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Le delorquisme dans les bibliothèques
J'actualisais hier la liste des bibliothèques qui ont un ou plusieurs de mes livres. L'occasion de redécouvrir le monde opaque des gardiens des temples du savoir. Une surprise de taille : Abkhazie, ce livre qui n'a fait l'objet que d'une vague recension dans Le Monde diplomatique et d'un signalement dans une revue arménienne a été commandé par près d'une trentaine de bibliothèques à travers le monde (dont plus d'un tiers hors de nos frontères).
Difficile de deviner pourquoi. Dans certaines bibliothèques suisses et étatsuniennes, le mot clé "delorca" ouvre sur deux entrées : un livre collectif sur Chomsky auquel j'ai participé, et le livre Abkhazie. On peut supposer que l'achat du premier (sur un sujet très populaire aux USA, dans l'intelligentsia) a entraîné la commande du second. Mais comment expliquer que la bibliothèque municipale de Valence en France, ou celle de Nice se soient prises d'amour pour l'Abkhazie dont personne ne parle, sans avoir acheté aucun autre de mes livres, pas même celui sur la Transnistrie ?
Du côté de mon roman, pourquoi la bibliothèque municipale de Marseille et celle de Tours s'y sont intéressées et pas les autres ? Pourquoi mon livre "10 ans" si mal commercialisé a-t-il malgré tout trouvé preneur à la bibliothèque d'Orléans (apparemment la seule en France) ainsi qu'à la Friedrich-Ebert-Stiftung Bibliothek de Bonn en Allemagne ? Tout cela est vraiment très étrange.
J'ai conscience que la publication d'un nouveau livre chez un plus gros éditeur pourrait créer un nouvel effet d'entraînement sur les anciens livres. Un de mes manuscrits est d'ailleurs dans les tiroirs de deux comités de lecture en ce moment. Je suis au point où des effets boule-de-neige commencent à devenir envisageables. Mais je reste toujours aussi peu stratège qu'auparavant, et même aussi désinvolte dans ma façon d'écrire : je me suis rendu compte, en composant mon dernier livre en décembre, que je suis incapables de rester plus d'un mois sur un manuscrit. Bon ou mauvais, il faut que tout soit bouclé en un mois.
D'aucuns imputeront peut-être cela à mon "inconstance", mais je ne veux pas que l'écriture nuise au cheminement. Elle doit l'aider, mais c'est le cheminement qui compte avant tout. Le mouvement.
Je me demande qui va me suivre sur les nouvelles pentes de ma pensée. Il faudrait surtout qu'un éditeur le fasse. Je n'ai pas été ravi de devoir recaser mon "10 ans" sous la forme actualisée "12 ans" chez Edilivres après un non-renouvellement de contrat chez Thélès. Mais au moins j'ai sauvé les meubles : tous mes "enfants" sont hébergés.
Le nouveau-né de décembre le sera-t-il ? Je l'ignore encore. S'il l'est je pense qu'il surprendra mes lecteurs. C'est un livre qui totalise ma pensée politique et éthique actuelle (du moins sur ses points essentiels). On y verra un frémissement d'évolution de ma conception du néo-stoïcisme, par rapport au livre que j'avais consacré à ce sujet en janvier 2011. Je pense que cette notion va encore évoluer chez moi. Je préfèrerais m'en débarrasser d'ailleurs car je n'aime plus trop les termes en "-isme", mais j'avoue qu'elle m'est de plus en plus utile pour désigner ma conception de la présence au monde. Elle va encore probablement s'enrichir et prendre de l'épaisseur dans les années à venir.
Notez qu'en ce moment aussi je suis travaillé par une phrase que j'ai écrite récemment sur l'ouverture aux êtres opposée à l'ouverture à l'être de Heidegger. Je me demande si ma philosophie de l'être n'est pas au fond très anti-heideggerienne. Car en tenant aux êtres (qu'Heidegger nomme "étants") plus qu'à l'être, je suis aussi dans un rapport au temps opposé à celui de Heidegger, et même à celui de Nieztsche et à ce que Nietzsche répérait comme spécifiquement allemand dans la métaphysique de Leibnitz à Hegel : le sens du devenir. Ne suis-je pas au fond, profondément, un ennemi du devenir ? Mais alors il me faudrait tuer mon père - Montaigne... Est-il raisonnable à mon âge de jouer les parricides ?
