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Le blog de Frédéric Delorca

L'approche littéraire de la politique

28 Avril 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Bon, je suis bien conscient que la petite visite de mon salon de juin 1997 n'aura fait sourire personne, et que tout cela est bien dérisoire, mais je me disais ce matin qu'il était plus que nécessaire de mêler de l'humour à son engagement, et même, pour tout dire, d'avoir une approche littéraire de la politique. Littéraire ne veut pas dire destructurée, mais fluide, pouvant situer son angle d'attaque à divers niveaux (humain, individuel-collectif, pratique- théorique), en se nourrissant d'une tournure d'esprit littéraire. Le fait que les partis soient disloqués (sauf pour la conquête du pouvoir, mais un pouvoir de plus ne plus factice), que la politique est affaire de réseaux d'individus, rend les situations fluides, instables, et il les faut appréhender avec une sorte de souplesse littéraire qui fasse place aussi à sa propre subjectivité, et ses petites marottes individuelles.

Sans cela tout devient trop dogmatique, trop hystérique. Je songe par exemple à cette liste anti-sioniste qui se constitue et qui, en se focalisant sur un seul aspect de la politique, devient le symétrique des monomaniaques de l'autre bord qui voudraient qu'on bombarde l'Iran et le Soudan. Il faut desserrer l'étau de la rigidité mentale, ne pas répondre à des tendances totalitaires réelles de notre société par un autre totalitarisme symétrique (allez, si Kundera n'était pas tant récupéré par la pensée dominante, j'oserais une référence à son premier roman La Plaisanterie - il faut encore plaisanter un peu, encore un peu faire le mariole en ayant conscience qu'on le fait).

Au fait, ce matin j'étais en Seine-Saint-Denis pour y préparer mon projet d'anti-impérialisme municipal. J'y ai trouvé un ami membre du staff d'un maire de gauche, dans un rôle que je ne lui connaissais pas : celui du chargé de mission qui va remonter les bretelles d'une directrice de centre culturel qui fait de la rétention d'information à l'égard du maire. Lui qui est si doux pourtant d'ordinaire, il semblait fort impliqué dans ce conflit où se jouaient la crédibilité et l'autorité du chef de l'exécutif local. Puis j'ai déjeuné avec le directeur des services dans un restaurant sympathique, traditionnel, à 22 euros le repas. L'intéressé, un quinquagénaire communiste (ou proche du PC) en entrant dans le resto a tout de suite reconnu des élus (je suppose que c'étaient des élus) d'une ville voisine, sans doute des gens du même bord que lui. On ne se croyait d'ailleurs plus du tout en banlieue dans ce petit restaurant qui donnait sur la place d'une église médiévale. C'aurait pu être en Aveyron. Tout ce petit staff municipal qui mange bien à midi constitue un monde inconnu de moi. J'en ignore tous les codes sociaux, les tics de langage, les automatismes. Tout cela est complètement nouveau à mes yeux - et d'ailleurs certains me trouvent bien fou de m'essayer à ce genre de découverte au seuil de la quarantaine, mais que voulez-vous, j'aime la diversité et les expériences insolites.

Je suis toujours très étonné de voir des êtres humains prendre très au sérieux des pratiques quotidiennes au service de fonctions dont la plupart des gens se foutent éperdument. Ce fut vrai dans les professions juridiques où j'ai officié, c'est vrai aujourd'hui de ce petit monde de notables de banlieues. Je suis bien conscient que leur travail est utile, mais est-il légitime qu'il soit assuré par ces gens, qui en fait consacrent la moitié de leur énergie à défendre un groupe contre un autre (le PS contre le PC, la gauche contre la droite, tel député PC contre tel maire du même parti, le staff du maire contre celui du centre culturel etc). Ne serait-il pas plus simple que l'Etat prenne en charge tout ça ? - adieu les libertés municipales ! Ce seraient les services de la culture de l'Etat contre ceux du préfet, mais sans les luttes partisanes, c'est déjà ça. Mais on dit que l'empire romain n'a tenu que grâce à la richesse de sa vie municipale ponctuée par des campagnes électorales. Donc peut-être le théâtre d'ombres dont je fus témoin en banlieue ce matin, et serai sans doute encore témoin à l'avenir, sert-il quand même à quelque chose. Toutefois combien d'énergie absorbée dans ce qui, de l'extérieur, ressemble à de la pure comédie. Mais bon, je sais, je suis trop extérieur. Rentrons un peu plus dans les rouages de la vie sociale.

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A
Votre lucidité est éclatante de lumière ! Très bien, vous avez tout compris. N'ayez crainte, vous n'êtes pas si "extérieur" : ne vous pincez pas, vous ne rêvez pas.
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