Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Frédéric Delorca

Articles récents

Où l'on reparle encore du sel...

4 Mai 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

M'étant fort vaillamment battu aujourd'hui pour assumer mes devoirs paternels auprès de mon fils, assister l'accouchement du site Courrier du Maghreb, rédiger en urgence pour Esprit corsaire - et à leur demande - un article sur l'Ukraine qui me permet aussi d'honorer comme il se doit ce malheureux et vaillant pays -, je m'offre un peu de poésie en lisant Cocteau.

 

Il y a quelques jours je recevais "La difficulté d'être", livre de cet auteur que j'avais commandé sur Amazon. Le lendemain, alors que nous sommes à dix mille lieues de ce sujet, ma camarade Amira me parle spontanément d'un daim blessé dans "La belle et la bête"... de Cocteau... Et elle me recommande de me frotter les mains avec du gros sel de cuisine et de répandre ce sel le long des plaintes des cloisons des maisons pour en chasser les énergies négatives...

 

Voilà bien une raison supplémentaire de prendre très au sérieux mon billet sur la statue de sel du 27 février dernier...


100 0315

Ce soir, fourbu au terme d'une journée si active, juste avant de me coucher, j'ouvre au hasard "La difficulté d'être"... et tombe sur un chapitre consacré à la mémoire des lieux et aux maisons hantées. Evidemment... Comme d'habitude tout se tient. "On n'échappe pas les uns aux autres", ainsi que le dit Marie dans le film de Godard...

Lire la suite

Egypte – Quand les militaires sifflent la fin de la récréation…

4 Mai 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Actualité de mes publications

Mon premier article pour "Courrier du Maghreb et de l'Orient" :

 

"Après sa première élection présidentielle démocratique, en mai 2012, qui avait porté à la tête du pays Mohamed Morsi, issu des rangs des Frères musulmans (avec une courte avance en voix il est vrai, mais sans que le scrutin ne donne lieu à une sérieuse contestation), l’Égypte a brutalement refermé cette parenthèse par une sorte de « contre-printemps arabe », le 30 juin 2013, quand quatre à trente millions de manifestants sont descendus dans les rues, à l’appel de la plateforme pluraliste Tamarod (« Rébellion ») pour exiger des élections anticipées.
morsi.jpg
La devanture politique de la Confrérie des Frères musulmans, le Parti de la Liberté et de la Justice, payait ainsi une année d’errements..."

 

La suite de cet article se trouve sur le site "Courrier du Maghreb et de l'Orient" ici qui vient d'être inauguré ce dimanche 4 mai 2014.

 


Lire la suite

Hommage à Apollon Phoebus

4 Mai 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Avec le "True faith" que j'écoutais dans le train hier, hommage à Apollon Phoebus, dieu du Divin Auguste (dont la mère selon la tradition s'accoupla avec Apollon et eut la marque du Python sur elle au sortir du coït), et à Gaston Phoebus, autre figure apollinienne, qui fonda le donjon du château de Pau, et dont la statue, à l'entrée de ce chateau, complète les armoiries de la très lunaire Marguerite de Navarre.

 

Comme à Massalia (allez, une petite pensée pour sa forêt sacrée rasée par Jules César), nous sommes sous la double protection du Soleil et de la Lune croissante (actuellement, celle-ci est dans l'angle de Jupiter, le dieu de Caton d'Utique - voyez la Pharsalia ci-dessous).

 

Au fait, saviez-vous que "fuis moi" est la phrase d'Atalante à Hippomène quand celui-ci promet d'entrer en compétition avec sa course ailée ? Je lisais cela dans Ovide cette nuit (comme toujours le hasard guide mes lectures), sous Artémis croissante. Atalante à la couche ensanglantée, Atalante et les pommes de Vénus (il faut qu'il y en ait trois). Atalante et Hippomène qui finissent dans l'attelage de Cybèle à force d'impiété. Dans cette affaire aussi il y a une forêt sacrée, et un sanctuaire dans une grotte. Sainte Baume tu es si belle.

  ste baume

Bizarre quand même que l'histoire d'Atalante soit, dans les Métamorphoses, insérée dans cette d'Adonis (liée à celle de Perséphone), comme une mise en abîme.

