Amour et écriture
22 Février 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Grundlegung zur Metaphysik
"L'homme est la somme de ses actes" disait Hegel. Hegel est très loin d'avoir eu raison sur tout, et on peut se demander s'il a même entièrement raison sur cette phrase. Néanmoins on sent bien que sans actes, l'humain est vide, pure chimère.
Quand je regarde en arrière je vois bien ce que j'ai fait et ce que je n'ai pas fait. Il y a mon ascension sociale, mes diplomes, il y a les causes au service desquelles tout cela a été mis, l'ouverture au monde, le combat contre les guerres etc. Je pense qu'on peut me créditer d'avoir plutôt bien servi la cause de la Vérité, y compris en prenant des distances à l'égard des "élites" et quelques risques comme celui de me rendre dans des pays "qui n'existent pas" ou si peu, ainsi que d'avoir défendu l'idée même de vérité avec toute une analyse philosophique, ancrée sur des données scientifiques récentes, qui, à défaut d'être complètement aboutie, constitue une ébauche épistémologique qui va au delà de la simple opinion personnelle.
Je ne suis pas toujours à 100 % dans la vérité - qui pourrait prétendre l'être ? - mais on peut me créditer de quelques actes "atypiques", et d'une oeuvre (quoi qu'elle vaille) au service de celle-ci.
J'ai toujours pensé qu'il n'y avait point de vérité sans un certain amour, et qui n'est pas seulement l'amour de soi-même, ni l'amour pur d'une vérité abstraite (même si ces deux amours-là sont des composantes nécessaires de la vérité). Vous ne pouvez pas écrire sur une personne, morte ou vivante, ou sur un peuple etc, sans une sincère volonté de le ou la faire connaître, de promouvoir ses possibilités d'exister socialement, ni sans une certaine empathie qui vous fait comprendre comment ces gens percevaient et ressentaient les choses, sans aimer, ne serait-ce qu'à titre provisoire (en prenant ensuite le recu intellectuel nécessaire pour critiquer et resituer dans un ensemble global cohérent) leur univers, leur imaginaire, leurs affects, leurs aspirations, leur sensibilité etc.
Cette prise en compte de l'amour m'a conduit à écrire des textes comme mon livre "Eloge de la liberté". J'y conserve au concept d'amour un sens très vague, sans préciser s'il est charnel ou pas, passionnel ou plus posé, amical, sacerdotal ou autre, car de toutes façon les frontières entre les affects sont poreuses. Et je continuerai toujours de penser que la problématique de la vérité doit toujours être entretenue en parallèle avec celle de l'amour.
Cependant je souhaiterais préciser ce soir que l'amour que l'on mobilise dans l'écriture et dans le travail intellectuel, même si je prends ces activités dans leur sens le plus exigeant, n'est toutefois pas aussi fort, ni aussi sincère que celui que déploient des tas de gens "non intellectuels" dans la vie quotidienne. Essentiellement à cause d'un rapport à la temporalité.
L'amour dans les relations réelles avec les personnes suppose une patience dont je suis admiratif (songez par exemple aux gens qui se dévouent chaque semaine dans des actions caritatives au sein d'associations) et dont je suis personnellement incapable : je suis l'impatience incarnée, encore aujourd'hui malgré mon grand âge, même si j'arrive encore à dompter à peu près cette impatience dans le travail de lecture ou dans l'écriture des ouvrages.
Aussi, si je continue à souligner l'importance de l'amour, le plus dévoué, et le plus honnête possible, dans le travail intellectuel pour éviter que celui-ci ne dérive vers l'imposture (c'est à dire, vers ce que nous servent 90 % des figures de proue du système médiatique), je le ferai toujours avec une infinie prudence et modestie, en soulignant que les habitués de l'écriture de ma sorte doivent rester conscients du fait qu'ils sont, la plupart du temps, beaucoup moins capables d'un amour réel concret, c'est à dire notamment d'un amour patient comme tout amour doit l'être ou devrait l'être, que ne le sont beaucoup de personnes étrangères à l'écriture. Et cela se comprend : le choix de l'écriture résulte souvent de la prise de conscience, dès l'enfance, d'une difficulté à être aussi "aimant" dans le réel qu'on ne l'aurait voulu...
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