Le poids des héritages religieux
21 Février 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi
Lorsque j'aborde l'actualité, les grands sujets de société ou même l'histoire, j'essaie de le faire en des termes aussi peu religieux que possible.
C'est pourquoi notamment j'évite de parler trop souvent de la Palestine qui était un thème anticolonialiste dans les années 70, peut-être pas tout-à-fait "comme les autres" dans les années 1970 mais qui est aujourd'hui porté sur un mode très malsain par des pulsions philosémites ou antisémites directement liés aux héritages du monothéisme. Or il y a tant d'autres sujets d'injustice que la Palestine dans le monde ! J'en parle peu, sans que cela signifie que je m'en désintéresse puisque j'ai toujours milité pour le droit des Palestiniens à avoir un Etat viable (non encerclé par des colonies).
Penser sur un mode a-religieux n'implique pas que l'on méprise les religions ni les croyants, au contraire (car le mépris des religions procède souvent d'un réflexe de fuite lui-même lié à des héritages réligieux mal assumés). Il s'agit juste de penser leurs croyances dans la globalité de tout ce à quoi l'humanité a pu adhérer, y déceler des "schèmes" pour parler comme Kant qui participent de mécanismes de la psyché humaine depuis 200 000 ans. C'est dans cet esprit par exemple que je me suis penché sur la réforme protestante en Europe eu XVIe siècle, ou pourrais me pencher demain sur la réforme politico-religieuse du Bahrein au Xe siècle si quelqu'un me mettait entre les mains un livre intéressant là-dessus.
Mais on ne tient cette ligne a-religieuse qu'en assumant parfaitement ses propres héritages comme ceux du monde où l'on vit. C'est pourquoi par exemple j'ai souvent évoqué mon enfance catholique dans les années 1970.
On ne peut pas nier ce que le passé religieux imprime dans la tournure de pensée. Par exemple je pense que ma très forte sensibilité à l'écoulement du temps et à la mort des univers (intérieurs) que nous portons en nous aussi bien que de ceux (extérieurs) dans lesquels nous baignons s'est sans doute forgée en interaction avec (sinon sous l'influence de) la religion catholique de mon absence. Et je la revendique comme une partie intégrante de mon esthétique existentielle (en employant ces mots, je songe à une phrase d'un commentateur d'Anatole France selon laquelle l'écrivain reprochait aux Américains d'avoir un idéal moral mais pas d'idéal esthétique, j'y reviendrai peut-être un jour).
De ce point de vue-là, je vois bien que mon a-religiosité diffère de celle de beaucoup de gens de notre époque qui, eux, sont complètement absorbés par le "faire", la préoccupation, les agendas, et de ce fait considèrent la contemplation (au sens aristotélicien de la théoria) du temps, comme un élément accessoire de leur vie, qui ne les concerne qu'accidentellement lors de la mort d'amis ou de parents, lors des anniversaires, et dont il faut se débarrasser parce qu'il faut toujours être "résilient". Ceux-là pour qui il faut avant tout "fonctionner", et pour lesquelles les abstractions comme "l'instant" (toujours fugace), l' "absolu" (toujours vague) etc doivent être bannis de la vie, me semblent plus proche de la machine (je ne dis même pas de l'animal) et il est clair que la symbiose avec la machine est l'horizon de notre civilisation (voir Le Breton et Andrieu là dessus), ce qui n'est pas du tout ma tasse de thé.
Je me demande si, de fait, cette évolution de l'a-religiosité vers le purement mécanique ne va pas progressivement me reléguer vers le christianisme plus que je l'eusse voulu, dans la mesure où mes interrogations sur le temps, la paix, le devoir, etc ne seront peut-être bientôt plus intelligibles que par les gens qui auront eu une éducation chrétienne. Si tel était le cas, je le vivrais comme une perte car ma formation (à l'école laïque, elle) m'a enclin à considérer l'espace de l'écriture comme tourné vers l'universalité, y compris quand j'y exprimais les choses les plus intimes. La "République des Lettres" n'a pas de frontière mentale. Mais peut-être finirai-je, moi-même, comme tant d'autres, par être communautarisé, par la force même d'une évolution générale de la société autour de moi dont je ne pourrai plus tout adopter les valeurs. Frédéric Delorca finira-t-il par être publié par les éditions du Cerf comme Christian Arnsperger ?
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