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Sombres alliés
Les Occidentaux ont toujours aimé les nazis quand ils les aidaient à tenir en respect les Russes. On le voit en Ukraine aujourd'hui. Quelque part dans son journal de 1969 Paul Morand rappelle que l'ingénieur nazi qui a inventé les V3 pendant la seconde guerre mondiale a reçu les félicitations... de l'ancien président du tribunal de Nüremberg qui l'avait condamné ! Cet ingénieur a joué un rôle actif dans le programme spatial de la NASA (la bien nommée) qui lui doit d'avoir réussi à surclasser les Soviétiques dans la conquête des étoiles.
"Servitude humaine" de Somerset Maugham
Peut-être vous souvenez-vous de la chanson de Souchon qui disait « Comme dans ces nouvelles pour dames, de Somerset Maugham ».
J’ai acheté de Somerset Maugham « La Servitude humaine » (Of human bondage – le titre est meilleur en anglais, il fait moins « énième plagiat » d’un titre Vigny, le grand Vigny, si drôle quand il parle de Napoléon en Egypte, Vigny marié à Pau…). Pas à cause de Souchon, mais parce que le Docteur Deepak Chopra, fils du médecin personnel (indien) de Lord Mountbatten, dit quelque part que cet ouvrage qui lui fut offert par son père fut parmi les trois qui le décidèrent à devenir médecin plutôt qu’écrivain.
Je vous vois venir, fieffés rationalistes. Vous écumez, vous sautez sur votre chaise : « Bougre de Delorca, oser mentionner ce fumiste de Docteur Chopra dans les nobles colonnes de ce blog ! » Mais non vous ne dites même pas cela, parce qu’en bons rationalistes vous ignorez jusqu’au nom de Deepak Chopra, comme de Doreen Virtue, et de tous ces obscurs spéculateurs qui travaillent le cœur des distinguées trentenaires internautiques qui prient nuitamment la lune croissante (Artémis, nous y sommes en ce moment, après la sombre Hécate en Saturne du 29 au soir). Et je ne vous donnerai ni raison ni tort, à la manière d’Apollonios de Tyane (« Néron creusera et ne creusera pas le canal de Corinthe », au fait j’aurais plein de choses intéressantes à vous dire sur les murailles de Thèbes, et sur l’Apollon de César-Auguste, mais ne nous dispersons pas trop, n’est-ce pas ? je ne suis pas un véritable écrivain et donc je n’ai ni le temps ni la légitimité pour écrire des livres ou des billets sur ces sujets importants et graves).
Revenons à nos moutons. Somerset Maugham fut un auteur à succès de l’entre deux guerres. Le mieux payé du monde a-t-on dit. Vous allez me dire : s’il avait pour public les jeunes bourgeois indiens de l’époque cela fait déjà du monde, « mais pas que » comme disent les jeunes journalistes qui veulent être à la mode. « La servitude humaine » n’est pas son titre le plus connu. D’ailleurs il n’est plus réédité. Je l’ai commandé à un petit bouquiniste de province qui se vend sur Amazon. Ces gens me touchent toujours. Ils vous envoient toujours leurs livres bien empaquetés, avec de jolis timbres, parfois un gentil mot. Ils aiment leur métier, ils vous sont reconnaissants de ne pas avoir acheté Marc Lévy ou Jacques Attali.
L’édition que j’ai en main, plutôt bien conservée, a été publiée en livre de poche en 1966, à partir d’une édition chez Hachette de 1960. Les livres étaient moins prétentieux à l’époque. Pas de texte racoleur en quatrième de couv, pas de présentation de l’auteur. La traductrice est très discrète, elle ne mentionne même pas son prénom « Texte français de Mme E.R. Blanchet » est-il écrit, rien à voir avec certaines connasses des milieux antiguerre que j’ai connues dans les années 2000 qui indiquaient leur nom comme traductrices des articles sur Internet en plus gros encore que le nom des auteurs… Pardon pour cette nouvelle digression…
Le livre est dédié à Léon Barthou… Voilà qui m’interpelle… Nous autres béarnais, qui savons que Barthou est un nom bien de chez nous, avons tous été formés dans des écoles ou des lycées Louis Barthou. Barthou, natif d’Oloron-Sainte-Marie, président du conseil et ministre des affaires étrangères, périt en 1932 ou 1934 (ma mémoire défaille, mais je dirais plutôt 34) sous les balles d’un fasciste croate pour avoir trop aimé les Russes et les Serbes. C’est en partie à cause de cela qu’il n’y eut point d’alliance franco-russe contre Hitler (au grand dam du Malraux des Carnets du Front Populaire et de Mme Lacroix-Riz), comme il n’y a pas d’alliance franco-russe contre les néonazis ukrainiens aujourd’hui. Les Béarnais sont parfois géniaux, mais dans ce cas il arrive qu’on les assassine… Pensez à Henri IV…
Léon Barthou était-il de la famille de Louis ? Les sites trouvés sur Google ne disent rien sur lui (la mémoire internautique est ingrate), sauf qu’il fut « aéronaute », et vice-président d’un club français spécialisé dans ce domaine. Les gens du Sud-Ouest se prenaient parfois pour Icare. Les Messier, Latécoère, Daher. Ce n’est pas un hasard, si Airbus est à Toulouse. Quelle divinité les poussait-elle à vouloir voler ?
