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Le blog de Frédéric Delorca

1986, de l'Italie à la Suède

28 Décembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Souvenirs d'enfance et de jeunesse

Vous souvenez-vous quand Deleuze disait que le philosophe ou l'écrivain buvaient parce que la vie est en excès pour eux et qu'ils ont besoin de boire pour supporter ce qu'ils en perçoivent ? Je trouve que c'est particulièrement vrai pendant l'adolescence. Tout ce que l'on reçoit du monde, et notamment ce que l'on reçoit à travers les femmes, est immense, écrasant. Une jeune femme russe, une jeune américaine, une italienne, une suédoise portent en elles tout un univers démesuré, toute une culture. Avec l'âge on apprend à relativiser ce sentiment, on se dit qu'une Bulgare ou une Turque qui vous fait payer une pension alimentaire est une emmerdeuse avant d'être un morceau sublime de l'empire byzantin ou ottoman. Mais ce n'est pas ainsi qu'on raisonne à 16 ans.

 

Quand j'écoutais cette chanson italienne, "Ti sento" de Matia Bazar (cf ci dessous), pendant l'été 1986 (je l'ai découverte avec un an de retard), je la trouvais presque trop lyrique pour moi. Un mélange de passion et de sophistication trop intense pour que je puisse la prendre trop au premier degré.

 

Aujourd'hui en l'entendant je suis surtout sensible à la beauté de cette langue : l'italien, qui va si bien avec la voix de la chanteuse. Une langue que je comprends très mal. Je lis les paroles qui disent ceci :

 

"La parola non ha ne' sapore ne' idea
ma due occhi invadenti petali d'orchidea
se non ha anima .... anima


Ti sento, la musica si muove appena
è un fuoco che mi scoppia dentro,
ti sento, un brivido lungo la schiena
un colpo che fa pieno centro!

Mi ami o no ... mi ami o no .... mi ami?


Che mi resta di te, della mia poesia
mentre l'ombra del sogno lenta scivola via
se non ha anima ... anima

Ti sento, bellissima statua sommersa
seduti, sdraiati, pacciati!
Ti sento atlantide isola persa,
amanti soltanto accennati !
mi ami o no ... mi ami o no .... mi ami ?
Ti sento, deserto lontano miraggio
la sabbia che vuole accecarmi
ti sento, nell'aria un amore selvaggio,
vorrei incontrarti ....."

 

Rien que le vers "Ti sento, bellissima statua sommersa" est une trouvaille extraordinaire.

Passé à la moulinette du traducteur automatique, ça donne ça.

 

"Le mot n'a pas ni saveur ni idée
mais deux yeux envahissant des pétales d'orchidée
si ça n'a pas âme…. d'âme...
Je te sens, la musique bouge à peine
il est un feu qui éclate en moi,
je te sens, un brivido long le dos
un coup qui fait mouche !

Tu m'aimes ou… tu ne m'aimes pas ou non…. m'aimes-tu ?


Qu'il me reste de toi, de ma poésie
pendant que l'ombre du rêve lentement glisse au loin
si ça n'a pas d'âme… d'âme

Je te sens, tres belle statue submergée
assis, sdraiati, à plat ventre !
Je te sens île de l' Atlantide perdue,
amants qui se sont seulement faits signe !
tu m'aimes ou… tu ne m'aimes pas ou non…. m'aimes-tu ?
Je te sens, désert mirage lointain
le sable qui veut m'aveugler
je te sens, dans l'air un amour sauvage,
je voudrais te rencontrer ....."

 

 

L'Italie de notre époque n'a donné à la France que des sous-produits (Carla Bruni, Monica Bellucci) de ce que la précédente génération avait engendré (Sophia Loren, Gina Lolo Brigida). Et je n'ai jamais rencontré dans notre génération de femme italienne qui soit à la hauteur de la beauté de sa langue, cette langue étrange, ce dérivé si musical du latin, si léger, si inventif par rapport au sobre espagnol de mon père et au lourd gascon de ma mère. Même pas parmi les napolitaines que j'ai croisées en Campanie ou les Florentines en Toscane. Aucune sauf peut-être la photographe milanaise Morgana Marchesoni (mon Dieu quel nom envoûtant - et elle le savait la bougresse) avec qui j'ai seulement dialogué sur Facebook quelques semaines durant sans jamais la rencontrer.

