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Le blog de Frédéric Delorca

Systèmes politiques

7 Septembre 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

L'historien Marc Ferro, pour qui j'ai une estime immense, racontait hier sur France Inter comment il avait eu des problèmes avec l'URSS de Brejnev dans les années 70 pour avoir exhumé dans un de ses films des propos de Lénine qui regrettaient explicitement que l'Union soviétique soit dirigée par un parti unique, et que la bureaucratie tsariste ait repris le pouvoir sous les couleurs artificielles du communisme. Il y avait aussi un texte dans lequel Lénine précisait que l'URSS n'était pas un modèle, mais juste un exemple de pays qui s'était affranchi du capitalisme - de cette modestie Staline aurait dû s'inspirer. Dommage que les sources n'aient pas été précisées au delà.

 

Il est toujours émouvant de saisir une doctrine politique à l'instant où une doctrine politique atteint l'apogée de son efficience, et de son potentiel, et se présente déjà au seuil de ses contradictions, de son déclin, au seuil du temps où elle devra se dévoyer pour survivre. Ce fut le cas du communisme soviétique dans les derniers mois de la vie de Lénine. Le cas aussi du socialisme internationaliste dans les années 1910-1911.

 

platon.jpg

On devrait aussi étudier ce moment-là dans le nazisme (mais qui est capable d'étudier sereinement le nazisme de nos jours ?) ou dans le système politique américain à l'époque des Pères fondateurs. Il y a toujours un moment où la doctrine vacille, où elle ne tient plus la route, où elle ne peut rester sur la scène politique sans se renier plus ou moins, sans bricolages.

 

Au fait, j'ai appris récemment que les Pythagoriciens ont pris le pouvoir en Grande Grèce (le Sud de l'Italie, qui était le Far West des Grecs et le lieu de toutes les expérimentations) au Vème siècle av. JC. Si vous avez des éléments historiques sur cette expérience, je suis preneur. Les républiques religieuses (monastiques, philosophiques), m'intriguent beaucoup. Les royaumes aussi. Les régimes d'Akhénaton et d'Asoka, la république jésuite du Paraguay, le régime chiite communiste du Bahrein au Moyen-Age, les républiques de Cromwell et de Calvin, celle de Savonarole. Quand tout un pays devient un monastère ou le champ d'expérimentation d'une secte, un laboratoire.