Rome sous les tropiques
C'est toujours une chose triste lorsqu'un Africain ou n'importe quel ressortissant de nos anciennes colonies essaie d'afficher ses connaissances en histoire romaine pour montrer qu'il vaut autant que l'ancien colonisateur. Ce faisant, il étale souvent bien plus sa maladresse qu'il n'expose une érudition, et il rate sa cible car cela fait longtemps que les anciens colonisateurs, eux, ne s'intéressent plus à Rome. Chercher à Rome, ou dans des Evangiles situés en Palestine, ce qu'on ne peut trouver dans sa propre histoire c'est ce qu'il y a de plus pathétique. Voyez Naipaul à ce sujet.
Je ne veux pas dire par là que Rome ne puisse pas avoir un message universel à délivrer au monde, mais pas comme ça, pas sur le mode d'un ânonement académique qui cherche une reconnaissance des anciens maîtres plus que la vérité des choses.
Lisez donc le texte ci-joint de Séri Dedy, un intellectuel ivoirien partisan de Gbagbo. Il est prêt à mobiliser toutes les références classiques des Occidentaux pour flatter son patron : Socrate, Galilée, Dreyfus... C'en est grotesque. Le pire est atteint quand il s'agit de Jules César qu'il sait valorisé dans l'histoire française contemporaine. "Comme Jules César, Laurent Gbagbo a étudié la civilisation gréco-romaine." Pas vraiment, non. Jules César est né dedans, c'est différent. "Ami de la Plèbe et des milieux défavorisés, Jules César connaissait tout le monde et tout le monde le connaissait. Et grâce à cette sociologie pratique du milieu romain, il apprit bien des choses sur les mœurs et tendances de son époque." Vous arrivez à lire ça sans rire vous ? En tout cas l'identification du putschiste César à la cause des pauvres est typiquement napoléonienne (et plus précisément de Napoléon III, pas très glorieux quand même, relisons Victor Hugo). Je préfère l'inventaire des crimes de César contre la République dressé par Cicéron, il est bien plus juste historiquement. Quant à l'identification de l'ordre mondial actuel et ses chiens de garde aux "optimates", il fallait l'oser ! On se demandera aussi en quoi la comparaison Gbagbo-César est compatible avec l'équation Gbagbo=les protestants français sous Louis XIV (sic) quand on sait à quel point les calvinistes entretiennent des points communs avec un Caton d'Utique - grand ennemi de César - par exemple (par leur légalisme, leur culte du devoir, leur républicanisme même puisqu'il paraît qu'à la Rochelle ont été déployés les premières velléités républicaines, réalisées plus au nord à Londres sous Cromwell et aux Pays-bas, et auparavant à Genève - au fait il faudra à ce propos que je vous parle d'un billet de Bernard Henri-Lévy sur Blandine Barret-Kriegel et le protestantisme hollandais - hé oui, je lis sérieusement mes ennemis y compris les plus insupportables, puissent tous les gauchistes en faire autant !)
Encore une fois l'abus de références historiques occidentales classiques trahit ici l'incapacité à mobiliser des ressources culturelles africaines anciennes (Lumumba et Sankara en fin de texte sont retrouvés in extremis, et sont hélas bien trop récents). Le texte révèle sa nudité, la nudité de la spoliation, l'aliénation. C'est ce qui le rend terrible.
Mais bon, reconnaissons quand même qu'il serait instructif que d'autres de nos contemporains, sous nos latitudes froides par exemple, retrouvent le chemin des comparaisons historiques, même maladroites comme celle de M. Dedy. Cela nous changerait de l'inculture érigée en dogme par nos classes dirigeantes, et en instrument de distinction même par rapport à ceux qui s'astreignent encore à lire les classiques. Cela décalerait un peu nos regards, nous ferait prendre un peu de recul, rendrait les gens moins hystériques dans leur rapport à l'actualité. Nous y gagnerions quelque chose.
Saint Sylvain Tesson : "Dans les forêts de Sibérie"
Peut-on défendre, comme je le fais, un néo-stoïcisme placé au service du développement de l'espèce humaine, tourné vers un idéal de justice, et, par ailleurs, défendre le livre de Sylvain Tesson qui prône la solitude dans les forêts de Sibérie ? Je prétends que oui. Tout comme la religion de l'amour, le christianisme pouvait trouver dans l'érémitisme sa plus haute expression.