 

Comparez cette chanson avec cette autre de la même époque, du groupe Secret service, suédoise jusque dans la danse un peu maladroite des figurants du clip, et qui cependant, à 16 ans, me paraissait si soignée que je la croyais anglaise. Point d'effusion lyrique sous ces froides latitudes (encore moins que dans A-ha). Et cependant, une émotion très maîtrisée, condensée dans ce bel éloge de la danse à deux, dans ce rêve impossible d'un temps partagé suspendu, d'une immortalité dans la danse. Une Réunionaise de 27 ans trouvait récemment les paroles très belles (les paroles, parce que la musique ne peut plus parler à des gens "post-new wave"). Preuve que cette chanson peut encore accéder à une certaine universalité. C'était un temps où la piste de danse pouvait revêtir une dimension magique, puisqu'il pouvait s'y passer n'importe quoi... un slow par exemple.

 

 

Night is gone

Now we’re alone
I feel your body near mine
We just have to dance one more time
Your face turned down
I can’t deny
This feeling with you is a fate
I don’t care if the hour is late at all

 

Let us dance just a little bit more

Even if the band walks out the door
And all the others go
Let’s pretend that the music’s on
Even if we’re dancing all alone
And the night is gone

Just for a while
I saw your smile
I know I’ve sang in your ear
«God it’s good to be near»
Your hand in mine
So warm and fine
If only this moment would stay
If only the band was to play some more

Let us dance just a little bit more
Even if the band walks out the door
And all the others go
Let’s pretend that the music’s on
Even if we’re dancing all alone
And the night is gone

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Commenter cet article

M
<br /> <br /> Oui, il est vrai que pendant une courte periode de l'adolescence, certains ont plus ou moins (la facilité, la faculté...) de<br /> percevoir les évènements avec une sensibilité poussée à l'extrême mais je ne pense pas que l'on puisse parler là,  de la lucidité qui<br /> pousse les philosophes ou les écrivains mélancoliques à boire.<br /> <br /> <br /> Dans votre exemple ou dans le sens de votre texte, la sensibilité de l'adolescent, lui permettant de "percevoir" lui fait mal percevoir et ne le rend pas lucide... la preuve en est, ce que vous<br /> dites par la suite si ils avaient vraiment perçu, il auraient anticipé la situation future et inévitable (sauf<br /> pour les véritables lucides qui eux perçoivent vraiment)<br /> <br /> <br /> Vous parlez des philosophes qui boivent pour supporter la vie en excès pour eux et ce qu'ils en perçoivent... oui, peut être... surement... mais je ne suis pas d'accord avec vous au sujet<br /> des chansons de votre choix pour illustrer vos propos et votre pensé  Vous deviez être un ado. très "fleur<br /> bleue" et réveur mais même en vous imaginant ainsi, je ne vois pas ce qu'il y avait a percevoir dans ces chansons (à part le charme de la langue italienne) en tout cas pas le genre de chanson<br /> poussant un philosophe mélancolique à boire !<br /> <br /> <br /> Dans un ordre croissant sur l'échelle de la sensibilité, je dirai :<br /> <br /> <br /> *Voir* puis *apercevoir* et enfin *percevoir*...<br /> vous êtres d'accord ?<br /> <br /> <br /> - Pour percevoir il faut être lucide avant tout ! - Voir la cruauté et la triste réalité de la vie ! - N'avoir aucune illusion... et quand on est ainsi c'est depuis le berceau jusqu'au<br /> linceul en passant par la période de l'adolescence aussi !<br /> <br /> <br /> Voilà pourquoi, je devais réagir (car en vous lisant j'ai eu une boule à l'estomac)<br /> <br /> <br /> "Percevoir" c'est bien ; être "sensible", c'est surement pas rose tous les jours ; percevoir à la manière des philosophes qui doivent boirent pour oublier, c'est être lucide et<br /> là, c'est une malédiction.<br /> <br /> <br /> Je ne suis pas philosophe, pas écrivain, je ne bois pas non plus pour oublier mais je suis maladivement lucide  donc depuis l'enfance, je "perçois".... ah ! un avantage au moins : je n'ai pas de pension a payer car un véritable lucide reste célibataire <br /> <br /> <br /> <br />
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