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Fabius, Hollande et Cameron, comme en 1956 à Suez
M. Fabius, toujours aussi malhonnête, dit que du gaz sarin a été utilisé en Syrie, mais ne dit pas par qui. C'est M. Obama qui doit lui donner des leçons de vérité en lui demandant des précisions à ce sujet. Mais on voit bien ce qui est à l'oeuvre dans cette affaire : une alliance franco-britannique qui tourne à plein régime pour elle-même et par elle-même sans le parrainage des Etats-Unis. Donc l'aventure libyenne de Sarkozy-BHL n'était pas un simple coup de folie. C'était une façon de rôder l'alliance franco-britannique (ce fut d'ailleurs présenté comme tel), et l'aventure syrienne prolonge ce délire. Bizarrement nos amis britanniques ne se pressent cependant pas pour nous aider au Mali. Pourquoi ?
Pendant ce temps le Sahel se délite. Le Niger est au bord du coup d'Etat, la Mauritanie n'a plus de président, le président tchadien si effrayé de subir le même sort, fait arrêter tous ceux qui s'opposent à lui. Accessoirement au Cameroun on tue les derniers éléphant avec les armes de Kadhafi, vive le beau Sahara, devenu une gigantesque foire de toutes les contrebandes. Un Kosovo puissance dix !
Voulions-nous la même chose au Proche-Orient ? La partie semble perdue pour les Occidentaux puisque Bachar El-Assad reconquiert des positions, et l'Irak menace d'abattre les avions israéliens qui survoleraient son territoire pour aller bombarder d'Iran. Et Israël doit se taire devant la livraison d'S-300 russes à la Syrie (silence diplomatique dues aux bonnes relations entre Bibi et Poutine nous dit-on).
Soit, mais comme la conférence de paix voulue par Washington et Moscou ne donnera sans doute rien, nul doute que nos pieds nickelés Hollande-Cameron reprendront du service pour décider de livrer (contre l'avis de l'Allemagne, mais who cares about European Union as far as foreign policy is concerned ?) des armes à l'ASL (et à Al-Nosra/Al Qaida aussi). Et nous verrons ressurgir le Hezbollah avec son désir de réveiller l'insurrection au Sud-Liban et au nord d'Israël, et nous verrons aussi la FINUL directement menacée par cette insurrection, et les Iraniens et les Russes livrer toujours plus d'armes, et le sud la Turquie connaître une destabilisation (M. Erdogan n'a pas fini de se faire du souci, à l'heure où les manifestants de la place Taksim lui demandent aussi, ne l'oublions pas, de cesser son ingérence en Syrie).
MM. Fabius, Hollande, Cameron allez donc vous installer au Qatar et à Doubaï chez vos amis, mais cessez d'entraîner dans la France dans des opérations dignes de Suez en 1956, cette opération franco-britannique d'un autre âge concertée avec Israël pour renverser Nasser et reconquérir le canal nationalisé. Je sais qu'à travers le monde le business et le colonialisme sont de nouveau à la mode. Mais les peuples ont encore le droit de mettre leur veto à ces délires.
Marinaleda
Un petit docu réalisé par la communauté d'Emmaüs-Lescar (que j'ai visitée il y a 5 mois) sur une commune andalouse peuplée essentiellement d'ouvriers agricoles qui vivent en autogestion.
Le Printemps turc ?
Soutien enthousiaste sur les réseaux sociaux (ça "like" dix fois plus que d'habitude sur Facebok) à notre traduction rapide d'un bel article turc sur la mobilisation anti-gouvernementale à Istanbul qui ne faiblit pas depuis trois jours. Ce texte sonne si juste il est vrai.
De belles photos ici qui insistent sur la présence des communistes du TKP mais pas seulement.
Je rêve d'un Printemps turc qui sonnerait le glas des Frères musulmans au Proche-Orient. Qui sème le vent récolte la tempête, pourrait-on leur dire. Et puis offrez nous un Printemps saoudien en prime contre les wahabbites et la dynastie qu'ils soutiennent, et le monde se portera beaucoup mieux !
Le Xerxès en Toge
Lucullus dine chez Lucullus, tout le monde connaît le proverbe. Mais du général Lucullus les gens savent peu de choses.
