Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Frédéric Delorca

Analyses partielles, prédictions désinvoltes

19 Mai 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Deux traits caractérisent notre espèce de nos jours : elle est partielle et partiale dans l'analyse des faits, et présomptueuse dans son appréhension des conséquences des options qu'elle prône.

 

Prenons la guerre de Libye l'an dernier par exemple. Beaucoup de gens parmi ceux qui s'y opposaient étaient partiaux sur l'analyse des défauts et mérites de la dictature de Kadhafi, avec une forte tendance à surévaluer les mérites de celle-ci. Mais même parmi les plus prudents, les moins enclins à soutenir les dictateurs, beaucoup restaient encore très partiels dans l'analyse des pertes civiles occasionnées par les bombardements de l'OTAN. La plupart voulaient croire absolument que ces bombardements faisaient beaucoup de dégâts collatéraux (comme ils en firent dans d'autres guerres) et se croyaient supérieurement intelligent de mépriser les démentis apportés par le autorités miltaires de l'Alliance. Aujourd'hui même les aspects les plus critiques du rapport de l'ONU établi sur le sujet montrent qu'en effet les frappes ont été très chirurgicales. Alors on peut bien sûr mettre en doute l'ONU qui est loin d'être impartiale dans bien des cas, et dire, comme à propos de la Serbie, que le regime change a de toute façon rendu les enquêtes impossibles. Mais en vérité il n'y a pas beaucoup d'arguments au jour d'aujourd'hui pour discréditer le rapport de l'ONU, et il n'est pas du tout impossible, au fond, qu'il y ait eu effectivement un "effet d'apprentissage" chez les militaires occidentaux et chez les politiques, qui fait qu'enfin ceux-ci ont compris que les pertes collatérales desservaient les objectifs politiques fixés, de sorte que les victimes civiles ne devraient peut-être plus du tout être, dans les milieux antiguerre, un argument pertinent de l'analyse politique des relations intenationales.

 

p1000121.jpgIl en va de même sur le volet de l'appréhension des conséquences, ou autrement dit des prédictions. Tout le monde se montre d'une incroyable présomption et légèreté lorsqu'il avance des conséquences des solutions prônées. C'est particulièrement le cas des anti-européistes. Beaucoup depuis des années sont certains que l'argument du retour des guerres est une invention des fédéralistes, et que la xénophobie est un sous-produit dudit fédéralisme, non le résultat possible d'un retour aux souverainetés nationales. C'est vraiment faire preuve de prétention que d'affirmer qu'un effondrement de l'Union européenne n'entraînerait pas un retour des guerres. Dans mon "Programme pour une gauche décomplexée" je prônais à la fois la sortie de l'UE et l'augmentation des dépenses d'armement. Car je me garderai bien de faire le moindre pronostic sur l'esprit pacifique de nos Etats lorqu'ilse se trouveront de nouveau en compétition les uns avec le autres.

 

Cela me fait penser à la Grèce et à la Turquie. J'entendais hier Mme Voynet (sénatrice écologiste) expliquer à la télévision que la Grèce pour rétablir ses comptes devrait amputer ses dépenses militaires. C'est bien mal connaître ce pays et la nature du contentieux qui l'oppose à son voisin oriental dont les navires de guerre patrouillent au large de ses côtes. Les écologistes sont d'une naïveté désarmante dans tous les sens du terme.

 

L'âge venant j'en viens à éprouver beaucoup de compréhension pour les esprits conservateurs qui veulent ne rien changer de peur que les choses aillent de mal en pis. Qui n'a pu prévoir que la foudre frapperait l'avion du président nouvellement élu le jour même de son intronisation, doit nécessairement se garder de tout pronostic sur les conséquences prévisibles des solutions qui prône. C'est la grande leçon de Montaigne. On finit ainsi volontiers dans la peau d'un vieux lord anglais relisant les écrits de Hume. Mais bon je dis tout cela après avoir beaucoup milité, beaucoup écrit pour proposer des solutions nouvelles. J'estime qu'on a le droit de finir par le scepticisme. Mais il faut se garder de trop commencer par cette prudence.

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Commenter cet article

B
<br /> bonjour<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> 1)La concurrence n existe pas déjà entre les pays du nord et les pays du sud de l'UE ???<br /> <br /> <br /> 2) les résultats de la guerre impérialiste en libye ? no comment !<br /> <br /> <br /> 3) des guerres en Europe après l'UE ? <br /> <br /> <br /> a) origine des guerres = la recherche de marchés ; le complexe militaro-industriel;la diversion extérieure<br /> <br /> <br /> b) les guerres sont déjà là : Irak, Afghanistan , soudan, libye, Palestine, Somalie, Congo; en préparation : Iran, Liban, Syrie, Vénézuela, voire Pakistan, Chine , Russie, Corée du nord , etc.<br /> <br /> <br /> Les enjeux des guerres ne sont pas localisés en Europe mais ou Moyen Orient et en Afrique principalement. Bref la menace de conflits en Europe est un épouvantail érigé par le capital fin ancier<br /> international sous domination yankee pour entraver la marche vers la libéralisation de cette domination. La course aux armements , compte tenu de la dissuasion , est contre productive .<br />
Répondre
F
<br /> <br /> Bonjour et merci pour ce commentaire.<br /> <br /> <br /> Petite réponse à vos questions (très humblement)<br /> <br /> <br /> 1) Oui la concurrence existe. Le problème que je soulève concerne une mise en balance entre un mal réel (l'Union européenne que je n'aime pas), et un mal potentiel supérieur (une guerre de tous<br /> contre tous en Europe si l'UE éclate). Je trouve qu'on ne réfléchit jamais assez au second volet qu'on attribue un peu trop facilement à la propagande des européistes. Selon moi il faut<br /> préparer une parade à cela dès maintenant... Mais comment ?<br /> <br /> <br /> 2) Ma remarque sur la Libye porte sur les victimes directes des bombardements. On pourrait difficilement m'accuser d'avoir été un chantre de la guerre en Libye au vu de mes écrits l'an dernier,<br /> mais je suis toujours navré de voir les gens se laisser emporter par l'élan de leurs convictions, car cela finit par discréditer leur position qui est pourtant juste. Et la façon dont on a fait<br /> croire que les bombardements de l'OTAN ont tué 2000 personnes (ce que moi-même j'ai cru en 2011) était pour le moins légère... Cette problématique est à traiter séparément du chaos politique<br /> créé par les milices armées par l'OTAN dont on ignore encore davantage le bilan humain (même si on soupçonne qu'il a dû être très lourd). De mon point de vue il faut oeuvrer à un traitement<br /> rigoureux de toutes ces informations, ce qui est difficile dans le climat d'excès auquel l'hubris de la désinformation des grands médias elle-même conduit<br /> <br /> <br /> 3) je ne comprends pas votre troisième point. Est-ce que dans mon travail sur l'Atlas alternatif depuis 8 ans j'ai minoré une seule fois les guerres provoquées par l'Union européenne dans le<br /> cadre atlantiste hors de notre continent ?<br /> <br /> <br /> Voili voilà :-)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />