Philosophie de la vérité et contestation politique
12 Septembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"
Un correspondant me transmettait tantôt un article de Jean Bricmont à propos des listes de dénonciation que rédigent les collégiens "anti-fas", anti-conspirationnistes etc (Jean Bricmont fut autrefois préfacier de l'Atlas alternatif avec lequel j'ai quelques désaccords profonds depuis cinq ans au point que nous n'échangeons plus depuis lors)
Je crois que le fond du problème tient au rapport à la vérité, et à l'historicité de celle-ci.
Il y a plusieurs formes d'historicisme : l'un qui se fonde sur la culture, l'autre sur la nature.
L'historicisme culturel dit "il n'y a de vrai que ce qui s'impose dans un champ social donné" (la fameuse phrase de Hegel "tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel"), ou, du point de vue contestataire "n'est vrai que ce qui est utile au triomphe d'une vérité alternative à celle qui domine aujourd'hui". Cette forme d'historicisme (et de relativisme) contestataire correspond à la position de la plupart des marxistes.
Du point de vue de l'historicisme naturel néo-darwinien, la vérité est la connaissance dont l'humain est capable à un certain stade de son évolution naturelle, en interaction avec l'environnement auquel il est confronté. De mon point de vue, l'être humain se doit, individuellement et collectivement, de porter ce degré de connaissance aussi haut qu'il le peut à chaque génération (tout en sachant qu'il y aura toujours des limites à cet effort, limites largement liées à la configuration du cerveau de primate que nous portons en nous, l'irrégularité de sa persévérance, ses capacités d'auto-illusion etc).
Cela suppose que l'on ne se laisse aller à aucune facilité :
- On ne doit pas notamment dire des choses idiotes avec d'autres idiots (ou soutenir des idiots) simplement parce que cela servirait à accéder à un système social plus juste : parce que cela implique que le futur système social que l'on contribuera ainsi à instaurer sera fondé sur la bêtise et donc sera injuste. Donc il ne faut pas s'allier avec des conspirationnistes, des gens qui font de l'humour grossier qui fait appel aux instincts les moins raffinés de l'individu, des gens qui émettent des informations non vérifiées etc.
- On ne doit pas non plus tirer argument de la bêtise de ses adversaires pour se croire intelligent ou se croire dans le vrai, ce qui est le cas de beaucoup de gens parmi les soi-disant "dissidents" : beaucoup croient qu'ils ont rendu service à la vérité simplement parce qu'ils ont pondu un texte contre un intellectuel médiatique idiot, ou parce qu'ils auront avancé une idée ou un fait qui réfutent un slogan idiot que les médias diffusent. Ce faisant on choisit la facilité. A chaque fois que l'on conteste les mensonges dominants, il faut le faire avec un souci aigu de sa propre éthique (notamment de sa propre indépendance d'esprit), un sens de la nuance, un sens de la cohérence aussi (par exemple ceux qui critiquent l'utilisation de l'incarcération des Pussy Riots doivent aussi être assez honnêtes avec eux mêmes pour réfléchir à tous les aspects de ce qu'ils pensent de l'érotisme dans la société, de ce qu'ils pensent de l'ingérence - ce que ne fait pas Jean Bricmont par exemple car il n'aborde pas beaucoup de problèmes de l'ingérence informelle que créent les rapports entre les peuples au quotidien, par les canaux médiatiques notamment, sa critique de l'ingérence reste au niveau de principes abstraits sur des segments factuels extrêmement partiels). Voilà pourquoi d'ailleurs il faudrait passer moins de temps à critiquer les erreurs ou les mensonges de ses aversaires qu'à réfléchir aux vérités que soi-même on veut proposer au monde et à leur mise en cohérence.
Malheureusement la critique du système médiatique (et du système politico-économique que les médias défendent) n'a cessé de perdre en qualité depuis quinze ans, à cause d'Internet notamment. Elle ne satisfait plus aux critères de probité et de vérité que j'énonçais plus haut, et c'est pourquoi je suis de plus en plus en retrait par rapport à ces formes actuelles de contestation.
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