Je regarde Wikipedia sur Somersert Maugham. Né à Paris dans une famille de diplomates anglais, il passe, comme beaucoup de bourgeois de son temps, les vacances de sa petite enfance avec sa mère l’été à Deauville et l’hiver… à Pau…
Il a donc mis ses pas dans ceux de Vigny sur le boulevard des Pyrénées (le choix du titre « Servitude humaine » par le traducteur français n’est donc pas si débile, pas si hasardeux en tout cas, « il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous »). Sa mère est morte en couche (avec un cinquième fils mort-né) quand il avait huit ans (en 1883). Wikipedia ne dit pas s’il continua à se rendre à Pau après cela. En tout cas, s’il a connu Léon Barthou à Paris à l’âge adulte, ils ont pu évoquer ensemble le Béarn.
Poursuivons. Le héros de « La servitude humaine », Philip, voit sa mère mourir en couche en 1885. La scène est belle. Elle lui caresse délicatement les flancs huit jours avant d’expirer. Je l’ai lue avant de parcourir la fiche Wikipedia, donc sans savoir que c’était autobiographique. Evidemment en songeant que tout cela relève du témoignage oculaire, du vécu, on le perçoit différemment.
L’auteur a de fait grandi comme un enfant unique car ses frères et sœurs étaient bien plus âgés que lui. Il en va de même du héros Philip. J'aime la géographie de Paris de ce Philip, entre la Gaîté Montparnasse et le boulevard Raspail à Paris. Le voyage de Philip dans la vie, est celui auquel nous convie Maugham. A la fin du chapitre 53 on a carrément droit à un rapide cours de philo entre Hobbes, Spinoza et Hume, et même de philo politique sur le rapport entre l'individu et l'Etat.
Les portraits de la fac de médecine de Londres ne sont pas mal non plus. Et toujours ses rêves obsédants autour de l'Andalousie. A son héros aussi on a dit que les plus belles femmes du monde s'y trouvaient. Moi c'est un vieux monsieur qui me l'avait dit, dans le TGV espagnol en 1994 quand nous traversions l'austère Castille. Le monsieur n'avait pas vraiment le physique de l'éphèbe bien placé pour vanter les beautés sévillanes, c'est pourtant ce qu'il fit, et sur un ton si convaincant que vingt ans plus tard je m'en souviens encore. Pourtant allez savoir pourquoi, quand je suis allé sur les bords du Guadalquivir, je n'ai pas vu de femmes, seulement des monuments. "Je vous ai attendus sur les bords du Guadalquivir et vous n'y étiez pas", phrase absurde que Malraux lança, selon Chirac, dans un meeting en banlieue rouge pour faire taire les gars de la CGT venus l'empêcher de parler... Oued-el-Kabir, le grand fleuve, le Rio Grande... Mais ne dérivons pas trop...
Les gaullistes étaient-ils des fascistes ?
Au milieu de tant de traits profondément antipathiques dans le journal de Morand, quelques saillies vraiment drôles, comme celle-ci, le 15 septembre 1969 :
"Le syndicalisme a pris, samedi, l'offensive. Le Parti communiste est le seul parti : il va essayer de faire sauter le gouvernement. Mais chez les gaullistes, les durs (style "Debré") vont prendre la tête de la résistance (à cet égard, très dangereux d'avoir confié l'armée à Debré). Ce sont des fous ; ils sont très capables de se démasquer fascistes et de casser le Parti communiste syndicaliste avec leurs groupes d'action civique, troupes d'Allemagne, etc. Retour de de Gaulle, Malraux compris, etc. Bref, je pense qu'on est fort près de l'affrontement."