 

 

Lire la suite

Déclin d'un écrivain

30 Avril 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

J'ai trouvé assez drôle cet article sur Annie Ernaux dans Paris-Match (que je lis toujours attentivement chez mon coiffeur). Cela rejoint un peu mes impressions sur son livre "Les Années" que j'avais commenté en 2010 sur Parutions.com (et encore j'avais tenté de rester gentil car Mme Ernaux m'avait soutenu - dans des courriers privés - il y a douze ans sur la Yougoslavie). C'est daté du 20 avril dernier.

 

" Hyper Rasoir

Annie Ernaux se transforme en sociologue de grande surface dans un essai... au rabais.
ernaux.jpg
Annie Ernaux se transforme en sociologue de grande surface dans un essai... au rabais. Annie Ernaux est entrée pour la première fois dans un hypermarché en 1968. C’était à Annecy, chez Carrefour, où elle a rempli un chariot entier par crainte de la pénurie. Très petit bourgeois, comme attitude. Daniel Cohn-Bendit en aurait fait des gorges chaudes. Mais faites confiance à la romancière : même si elle s’en rendait compte, elle l’écrirait. Dans ses textes, Annie Ernaux manifeste une allergie violente à l’égard de toute forme d’humour, mais cultive avec autant d’intransigeance son souci de la vérité. Son truc, c’est l’autofiction sociale. Lire son dernier livre, par exemple, c’est comme feuilleter de la documentation. Sujet : les hypermarchés. En particulier, celui de Cergy, géré par Auchan. Elle ne nous épargne aucune description. Balzac était déjà long dans la pension Vauquer du « Père Goriot » mais, au moins, on ne connaissait pas les lieux.

Là, c’est carrément bizarre. On entre dans le détail pour montrer ce que tout le monde a vu cent fois : « Le niveau 1, non alimentaire, a la forme d’un rectangle profond. Un Escalator le relie au niveau 2, d’une surface double, divisé en deux espaces communicants, mais décrochés à angle droit l’un par rapport à l’autre, ce qui, en réduisant l’horizon infini des marchandises, atténue l’impression de grandeur »... C’est beau comme du « nouveau roman », mais soyons indulgents pour le style : c’est de l’écriture « grande surface ». Cela ne va pas chercher loin, mais ça n’y prétend pas. Même si ce sont les trois heures les plus longues de la semaine, la lecture de ce petit essai ne prend pas plus. Dans le genre plongée en France, Florence Aubenas est mieux inspirée : elle rencontre des gens, raconte des histoires, soigne son écriture. Annie Ernaux, elle, nous apprend ce qu’on sait déjà tous.
Va-t-elle écrire « femme noire » ? Ou « africaine » ? Ou « femme », tout court ?

Page 12, elle écrit : « Les femmes et les hommes politiques, les journalistes, les “experts”, tous ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans un hypermarché ne connaissent pas la réalité sociale de la France. » Croit-elle vraiment qu’il y en a ? On dirait plutôt que c’est elle qui découvre les lieux : chez Auchan, en grande banlieue, elle cherche la Quinzaine littéraire qu’on ne trouve même pas à Saint-Germain-des-Prés ! Finalement, si on n’apprend rien sur ces hypermarchés qui assassinent les petits artisans et étranglent les agriculteurs en serrant les prix comme l’étrangleur ottoman, on voit, en revanche, à merveille comment (dys)fonctionne une intellectuelle parisienne. Page 21, devant elle, une acheteuse noire lui pose un problème de conscience. Va-t-elle écrire « femme noire » ? Ou « africaine » ? Ou « femme », tout court ? Après une page d’hésitation, elle choisit l’audace : ce sera « une femme noire » !

Un peu plus tard, en revanche, elle n’ose pas photographier un joli petit garçon dans une allée par crainte de céder à un besoin de « pittoresque colonial » ! Tombée sur un immense rayonnage illuminé de poupées Barbie, elle frémit de rage et songe, émue, au beau saccage que pourraient s’autoriser les Femen. Plus loin, ce sont les Mulliez, propriétaires d’Auchan, qui lui inspirent des sentiments réservés. Dès que quelque chose la heurte, elle l’attribue à l’action d’une volonté malfaisante. Autant que des explications, elle cherche des adversaires. Quand, face aux ordres crachés par la voix synthétique des caisses automatiques, elle observe qu’à présent les machines ont l’air intelligentes et les hommes désorientés, c’est à elle qu’on pense.

