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Le blog de Frédéric Delorca

Delenda Carthago est

3 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme, #Barack Obama

Je repensais à l'article d'Hassina Méchaï ce matin. Il me semble que c'est faire beaucoup d'honneur à Mme Cinton et M. Obama que de les comparer à Caton le Censeur. Si je me souviens bien la phrase de Caton fut prononcée dans le cadre de la troisième guerre punique. Carthage ne représentait plus une menace pour la République romaine comme elle l'avait été par le passé (de mémoire les troupes de Carthage avaient été aux portes de Rome, et une bonne part de la noblesse romaine avait été massacrée dans un bataille au nord de l'Italie). Mais pendant longtemps on avait cru que Carthage et Rome ne pouvaient construire leur puissance commerciale que l'une au détriment de la survie de l'autre. La paranoïa romaine n'était pas complètement infondée (quand on se souvient de la trace dans l'inconscient collectif de a mise à sac par les Gaulois). Si l'Iran avait, dans les années 60 ou 70, assiégé Washington et massacré des parents, oncles ou tantes de M. Obama ou Mme Clinton, leur obstination à désarmer ce pays se comprendrait plus aisément.  Mais notre impérialisme à nous occidentaux est bien plus inhumain que celui de la vieille Rome. Il ne se nourrit d'aucun instinct de survie. Seulement d'une intolérance à l'égard de tout ceux qui ne nous vénèrent pas.

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Des femmes utiles à notre époque

2 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Moi qui ne suis qu'un des bloggueurs les moins lus de la planète anti-impérialiste je serais fort mal placé pour prétendre aider à la notoriété des travaux de quiconque. Je me permets quand même de vous faire part de mes coups de coeur : les blogs sont faits pour cela !

Donc mon enthousiasme du jour va vers Hassina Méchaï. Retenez ce nom, chers rares lecteurs de ce blog ! Oui, lecteurs, Hassina Méchaï peut tout faire : attaquer Laurence Ferrari sur le site de l'Acrimed en citant Ce que Parler veut dire de Pierre Bourdieu (l'ancienne version de son bouquin, s'il vous plaît, celle de 1982, pas le "remix" Langage et pouvoir symbolique qu'on trouve en livre de poche), "filer des analogies subliminales jusqu'au noeud gordien" dans une défense flamboyante de l'Iran reprise par divers sites (mon seul désaccord avec son article, tient à ce qu'elle parle de la Rome impériale pour Caton, glorieux sénateur de la Rome républicaine, mais cette République devenait déjà un peu impériale), dénigrer les Etats-Unis sur le site des Indigènes de la République et Oulala.net, devenir l'invitée d'honneur de Michel Collon en mordant Luc Ferry. Mesdames et messieurs, je vous le dis : cette jeune doctorante ira loin. Tremblez Frédéric Ancel, Alexandre Adler et autre chouchous des plateaux de télévision. Vous avez devant vous le genre de jeune intellectuelle qui demain posera une lourde pierre tombale sur vos très funestes théories.

Pourtant ce matin, je n'étais pas parti pour citer cette publiciste (dont à ma grande honte j'ignorais même le nom). Je voulais vous dire un mot de ma correspondante italienne qui découvre une université très à gauche du Nord-Est des Etats-Unis, et me dit que sur la Côte Est, les directeurs de thèse font la bise aux doctorants pour faire plus "européens".

Je voulais aussi vous parler de mon amie Sophie qui est éducatrice spécialisée et qui encadre des adultes mentalement très attardés.

Elle m'écrit aujourd'hui : "Tu as raison lorsque tu dis que nous touchons à la complexité de l'humain. Nous sommes au carrefour de la déficience et de la pychiatrie. Nous flirtons avec la pulsion à l'état pur, avec les comportements archaïques les plus forts. La dépendance totale ou partielle, les troubles du comportement, l'automutilation, les cris, la violence, l'angoisse dans ce qu'elle a de plus fort, font partie de mon quotidien. Il faut être prêt à donner beaucoup tout en sachant que l'on recevra peu, ou pas du tout, en retour.

L'accompagnement des familles qui sont touchées par ce handicap est essentiel. Il nous faut les soutenir, les rassurer, les aider à accepter l'inacceptable: à savoir que leur fils, fille, certes est adulte, mais n'atteindra jamais plus que l'autonomie d'un enfants de 3 ans (pour les plus chanceux!). La moyenne d'âge mental de la population que j'accompagne, ne dépasse généralement pas les 6 mois, 1 an. Souviens toi de ton fils à cet âge là et transpose le tout sur des adultes et tu auras une image assez proche des personnes que je prens en charge.


Ce métier n'en demeure pas moins formidable. C'est un remède absolu contre la grosse tête. En effet, ce qui peut convenir un jour, en terme de prise en charge, peut ne pas convenir le jour suivant. Il faut donc se réinventer sans cesse, se réinterroger, trouver ce qui aidera le patient à aller mieux. Parfois, plus rien ne marche...et cela nous rappelle que l'on ne peut "sauver" tout le monde...que la toute puissance n'existe pas dans notre domaine. C'est à ce moment là que l'on sait si on est fait pour ce métier... ou pas."