Vous allez me trouver un peu bobo peut-être, mais franchement j'estime que le succès de "Dans les forêts de Sibérie" (Gallimard 2011) est mérité. Tesson est mon maître désormais. Je croise son ouvrage alors que les considérations de Romain Rolland sur le silence par exemple m'avaient déjà placé sur cette voie. A vrai dire mon attirance pour l'érémitisme est très ancienne, et j'ai même failli fonder une communauté de renonçants avec un ami dans l'Ardèche il y a sept ans. Il ne vous aura pas échappé non plus que le retrait du monde est la démarche du héros de mon roman La Révolution des Montagne à un moment crucial de l'intrigue. Mais fonder une communauté c'est encore trop. La solitude radicale que choisit Tesson est bien meilleure. Cependant pourquoi seulement durant six mois ? N'y a-t-il pas quelque imposture dans cette solitude "sur mesure", ce tourisme de la solitude ? Je vous le dirai quand j'aurai terminé la lecture du livre. En attendant pensons à Nietzsche dans ses montagnes, et à son éloge d'un autre exilé Sibérien, Dostoïevski. Pensons aux belles considérations de Peter Brown sur Saint Antoine en Egypte. La plus haute réalisation de soi se trouve sans doute là.
L'Occident est-il barbare ?
Les médias et les politiciens occidentaux sont manichéens, de mauvaise foi, menteurs. Voilà qui est très clair. Voyez par exemple la stupidité malveillante de l'AFP à propos des derniers discours de Chavez et Ahmadinejad. L'AFP transforme en discours guerrier des allucations qui sont des homélies de prêtres (catholique et musulman) saturé d'amour et de compassion - voyez la vidéo ci-dessous, pas du tout surprenante quand on connaît un peu la rhétorique dans laquelle baignent ces hommes.
Mes chers anciens camarades de Sciences Po qui étiez dans la section "communication", quand j'étais dans la section" service public", vous êtes de sombres abrutis, sachez le, et je le répèterai tant qu'aucun de vous n'aura le courage de se désolidatiser radicalement du système crétin qui vous fait vivre.
Mais la bêtise méchante est une chose - et dans ce domaine j'accorde la palme aux Occidentaux sans hésiter -, et, bien sûr, la barbarie en est une autre.
L'Occident est-il barbare ? C'est une question qu'on s'est souvent posé. Bien sûr des millions d'Indiens tués, des Congolais réduits à l'esclavage dans les plantations de caoutchouc, les camps de concentration au Kenya, ce n'est pas glorieux. Mais il y avait toujours des Châteaubriand (au début du XIXe siècle à propos des Indiens), ou des Hannah Arendt au XXe, pour nous dire "ce n'est pas 'tout l'Occident', c'en est la lie : des colons aventuriers, des administrateurs un peu trop livrés à eux-mêmes, des grandes entreprises sans scrupule, des militaires mal contrôlés"... Soit, à la rigueur, admettons. Mais enfin quand même quand les gouvernements ne contrôlent pas, c'est au minimum de la barbarie par abstention, de la complicité passive.
Plus problématiques sont les crimes commis directement sous la signature des gouvernants : Hiroshima, l'agent orange au Vietnam. On dit qu'Hiroshima a économisé aux Américains des centaines de milliers de morts. Pas certain quand on pense que le Japon était déjà très affaibli, mais quand même, admettons, l'objection signifie quand même que les centaines de milliers de civils japonais tués valent moins que les milliers de soldats américains virtuellement tués. Sordide comptabilité. Sur le Vietnam on nous dira "les exfoliants visaient la végétation, les Américains si démocrates et progressistes et adorables n'ont simplement pas pensé qu'il y avait des gens dessous". Heum heum...
Allez soyons généreux, admettons que tout cela c'est du passé. Il y avait des guerres nombreuses chaudes et froides, le prix des vies humaines ne pesait pas aussi lourd qu'aujorud'hui. Et les 1 millions d'Irakiens mort de l'embargo dans les années 1990 ? "La faute à Saddam Hussein, il aurait accepté tous les diktats étatsuniens, ces gens vivraient encore". Et la violence des guerres de 1990 et 2003 ? Violence nécessaire, inéluctable, l'armée adverse retranchée derrière des boucliers humains...
Heum heum... Et Pancevo ? Pourquoi bombarde-t-on un complexe chimique civil en 1999 en Serbie sans présence militaire à proximité ? Et Falloujah et Syrte ? pourquoi employer du phosphore ? Simples erreurs ?