L'amateur d'histoire fiction (de "what if history") que je suis est comblé.
Morand n'aimait pas Debré qu'il trouvait idiot. J'aime aussi quand il se moque de la bouche "en cul de poule" de De Gaulle, de ses airs bonnasses, de sa manière de récupérer les idées à la mode, de flatter la vanité des Français tout en détruisant le pays tout autant qu'il le construit (comme Louis XIV, Napoléon et Clemenceau dit-il). Morand comme Céline fut un vichyssois anti-patriote, une curiosité pour entomologiste.
Pour ma part plus j'y pense plus je crois que la grandeur de Bonaparte tint à son côté Epaminondas, et seulement à cela : c'est à dire que comme Auguste il tenait sa puissance d'ailleurs, d'un prodige. Chateaubriand l'a très bien senti.
Mars toujours là...
L'expulsion des députés communistes de la Rada ukrainienne, le déploiement de lance-roquettes Grad à Slaviansk, les propos de Chuck Hagel sur l'intérêt géostratégique de la fonte des glaces dans l'Arctique, les mamours de François Hollande avec le premier ministre japonais Abe (celui qui rend hommage aux criminels de guerre de la seconde guerre mondiale en leur sanctuaire), le viol de la constitution philippine pour installer une base américaine.
Cette année 2014 commence à sentir un peu trop la poudre...
Ukraine : le spectre de la guerre civile et de l’internationalisation du conflit
La signature d'un accord entre la Russie, l’Union européenne et les Etats-Unis le 17 avril, prévoyant le désarmement des paramilitaires nationalistes et des milices pro-russes n’aura finalement été d’aucun effet. Au contraire, la situation sur le terrain n’a cessé de prendre le chemin de la guerre civile au cours des deux dernières semaines.
Le 23 avril dernier, 120 000 personnes à Slaviansk (une ville d’environ 110 000 habitants dans l’oblast de Donetsk à l’Est) assistaient aux funérailles de trois membres de leurs groupes d'autodéfense tués trois jours plus tôt à un check-point au nord de leur ville par des néo-nazis de Secteur Droit, armés de mitrailleuses allemandes MG 42. S’en est suivi, dans le cadre d’une opération initiée dans l’ensemble du Sud-Est ukrainien dès mi-avril, une tentative de reconquête manu militari de la ville qui pendant huit jours s’est transformée en un siège, les troupes du gouvernement autoproclamé de Kiev se révélant assez peu enclines à tirer sur leurs compatriotes, et les insurgés ayant eu la présence d’esprit de prélever quelques otages parmi les experts militaires de l’OSCE venus leur rendre visite (ou les espionner suivant les versions). Fin avril, le conflit à Slaviansk semblait cantonné à la guerre de la désinformation : le 29 les rues étaient bombardées de tracts lancés d'hélicoptères Mi-8 (si l’on en croit la Komsomolskaïa Pravda) indiquant : "Évitez les rassemblements publics - des hommes parmi les manifestants appartenant aux services spéciaux russes, chargés d'éliminer physiquement toute personne qui tente de critiquer la politique de la Russie. Ils se cachent derrière vous et vous utilisent comme boucliers humains, comme le firent les occupants de l'Union soviétique dans la période 1941-1945 ". Symétriquement dans les rangs pro-russes on se gargarisait volontiers de l’imaginaire du blocus de Leningrad pendant la seconde guerre mondiale, alors que, selon l’AFP du 29 avril, le principal axe d’approvisionnement de la ville restait fermement contrôlé par les insurgés. Les troupes de Kiev sont passées à l’assaut le 2 mai contre les postes de contrôle de la ville ainsi que d’autres bourgades de l’oblast de Donetsk, avec semble-t-il des résultats contrastés.
La violence a aussi éclaté à Odessa, le 2 mai au soir. Lire la suite sur "Esprit cors@ire" ici
Voir aussi le dossier du Mouvement de la Paix ici.
Le journal de Paul Morand 1970
Bon, je le précise une nouvelle fois pour les spécialistes du fichage sur Internet (les mecs de 21 ans et demi à barbichette) : je suis anti-réac, anti-facho, et anti-vichyssois. Mais cela ne m'empêche pas de lire TOUS nos grands classiques, et d'apprécier éventuellement certains traits de leur caractère, ou même simplement certains de leurs bons mots, ou certaines de leurs inspirations, même quand ils ne sont pas de mon bord politique.
