Deux femmes
22 Avril 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous
En surfant sur le net hier, je trouve des nouvelles d'une camarade sociologue connue naguère, du temps où elle était jeune. Une fille étrange, issue de la France rurale, petite bourgeoise, convaincue d'avoir une mission : celle de libérer les individus de son sexe. Au nom de cela elle se trouvait beaucoup de droits, comme celui d'avoir deux amants en même temps, et de dénoncer l'un des deux aux flics pour harcèlement quand il lui reprocha de l'avoir plaqué trop abruptement. Ambition et "judiciarisation des rapports" vont de pair chez ce genre de personnage, le tout enrobé de beaucoup d'autosuggestion romanesque. Une gentille fille pourtant, pleine de bonnes intentions (comme les pavés de l'enfer). Sa carrière a décollé : bon choix de labo, bon choix de directeur de thèse, doctorat, qualif, entrée royale dans un grand centre de recherche. Et surtout bon sujet : la banlieue. Le genre de sujet qui rapporte gros : on peut s'y montrer "de gôche", féministe à souhait, épris d'émancipation, et en même temps, en tirer beaucoup de profits. Plus que mon petit camarade normalien hyper brillant qui moisit dans son lycée de province à 39 ans et termine à peine sa thèse en histoire plein d'aigreur. Cette môme pourtant a dix fois moins de culture et de jugeotte que mon camarade. Mais elle a une plus grande endurance à la bêtise de ses pairs, et des jurys auxquels elle sait plaire. Une très grande endurance aussi à la logomachie sur les "dominants dominés", les "rapports de genre", and so on and so forth. Dans ce microcosme moins on en sait sur le monde et sur la culture, et mieux on s'adapte à ce qu'on attend de nous (il y a d'ailleurs quelque chose de soviétique dans sa photo officielle sur le site de son centre de recherche, soviétique, et pourtant bien moins sympathique que les portraits des députés du Soviet suprême de Transnistrie). J'ai quand même bien ri, parce que sur Internet si tous ses collègues (coulés dans le même moule) et les associations féministes (façon "ni pute ni soumise - journée de la jupe - amis de Julien Dray") portent ses travaux au pinacle... il n'en va pas de même du lecteur ordinaire. Un site qui a eu le malheur d'ouvrir sa page aux commentaires (tout en annonçant qu'il filtrait) n'a reçu que des appréciations négatives de jeunes qui disaient que son livre ne leur apprenait rien et exhalait l'ennui par tous les pores. Normal : du carriérisme au milieu de gens ennuyeux ne peut sortir que sortir l'ennui pour tout le monde. Cette femme ne fait que participer à l'esprit de caste insipide qui coupe de plus en plus non seulement la sociologie, mais aussi toute la recherche en sciences humaines, et toute la petite bourgeoisie de gauche du monde réel, et de ses vrais enjeux. Oh bien sûr on me dira que le recours à la vox populi n'est pas le meilleur des arguments pour juger de la validité d'une recherche. Mais quand ladite recherche prétend étudier le peuple, il est bon que celui-ci lui renvoie sa vacuité en boomerang.
Heureusement cette personne, dont j'ai simplement croisé le nom sur Internet après des années d'oubli, n'était pas LA femme de la journée. Celle qui mériterait ce titre (s'il y avait un sens à l'attribuer), serait sans doute Béatrice Guelpa, journaliste freelance suisse. J'ai eu des réticences devant la quatrième de couverture de son dernier livre "Gaza : debout face à la mer". Mais les échanges d'emails que nous avons eus aujourd'hui me persuadent que je me suis trompé. C'est une femme qui fait corps avec sa cause, celle de Gaza sous embargo, comme je l'ai fait moi-même jadis avec celle d'un autre pays sous embargo, la Serbie. Tout son travail, et même ses petits maladresses éparses, plaident pour elle : pour ce défi qu'elle se lance de dire dans le langage de l'Occident (d'un Occident sourd et autiste), la détresse et la noblesse de Gaza. J'espère pouvoir vous reparler d'elle et de son livre prochainement - j'en ferai une recension pour Parutions.com, car elle ne mène pas un combat facile.
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