 

Gilles Martin-Chauffier

 

« Regarde les lumières mon amour », d’Annie Ernaux, éd. Seuil, 72 pages, 5,90 euros" http://www.parismatch.com/Chroniques/LIVRESQUE/Hyper-rasoir-560588

 

------

Annie Ernaux, Les années

Le livre du « je », du « nous », et du « on » qui s’abîme en mer

 

La quatrième de couverture du nouveau livre d’Annie Ernaux annonce, pour parler vite, « une forme nouvelle d’autobiographie impersonnelle et collective ». L’oxymore peut séduire, mais le contenu de l’ouvrage est à vrai dire plus complexe. Ce livre en réalité en recèle peut-être deux ou trois.


Il y a d’abord le livre des temps anciens. Celui où le verbe littéraire porte les sensations du début d’une vie. Dans cette partie-là, les années 40-50, Annie Ernaux parle des vieux de Lillebonne – et de la petite fille qu’elle était – comme Brel chantait les marins d’Amsterdam, avec un mélange confondant de distance et d’empathie. Ces vieux qui sont aussi les nôtres, ceux de tous les Français – nos parents, nos aïeux, les voisins de nos aïeux - par delà la diversité des régions, peut-être aussi de tous les Européens, voire de toute l’humanité, en un sens, tout en étant avant tout ceux de son coin normand, ils sont en elle, ils sont hors d’elle, ils sont d’hier, d’aujourd’hui par la magie d’une évocation nostalgique, de jamais. A travers ce récit, le réel retrouve ses droits. Il n’est plus question de s’abriter derrière des mots faciles et faux – « le monde rural », « la modernisation », « la scolarisation », « le féminisme », « l’ascension sociale » - mais d’aller aux choses mêmes : les femmes qui serrent entre leurs cuisses les moulins à café et les poules qu’on égorge, les slogans publicitaires, les paroles des chansons qui ne vous quittent jamais. Les choses parlent d’elles-mêmes, pour peu que l’écrivain sache s’ouvrir à elles. Elles disent le temps qui a passé, le monde qui n’est plus, et qui, du fait même de sa disparition, devient singulier, insolite. Ce monde que l’on regarde, ce monde qui nous regarde, qui accuse notre propre bizarrerie, celle de ses successeurs – notre étrangeté à nous tous, rescapés de l’anéantissement, sursitaires, quelques secondes encore.

 

Et tout cela est pénible, et tout cela est atroce, et pourtant cela ne fait qu’être. Ce n’est que de l’être, rien de plus. Voilà ce que nous laisse entendre l’égrenage triste et amusé des mille détails sensoriels qui fondent le drame. Tout le drame est dans les détails, la tragédie même, sans doute, et cependant le drame n’est que collection de détails, détail lui-même, futile, comme une bulle de savon.

 

Ces pages sont les plus belles, les plus profondes, les plus saturées de chair.

 

Mais Ninise ne fait pas que nous montrer les nappes en toile cirée de l’enfance, et les vacances à Sotteville-sur-Mer : elle récite aussi Tito, Prague, Allende, le Programme commun de la Gauche, comme une chanson de Billy Joël. Il y a encore de la vie dans cette partie-là du livre – qui est peut-être un second livre -, et de la substance dans ce « je-nous » qui parle : la voix d’une jeunesse, et d’une gauche, celle d’avant les désillusions. Les lecteurs sexagénaires du Nouvel Obs y trouveront leur compte dans le registre de la « communion générationnelle », à l’heure des commémorations, et verseront une larme. Mais déjà on sent poindre, confusément, quelque chose de factice dans l’ambition de dire le verbe d’une classe d’âge – un début de désincarnation.

 

Le déclin du livre commence avec les années « parentales », après l’élection de Mitterrand (que Ninise, dans un lapsus révélateur, situe, p. 159, au 8 mai 81  - fête de l’armistice de 45 - au lieu du 10 mai – comment peut-on avoir oublié cela ?) quand l’auteur se met à ne plus parler et penser que comme la TV. Elle devient alors la ventriloque d’une « deuxième gauche » perdue dans un monde qu’elle ne comprend plus, où elle ne s’engage plus, où elle est seulement saisie de vertige. Et c’est déjà une forme terrible de vieillesse qui leste ses mots, une vieillesse que l’on reconnaît à son incapacité à se dégager d’un flux de vocables qui n’appartiennent plus à l’écrivain et que personne au monde ne peut plus vraiment s’approprier : des mots fades, glissants, des mots qui dictent des tournures de l’esprit, des lieux communs faussement distingués (par exemple l’association du 11 septembre 2001 au 11 septembre 1973) qu’elle prononce avec une sorte de fatigue - des mots qui engluent la sensibilité : « Les Années » sont tombées dans la marée noire de « l’ère de la communication ». Incommunicado.

