets sur les rapports avec les groupes plus à gauche, surtout les naxalitses. Donc bien entendu le navire tangue. C'est humain. Regrettable mais humain.

Et sans doute l'écho de ce qui se passe dans la Népal voisin du Bengale doit aussi éveiller certaines passions de part et d'autres. Imaginons ce que serait la gauche française s'il y avait une révolution armée du PTB en Belgique qui serait arrivé au pouvoir (on peut toujours rêver !) ?

Même si dans les faits la pratique des maos au Népal ne semble pas très différente de celle du CPI-M au Bengale depuis qu'ils sont au gouvernement. Mais il faudrait scruter cela plus précisément.

Au moins peut-on dire une chose, là-bas, il se passe des choses !!!
et les contradictions portent sur des enjeux réels, et les comportements sont à la hauteur de ces enjeux !!!
Effectivement, il faut les observer, les analyser, mais on ne peut pas faire plus. "
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Le Parti communiste d'Inde marxiste (CPI-M) et la lutte des classes

18 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Vous savez que je ne suis pas enclin à entrer dans les conflits internes de la gauche. Je cherche juste à savoir où je mets les pieds quand je vais quelque part. Et, comme à la Fête de l'humanité, j'ai promis à un ami communiste de collaborer à un bulletin qui est très soutenu par le Partido communista do Brazil, le Parti communiste sud-africain... et le Parti communiste d'Inde marxiste (CPI-M), il me fallait comprendre un peu mieux ce qui se joue autour de ce parti dont on a vu qu'il a un peu reculé aux dernières élections législatives indiennes mais qui administre l'Etat du Bengal occidentale (un Etat où sévit par ailleurs une rébellion maoïste - naxaliste - des exclus de la globalisation libérale).

Comme le collaborateur de l'Atlas alternatif qui enseigne à Trinity college (aux USA) Vijay Prashad faisait l'apologie sur Facebook ce matin du livre de Prabhat Patnaik "The Public and the Private" qui explique pourquoi les paysans indiens aujourd'hui se suicident plutôt que de se syndiquer, un certain Jairus Banaji s'est répandu en imprécations contre le CPI-M en ces termes : "If Prabhat’s article is an attack on the current policies of governments led by his party in states like West Bengal, why doesn’t he express that in a more transparent way? Wasn’t it a CPM-led government that came down against the agitation of the Kanoria Jute Mill workers in the middle Nineties? Did he say anything at the time? When Nandigram exploded, it was Prabhat who defended ‘revolutionary violence’ (!!) , i.e. state repression of a mass movement."

Comme je suis néophyte, j'ai appris ainsi que Prabhat Patnaik était un économiste très connu du CPI (M). Il dirige le comité de planification du Kerala qui est aussi administré par le CPI (M).

J'ai dans un premier temps songé que Jairus Banaji  devait être trotskiste. Malgré ce risque de parti pris je l'ai néanmoins contacté via Facebook et interrogé à la fois sur son appartenance partisane et sur les faits qu'il reprochait au CPI(M) ainsi que ses sources.

J'ai reçu cette réponse dans l'après-midi :

"Dear Frederic, The CPI(M) remains one of the most unreconstructed Stalinist parties anywhere in the world. Many of their leaders still admire Stalin and one of their two key leaders, Sitaram Yechury, has even written a long eulogy of Stalinn by way of introduction to someone else's book. The CPM-led government in Bengal has never encouraged worker action or the wider interests of the labour movement and when they feel threatened by independent movements, they react with ferocious sectaranism and violence. Here is an example of how they have almost murdered the leaders of an independent agricultural workers' union called the PBMKS.
Look up
http://www.mail-archive.com/jharkhand@yahoogroups.co.in/msg04339.html

About the Kanoria mills struggle, the best source would be journals or magazines like the Economic and Political Weekly and Frontier from that period (1994 on). EPW is available on line. You can also try googling 'Kanoria jute mills workers' or some combination like that to get more material.
I am of course a Trotskyist in the eyes of the CPM, I was in the International Socialism group till 1972 when I came to India after studying in the UK. Today I see myself simply as a revolutionary Marxist...
Hope this helps, in solidarity,
Jairus"


