Mélenchon et le socialisme de guerre
27 Janvier 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Programme pour une gauche décomplexée
Je vois le blogueur communiste Descartes s'énerver contre Mélenchon, lui reprocher ses approximations (qui ne sont rien à côté de celles du reste de la classe politique !) sur des sujets très importants. Triste époque où les gens ne peuvent que ronchonner dans leur coin de blog et n'ont plus de structures politiques où s'exprimer.
Cela me donnerait presque envie d'actualiser mon "Programme pour une gauche française décomplexée" écrit il y a 5 ans.
On voit bien que le score bas de Mélenchon dans les sondages, et de l'ensemble de la gauche de la gauche européenne même dans les pays en crise n'est pas seulement dû à l'hynose médiatique (quoique celle-ci y contribue). Il y a aussi une faiblesse conceptuelle et une mollesse de la volonté des appareils militants qui, sur le volet intellectuel, ne vont pas au bout de leurs idées, et, sur le versant de la volonté, se limitent à des postures sans chercher à s'unir par delà les capelles et à agir concrètement.
Il est faux de faire croire aux gens que la France pourrait mener une politique de relocalisation industrielle, de taxation des capitaux, de renationalisation sans sortir de l'Europe et d'autres organismes multinationaux comme le FMI, l'OMC, et l'OTAN. Et tout aussi faux de penser que cette sortie du système se ferait sans conflit avec les grandes puissances financières et militaires de ce monde.
On connaît les moyens dont celles-ci disposent pour étouffer les dissidences. Voyez comment elles étranglent la Hongrie en ce moment (le triste gouvernement réactionnaire et fascisant hongrois auquel l'oligarchie occidentale ne pardonne pas d'attaquer les banques). Boycott économique des produits français, diffamation de la France dans les médias, spéculation contre nos valeurs industrielles, tout y passerait.
Que deviendrait alors Mélenchon président de la République ? Un Léon Trotski ou un Salvador Allende.
J'ai entendu Mélenchon dire (dans son discours du trentième anniversaire du 10 mai 1981) qu'en 1982, quand la droite a saisi le Conseil constitutionnel de la question des nationalisations, son courant au sein du PS avait proposé de faire un appel au peuple contre la décision du Conseil des sages mais que Mitterrand ne les avait pas suivis. C'eût été une démarche audacieuse. Le peuple contre le droit. Mais n'est-ce pas là déjà une démarche de type révolutionnaire du style "bolivarien" ou "sandiniste" (avec les comités populaires qui menacent les juges) ? On connaît la suite de l'engrenage : la droite crie alors césarisme, diabolise le gouvernement qui se livre à ce genre de pratique, et les tensions montent dans le pays. Bien sûr Mitterrand n'était pas homme à assumer ce genre de chose, ni Blum en 1936, ni Mélenchon ou aucune figure de proue de la gauche de la gauche aujourd'hui. Les banquiers peuvent dormir sur leurs deux oreilles.
Même la base de la gauche de la gauche ne veut pas de cela. Je lisais à travers un lien du blog de "Descartes" un papier d'un certain Diadore Chronos (qui avait commenté des billets du présent blog il y a quelques années) un article de mauvaise foi contre la Corée du Nord qui reproche au pays de consacrer un cinquième de ses ressources à l'armée. Qu'est-ce que cela signifie donc quand on sait que l'armée nord coréenne compte 1millions de soldats ?
1 million de soldats ça veut dire 5 ou 6 millions de gens (les soldats, leurs parents, leurs enfants), soit un quart de la population qui font partie du système militaire. Il est logique qu'un quart des ressources leurs soient attribués non ? L'armée nord coréenne n'est pas seulement une structure qui entretient quelques centaines de milliers de professionnels et investit son budget dans des armes sophistiquées et couteuses. Comme en Birmanie ou à Cuba l'armée est une partie de la société, voire sa plus grosse partie. C'est le choix politique qui a été fait pour assurer la survie du système face à l'extérieur et sa cohésion interne. Il est absurde de s'indigner qu'une bonne partie du budget de l'Etat lui revienne.
La bataille du socialisme pourrait être gagnée dans un premier temps par la France du fait de sa taille, de ses ressources, de son statut de puissance nucléaire : je veux dire qu'elle pourrait, au terme d'un bras de fer douloureux de quatre ou cinq ans incluant toutes formes de tentatives de déstabilisation, faire respecter aux pays étrangers et aux oligarchies financières sa volonté de collectiviser tout ou partie de l'appareil de production. Resterait ensuite à gagner la seconde phase : c'est-à-dire sauvegarder les droits formels (les droits de l'homme) en dépit de la logique de guerre civile qui aurait commencé à se développer dans la première manche (celle du bras de fer), et entretenir un esprit civique suffisant pour que la motivation au travail, le sens de l'innovation ainsi que l'esprit de solidarité réelle ne faiblissent pas (ce qui a fait défaut à tous les régimes socialistes du XXe siècle).
On sent bien que pour réussir ce pari, c'est une réforme des moeurs, et des mentalités à laquelle il faut parvenir, instaurer ce que j'ai parfois appelé un "nouveau stoïcisme" avec tout ce que ça impose de changement du rapport à autrui, à la consommation etc (voir Arnsperger). Voilà pourquoi je m'intéresse tant aux réformes morales comme le premier judaïsme, l'invention du christianisme, du bouddhisme,les débuts de l'Islam, le protestantisme etc. Ces réformes peuvent avancer à la faveur de grandes transformations politiques, mais elles doivent aussi se développer selon leur propre dynamique sans avoir besoin d'une impulsion "par en haut" pour en assurer la pérennité, car ce sont elles, in fine, qui peuvent sauver le "haut" (le politique) du naufrage.
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