Difficile d'avoir des explications claires là dessus. La justice internationale n'est pas autorisée à enquêter. Quand même elle le serait avec des Del Ponte et des Moreno Ocampo, on pourrait plutôt compter sur eux pour glisser la poussière sous le tapis. Leurs regards vont toujours dans la même direction...
Mais j'entends aussi le contre-argument qui dit que les militants antiguerre exagèrent la barbarie de nos forces. Combien de fois a-t-on lu que les armes à l'uranium appauvri étaient volontairement destinées à tuer les civils à petit feu ? combien de fois a-t-on parlé d'armes chimiques ou nucléaires employées par les Occidentaux sans le moindre début de preuve ? On peut déplorer qu'il n'y ait pas d'organe réellement indépendants pour faire la part des choses entre la dissimulation cynique de nos médias et l'exagération des victimes. Combien de civils tuons nous ? Avec quelles armes ? Dans quelles circonstances ? La question reste largement sans réponse, et le silence nourrit les spéculations, même les plus irrationnelles.
Mon interrogation personnelle sur le degré de barbarie de nos pays ressurgit aujourd'hui où il est question de centrales nucléaires. Je lis ces derniers jours que nos amis israéliens n'ont pas fait leur deuil de l'idée de bombarder l'Iran (ils en avaient déjà agité la menace en septembre dernier). Mais bombarder quoi en Iran ? Un analyste en 2008 a dit quelque chose dans le genre "bombarder les installations iraniennes, c'est bombarder des centrales nucléaires en activité, ça ne s'est jamais fait - puisque l'installation irakienne en 1980 était seulement en construction - et ça tuera des centaines de milliers de gens, sans parler des cancers subséquents". Je me dis que les Occidentaux et leurs alliés ne sont quand même pas assez fous pour ce genre de chose. Ils se sont plantés sur Pancevo, mais leur inconscience ne peut pas atteindre une échelle aussi vaste. Je me rappelle aussi avoir lu que dans les années 90 on avait proposé à Bill Clinton de bombarder des centrales nucléaires en Corée du Nord et qu'il aurait refusé. Vrai, faux ? Des militaires peuvent-ils vraiment proposer cela ?
Franchement je ne sais pas. Et si l'on ne bombarde pas des centrales en activité, que bombarde-t-on ? Cette montagne près de la ville sainte de Qoms en Iran où l'on disait la semaine dernière que l'Iran enrichissait l'uranium à un degré supérieur à ce qui avait été fait jusque là ? Bombarder une montagne revient à bombarder Tora Bora l'abri sousterrain de Ben Laden en 2001 non ? Ca ne mène à rien. Alors que comptent-ils faire ? Faire semblant de bombarder une centrale mais en réalité bombarder les routes, les transformateurs électriques, les ponts comme ils l'ont fait en Serbie, jusqu'au "regime change" comme ils disent ? J'observe qu'en Libye ils ont été plutôt modérés sur les bombardements d'infrastructures. C'est ce qu'il semble à tout le moins. Peut-être parce que le mandat de l'ONU ne les autorisait pas à grand chose (et d'ailleurs les autorisait à bien moins qu'ils ne se sont permis). En Iran il y aurait d'autres obstacles : l'énervement de la Russie et de la Chine, mais aussi des difficultés techniques comme la capacité pour les missiles iraniens de couler des navires américains en représailles, ou pour les mollahs chiites de provoquer un soulèvement en Irak. Jusqu'où l'Occident est-il prêt à bombarder ? Quel niveau d'humanité et de rationalité nos systèmes politiques et militaires ont-ils conservé ?
Questions difficiles. En 1914, personne de croyait qu'on partait pour une saignée à blanc de l'Europe. Certains engrenages dépassent la modération individuelle des dirigeants. Basculerions-nous dans un de ces engrenages si l'iran était attaqué ? Nous n'en savons hélas rien, et nous en savons d'autant moins que nous ne savons même pas quels niveaux de inhumanité ou au contraire de retenue ont déjà été atteints dans les récentes guerres...