Il en va ainsi par exemple de Paul Morand dont j'ai évoqué "Hécate et ses chiens" alors que je le lisais (comme par hasard) lors de la dernière lune noire, et ce d'autant plus que Morand, comme Soupault venait du surréalisme.
J'ouvre ce matin le journal de Morand à la date de ma naissance, 26 septembre 1970. Au moment où je suis né, vers 13 h, Paul Morand déjeunait à l'Hotel du Commerce, à Saint-Marcel, faubourg de Chalon-sur-Saone : une "côte de boeuf venant du Charolais, servie individuellement sur l'os" (sic), puis il relit à Vevey le script de son interview par Boutang réalisée le 1er août à Rambouillet (Archives du XXe siècle), qu'il juge médiocre à la lecture.
Pas passionnant allez vous me dire. Certes. Il ne peut pas se produire un prodige tous les jours.
Plus drôle le 28 septembre il note que le Figaro littéraire signale dans ses morceaux choisis Simenon, Queneau, Sarraute, Vilar, Robbe-Grillet, Genet, Godard, etc. et ajoute "la peur des professeurs devant la terreur des Lettres !"
Puis il cite un mot de Louis Dumur dont il affirme qu'il s'applique aussi à Sartre et aux pontes de la Pensée 68 : "Victor Hugo n'a pu se faire mettre en prison. Le commissaire a dit qu'il n'arrêtait que les gens sérieux".
Et le 29 septembre , il observe Maginot, Mussolini, Hitler, Brejnev ont tous agi en fonction de catégories mentales de leur jeunesse, 20 ou 25 ans avant d'avoir le pouvoir de décider. Et il ajoute finement : "Sentimentalement aussi, c'est vrai : toute sa vie, on choisit le type de femmes qu'on a aimé au collège".
La province dans le cinéma français
Quand un copain m'a fait le "pitch" comme on dit du nouveau film de Lucas Belvaux "Pas son genre", je me suis dit : "J'espère que ce n'est pas la Enième comédie pseudo sociologique française made in Canal+, du genre le Gout des autres...", ces petites choses de Bacri-Jaoui ou de Klapisch qui finissent par se plagier elles-mêmes à l'infini.
Puis j'ai regardé la bande annonce.
Et là c'est bien ce que je craignais. Des coiffeuses j'en ai connues dans diverses régions, mais hélas celle-là l'entendre parler pendant 3 secondes suffit à faire comprendre qu'elle n'est pas coiffeuse... et encore moins coiffeuse à Arras (bon je sais qu'il est difficile pour un cinéaste parisien de concevoir cela, puisqu'à Paris les coiffeurs sont des monuments de culture, voire parfois de cuistrerie genre "capilliculteur" comme disait Desproges)
D'ailleurs une coiffeuse en province ne s'essaierait probablement pas à chanter "Live is life" comme dans la bande annonce car elle aurait trop peur d'essayer de dire des mots en anglais (le cinéaste aurait mieux fait de tenter "capitaine abandonné" de Gold, encore que l'actrice est peut-être un poil trop jeune pour cette chanson) - et c'est là juste un constat, je ne place aucun jugement de valeur là dedans.
Un prof de philo, quant à lui, même en province, n'oserait pas dire que la philo est un "sport de combat", d'une part parce que les philosophes détestent les sociologues (donc exit la référence à Bourdieu) et, d'autre part, parce qu'il aurait conscience d'avoir 12 ans de retard dans ses références...
Ce n'est donc apparemment pas du Stephan Frears ou du Ken Loach (qui a fini par se caricaturer lui meme il est vrai). Il est assez incroyable et triste qu'un cinéaste parisien ne puisse pas trouver une actrice acceptable dans le rôle d'une coiffeuse du Pas de Calais. Cela me rappelle "La vie rêvée des anges" où Elodie Bouchez non plus ne faisait pas du tout crédible en fille du Nord. Simptôme de notre centralisme, la province est inaudible dans le cinéma français, à moins de devenir cucul la praline comme dans les films de Guédiguian.