Sophie a toujours été une littéraire. Elle devrait écrire sur sa profession.

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"Disperser le pouvoir" de Raúl Zibechi

1 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Pour info, vient de paraître sur Parutions.com mon compte-rendu de lecture du dernier livre sur les mouvements sociaux boliviens de Raúl Zibechi, qui, par ailleurs, fut contributeur de l'Atlas alternatif il y a quelques années.

La pensée libertaire au miroir de la Bolivie
 

 

Raúl Zibechi, Disperser le pouvoir. Les mouvements comme pouvoirs anti-étatiques. Le Jouet enragé et L'Esprit frappeur, 15 €.

 

Les productions de la pensée libertaire en France font l’objet d’une diffusion assez confidentielle. L’une d’entre elles mérite notre attention, il s’agit du dernier livre de Raúl Zibechi : Disperser le pouvoir. Les mouvements comme pouvoirs anti-étatiques.

 

Journaliste et universitaire urugayen, Raúl Zibechi s’est fait connaître en France entre autres il y a quelques années par sa contribution à l’ouvrage collectif l’Atlas alternatif (le Temps des Cerises, 2006). Il nous livre ici une réflexion sur l’insurrection d’El Alto, en Bolivie, en 2003.

 

Le sujet est en soi stimulant : il s’agit d’une révolte indienne, celle des Aymara, une des trois principales composantes de la société bolivienne, dont est d’ailleurs issu le président Evo Morales. Comme David Graeber, ou Pierre Clastres (auquel il est fait référence),  Zibechi ne manque pas de mobiliser au service de son analyse politique tout le matériau anthropologique (ethnologique) qui à la fois permet de resituer l’expérience sociale observée dans ses particularités historiques et interdit toute transposition simpliste à d’autres espaces géographiques, tout en suggérant des enseignements universels. Zibechi décrit une société qui aurait gardé peut-être le mieux (mieux que la société péruvienne), l’esprit et les usages de la société inca, et, en même temps, une société profondément bouleversée non seulement par la colonisation espagnole (qui l’a confinée dans la clandestinité), et la modernité capitaliste, mais aussi, au cours des 10 dernières années, par le désastre néo-libéral, à cause duquel la ville d’El Alto est passée de moins de 100 000 habitants dans les années 1970 à 800 000 aujourd’hui, des paysans arrachés à leurs terres pour la plupart. Cette analyse, notons-le, se fait sans angélisme : ainsi par exemple Zibechi ne passe-t-il nullement sous silence la violence inhérente à cette société (l’usage de la peine de mort, et du châtiment domestique par le fouet dans le chapitre sur la justice). Il décrit un monde de prolétaires déracinés qu’il compare à juste titre à la classe ouvrière anglaise de la révolution industrielle décrite par Hobsbawn. Il s’attache à recenser en son sein les pratiques qui ont pu maintenir et renforcer un sens communautaire dans la jungle urbaine – par exemple le fait de marcher à pied sur de longues distances an groupes pour se protéger des délinquants, et aller prendre un bus très éloigné du domicile. Gestes apparemment anodins, et pourtant structurants dans leur répétition, qui entretinrent la solidarité d’une population ghettoïsée, prélude ensuite aux combats communs pour obtenir des hôpitaux, des routes praticables.

 

Les habitants d’El Alto ont eu l’habitude de vivre sans Etat et de s’organiser en conseils vicinaux de base pour la vie quotidienne et l’entretien de leurs quartiers. A travers les emplois familiaux, et une économie informelle qui abolit la division sociale du travail, ils ont constitué des ensembles sociaux dispersés qui en temps de paix échappent au contrôle des institutions verticales et qui en temps de révolte ont su se transformer en de redoutables machines de guerre, très mobiles et d’une très grande inventivité tactique.

 

Loin de se limiter au recensement ethnographique et sociologique, Zibechi formalise les modes d’action politique de la société qu’il observe. Tout un dispositif de concepts imagés est ici mis en œuvre. Dans le cadre d’un dialogue polémique avec la gauche « autoritaire », il s’attache à démontrer que l’indivision des tâches et le refus de déléguer le pouvoir à un centre peut être un gage d’efficacité dans la lutte, et ouvrir la voie d’une réforme profonde de l’Etat dans le sens du respect de la diversité des groupes et des individus.

 

Le lecteur qui parvient à franchir l’obstacle de la préface un peu terne et  jonchée de coquilles de Miguel Benasayag découvre ainsi un livre stimulant qui aide non seulement à comprendre la culture politique indienne andine, mais aussi à réfléchir aux conditions de possibilité des révoltes populaires, voire aux moyens d’éviter leur récupération par des systèmes représentatifs susceptibles à terme d’en trahir les intérêts. C’est en somme une manière de reprendre à nouveaux frais de vieux débats qui remontent à la Commune de Paris et à la Révolution soviétique.

 

Frédéric Delorca

 

 

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