Le rôle dirigeant du Parti communiste dans la constitution chinoise
Mes chers lecteurs, par ce billet, je peux me faire des ennemis. Il y aura les membres du Front de gauche (ou de la gauche en général, écologiste, socialdémocrate etc) qui aiment les droits de l'homme et ne jurent que par eux qui peuvent me trouver trop indifférent aux libertés individuelles. Il y aura les révolutionnaires pur sucres (par exemple les quelques jeunes gens en France qui aiment la Corée du Nord), ou les amis de la Realpolitik (souvent de droite) qui trouveront au contraire que je suis encore trop sensible à cette question dans mes formulations. Il y aura ceux qui me trouvent "inconstant" parce que j'hésite encore sur ce genre de sujet etc. Il y a ceux qui ne comprendront pas le billet et qui en tireront prétexte pour me cataloguer une fois de plus, etc. Mais tant pis : je suis d'humeur ludique et aventurière aujourd'hui, et donc j'ai envie d'écrire là dessus : le rôle dirigeant du parti communiste en Chine.
Et savez vous ce qui m'a donné envie d'écrire là dessus ? Quelques mots du camarade Mélenchon dans une bonne prestation télévisuelle hier soir ("Des paroles et des actes") que je vous invite à regarder (ainsi je fais un peu de pub pour sa candidature, ça faisait longtemps que je n'en avais pas dit du bien).
Le camarade Mélenchon déclaré en substance qu'il ne recevrait pas le Dalaï Lama s'il était président de la République, mais que ça ne signifiait pas qu'il approuvait le "régime chinois" et qu'il préfèrerait que la Chine ait un régime multipartiste.
Tout d'abord, j'estime qu'en tant que candidat à la présidence de la République, le camarade Mélenchon n'a pas à se prononcer sur la nature du gouvernement qui dirige la République populaire de Chine. Autrement dit il n'aurait pas dû dire un mot là dessus. Si le gouvernement chinois avait été le produit d'une intervention étrangère, ou d'une oligarchie basée à l'étranger comme c'est le cas du régime putschiste du Honduras par exemple, M. Mélenchon aurait eu le droit et le devoir de dénoncer l'ingérence extérieure qui a confisqué au peuple le droit de choisir son propre régime. Mais ce n'est pas le cas du gouvernement de la République populaire de Chine qui est le résultat d'un processus historique dynamique interne à la Chine et qui ne doit rien à une aide extérieure, en tout cas rien de substantiel. Par conséquent le camarade Mélenchon en tant que candidat avait le strict devoir de la boucler sur ce sujet.
En tant que citoyen, philosophe, militant, il a bien sûr le droit de se demander si le régime chinois est un bon système pour la Chine, et avoir une opinion sur l'intérêt qu'a le peuple chinois de le conserver, de le combattre ou de chercher à le réformer. Mais cette question est une question d'intellectuel et d'homme qui n'a pas sa place sur un plateau de télévision où vous êtes interrogé en qualité de candidat à la présidence de la République française.
On sent bien que le sujet est crucial. Il pose la question de ce que nous entendons par "résistance aux ingérences", notre sensibilité au problème des droits de l'homme et à la manière de concilier cela avec le respect des souverainetés. Cela interroge notre rapport à d'autres régimes à parti unique qui sont au coeur d'enjeux géopolitiques planétaires comme la Syrie (cela interroge, mais ne signifie pas que je porterais forcément le même jugement sur la légitimité du système chinois que sur celui du Baas). Cela questionne ce que nous devons penser de la Chine à l'heure où beaucoup d'initiatives sont susceptibles de la déstabiliser (y compris les initiatives à l'encontre de l'Iran, j'aurais pu tout aussi bien consacrer mon billet matinal à la rencontre Chavez-Ahmadinejad), et à l'heure aussi où tout le monde se précipite pour aller recueillir son "argent sale" comme dit l'inénarrable M. Dupon-Aignan quand nos caisses sont vides.
Tout d'abord un devoir d'humilité : je ne connais pas la Chine, je ne sais pas ce que les Chinois ont dans la tête (à supposer qu'eux-mêmes le sachent, puisque beaucoup de nos rapports à un gouvernement, à un pays, sont inconscients), je ne sais pas ce que c'est que de vivre au jour le jour dans un pays où l'on doit fermer sa gueule en politique, et je ne sais pas comment on vit ça quand on est chinois, c'est à dire quand des siècles de féodalité vous ont conditionné à ne pas avoir la passion de l'engueulade politique comme nous l'avons en France.
