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Le blog de Frédéric Delorca

L'Occident, la Russie et les agitations salafistes

14 Septembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Je regardais ce soir sur Russia Today un débat consacré à l'effervescence islamiste des derniers jours dans le monde arabe. Le contributeur de l'Atlas alternatif Vijay Prashad y était convié, ainsi qu'une analyste londonienne, et un représentant d'un lobby américano-syrien. Je me doutais depuis hier que les Russes trop contents de voir se confirmer dans cet événement les sombres prédictions que leur inspiraient les révolutions arabes en 2011 débattrait en long et en large sur les insurrection salafistes. Je fus en revanche plu surpris de voir que cette télévision n'avait pas plus que les Occidentaux le sens du débat démocratique. Le représentant du lobby américain était sans cesse interrompu et ne pouvait développer aucun argument. C'en était grotesque, du Arte ou du France 24 à l'envers.

 

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L'attentat contre l'ambassade américaine de Benghazi, les troubles en Egypte, au Yémen, sentent l'action coordonnée par les réseaux salafistes. Les plus conspirationnistes (ceux pour qui Al Qaida est un "junior partner" occasionnel de la CIA) diront qu'il y a peut-être une entente entre les réseaux de droite américains qui ont conçu le film à deux centimes produit contre les musulmans et les radicaux islamistes qui a mis le feu aux poudres. La communauté d'intérêt entre les deux mouvances est en tout cas très nette, sur le dos des "tièdes" comme Obama (dont je persiste à regretter que les "anti-impérialistes" continuent de l'identifier à Bush, voire à le trouver "pire que Bush" comme un article du "Grand soir" le dénonce, tout comme ils inventent le mythe d' "Hollandozy" en France). Il ne leur faut pas de "modérés", ni dans le monde musulman ni en Occident. Y arriveront-ils ? En tout cas la nervosité monte dans les médias. Certains, comme en 2001, commencent à avancer qu'on devrait quand même réprimer un peu le régime saoudien (qu'on reste quand même loin de traiter avec la même sévérité de Bachar-el-Assad. Mais bon, tant que nous aurons besoin des Saoudiens pour faire baisser le cours du pétrole, et modérer le régime l'antisionisme montant du gouvernement égyptien (qui joue une carte difficile et intéressante en ce moment) nul doute que nos propagandiste sauront se taire.

 

Ce jeu compliqué entre salafistes, confréries des Frères musulmans (qui ne sont même pas homogènes entre elles), libéraux pro-occidentaux (comme l'actuel président libyen), amis de l'Iran, vestiges du nationalisme laïque (en Syrie, dans une certaine opposition égyptienne, en Tunisie...), minorités religieuses (chrétiennes notamment, avec toutes les nuances qui les traversent), semble avoir une issue des plus indécises. Beaucoup parlent de l'instabilité de l'Europe dont la monnaie unique pourrait bien voler en éclat, de celle des Etats-Unis au bord du gouffre financier, ou de la Russie au gouvernement affaibli depuis la réélection de Poutine. Mais ce n'est rien à côté du Maghreb et du Machreq où l'on sent que des coups dans tous les sens peuvent être tentés par les divers groupes qui s'affrontent dans chacun des pays. Je ne suis pas particulièrement optimiste sur le degré d'intelligence dont nos gouvernements sauront faire preuve dans cette région du monde (surtout sous la pression des va-t-en-guerre qui agitent nos médias), notamment si cela jusqu'à des interventions ouvertes contre la Syrie, contre l'Iran, ou contre tout autre pays qui basculerait dans un anti-américanisme trop virulent, mais je ne suis pas tout à fait convaincu non plus par le pessimisme russe. Beaucoup de valeurs de progrès sont en péril dans ces pays (et sans doute plus que dans les nôtres), mais pas forcément de la manière que l'on croit. La poussée islamiste peut renforcer leur sens de l'indépendance, ce qui est toujours bon pour la conscience civique. Si elle peut nuire à la condition féminine par exemple (et donc aux hommes par contrecoup) rien n'indique que la vision médiévale d'Al Qaida soit vouée à triompher. Des compromis entre laïcité et islamisme sont possibles au delà de la Méditerranée. Par exemple même dans le giron islamiste des formes de féminisme existent, parfois mal comprises par les Occidentaux. Le pire n'est jamais assuré. Et d'ailleurs la France serait bien inspirée de jouer la carte de  l'optimisme et d'encourager là-bas l'émergence de troisièmes voies partout où c'est possible.

 

En revanche il est certain que nous-mêmes devons, en Europe, nous protéger, redoubler de vigilance à l'égard de la mouvance salafiste (avec tous les moyens répressifs et éducatifs nécessaires, y compris à l'égard des bailleurs de fonds "amis" comme le Qatar), aussi bien d'ailleurs qu'à l'égard de tout fondamentalisme chrétien ou laïciste (je ne dis pas "laïque") qui veut, dans l'opinion publique, réduire l'islamisme à la seule vision d'Al Qaida. Nous le ferons d'autant mieux que nous défendrons avec ardeur nos institutions, sans tomber dans le piège de l'identitarisme occidental. Une ligne qui n'est pas facile à tenir, mais qui est la seule viable.

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