 

On peut convoquer les autres livres d’Annie Ernaux, La Place, Passion simple etc, faire des comparaisons, des bilans, des analyses savantes. Mais prenons celui-ci dans sa singularité et pour ce qu’il est. Que nous montre-t-il au fond ? L’aventure d’une entreprise autobiographique originale qui s’achève dans un genre inattendu : les « fragments d’un discours médiatique ». Ni personnelle, ni impersonnelle. Une trajectoire curieuse entre le « nous » émouvant, existentiel, et poignant des ombres vivantes de l’enfance et le « on » actuel, déjà mort, de la machinerie médiatique et sa logomachie absurde.

 

Que l’auteur ait pris ce parti fait, à maints égards, froid dans le dos. D’abord et avant tout parce que cela semble signifier qu’elle admet de jure que le discours de la TV puisse, au moins à partir des années 1970-80, dire une époque, témoigner pour elle, et qu’il faut bien se fondre en lui. Si l’auteur a raison, alors nous ne sommes plus qu’un troupeau, et la littérature n’a tout simplement plus de raison d’être, puisque la véritable littérature, la véritable voix d’une époque, devient le Journal télévisé (celui de Canal +, un peu plus à gauche que ce lui de TF1). A moins que l’écrivain ne se lance dans une humiliante compétition, une course à la légitimité avec le JT ? Et que dire de ce choix littéraire de s’asseoir dans le mainstream (le mainstream  de la « gauche de gouvernement »), de s’installer en lui, d’en porter le verbiage ?

 

Au fond ce livre ne serait-il pas un immense cri de détresse - celui d’une littérature dépassée par les transmissions satellitaires ? Un SOS dans une bouteille échouée sur un rivage  de non-sens ?

 

Heureusement in fine, dans les toutes dernières pages, Annie Ernaux revient à des images personnelles. Elle se soustrait au vertige de ce « on-nous » désespérant, retrouve des « je-nous » de son passé, nous redonne un ultime espoir que l’histoire des « années » ne soit pas qu’affaire de sensations préfabriquées au niveau planétaire. Il était temps…

 

 

Frédéric Delorca

 

 

Lire la suite

Le grand "oui"

27 Avril 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

lune.jpgTout ce qui m'est arrivé depuis six mois, et peut-être même depuis un an, est parfait. Il n'est pas un seul événement, même minime (même un micro-événement), qui me paraisse illégitime. Tout s'est passé comme cela devait se passer, tout me semble très cohérent, justifié. Il n'est pas une seule chose dans tout ce qui a été dirigé vers moi, jusqu'au moindre petit bout de mail que j'ai reçu en ce mois d'avril (en intégrant aussi les non-dits qu'il y a, entre les lignes de ces petits bouts de mails, lesquels parfois signifient le contraire de ce que les mots explicites expriment) dont je ne puisse dire : "oui, cela est juste, cela me convient".

 

Bien sûr, quand je dis cela, je ne parle pas des milliers de morts du Soudan du Sud sur lesquels j'ai écrit un billet hier pour le blog de l'Atlas alternatif, ni des assiégés de Slaviansk en Ukraine, des licenciements à deux pas de chez nous, des maladies, des souffrances des gens. Je parle uniquement de ce qui a été dirigé vers moi, et je dis : oui, cela a sa logique, cela m'a fait évoluer dans le bon sens, cela me convient parfaitement. Je n'éprouve pas l'ombre d'un ressentiment.

Lire la suite

Paul Morand et Alberto Moravia

26 Avril 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

P1010968Dans "Hécate et ses chiens" (1954), de Paul Morand, je retrouve un thème favori des romans de Moravia : cet étrange grain de sable, qui se glisse dans le parfait amour des couples mariés ou adultérins, et qui transforme aussi insensiblement que mystérieusement leur paradis en enfer. Moravia découpe ses phrases au scalpel, avec un esprit tout analytique, dépouillé, positiviste ; Morand, en vieux réac vichyssois précieux, avec un luxe de mots rares et de métaphores inattendues.