L'humilité ne devant pas conduire cependant à l'autocensure complète, surtout quand certains éléments qu'on connaît ou qu'on croit connaître avec une assez bonne probabilité, peuvent contrebalancer les âneries manifestes prodiguées par de soi-disant connaisseurs, lesquels peuvent passer des années sur un pays en s'aveuglant complètement sur son compte.
Tout ceci étant posé, venons en à mon jugement. En tant que citoyen français, et franco-espagnol (je sais que ça en emmerde certains, donc je le souligne, c'est ma dette à l'égard d'une République trahie), j'ai l'habitude du multipartisme, et j'y suis attaché. De même que j'ai l'amour de la liberté d'expression, notion que nous avons héritée de la démocratie athénienne, et que le christianisme a repris à son compte dans la pastorale de Saint Paul (je le souligne cuistrement pour les gens qui, lisant ce billet, ne le sauraient pas, au moins ils auront appris un truc en me lisant, ce qui ne signifie nullement que ma valorisation de la liberté de parole, parrhesia en grec, minimise la contribution magistrale de la Révolution française à son renouveau). En tant qu'intellectuel je regrette que ce système soit trop détourné par la démagogie et la personnalisation (à cause des médias notamment) et préfèrerais qu'il soit consacré à des discussions rationnelles de fond. J'ai le sentiment, sans connaître la Suède ou la Norvège, que le débat y est conduit plus rationnellement et donc j'envie le système scandinave de ce point de vue là, quoique je soupçonne que le débat doit y être biaisé par d'autres défauts (le conformisme et la médiocrité en partuculier), et il m'arrive de rêver d'être suédois, mais peut-être ce rêve, comme beaucoup de rêves, est-il stupide.
Comme me le disait un diplomate cubain il y a trois ans, le choix pour Cuba n'est point entre "être la Cuba actuelle ou la Suède", mais entre "être la Cuba actuelle et Haïti", une forme de réalisme que je trouve parfaitement appropriée à la situation géopolitique de son pays, car il y a de fortes chances que le retour de la mafia de Miami aux affaires dans la grande île réduirait les plus pauvres à la misère (on peut ensuite discuter des chances pour qu'une troisième force fasse obstacle à la mafia de Miami en cas de chute du Parti communiste cubain, et transformer Cuba en Costa Rica, mais franchement je ne crois pas que le rouleau compresseur financier floridien en laisserait le loisir à nos amis cubains, à supposer d'ailleurs que le Costa Rica ait de meilleurs indicateurs que celui de la grande île, ce qui n'est pas certain, fermons la parenthèse).
Mais revenons à la Chine. Je me demande si le camarade Mélenchon, dans sa petite phrase en forme de concession à la tyrannie stupidocratique des journalistes, n'a pas un peu légèrement fait comme si la Chine était la Suède. Je veux dire qu'il a un peu rapidement fait comme si les Chinois étaient des Suédois, et peut-être a-t-il fait "comme si" ses voisins et les Etats-Unis laisseraient la Chine être un pays comme la Suède : je veux dire un pays sans grande importance géostratégique, dont tout le monde se fout, qui n'a aucun litige frontalier avec personne, peu étendu (qui n'a donc pas besoin d'entretenir un grand appareil militaire pour se défendre etc.)
On ne peut pas exiger du camarade Mélenchon qu'il soit un grand spécialiste de géopolitique (moi-même je ne le suis pas), mais tout de même ses partisans devraient lui demander s'il s'est posé ces question, et c'est ce que je ferais s'il avait trente secondes à me consacrer un jour.
Pour ma part je crois savoir que la Chine n'est pas la Suède, et ne le serait pas si le Parti communiste renonçait à son rôle dirigeant dans la société chinoise. Attention : je ne tiens pas le raisonnement de beaucoup de communistes orthodoxes qui disent "si le Parti communiste chinois accepte le multipartisme, la Chine finira comme la Russie d'Eltsine". Parce que cela me semble aussi rapide, comme raisonnement, que de penser que la Chine puisse ressembler à la Suède.
Il y a des peuples qui, en renonçant au rôle dirigeant du Parti communiste dans leur société, ont atteint une véritable prospérité, y compris pour les classes les plus pauvres (ce qui est le critère de la justice selon John Rawls : accepter l'inégalité pour autant qu'elle satisfasse les intérêts des plus pauvres). Je pense à la Slovénie par exemple.
