La lecture sérieuse
3 Mars 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi
Ce qui m'a toujours séduit chez Boudon, et qui me séduisait à la Sorbonne (Paris IV à l'opposé de Paris I) en philo même si je m'y ennuyais ferme, c'est qu'il défend une culture de la lecture sérieuse des auteurs (contre le "carottage" qu'il prête à Althusser, et que mon censeur de lycée en 1987 prêtait à Foucault, mais il est significatif que j'aie eu mon prix au concours général dans un lycée où le censeur était foucaldien, fermons la parenthèse).
La lecture sérieuse. Rien ne la remplace. Et pourtant tout nous en détourne. Si je veux me sentir utile à mon époque en ce moment, je vais éplucher l'actualité, la commenter, ce qui me vaudra le titre de "spécialiste de la géopolitique" par exemple (qu'un normalien dans un de ses mails m'a accordé bizarrement cet après-midi) et quelques lignes dans le Monde Diplo.
Un autre travail, qui consiste à se lancer dans des auteurs oubliés, ou méprisés, sans savoir ce qu'on y cherche, est beaucoup plus ingrat. Il vous coupe du monde, fait de vous un moine ou un fou. Et pourtant une certaine essence du travail intellectuel se trouve bien là, dans cette lecture non-mondaine, anti-mondaine, qui, dans le totalitarisme actuel du "nous" du "tous ensemble dans le présent actuel", vous conduit sûrement à la mort.
Ce soir j'ouvre un bouquin de Christopher Lasch qui traine dans ma bibliothèque. Je m'attends à y tomber sur considérations à la Michéa sur le système mondialisé. Pas du tout. Je découvre un passage sur la psychanalyse et la honte. Un hasard complet. Il y a un mois je suis tombé en lisant Julius Evola (auteur prohibé dans le monde d'aujourd'hui) un passage sur la honte, qui me fait penser à celui de Sartre dans je ne sais plus quel livre, et celui de Lévinas dans Le Temps et l'Autre. Je tiens là une piste de ce que je pourrais faire : une topologie de la problématique de la honte et de la pudeur chez ces quatre auteurs, les faire dialoguer à quatre autour de ça. J'en tirerais sans doute quelque chose de plus profond que le bricolage que l'historien Jean Claude Bologne effectue autour de ces concepts dans son dernier livre sur les sentiments féminins. Je le ferai peut-être un jour. Mais il est significatif que rien dans le système social actuel ne nous encourage à le faire. Et Boudon a même raison de dire que les enseignants eux-mêmes ne le font plus. Pour tous les grands auteurs ne sont plus que des avatars sur Internet, des sémaphores.
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