Je relisais hier sa Vie sous la plume de Plutarque. Au fond il fut un lieutenant du parti du Sénat, comme tant d'autres, et un homme du clan de Caton. Dès avant Pompée (qui lui succéda en Asie) il fut de ces généraux qu'on n'utilise mais dont on se méfie. Triste sort de la République.
Je suppose que les Arméniens d'aujourd'hui le détestent. Il a ravagé ce pays après avoir mis en fuite ce fameux Mithridate du Pont dernier héros de la résistance grecque (quoiqu'il fût à moitié barbare) à l'oppression romaine.
Ce qui m'intrigue moi, c'est que très riche et très influent, il se soit complètement de la vie publique à 52 ans, après qu'on lui eût préféré Pompée. Il pouvait encore jouer un rôle pour défendre le parti nobiliaire, mais effrayé par le guerre civile qui pointait son nez, il s'est replié sur ses jardins en Campanie et à Rome (sur le terrain de l'actuelle villa Médicis notamment). Quand on lit les résumés de sa vie, ce repli sur l'hédonisme paraît aller de soi. Dans le détail il ne l'est pas. Les aristocrates romains étaient éduqués dans le culte du bien public. C'était un devoir dû au ancêtres.
Lui choisit le parti du Beau, qui, dans son cas, ne s'identifie plus au juste. Il ne va pas "cultiver son jardin", mais édifier les plus beaux jardins d'agrément de Rome, et avoir la table, la collection d'oeuvres d'art, et les bibliothèques les plus somptueuses, au risque de mériter à Rome le titre de Xerxès en Toge (c'est à dire le tyran oriental à la légion d'honneur si l'on veut).
Pourquoi ? Il y a dans ce choix peut-être quelque chose de profondément platonicien (même si cela confine à l'épicurisme). Un peu comme le néo-platonisme (lui aussi dans un jardin magnifique) de Marsile Ficin à Florence, auquel la Renaissance italienne et européenne doit tant. A ce titre cela ne peut que m'intriguer...
Je me faisais récemment la réflexion que l'ordre mondial actuel est comme la République romaine finissante. Il y a le Sénat (le Conseil de Sécurité de l'ONU), les Comices (l'assemblée générale) et les voix des pauvres que les puissants achètent, avec des bandes armées (l'OTAN) pour maintenir l'ordre. Il faut être du côté de Caton d'Utique dans ce combat là.
Mais revenons à Lucullus. Il capitula malgré le rôle qu'il pouvait jouer. De nos jours la plupart capitulent sans pouvoir jouer aucun rôle, et sans avoir le moindre jardin, coincés dans une petite chambre devant Internet. Tout cela est si petit vraiment. Dites moi, amis lecteurs, aimeriez vous mieux recevoir des millions du régime d'Obiang ou, comme certains gauchistes, de l'émirat du Qatar ? C'est juste une question qui me traversait l'esprit en rédigeant mon papier sur la Guinée équatoriale tantôt.
Un type qui m'impressionne
Je lis « Sahelistan » de Samuel Laurent (eds du Seuil). Ce type vaut tous les journalistes du monde alors que lui-même n’est pas journaliste de profession. Il bosse pour des boites privées, il explore les zones à risque où personne ne veut se rendre pour y évaluer les possibilités d’investissement , à croire qu’il ne fait ni travailler pour les Etats ni travailler pour les grands journaux pour pouvoir être près du réel. Seul le business regarde le monde dans les yeux, et paie des mecs pour ne pas se faire mener en bateau.
J’ai une estime folle pour ce type, une estime instinctive comme j’éprouve une méfiance instinctive pour Abdellatif Kechiche depuis son film sur la Vénus hottentote). Je l’estime parce qu’il risque sa peau, parce qu’il est libre de sa parole, et plein de bon sens, et parce qu’il sait faire la paix des braves avec ses ennemis, même les islamistes. Il apprécie les gens de conviction contre les magouilleurs - il a un flair pour ça - et les vrais combattants de tout bord, visiblement le respectent pour cela et lui ouvrent leurs portes. Bravoure et droiture sont devenues des vertus si rares chez les Occidentaux. Vous êtes bien placés pour le savoir hein, chers lecteurs, qui consommez de la contestation pénards devant votre écran Internet ?
