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Le blog de Frédéric Delorca

Particularismes et universalisme

21 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Mon article sur Lady Gaga et Nabe a été repris sur une sorte de liste confidentielle consacrée à cet écrivain. Du coup je crois que cela m'a attiré quelques nouveaux lecteurs dont cette personne qui m'explique que Nabe a toujours refusé d'être un intellectuel.

 

Je pense que  dans son cas comme dans d'autres c'est l'articulation entre intellectuel et universel qui lui pose problème (par delà même les cas risibles de BHL, Finky and co). Une articulation qui a été voulue par la gauche (mue depuis 1789 par un universalisme que certains disent abstrait) mais on voit bien à la fois le risque d'imposture qui soustend l'appropriation de l'universel, et la difficulté permanente de la mise en empathie entre l'universel et les particularismes - par exemple entre un précepte apparemment utile à l'ensemble de notre espèce, et les différentes volitions ponctuelles qui en contredisent le respect.

 

Personnellement, comme je l'ai souvent dit sur ce blog, je me suis réconcilié avec la notion d' "intellectuel" du temps où j'ai connu des Serbes qui en pleine guerre attendaient de Chomsky et de Bourdieu qu'en qualité d'intellectuels justement ils viennent briser le mur du mensonge qui avait conduit au bombardement de leurs villes.

kosovo-copie-1.jpg

J'y ai ressenti comme une façon de revivifier ce concept passablement usé en France par les "nouveaux philosophes" et je pensais comme eux, qu'un intellectuel, indexé l'universel, leur serait plus utile qu'un écrivain rivé à ses particularismes comme Besson par exemple.

 

Mais je sais que ce point de vue est contestable. L'intellectuel et la baudruche parfois ne font qu'un là où l'écrivain particulariste garde le mérite de n'avoir jamais témoigné que de phénomènes partiels, locaux, plus "vrais", que des grandes analyses universelles.

 

Prenez mon dernier livre sur l'Abkhazie, dont j'ai reçu les exemplaires ce matin, c'est un livre tout entier enraciné, par sa méthode narrative, dans les petites vérités locales. Il essaie de s'en extraire par le dialogue (les interiews en deuxième partie) et les lectures (l'analyse géopolitique à la fin) mais le mouvement interne du livre ne laisse jamais de rappeler le particularisme qui préside à sa rédaction (particularisme qui ressurgit dans la conclusion, et dans la formulation du sous-titre "à la découverte").

abkhazie 

A peine mon éditeur avait-il diffusé l'annonce de sa sortie qu'une collaboratrice d'un journal qu'ailleurs j'ai nommé "le Mensuel de gauche" en a demandé un exemplaire en service de presse. J'ai été presque mal à l'aise. Je me demande si elle va s'y retrouver dans le particularisme de la démarche (là où justement les journalistes s'attendent maintenant à des livres d' "intellectuel", même de piètres ou de sous-intellectuels). Je sais combien la commentatrice de l'IHEDN m'a reproché mon subjectivisme dans le livre sur la Transnistrie. Ce nouveau concept que j'essaie d'imposer du livre mi-témoignage mi-analyse (sans verser dans la "romanquête" ou le "docufiction") n'a toujours pas de statut possible dans l'univers médiatique des "experts" tel qu'il s'est construit depuis 50 ans, et n'en aura peut-être jamais. Il vise justement à concilier le meilleurs du particularisme et de l'universalisme, dans un dialogue critique entre les deux, et une tension permanente. C'est un pari difficile à tenir.

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