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Le blog de Frédéric Delorca

Le singe de Cléopâtre

2 Mars 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Antiquité - Auteurs et personnalités

En 1991, Bourdieu au collège de France avait illustré la théorie de l'habitus clivé par une anecdote qu'il avait, disait-il, trouvée chez je ne sais plus quel auteur anglais, d'un singe qui se tenait très bien à table comme un parfait gentleman, fumait le cigare et jouait aux cartes, mais sursautait à chaque fois qu'il entandait casser une noir derrière lui, trahissant ainsi sa nature profonde.

Le pauvre plouc abruti que j'étais (et que je suis resté) ne pouvait qu'être touché par cette anecdote, et, dans l'amphithéâtre, se sentir lui-même un peu singe.

Bonobo.jpgEt puis voilà qu'aujourd'hui je tombe sur un opuscule de Lucien de Samosate, un auteur contemporain de Marc-Aurèle. Et de quoi parle-t-il ? Du singe de Cléopâtre, qui avait appris à danser et faire parfaitement la comédie, mais qui s'arrêtait net au milieu de son spectacle quand il voyait des figues au sol, retrouvant ainsi sa nature première.

Notez d'ailleurs que Lucien de Somosate était une illustration de l'habitus clivé, lui qui était né dans une famille de petits commerçants syriens dépourvue d'une fortune suffisante (et du rang) pour lui permettre la carrière d'écrivain et de haut fonctionnaire qui allait être la sienne (il s'en explique très bien dans ses textes).

Plusieurs possibilités : la mémoire de Bourdieu (qui improvisait souvent au Collège de France) avait peut-être été défaillante (les grands maîtres du structuralisme et du poststructuralisme étaient loins d'être infaillibles). Ou alors un auteur anglais a réellement réinventé l'histoire du singe sans indiquer qu'il plagiait Lucien de Samosate. Ce ne serait pas étonnant, quand on sait combien d'auteurs cardinaux de notre culture (Cervantès, Racine et tant d'autres) ont allègrement pillé l'esprit et la lettre des romans gréco-latins de l'époque hellénistique et impériale.

N'empêche que pour ma part je préfère l'original à la copie. Cette légende est touchante, comme cette autre qye rapporte Plutarque d'un homme qui chérissait tant son singe que César, le croisant sur son chemin, lui demanda si dans son pays il n'y avait point d'enfants pour devoir accorder ainsi leur affection aux bêtes. Cette anecdote là, montre que, contrairement à ce qu'affirment nos incultes sociologues, l'affection dans le cadre familial n'est pas une "invention" de la modernité bourgeoise. Et puis elle relie Cléopâtre et César autour d'histoires de primates. Les versions originales valent mieux que les remakes britanniques.

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Apology for the preceding epistle (p. 367)

"The same thing happened to you as to the celebrated Cleopetra's monkey. She had the creature taught to dance, they tell us, and the monkey really attained to such proficiency, that it danced the hymenaeus very featously according to rule and with much propriety and observance of the character it represented. But no sooner the anial descry a few figs or almonds (which a facetious spectator had thrown unperceived upon the stage) but in a twinkling the mask was torn off, and the monkey his innate voracity fell to munching, and farewel to the flutes, the songs and the dances !

http://fr.calameo.com/read/000107044c6c553abb3ae

 

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