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N
<br /> <br /> Sur l'Anatolie hellénistique, je vous conseille (si vous ne l'avez lu) l'excellent ouvrage de Maurice Sartre (Armand Colin, collection U). L'ouvrage ne traite que de la période s'étendant de la<br /> conquête d'Alexandre à la conquête romaine, mais s'intéresse aux cultures indigènes et à la façon dont elles se perpétuent malgré l'hellénisation (ou plutôt en harmonie avec). Il y a des cartes,<br /> le style est alerte, c'est synthétique et ça se lit bien. J'ajoute qu'il y a une bibliographie par secteur géographique: vous trouverez les réferences d'ouvrages ou d'articles sur, justement, la<br /> Carie, la Lydie, la Lycie... Si le coeur vous en dit.<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Chez les Grecs, c'est vrai. Mais je vous avoue que la cité classique et ses débats n'est pas ce qui m'intéresse le plus. Je préfère les peuples grecs des marges, Etoliens, Epirotes, Acarnaniens.<br /> Pas de grands philosophes, mais politiquement intéressants (et pas sans analogie avec les Lucaniens) et militairement efficaces. Quant aux peuples d'Italie, Samnites, Lucaniens ou même Romains<br /> des premiers temps, la philosophie ne les intéressait guère. Il est vrai aussi que mes goûts me portent plutôt vers l'histoire militaire. Je l'avoue: je lis volontiers Thucydide et Polybe plutôt<br /> que Platon ou Aristote...<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> C'est parfaitement légitime - et "nietzschéen" dans un certain sens (le fait de privilégier les actes plutôt que les idées). Etant moi-même issu "des marges" (comme vous dites) je me réjouis en<br /> tout cas d'apprendre que l'on peut savoir autant de choses sur la périphérie du monde grec (il fut un temps lointain dans ma jeunesse où je me posais des tas de questions sans réponses sur les<br /> Cariens, le Lydiens, tous ces peuples d'Anatolie qui étaient l'autre périphérie du monde grec, ou sur le Royaume du Bosphore, ces mondes semi-helléniques dont on semblait voué à ne pouvoir rien<br /> savoir...) , et je suis déjà bien content de ce que j'ai pu en apprendre à travers vos connaissances.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> <br /> Ma foi, je ne sais trop qu'en penser. Denys me paraît avoir eu un plus d'humour que Joseph, et le recours à la terreur me paraît plus ponctuel chez le Syracusain que chez le Géorgien (pour qui la<br /> terreur devint un mode "normal" de gouvernement). Oui, Denys attira les philosophes, mais comme pour beaucoup de tyrans grecs, je le soupçonne d'avoir été un génial opportuniste, là où Staline a<br /> toujours conservé un fond de rigueur dogmatique, formation bolchévique oblige. Voilà mon humble avis. Quant au philosophe que vous citez, je déclare mon incompétence: autant l'histoire politique<br /> et militaire du monde gréco-romain m'est familière, autant l'histoire des idées m'est étrangère.<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Dommage... Les idées ne sont à maints égards que la continuation de la politique et de la guerre par d'autres moyens...<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> <br /> Ah! Denys... Ou plutôt les Denys, père et fils (ce dernier bien gratiné aussi). De manière générale, les tyrans de Syracuse sont hauts en couleur, de Denys à Agathocle. De là à en faire un<br /> Staline... Je crois que ce type de comparaison n'a pas grand sens. Denys était un homme de son temps, cruel sans doute, mais pas plus que les autres tyrans Polycrate de Samos ou Cypsélos de<br /> Corinthe, pas plus que le roi de Perse. Ces hommes durs ont bien souvent succédé à l'anarchie, et ils étaient confrontés à la menace carthaginoise. Les mesures de terreur de Denys seraient plutôt<br /> à mettre en relation avec la Terreur par excellence, celle du comité de Salut Public de l'an II: une cité divisée, une pressante menace extérieure... Que faire pour sauver la communauté? Faire<br /> tomber des têtes, celles des traîtres réels et supposés. C'est finalement une vieille question. Qu'en pensez-vous?<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Je ne sais ce qu'en pensent nos lecteurs, mais dans mon esprit la comparaison avec Staline n'est pas si désobligeante que cela. Car j'ai sur ce dictateur soviétique un jugement assez nuancé.<br /> Il ne faut pas oublier que le peuple qu'il devait gouverner était autrement moins avancé que celui dont a convention eut la charge. Il me semble que Staline et Denys eurent en commun le même<br /> défaut : celui de la paranoïa (je songe aux nombreuses anecdotes qu'on prête à Denys, pas seulement l'épée de Damoklès), une paranoïa qui ne produit pas les mêmes effets dans une cité antique que<br /> dans un grand Etat bureaucratique moderne, mais dont le principe est comparable. Je pense que l'un et l'autre avaient aussi une qualité commune : leur détermination à faire progresser le peuple.<br /> Denys en s'entourant de philosophes, Staline en se réclamant du marxisme (qui à l'époque était après tout une idéologie plutôt progressiste). J'ai déjà dit dans ce blog le bien que je<br /> pensais d'Aristippe de Cirène sur lequel un livre un eu maladroit est sorti récemment en vue de le réhabiliter. Ce n'était pas précisément le genre de d'homme qui pouvait faire progresser<br /> politiquement la dictature de Syracuse, mais au moins il garda une forme de probité sur la nature des rapports de pouvoir que les autres philosophes ont un peu perdue de vue, vous ne croyez pas ?