"L'art pour l'art" de Flaubert
9 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités
Flaubert en 1870, dans sa religion de l'art pour l'art (si hostile aux autre cultes : socialisme, catholicisme) angoissé à l'idée que le support de cette religion - la France, Paris - puisse être balayé par l'invasion prussienne (la hantise que la France devienne un pays bigot affaibli comme l'Espagne, ou "un pays plat et industriel comme la Belgique"). Cette crainte lui arrache même une petite sympathie nostalgique pour la République (dans une lettre Sand, notez qu'il dialogue mieux quand mêm avec la gauche - Sand - qu'avec la droite), quoiqu'il raille la mode du retour à 1792 dont il est témoin (comme de Gaulle dans ses mémoires raillera la "mode révolutionnaire" de 1945-46, une mode qui a bien failli s'emparer à nouveau des médias à un moment de la campagne de Mélenchon cette année).
Je me suis décidé à acheter sa correspondance que jusque là je m'étais contenté de parcourir dans les bibiothèques. En fait je cherchais les souvenirs de G. Sand qu'Amazon tarde à me livrer, mais ils sont introuvable dans la plus grande librairie d'une ville moyenne française.
Une pensée pour les tentatives d'utiisation de Flaubert par Sartre et Bourdieu, celle de Bourdieu notamment trop prise dans une grille de lecture assez "inutile et incertaine" comme aurait dit l'autre...
C'était quoi alors cet "art pour l'art" (auquel Nietzsche aussi adhéra à sa manière) ? Un sorte d'hypersensibilité à toutes les formes d'injustice (Flaubert a toujours le mot "Justice" à la bouche), de facilité, de lâcheté, un refus de la démagogie (notamment d'évolution du monde à l'"américaine", déjà il s'en préoccupait, peut-être sous l'influence de Tocqueville), le choix de Voltaire contre Rousseau, de l'élitisme, dans un esprit de complet désintéressement (Flaubert ne vivait pas de sa plume, et sa vision de l'art est incompatible avec l'utilisation cuistre et superficielle qu'en font les bourgeois. Le tout dans une recherche intransigeante d'une totale exactitude formelle.
Flaubert pensait que la victoire prussienne annonçait le triomphe du positivisme, et donc un déclin inévitable de la civilisation française (quelque part Flaubert qualifie sous Napoléon III la France de première nation du monde, ce à quoi sans doute beaucoup de Français souscrivaient à l'époque). A-t-il eu raison ? Les année 1860 furent-elles le sommet de ce sommet de ce que pouvait réaliser l'art littéraire français ?
Je n'ai sans doute pas la sensibiité assez affutée pour en juger. Un lecteur anonyme a bien voulu en passant par ce blog m'y traiter courageusement de "bourrin" et il y a sans doute du vrai là-dedans.
Dans un précédent billet j'ai dit que le positivisme n'avait été que le poil à gratter de la période suivante. Il n'a pas vaincu, tout comme les Prussiens n'ont pas fait de Paris un "nouveau Varsovie". Il y a encore eu le symbolisme, Mallarmé etc. Mais la mécanique de la modernité industrielle était là, avec son travail incessant, sa manière bien particulière de rythmer le temps et d'asservir par ce biais les sensibilités, c'est indéniable.
Aujourd'hui il n'y a plus "d'art pour l'art" bien sûr. Il n'y a plus chez les critiques que la recherche des "motivations socio-psychologiques", la volonté de se rincer l'oeil ou de compatir dans une débauche de bons sentiments, la recherche de messages politiques, et chez les auteurs l'abdication de tout élitisme, la passivité devant la bêtise et l'injustice, la volonté de plaire à tout prix, de se faire un nom, de ne pas "investir pour rien" etc. Bref rien qui relève d'aucune justesse de regard ni de ton, encore moins de l'élégance stylistique.
En tout cas cet "art pour l'art" avait quelque chose d'éthiquement irréprochable (c'était d'ailleurs son ambition, presque platonicienne) et constitue toujours une sorte de point abstrait de référence pour accéder à une lucidité supérieure, une sorte de point d'Archimède sur lequel on gagne à asseoir son jugement. Par exemple si l'on veut se faire une opinion sur la Commune de Paris. Quand Flaubert y voit un grand retour au Moyen-Age (et dans la bouche d'un Spinoziste post-révolutionnaire comme lui, ce n'était pas un compliment), la remarque interpelle, et donne à réfléchir...
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