Je connais depuis longtemps les accusations de l'extrême gauche contre les communistes, accusations qui ne sont pas toujours dépourvues de fondements factuels. Je ne pouvais pas les ignorer dans le cadres de mes éventuels contacts avec le CPI (M) d'autant que je serai un peu confronté à une situation analogue en Seine-Saint-Denis (où le PC est une "middle class" au dessus des classes populaires). Evidemment en Inde (comme en Espagne en 1937-38), la situation est particulièrement grave puisqu'on accuse le CPI (M) d'avoir du sang de travailleurs sur les mains. Cette gravité particulière est presque "naturelle" dans le Tiers-monde où la violence des rapports de classes est plus accentuée qu'en Europe (certains disent même que ces rapports sont violents pour que les nôtres puissent être plus doux). Sans adhérer totalement aux thèses de cet accusateur du CPI(M), dont j'apprends d'ailleurs qu'il est l'auteur d'un livre Agrarian Change In Late Antiquity in India (Presses universitaires d'Oxford), je ne puis manquer de les prendre  en compte.
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Mes livres dans les milieux parisiens

18 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Actualité de mes publications

J'ai été interviewé hier par une revue parisienne branchée sur un livre d'anthropologie sur la nudité que j'ai publié sous mon nom d'état civil à l'automne 2008. Bien sûr la moitié de mes réponses (que j'ai essayé de faire courtes) ont été coupées et réduites de moitié, et le journaliste a déclaré qu'il intègrerait le reste dans son propre article sur la nudité à la TV (nul n'est propriétaire de ses idées), mais cela ne me gène guère. L'important était que le journaliste ait lu mon livre (ce qui était visiblement le cas), et qu'on parle de l'ouvrage pour mon éditeur (je ne cherche pas à en vendre de tonnes mais juste un minimum pour qu'il pense n'avoir pas eu tort de m'accepter dans son catalogue).

Il s'agit d'une troisième mention dans les milieux parisiens après une bonne recension de la revue Sciences Humaines au printemps, et une interview sur le blog de Lili Castille (je devrais peut-être aussi compter l'interview dans Le Mague dans ce registre, mais je crois que ce magazine est girondin).

Je ne pense pas que ce succès relatif auprès des médias nuise à mon image dans l'université (où je suis mal implanté, je n'ai même pas eu le courage de postuler pour la qualif). Celle-ci connaît une telle crise. L'étudiante (doctorante) qui m'invite à la conférence de Cannes paraissait trouver plus intéressants mes textes que ceux qu'elle avait lus sous la plume de certains universitaires sûr le même sujet. Beaucoup de profs ne croient plus en ce qu'ils font et la qualité de la recherche s'en ressent. Dès lors un outsider comme moi n'est plus aussi handicapé pour mener une recherche indépendante, d'autant que beaucoup de moyens d'information indépendants (notamment Internet), me permettent de constituer progressivement un public. J'attends néanmoins beaucoup de la conférence de Cannes où, d'après l'organisatrice, je serai devant un public de chercheurs qui ont besoin de cadres de pensée pour leurs travaux. Sera-ce la première et dernière fois où je serai conduit à infuencer de très près des chercheurs ?

En tout cas, je n'ai toujours pas trouvé le moyen de faire le lien entre mon livre sur la nudité et mes livres politiques. J'ai proposé avant la Fête de l'Humanité un opuscule sur socialisme et érotisme au Temps des Cerises, mais ceux-ci n'ont pas l'air chaud pour me répondre.
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Constructivisme cérébral

18 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

"Le cerveau humain fonctionne avec un programme de stimulation de premier choix. !nos yeux ne donnent pas à notre cerveau un photo fidèle de ce qui existe, ou un film exact de ce qui se passe en temps réel. Le cerveau se construit un modèle sans cesse mis à jour : mis à jour par des pulions qui bavardent le long du nerf optique, mais quand même construit. Les illusions optiques nous le rappellent bien. Une classe majeure d'illusions, dont le cube de Necker est un exemple, se produisent parce que les données sensorielles que reçoit le cerveau sont compatibles avec deux modèles alternatifs de la réalité. (...) Et c'est la même chose pour ce qu'on entend. Quand on entend un son, il n'est pas fidèlement transporté dans le nerf auditif et relayé dan le ceveau comme par une chaîne hi-fi haut de gamme. Comme pour la vision, le cerveau construit un modèle de son fondé sur des données nerveuses auditives continuellement mies à jour. Voilà pouruoi on entend un coup de trompette comme une note unique plutôt que comme un ensemble d'harmoniques de sons purs qui lui donnent ce rugissement cuivré. La même note jouée sur une clarinette aura un son "boisé" et "de roseau" sur un hautbois du fait de leurs différences d'équilibre des harmoniques. Si vous manipulez soigneusement un synthétiseur de sons pour produire une à une les différentes harmoniques, le cerveau les entend comme une combinaison de tons purs pendant un court intant, jusqu'à ce que son programme de stimulation "l'attrape", à la suite de quoi on n'entend plus qu'une seule note de trompette, hautbois ou autre."

Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, Robert Laffont  2008 (p. 97-99)
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Sociologie du corps

16 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Malédiction de la pédagogie : à 17 h 30 je voyais une jeune doctorante qui travaille sur la nudité dans la danse pour préparer avec elle une conférence que je dois donner prochainement. Cette jeune femme avait de très jolis yeux. Elle récitait les grands axes d'un de mes livres qu'elle avait lu avec sérieux et ferveur, et évidemment comme c'était à craindre, d'un bout à l'autre de la conversation je mourrais d'envie de lui faire l'amour. C'est le lot, je pense, de beaucoup d'enseignants à l'université, et plus encore de ceux qui enseignent l'anthropologie ou la sociologie du corps (un d'entre eux dans le Sud a même écopé d'un procès pour harcèlement de la part d'une de ses étudiantes). J'ignore comment la plupart de ces pédagogues gèrent ce problème : franchissent-ils le pas du passage à l'acte? Que le pas soit franchi ou pas, je suppose que c'est un obstacle à la progression sereine de l'enseignement de cette discipline et une des raisons pour laquelle elle est si peu développée. J'avoue n'y avoir point songé auparavant moi qui suis toujours demeuré à l'écart de l'université.

Un journaliste d'une revue branchée veut m'interviewer sur la nudité, la même semaine qu'une blogueuse, elle aussi bien introduite dans les milieux journalistiques parisiens, publie une autre interview de moi.

Disons que c'est ma pause "a-politique" après le dernier weekend très intense à la Fête de l'humanité. D'ailleurs ce n'est pas si apolitique qu'il y paraît : rappeler, en réconciliant anthropologie naturelle et anthropologie culturelle, que l'homo sapiens est un animal, c'est faire signe vers une question nouvelle : que peut être une société qui fait le deuil complet du spirituel - qu'est-ce qu'une institution qui assume complètement la corporéité de ses composantes et de ceux qu'elle administre ? Voilà une question que l'humanité n'a jamais sérieusement affronté parce que notre cher cerveau, en grande partie protégé de par son anatomie-même, du reste du corps construisait ses images, ses religions censées "tirer notre espèce vers le haut", même dans les religions sécularisées du 20 ème siècle. Nous sommes la première génération à pouvoir assumer pleinement sa fraternité avec les singes... et à devoir en tirer des conclusions politiques. "Français, encore un effort", il faudra bien y parvenir.
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Post festum - Nicaragua-Bolivie

14 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Désolé, mais tard le soir il n'est pas possible de monologuer devant une caméra. Je dois donc retrouver le clavier.

La Fête de l'Humanité me pose beaucoup de questions sur ce que je peux faire et ne pas faire dans mes nouvelles fonctions au milieu de la "middle class" communiste du "9-3", un milieu dont je n'ai pas les codes (mais de quel milieu ai-je les codes ?) et dont certaines caractéristiques m'inquiètent. Mais je crois avoir suffisamment de recul à l'égard de tout pour pouvoir tenter d'y faire une ou deux choses utiles, très modestement.

 

J'ai été content de pouvoir revoir à cette fête toutes sortes de gens qui comptent dans mon horizon. Mais j'ai aussi été heureux d'évoluer principalement autour des stands du NIcaragua et de la Bolivie. Je sais qu'il est toujours artificiel de chercher la Vérité chez l'autre (ou le grand Autre), et de fuir dans l'exotisme. L'étanger est d'autant plus séduisant qu'il est investi dans des rapports sociaux qui nous touchent moins directement : on ignore une partie des langages intellectuels et corporels à travers lesquels les mépris et les haines s'expriment dans son pays, on en est donc "prémuni" en tant qu'observateur extérieur. Par delà cette facilité de choix de l'Autre et de l'ailleurs, je persiste cependant à penser que l'Occidental, pour guérir de son propre dogmatisme, a besoin du détour par son contraire, par celui qu'il a construit comme son contraire, comme une brute à asservir. On m'objectera peut-être qu'au contraire c'est par le détour par autrui que le Blanc européen in fine légitime sa tyrannie, parce qu'il croit que le détour suffit à légitimer son universalité. Je n'en suis pas convaincu. En tout cas à titre personnel, j'ai besoin de cet ailleurs.