 

Lequel des deux rend l'énigme plus angoissante ? On ne saurait le dire. Les deux en tout cas s'épargnent une facilité : celle d'aller tout de suite chercher une explication transcendante, dans les esprits ou dans le karma. "Contrainte professionnelle" de l'écrivain qui, à la différence du prêtre, doit produire des mots à tout prix, et donc rester dans les effets verbaux ? Je ne sais. En tout cas chez l'un comme chez l'autre le mystère reste nu de toute élucidation possible. Plus sombre donc qu'une nuit sans lune.

 

"J'ignorais que les draps d'un lit sont une cage de fer où l'un des insectes combattants doit dévorer l'autre, une guérilla sans pardon ni quartier, où chaque heure change les faces du combat, bref que rien n'est moins naturel que l'acte fondamental de la nature, car la réalité y débouche sur le rêve et le sexe dans le cerveau, son maître. Je ne connaissais encore que la face de l'amour ; j'allais en voir la croix". Ca a un petit côté "L"Empire des sens", je trouve.

 

Le livre se termine un peu comme le film "Gueule d'Amour", je trouve.

 

 

 

Lire la suite

"La Pharsale", la "retirada" des pompéiens

21 Avril 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Antiquité - Auteurs et personnalités

spLes Républicains espagnols ont eu leur "retirada" en 1939, le digne et pauvre repli de leurs troupes militairement défaites et moralement victorieuses à travers les Pyrénées, mais sans grand écrivain pour la narrer. Les Républicains romains, les pompéiens, quelques décennies après leurs hauts faits, ont eu La Pharsale de Lucain.

 

Je vous conseille de la lire par petits bouts en français sur Internet à défaut de l'acheter dans le commerce (car elle est fort chère, on ne vend qu'Amélie Nothomb à des prix abordables).

 

J'aime bien le portrait attendrissant que Lucain fait au livre VIII de la femme de Pompée, la noble Cornélie descendante des Scipions, après la défaite : A Lesbos "quoique le malheur de Pompée eût affligé tous les cœurs, c'était moins ce héros qu'on plaignait que celle avec qui ce peuple était accoutumé à vivre comme avec une de ses citoyennes, et qu'il voyait avec douleur s'éloigner. Quand même elle irait joindre un époux triomphant, les femmes de Lesbos en lui disant adieu auraient peine à retenir leurs larmes, tant sa pudeur, sa dignité, la modestie répandue sur son chaste visage lui ont attiré leur amour. Ce qui les a le plus touchées, c'est que loin de se rendre incommode à ses hôtes, et loin d'humilier même les plus petits, elle a vécu à Mytilène dans le temps des prospérités et de la gloire de Pompée comme s'il eût été vaincu."

 

Pompée s'intéresse aux astres à la manière d'Auguste : sur le bâteau il interroge le matelot. "Souvent l'âme accablée de ces pénibles soins, et rebutée de l'affligeante image que lui présente l'avenir, il écarte pour respirer, ces idées tumultueuses, et l'abattement de ses esprits, qu'un trouble si violent épuise, lui laisse un moment de relâche. Il questionne alors le pilote sur tous les astres, comment on reconnaît les rivages, quel moyen le ciel lui donne de mesurer l'espace parcouru de la mer, quel astre lui montre la Syrie, quels feux du Chariot le font se diriger vers la Libye."

 

Rappelons que le pythagoricien Apollonios de Tyane disait être la réincarnation d'un matelot égyptien... je viens de comprendre pourquoi en lisant Lucain...

 

Lucain a des accents à la Chateaubriand évoquant Napoléon quand il décrit la déchéance grandiose de Pompée : "Son fils fut le premier qui, du rivage de Lesbos, suivit ses traces sur les mers. Après lui vinrent une foule fidèle de patriciens, car même depuis sa ruine et la défaite de son armée, la Fortune ne put l'empêcher d'avoir des esclaves couronnés, et dans sa déroute, il traînait après lui tous les rois de la terre, tous les sceptres de l'Orient. "

 