Je ne dis pas que les filles des milieux populaires de province doivent être figées dans des caricatures. Je dis juste que les actrices parisiennes (ou issues des grandes métropoles régionales et formées "à la parisienne") qui les incarnent devraient au moins tenter d'avoir quelques modes d'expression dans l'accent, le mouvement corporel, le visage, qui traduisent une "altérité sociale", au détour d'une phrase, d'un soupir... Nos cinéastes sont complètement incapables de trouver cela dans leur casting, ou de le susciter dans leur mise en scène, parce qu'il ne le perçoivent tout simplement même pas dans la réalité.
Le pouvoir et la puissance
Après la victoire d'Actium, Octave (futur César-Auguste) attribua son succès à Apollon Phoebus (le brillant) dont le culte n'était pas vraiment répandu à Rome : c'était avant tout un dieu grec (mais Auguste ne disait-il pas qu'il faut que les Romains s'habillent comme les Grecs - avec le pallium des philosophes - ?). Antoine son adversaire s'était placé sous la protection de Dionysos, et Cléopâtre sous celle d'Isis (la terre mère, qui ressuscite le dieu mort). De sorte qu'Actium est une victoire d'Apollon sur Dionysos dans la mer (car c'est une bataille navale, à la différence de Pharsale entre Pompée et César, mais toujours en Grèce).
Avant eux, Pompée s'était placé sous la protection de Venus victrix, et César sous celle de Venus génitrix (dont il se prétendait le descendant). Vénus contre Vénus. C'était un temps où tout chef se réclamait d'une force surnaturelle non pas pour assujettir son peuple, mais pour s'assujettir lui-même à un sens de la puissance pondérée (la seule qui agisse dans le temps) et du devoir (du renoncement dans l'action, si vous voulez, pour reprendre les termes de la Bhagavad-gita).
En persévérant dans cette piété (pietas), Auguste se donnait les moyens de construire, et de se réclamer de plus en plus d'une ascendance apollinienne (de sorte qu'on le nomma Divus Augustus, le divin Auguste). Certains disent que Jésus-Christ fut nommé "le fils de l'Homme" par opposition au "Divin Auguste", je n'entrerai pas dans ce débat, mais il est en tout cas très étonnant que le véritable Jésus s'il a existé ou en tout cas le Jésus des Evangiles canoniques soit né sous Auguste et que sa naissance (probablement imaginaire) à Bethléem, dans la ville de David, soit conçue comme une conséquence d'un décret (probablement imaginaire aussi) d'Auguste.
Que le pouvoir individuel soit stérile sans l'aide d'une puissance qui transcende l'individu (comme par exemple la puissance de la morale universelle) est une règle de laquelle notre président de la République ferait bien de s'inspirer, ce sot dont la dernière trouvaille face à la crise ukrainienne (créer une communauté énergétique européenne contre la dépendance au gaz russe) est d'une débilité sans nom !
Cela est aussi vrai dans la vie privée. Je songe par exemple aux gens qui valorisent le pouvoir sexuel auquel ils prêtent une fausse sacralité (le sexe sacré est une chose très particulière). Il est de la dernière mode de faire l'amour à la nuit tombée au bureau, ou dans les salles de classe pour les instituteurs (et même dans les sanctuaires, mais voyez de quel prix Atalante et Hippomène le payèrent). Un de mes amis avait amené sosu la lune une sienne conquête dans un bureau du ministère des affaires étrangères en 2004. Voilà le genre de chose que je ne me serais jamais permis je crois. Des policiers parisiens viennent de le payer cher. Entraînés par le stupre, semble-t-il par une nympho alcoolisée canadienne (à laquelle je ne jette pas la pierre car il y avait peut-être une inspiration profonde dans son initiative), ceux-ci, selon le dernier rapport de l'enquête rendu public, ont sauté leur copine au quai des Orfèvres. La Ménade (eux doivent dire "l'Empuse") a toutefois changé de posture en cours de route, c'est le cas de le dire (elle a changé de main), et a choisi de transformer le bal en tragédie (et en disant cela je ne me prononce pas sur le fait de savoir si un geste déplacé de ses amants ou d'elle en est la cause). Elle s'est donc enfuie seins nus en criant au viol. "Viol au quai des Orfèvres" fut la "Une" des journaux le lendemain, et les flics y perdront sans doute leur job. C'est qu'il faut autant de prudence et de sérieux dans les choses de la chair que dans le reste. "On ne badine pas avec l'amour" disait Musset. Non que l'amour doive être triste, il peut et peut-être même doit être délirant. Mais le délire doit toujours être indexé à une puissance qui le dépasse. Sans quoi il n'est que simple accident de parcours.