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Le blog de Frédéric Delorca

L'hommage de Bertrand Russell à Robert Owen

4 Septembre 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités


Bertrand Russell - Histoire des idées au 19e siècle, Gallimard 1951 (p. 140) - à propos de Robert Owen, qu’il considère comme « le fondateur du socialisme » (p. 134) qui « ne fut pas tout à fait un sage, mais (…) fut un saint » :

robert-owen.jpg« Il n’est guère aisé de porter un jugement exact sur l’œuvre et l’influence d’Owen. Jusqu’en 1815, il se révèle comme un homme essentiellement pratique, réussissant dans tout ce qu’il entreprend, et ne se laissant pas égarer par ses impulsions de réformateur dans des entreprises impossibles. A partir de ce moment, sa vision s’élargit, mais il perd sa sagacité de la pratique quotidienne. Dans ses essais pour transformer le monde, il échoua par impatience, parce qu’il n’accorda pas assez d’attention au point de vue financier, et parce qu’il croyait qu’on pouvait aisément et rapidement convaincre tout le monde de ce qui, pour lui, était une vérité évidente. Son succès à New Lanark (*) l’égara, comme au début il en égara d’autres. Il avait la compréhension des machines et savait se faire aimer ; ces qualités suffisaient à New Lanark, mais as dans ses tentatives ultérieures. Il n’avait pas les qualités qui assurent la réussite d’un chef ou d’un organisateur.

Mais pour ses idées, il mérite d’être placé très haut. Il souligne l’importance de problèmes concernant la production industrielle, problèmes qui furent reconnus importants par la suite, quoique dans la période qui suivit immédiatement celle de son activité, leur importance ait été masquée temporairement par le développement du chemin de fer. Il comprit que la production accrue due aux machines conduirait à une surproduction ou au chômage, à moins qu’on ne pût étendre le marché grâce à une forte augmentation des salaires. Il se rendit compte aussi qu’une augmentation de salaires ne serait pas déterminée par les forces économiques sous un régime de libre concurrence. Il en déduisit qu’il fallait une méthode de production et de distribution plus socialisée si on voulait que l’industrialisme engendrât la prospérité générale. Le XIXe siècle, en trouvant continuellement de nouveaux marchés et de nouveaux pays à exploiter, réussit à échapper à une logique de la surproduction ; mais de nos jours, la vérité de l’analyse d’Owen commence à être évidente.

De son temps, les objections les plus sérieuses à son projet furent le principe de peuplement et la nécessité de la concurrence comme stimulant de l’industrie (…).
russell.jpg
La réponse à l’argument du peuplement  a été donnée par la baisse de la natalité. Un destin ironique a voulu que la classe ouvrière apprît finalement le contrôle des naissances, qui est essentiel au succès du socialisme, alors que les socialistes y ont été pour la plupart hostiles ou indifférents. L’autre argument est devenu moins sérieux à cause de la capacité de production accrue du travail. Lorsque la journée normale de travail était de douze ou quinze heures, sans aucun doute la crainte du renvoi était un stimulant nécessaire. Mais avec les méthodes modernes, et une organisation convenable, très peu d’heures suffiraient, et on pourrait les obtenir par une discipline qu’il ne serait pas difficile d’imposer.»

(*) une usine de 2 000 ouvrier dont il fut le patron.

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