J'avais besoin de cet air nicaraguayen confiné dans le pauvre chapiteau de l'association "Adelante", et de la saveur andine de la tisane de coca qu'on me servit en fin de fête de l'Huma, mêlée à du rhum Habana club, sous le délicieux nom (inventé ad hoc au milieu des débats du weekend) d' "ALBA libre". J'ai besoin de vous parler de ce petit-fils de Républicain espagnol comme moi, qui fut naguère apprenti-chercheur, et aujourd'hui  carreleur pour nourrir sa famille (enfin des intellectuels qui ne crachent pas sur le travail manuel ! je n'en ai pas connu beaucoup dans les décennies antérieures, les diplômés-chômeurs de mon entourage préféraient le RMI je crois). Je l'interviewerai prochainement sur le Nicaragua sandiniste de la grande époque, qu'il a connu directement.

J'ai besoin aussi de faire ici la promotion du documentaire militant du chilien René Davila sur le mouvement social en pays aymara bolivien. Une interview en français de lui existe déjà ici, et son blog en espagnol . Un documentaire techniquement très correct, politiquement consistant, et poétiquement ouvert à toute la réalité de la terre bolivienne combattante. Cela s'appelle Bajo los volcanes - voici la bande annonce en espagnol (le film est doublé en français) :


J'ai pu discuter avec l'un et l'autre samedi. J'ai aussi échangé quelques mots avec Sergio Cáceres, rédacteur en chef de la petite édition française du journal bolivien Le Jouet Enragé (El Juguete Rabioso). Sergio a collaboré au quotidien Etat d'urgence dirigé par Michel Sitbon et a co-traduit le dernier livre de Zibechi sur la Bolivie chez l'Esprit frappeur. C'est donc la mouvance libertaire des anti-impérialistes. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec eux, mais Sergio fait un travail très utile, notamment à l'ambassade de Bolivie en France comme conseiller. Il suffit de lire l'attaque dont il fait l'objet de la part d'un bourgeois de La Paz sur Indymedia pour comprendre que des hommes comme lui dérangent le lobby entrepreneurial (et récemment sécessionniste) de Santa Cruz (auquel il est fait allusion dans le billet)... et qu'il faut donc les soutenir.
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Fête de l'Humanité 2009 (fin)

13 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

94 personnes annoncées sur Facebook pour les dédicaces à la fête de l'Humanité dimanche après-midi. Au final 1 seule personne a acheté l'Atlas alternatif et qui n'avait rien à voir avec Facebook.

Une bonne fête néanmoins. Nous avons parlé plus de mon futur poste en Seine-Saint-Denis que d'anti-impérialisme, mais tout de même. Je garderai un souvenir ému du stand Bolivie où une dame faisait de l' "Alba libre" (de la tisane de coca au rhum). Du stand Nicaragua où nous avons bu du Sequito au miel. Souvenir de l'historien de l'ARAC qui m'a dit "il ne faut pas laisser la Russie à l'extrême droite", et du patron de Correspondances internationales qui pense qu'un jour la Chine s'intéressera à son bulletin (auquel je vais collaborer). De ce cinéaste amateur chilien qui vend le DVD du documentaire qu'il a tourné sur Evo Morales. Souvenir de cette dame très digne au stand de l'ACER qui, quand je lui ai demandé à quel nom je devais dédicacer le livre de mon grand-père a dit :
"Mme Rol-Tanguy.
- Comme le résistant ? ai-je demandé.
- Oui, je suis sa fille" a-t-elle répondu avec une sobriété presque protestante.

J'ai beaucoup songé depuis deux jours en en parcourant les allées à tout ce qu'il y avait de faible dans cette fête, toutes les facilités de comportements et de pensée qui rendent sceptique sur ce qu'un peuple (même un peuple de militants) peut arriver à faire. Mais à partir du moment où on s'oppose à un système politique, il faut accepter d'agir avec ses opposants, par delà leurs insuffisances - et les siennes propres.


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