Laurent dit ce que disaient mes potes anti impérialistes pendant la guerre de Libye : que BHL et Sarkozy sont des petits cons, que le Conseil national de Transition libyen était une pantalonnade, qu’il n’y a jamais eu de mercenaires noirs aux ordres de Kadhafi, que nos journalistes ne sont bons que pour faire de la propagande. Mais il le fait sans s’illusionner avec de vieilles lunes héritées de la guerre froide. Il ne va pas se gargariser des restes de « socialisme » qu’il y avait dans le régime de Kadhafi. Il y voit juste un régime délirant, comme celui des milices qui lui ont succédé. Il ne va pas dire, comme l’ont affirmé certains marxistes que j’ai connus l’an dernier, que les Touregs du nord du Mali, notamment ceux du MNLA étaient par définition respectables parce qu’ils avaient bossé pour Kadhafi, donc pour la résistance à l’impérialisme. Au contraire, il dit que les Touaregs ont mauvaise réputation en Libye et ailleurs, parce que ce sont les champions du double jeu, et qu’ils ont révélé ce don de la duplicité dès avant la chute de Kadhafi en étant à la fois loyaux au dictateur et en contact avec Al Qaida Maghreb (ce qui explique qu’ils aient fait le lit d’Ansar Eddine au Mali). Samuel Laurent n’aime pas les faux culs. Il préfère, à Tripoli, un bon salafiste à un Frère musulman hypocrite. Et il entame même une impressionnante défense de l’ex gouverneur militaire de Tripoli Belhadj, que moi-même j’avais été enclin sous l’influence des grands médias (d’accord avec les kadhafistes sur ce point) à voir comme un bras armé d’Al Qaida contre le CNT.
J’ai hâte de terminer ce livre et d’en faire la recension pour Parutions.com
Les combats pour la justice, les pièges du Proche-Orient...
L'idéal de justice que j'évoquais hier au nombre des trois valeurs constitutives du "beau", est un idéal esthétique non seulement parce qu'il n'y a pas de beauté sans justice, mais parce que la justice est un exercice délicat, subtil, qui doit se pratiquer àla fois avec fermeté et avec nuance.
La lutte de Medea Benjamin contre les drones et contre Guantanamo est une lutte belle et qui sert la justice, comme celle de Julian Assange, comme l'initiative de Ken Loach de rappeler la grandeur du travaillisme anglais d'avant Thatcher. En revanche la manière dont certains en France se laissent aller à prendre partie dans la confessionnalisation (chiites/sunnites) du conflit général du Proche-Orient, singulièrement depuis l'entrée en guerre du Hezbollah contre les insurgés syriens (mais c'était déjà le cas avant). n'est aucunement belle ni fidèle au principe de justice, ni en ce qui concerne ceux qui vont dans le sens des Frères musulmans, ni en ce qui concerne les inconditionnels de Téhéran. Belles aussi sont les oppositions au Traité de Partenariat transpacifique et au Grand marché transatlantique (décidément chaque décennie a ses traités commerciaux à combattre : autrefois l'AMI grâce à une mobilisation mondiale et l'ALENA-NAFTA, grâce en particulier aux efforts de Chavez ). Le combat pour la justice est un art...
Dis kai tris to kalôn
Vous tous qui avez lu mon roman la Révolution des Montagnes, vous vous souvenez de son exergue, tirée de Nietzsche, et de la quête de son personnage principal Fulgaran. N'ayons pas peur des mots, cette quête n'a qu'un nom : celle de la Beauté, entendue au sens platonicien du terme comme réunion du Beau, du Vrai et du Bien (c'est à dire du Juste). Personne ne peut poursuivre cette quête sans l'aide d'autrui, mais c'est une quête par essence nécessairement solitaire et sa progression ne requiert nullement qu'elle soit comprise par quiconque.
Mme Tiercelin, Mme Lagarde, Mme Rousseff et M. Hollande, AREVA, Sahara, etcetera
J'ai acheté le bouquin de Mme Tiercelin du Collège de France "Le ciment des choses" essentiellement parce qu'elle est brocardée par le Nouvel obs et l'ai ouvert avec une sorte de crainte et d'attirance superstitieuse comme cela m'arrive souvent avec les livres de philosophes. Je me suis demandé si je le commencerais par le milieu comme je le fais souvent en suivant le conseil de Gilles Deleuze ou par le début. Classiquement j'ai choisi la seconde option.