<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> J’ai consulté le petit livre Magna Grecia. Les<br /> colonies grecques dans l’Italie antique (Découvertes Gallimard) de Pier Giovanni Guzzo, un des spécialistes italiens de la Grèce antique en général, de la Grande Grèce en<br /> particulier.<br /> <br /> <br /> De Pythagore, on apprend d’abord qu’il aide au<br /> redressement de Crotone vers 530, après que la cité ait été sévèrement battue par sa voisine Locres. Les écoles pythagoriciennes fleurissent alors un peu partout en Grande-Grèce. Mais Pythagore<br /> est partisan d’un système très aristocratique, voire oligarchique. Vers 510, à Sybaris, la révolte gronde contre les pythagoriciens : Telys, un tyran s’appuyant sur le peuple, chasse les<br /> aristocrates. La guerre éclate entre Sybaris et Crotone. Cette dernière l’emporte, détruit Sybaris et massacre sa population. Donc Pythagore et ses disciples n’ont pas apporté la paix ni empêché<br /> les tensions sociales de s’exacerber à l’intérieur des cités. D’ailleurs Pythagore lui-même est chassé de Crotone et meurt à Métaponte. Au cours du V° siècle, des rébellions éclatent à Crotone<br /> même, le bâtiment des Pythagoriciens est incendié et un tyran « démocrate », Kleinias, prend le pouvoir. Par conséquent, on peut dire que les Pythagoriciens n’ont réellement gouverné<br /> que Crotone, et non sans résistance. Ailleurs, je suppose qu’on trouvait des cercles pythagoriciens, certes influents, mais pas omnipotents. Archytas de Tarente, au IV° siècle, est pythagoricien,<br /> mais est élu stratège par le peuple : il n’applique donc pas (ou imparfaitement) les préceptes politiques du maître. Surtout, l’expansionnisme de Crotone après la destruction de Sybaris ne<br /> pouvait que lui susciter des ennemis. Les Grecs aimaient trop se chamailler…<br /> <br /> <br /> Oui, je pense que Brunaux s’est un peu avancé sur le<br /> sujet.<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Bonjour, merci pour ces précisions. La seule chance que Brunaux ait raison serait peut-être qu'il s'appuie sur des éléments découverts très récemment (après la publication du livre de Guzzo...).<br /> En tout cas je trouve cette histoire fort intéressante. Cette espèce de "parti philosophique", qui joue la carte de l'aristocratie dans les cités du Sud de l'Italie - les philosophes ont toujours<br /> été du côté des artistocrates dans l'Antiquité, de Platon au stoïciens, à part quelques matérialistes diabolisés comme Démocrite, je crois. Ca donne une idée de ce que Syracuse serait devenue si<br /> Denys avait écouté Platon... Reste à savoir si pour le petit peuple les tyrannie valaient mieux que les aristocraties sur le long terme. Le fait que les aristocrates aient été souvent chassés par<br /> le peuple au profit des tyrans donne quand même un indice... J'ai toujours eu l'impression de Denys de Syracuse était une sorte de Staline. J'ignore si la comparaison fut explorée par quelque<br /> auteur.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> <br /> Il est peut-être excessif de dire que "les pythagoriciens ont pris le pouvoir en Grande-Grèce". Il est certain qu'ils ont eu une influence surtout à Crotone. Au IV° siècle à Tarente, Archytas se<br /> réclame aussi de Pythagore, et même les chefs samnites (alors en guerre contre Rome pour la suprématie en Italie centrale) du fin fond de leurs Apennins se piquent de philosophie! Mais, autant<br /> que je sache, l'influence pythagoricienne ne doit pas être surévaluée. Hormis à Crotone, elle n'a pas dû dépasser quelques cercles volontiers aristocratiques. D'autant qu'Athènes fondent Thourioi<br /> au V° siècle qui s'inspire plutôt de ses principes démocratiques et ne s'accorde pas trop avec la doctrine de Pythagore. Mais étant plutôt spécialiste des peuplades autochtones que des cités<br /> d'Italie du Sud, je ne veux pas m'avancer.  La Grande-Grèce, Far West peut-être, mais ici les indigènes ont bien failli l'emporter...<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Merci pour ce commentaire il est bon de savoir que l'on compte un fin connaisseur de l'Antiquité italienne parmi ses lecteurs, c'est de plus en plus rare de nos jours. Voici ma source :<br /> Jean-Louis Brunaux chercheur au CNRS et archéologue dans son dialogue imaginaire avec Poseidonios d'Apamée ("Voyage en Gaule", Seuil, 2011) écrit, après avoir comparé les druides aux<br /> pythagoriciens (p. 188) : "Cette comparaison saute aux yeux, en quelque sorte. Pourtant elle n'est pas fondée jusqu'au bout puisque, précisément, Pythagore et ses premiers disciples se sont<br /> emparés du pouvoir en Grande Grèce". Puis un peu plus loin : "En Grande Grèce, avant que les pythagoricies ne se décident à prendre le pouvoir, les cités coloniales étaient en guerre les<br /> unes contre les autres (...). Pythagore et ses disciples ont donc pu être, malgré eux, poussés à une action qu'en d'autres temps (...) ils n'auraient peut-être jamais envisagée"... Un abus<br /> de langage de ce chercheur ?<br /> <br /> <br /> <br />