Interview de Philippe Soupault, et un mot sur Eisenstein
6 Octobre 2013
, Rédigé par Frédéric Delorca
Publié dans
#1910 à 1935 - Auteurs et personnalités
Dans la série "mieux vaut le contact avec les grands auteurs qu'avec d'obscurs commentateurs", je vous recommande cette interview ci-dessous de Soupault en 1982 sur les surréalistes. Je viens de la découvrir. J'avais aimé ce que Maurice
Nadeau m'avait fait voir de leurs provocations et de leurs combats politiques. Dans le témoignage de Soupault cela sonne plus vrai et plus subtil. Il est difficile de ne pas se laisser convaincre par sa haine de Cocteau et de Dali (que personnellement je détestais déjà pour sa complicité avec Franco, comme je déteste Sollers et Kristeva pour avoir béni nos bombes en 1999). Ses anecdotes sont délicieuses aussi. On notera que selon mon habitude je suis plus sensible à l'enjeu éthique du surréalisme qu'à son esthétique (ce qui ne m'empêche pas d'apprécier des poêmes de Michaux ou des tableaux de Ernst), mais je tiens à maintenir l'éthique, le Bien, au centre de ma philosophie, tout en soutenant qu'il est indissociable du Vrai et du Beau. En vertu de cette échelle de valeurs, je reste très réservé sur ce que Soupault décrit comme le coeur du surréalisme, qui est l'écriture automatique, qui ouvre la porte à des dérives sectaires comme tout pari excessif sur l'inconscient (et le mouvement lui-même ne fut pas exempt de ces dérives), mais le geste de révolte au coeur du surréalisme, dans sa visée poétique autant que politique, doit rester une source d'inspiration pour nous tous.
Je vous renvoie à part cela à ce que j'ai dit sur ce blog à propos de Bunuel (vous pouvez le retrouver dans la rubrique recherche par mot clé). Vendredi soir je suis allé voir "Octobre" d'Einsenstein, film magnifique. Le renversement de la statue d'Alexandre III semble avoir directement inspiré (par télépathie ?) la mise en scène américaine autour de la statue de Saddam Hussein en 2013. Le travail d'Eisenstein sur les détails est fascinant. Le film est un très bon boulot de pédagogie populaire (d'une clarté limpide) en même temps qu'une excellente recherche esthétique. Le sommet de l'art de la propagande, qui, en outre, montre quoi qu'il en soit quelque chose de très vrai sur la justice du combat bolchévique à l'époque (le cheval suspendu au pont de Petrograd dit très bien l'injustice que le bolchévisme devait réparer). D'un bout à l'autre je n'ai pas perdu de vue la phrase de Russell (qui avait rencontré le gouvernement communiste à Moscou) sur l'intolérance des léninistes comparable à celle "des chrétiens après la répression de Dioclétien" Mais "Octobre" fait ressentir la nécessité presque au sens stoïcien de la révolution bolchévique, à l'époque, dans ce pays. J'ai aussi songé à ce que Deleuze disait dans l'abécédaire sur la glaciation du cinéma soviétique après Eisenstein, et enfin on peut penser ce matin au mot de Breton repris par Soupault ci-dessus sur la révolution russe "simple changement de conseil des ministres", mais ça c'est une autre affaire...
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