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Le blog de Frédéric Delorca

Diffusion des oeuvres et des idées

30 Avril 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Actualité de mes publications

Dans le domaine de l'édition, comme dans celui du militantisme politique, je suis un outsider : je ne connais pas les personnes influentes, je n'ai jamais cherché à les courtiser, je fonctionne "au feeling", ce qui me conduit à sympathiser plutôt avec d'autres outsiders, des francs-tireurs de l'université, des petits éditeurs mal diffusés etc. Je ne m'en plains pas du reste, car au moins je n'ai pas le sentiment d'avoir "forcé mon naturel" pour obtenir plus que ce qui devait me revenir dans l'état actuel de la société (je vous renvoie d'ailleurs à mon "10 ans sur la planète" pour le récit de la seule fois où j'ai failli réellement plaire à des insiders en me forçant, du temps où la Serbie était au bord de la guerre civile).

Installé dans ma petite marge, j'en apprends et j'en découvre chaque jour sur les mécanismes de production (comment on fabrique un livre, comment il est bien ou mal relu) et de diffusion des oeuvres (comment le livre atteint-il ou n'atteint-il jamais les étagères des libraires, les bureaux des journalistes). Au début c'est toujours une source d'agacements (on croit avoir écrit un livre iimportant, et on se rend compte qu'il reste inconnu parce qu'une attachée de presse "amateur" n'a pas daigné l'envoyer au journal que vous lui aviez indiqué, ou parce qu'au moment de son exposition à la vente dans un salon important il est resté au fond des cartons). C'est ainsi que j'ai passé tout l'année 2007 à pester contre toutes les entraves que je décelais à la notoriété de l'Atlas alternatif dont je pensais qu'il était un ouvrage important (parce que certains lecteurs le qualifiaient comme tel). La semaine dernière, dans la même veine, le Dissident internationaliste se plaignait aussi de ce que son éditeur ait refusé d'informer les 40 librairies musulmanes de la région parisienne de la publication d'un livre sur l'Irak.

Aujourd'hui, je suis beaucoup plus fataliste. Je ne sais plus trop si ce que je publie est important ou non. J'observe des réactions très contrastées face à mes textes. Une réfugiée serbe du Kosovo recommande mon livre à un type à Moscou, et, le même mois, un anti-OTAN crache sur le livre dans une revue qui pourtant était censée être un peu proche de certaines de mes positions. Untel a trouvé mon roman très bon, un autre s'est ennuyé à sa lecture... Les goûts et les couleurs... Et quand bien même ce que j'écris serait bon, quel mal y aurait-il à ce que personne ne sache que cela existe ? Je n'ai pas le génie suffisant pour écrire une Critique de la Raison pure ou des Nourritures terrestres. Qu'un livre mineur, bon ou mauvais, soit connu ou inconnu n'a donc en soi guère d'importance. Par conséquent je me borne à parler de mes activités sur ce blog, pour nouer quelques sympathies autour d'elles, et faire avancer une ou deux idées, mais sans autre prétention. Cet état d'esprit me fait du coup considérer avec beaucoup de sérénité, et un brin de curiosité, disons une curiosité d'entomologiste, tout ce que je découvre au jour le jour sur les mécanismes de la diffusion des idées dans les marges éditoriales où je me trouve.

Voici ma dernière découverte en date. Jusqu'ici tous mes éditeurs m'avaient dit qu'il était plus facile de défendre un essai qu'un roman. Plus personne n'achète plus de roman - et surtout plus les jeunes filles en attente d'un mari - sauf les superproductions consacrées par les grands médias ou les romans de gare préformatés (Arlequin, San Antonio). Quand vous écrivez sur la Transnistrie, vous pouvez espérer que quelques personnes en France aient envie de connaître ce pays. Et donc on leur dit "déboursez 15 euros et votre soif de connaissance sur ce sujet sera en partie étanchée". Le même discours est difficile à tenir en ce qui concerne les romans. "Sortez 15 euros de votre porte-monnaie et vous découvrirez l'univers d'un auteur qui vous séduira", c'est un peu comme demander de signer un chèque en blanc. Il n'y a pas de garantie que cet univers vaille vraiment le détour, et les gens ont d'autres chats à fouetter que d'entrer dans la fantasmagorie d'autrui. A tout prendre ils préfèrent encore une tranche de savoir positif pêchée dans un essai sur un sujet précis.

Voilà ce que j'avais cru comprende jusqu'ici. Mais il y a aussi un autre versant de cette réalité. C'est que les institutions, du moins certaines d'entre elles, mettent un point d'honneur à soutenir la création romanesque. Je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être quelqu'un quelque part pense-t-il qu'un pays qui perd son art de la fiction perd un peu de son âme. Et donc ce matin mon éditeur a reçu un courriel d'une fonctionnaire de la mairie de Paris, qui lui expliquait que depuis 1997, les bibliothèques de la Ville de Paris par l’intermédiaire de 7 bibliothèques "constituent des fonds riches en premiers romans et entraînent les 46 autres bibliothèques du réseau et leurs lecteurs à s'intéresser aux textes de ces nouveaux auteurs, particulièrement ceux qu'ils ont remarqués. Le groupe acquiert systématiquement un exemplaire de tous les premiers romans qui paraissent, mais pour multiplier lectures et avis nous avons besoin d’un second exemplaire. Cette année 10 des 30 lauréats ont été reçus au Salon du Livre, sur le stand de la Ville de Paris, pour un échange enrichissant et très suivi des lecteurs." Aussi lui demandait-elle de lui adresser un "service de presse" de trois premiers romans qu'il a publiés récemment dont La Révolution des Montagnes.

J'ai été un peu surpris car jusqu'ici les bibliothèques parisiennes n'ont jamais commandé mes essais, à la différence de celles de Lille, Nantes, Lyon et Marseille, ce qui était une anomalie à mes yeux. Ainsi donc il se peut que ce soit par l'intermédiaire de mon roman que les abonnés de ces bibliothèques auront les moyens de connaître d'autres aspects de mes productions. Voilà un cas où le volontarisme public inverse un déséquilibre : celui qui persiste entre romans et essais. C'est une bonne nouvelle pour ce petit roman que la région qui l'a inspiré (le Béarn) continue de bouder ostensiblement (son principal journal local a refusé de publier un article à son sujet la semaine dernière, seul le site Internet Alternatives Paloises, a bien voulu en dire un mot). Espérons qu'il y en aura d'autres.

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