Comme Chateaubriand il réfléchit aux alternatives stratégiques quand il fait dire à Pompée, chargeant Déjoratos de recruter de nouvelles troupes : "j'ai perdu tout ce qui sur la terre était au pouvoir des Romains, mais il me reste à éprouver le zèle des peuples du Tigre et de l'Euphrate, où ne s'étend point encore la domination de César. Allez en mon nom soulever l'Orient et le Nord, pénétrez jusque dans le fond des États du Mède et du Scythe, allez dans un monde qu'un autre soleil éclaire, rendez au superbe Arsacide ces paroles que je lui adresse : Si l'ancienne alliance que nous avons jurée, moi par Jupiter Latin, vous par le culte de vos mages, subsiste encore entre Rome et vous, Parthes, remplissez vos carquois, tendez vos arcs, souvenez-vous qu'en chassant devant moi les peuples du Caucase, je vous laissai la liberté d'errer en paix dans vos campagnes, sans vous réduire à chercher dans les murs de Babylone un asile contre moi. J'avais déjà franchi les bornes du vaste empire de Cyrus, et vers le fond de la Chaldée, je touchais aux bords où l'Hydaspe et le Gange vont se jeter au sein des mers. Cependant lorsque la victoire me soumettait tout l'Orient, je voulus bien excepter le Parthe du nombre des peuples que je rangeais sous les lois de Rome, et leur roi fut le seul que je traitai d'égal. Ce n'est pas une fois seulement que les Arsacides m'ont dû la conservation de leur empire, et, après la sanglante défaite de Crassus en Assyrie, quel autre que moi eût apaisé le ressentiment des Romains ? Engagés par tant de bienfaits, ô Parthes ! Voici le moment de passer l'Euphrate qui devait à jamais vous servir de barrière. Courez sur cette rive que vous interdit le fondateur de Zeugma. Venez vaincre en faveur de Pompée ; et Rome elle-même consent à être vaincue à ce prix". S'ensuivent des réflexions intéressantes sur les possibilités de s'en remettre aux Maures ou aux Parthes, les inconvénients de l'une ou l'autre option, et le risque que Cornélie finisse dans un harem du roi des rois arsacide où "Un même lit reçoit des épouses sans nombres ; les lois, les nœuds de l'hyménée y sont souillés par ce mélange impur ; ses mystères les plus secrets y sont célébrés sans pudeur, en présence de mille femmes."

 

Puis c'est Caton d'Utique traversant le désert des Syrtes en Libye, refusant de consulter l'oracle d'Ammon en disant à Labienus : "Pourquoi chercher si loin des dieux ? Jupiter est tout ce que tu vois, tout ce que tu sens en toi-même. Que ceux qui, dans un avenir douteux, portent une âme irrésolue, aillent interroger le sort ; pour moi, ce n'est point la certitude des oracles qui me rassure, mais la certitude de la mort. Timide ou courageux, il faut que l'homme meure. Voilà ce que Jupiter a dit, et c'est assez."  Les soldats de Caton tués par des serpents, les Psylles qui finissent par sauver le campement par des chants magiques pour qu'ils aillent à Leptis, tandis que César bâcle sa visite à Troie (et foule maladroitement au pied les mânes d'Hector)

 

Je ne suis pas un grand connaisseur, mais je trouve que cela vaut bien l'Enéide...

 

 

Lire la suite

Hommage au Québec

19 Avril 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XVIIIe siècle - Auteurs et personnalités

En hommage au Canada francophone, ce texte de Pierre-François-Xavier de Charlevoix extrait de " Histoire Et Description Generale de La Nouvelle France: Avec Le Journal Historique D'Un Voyage Fait Par Ordre Du Roi Dans L'Amerique Septentrionnale" (1721)

 

Le regard sur les Indiens relève peut-être souvent du cliché, mais tout n'y est certainement pas faux.

 

Charlevoix - pourle regard et l'action duquel Chateaubriand avait de l'estime - n'est pas un écrivain, sa plume est sèche et sans imagination, mais c'est un explorateur, un homme de terrain, qui a du bon sens : par exemple quand il estime qu'employer des esclaves noirs sur les plantations (lorsqu'il voyage plus au sud que le Canada - il pousse même à plusieurs reprises jusqu'à la Havane) est une erreur, car les esclaves, à la différence des "engagés" ne voient pas dans la terre qu'ils cultivent une patrie, et, dominés par la seule peur, un jour se révolteront. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les événements de Saint Domingue à la Révolution lui donnèrent raison après coup...

 

Ce qu'il dit du monde amérindien nord-américain, déjà sur le déclin quand il l'observe, est une grand source de réflexion pour nous sur ce que pouvait être cette culture, une culture qui imprègne le Québec, le Canada anglophone, et le nord des Etats-Unis (puisque Charlevoix ne parle ici que des Illinois et des Iroquois) peut-être plus qu'on ne le pense, ne serait-ce que dialectiquement, ou sur le mode de l'absence, ou sur celui de la présence obscure...

 


clvx par baslez
Lire la suite