Première satisfaction : Tiercelin dès le début descend le néo-kantisme comme je le faisais dans ma contribution au Cahier de L'Herne de Chomsky en 2007. Puis une déception : elle ne cite aucun scientifique dans sa bibliographie, no non plus David Stove. Le directeur du Cahier de L'Herne n'aurait sans doute pas aimé l'idée que le réalisme soit une "métaphysique". Et puis ce style mes amis, ce style "Machin a bien vu que", "Truc a bien vu que". Ca ne sent pas le bon philosophe pour deux sous ! Il y a un endroit où Julien Benda s'insurge contre l'idée selon laquelle un philosophe devrait être admiré pour son style. Selon lui Descartes n'a pas de style, une bonne logique n'a pas à être élégante, elle doit être vraie. Mais faire l'effort de tourner autrement ses phrases qu'avec "Machin a bien vu que", "Truc a bien vu que" ne coûte pas cher, et, sans verser dans les élégances artificielles, suffirait simplement à révéler chez l'auteur un respect pour sa langue - ce qui fut toujours le cas de tous les philosophes jusqu'ici... Je me réserve ce livre pour cet été où j'aurai le temps d'une lecture plus approfondie. Mais je soupçonne déjà sur deux pages Mme Tiercelin de n'être, comme beaucoup de nos universitaires, qu'une lectrice laborieuse. Genre "Moi y en a à avoir lu les auteurs d'Outre-Atlantique pour vous parce que moi y en a à avoir plus de temps que vous, et y en a à me débrouiller mieux en anglais, et moi y en a à vous les expliquer en faisant semblant d'avoir une philosophie à moi". Ajoutez à cela un petit positionnement audacieux sur un créneau non-conformiste (juste assez pour énerver le Nouvel Obs), le petit soutien qui va bien (comme on disait à l'armée jadis) du père Bouveresse, et un petit statut de femme bien utile dans un milieu de philosophes très masculin (à la Sorbonne en 1990-92 tous mes profs était des hommes et une majorité des étudiants aussi sauf quelques filles moustachues), et hop, le tour est joué : entrée directe au Collège de France, et Babette Babich mangera son chapeau...
A part ça une belle image : Mme Lagarde s'expliquant à la sortie de son audition devant la Cour de Justice de la République. Une image qu'on aime se passer en boucle, comme naguère Strauss-Kahn entre deux flics (z'avez vu ? Dom est maintenant au Sud Soudan ! Il ne perd pas son temps le bougre !). Jeudi pris un verre avec un journaliste républicain qui me racontait toute la fallite du système Hollande, les sarkzoystes qui n'ont pas été virés ni du Quai d'Orsay, ni de la TV publique, les petite têtes de potirons pas mûrs à la Apathie ou à la Taddei qui se la jouent "je veux faire mon buzz", les vrais experts de la République délaissés dont le téléphone ne sonne plus. Il me raconte comment la France s'est grillée auprès du Brésil (le membre des BRICS le plus proche de nous) en soutenant in extremis uniquement parce que le Royaume Uni nous le demandait la candidature du Mexique à la direction de l'OMC au mépris des promesses que nous avions faites à Dilma Rousseff. Je pense qu'on finira par accoucher d'un vrai projet lui et moi à force de brainstormer ensemble tous les trois mois. Mais pour l'heure mes yeux sont rivés sur l'Asie, la partie froide et la partie chaude. Je vais peut-être bientôt prendre des billets d'avion pour ces contrées. Avez-vous remarqué qu'à force d'européisme la France ne s'intéresse plus à l'Asie ? Nous n'avons plus rien à dire sur ce continent. Enfermés en Afrique à jouer les pourchasseurs façon Benny Hill contre les djihadistes, du Sud de la Tunisie aux installations d'Areva au Niger. Sahara Nights en version moins romantique. Une pensée pour nos amis algériens qui doivent se demander une fois de plus à quelle sauce l'histoire "avec une grande hache" les mangera quand Bouteflika ne sera plus... Sigue el combate !