Evidemment la Slovénie doit beaucoup de sa prospérité au fait qu'elle est un petit pays, que l'Allemagne et l'Autrice (donc l'Union européenne) avaient intérêt à son enrichissement, comme les Etats-Unis avaient intérêt à l'enrichissement de la Corée du Sud dans sa stratégie de containment pendant la guerre froide. La Slovénie doit aussi peut-être sa bonne acclimatation au modèle libéral à la mentalité propre de ses habitants (il ne faut jamais négliger l'importance des facteurs endogènes, même quand on réfléchit du point de vue de la géopolitique).
D'autres pays ont détruit beaucoup d'avantages sociaux des pauvres en abolissant le parti unique. Pensons au Mozambique ou à la Tanzanie.
La Chine deviendrait-elle une Slovénie si elle renonçait au rôle dirigeant du parti communiste ?
Personnellement j'en doute. D'abord parce que la Chine est grande. Attention, je ne pense pas comme Rousseau que la démocratie ne soit bonne que pour les petits pays. Je vois bien que les moyens de communication aujourd'hui, les progrès des transports etc permettent aux idées et aux bulletins de vote de circuler, bref que la démocratie peut mieux fonctionner à grande échelle qu'autrefois etc.
Simplement quand on est grand, on doit, comme je le disais, entretenir une grande armée - et ce d'autant plus que la Chine n'a pas vraiment que des amis à ses frontières, ni à l'intérieur de ses frontières, pensons à certains agités salafistes du Xinjiang par exemple. Une armée puissante est toujours un inconvénient pour une démocratie. Elle est par exemple un grand danger pour les Etats-Unis d'Amérique, puisque c'est entre autres à cause de la puissance militaire de ce pays que le candidat républicain M. John Paul n'arrive pas à percer dans les urnes : on le soupçonne de trahir les intérêts supérieurs du pays incarnés par l'armée (l'armée américaine étant cependant moins belliqueuse que Mme Clinton et les lobbys civils qui l'entourent mais n'entrons pas dans ce débat). La présence d'une armée forte est dangereuse pour une démocratie parce qu'elle entretient beaucoup de gens (les militaires, leurs familles, leurs proches, les entreprises qui travaillent pour l'armée) dans un état d'esprit disciplinaire peu ouvert au pluralisme. C'est pourquoi d'ailleurs une des malédictions des révolutions est que, à peine déclenchées, elles suscitent la réaction guerrière des aristocraties (ou des oligarchies spoliées) qui recourent à une aide militaire étrangère, ce qui oblige la révolution à s'armer, et à entrer dans une logique militaire.
Surtout avoir une armée forte devient dangereux quand les choses tournent mal, car elle se pense alors comme le seul garant de l'unité nationale et développe des tendances putschistes.
Les choses tourneraient-elles nécessairement au chaos si le Parti communiste chinois instaurait le multipartisme comme cela s'est passé en Russie ? Beaucoup de gens (parmi les libéraux) nous expliquent que la classe moyenne chinoise, née du développement capitaliste récent, serait tout à fait capable d'instaurer une démocratie à la suédoise, ou au moins à la slovène, sur un mode harmonieux, sans déboucher sur des violences et des logiques militaires, et que c'est faire insulte au peuple chinois que de le croire incapable de cela.
D'autres soulignent que les centaines de millions de paysans chinois ou les millions d'ouvriers des usines, qui passent leur semaine à essayer de survivre plutôt qu'à lire Montesquieu ne soutiendraient pas cette démocratie bourgeoise dans laquelle ils ne se reconnaîtraient pas. Donc un conflit éclaterait entre ces classes, conflit qui se solderait soit par la domination militaire et médiatique de la classe moyenne sur les classes sur le prolétariat, comme cela se passe dans la plupart des pays du monde, soit par un compromis "populiste", à la Poutine si l'on veut, qui ne correspondrait pas plus à la démocratie "slovène" que le régime de censure qu'impose en ce moment le Parti communiste chinois.
Les marxistes comme M. Samir Amin seraient même plus catastrophistes, et estimeraient probablement que le démantèlement des kolkhozes chinois (qui perdurent, ainsi que le système de location à bail des terres) ferait affluer les masses paysanes dépossédées vers les villes ce qui plongerait le pays dans la catastrophe en dix ans (mais aussi le monde, à cause notamment du déséquilibre écologique que cela implique), bien au delà de la situation russe. Cet argument, que l'on n'entend jamais ou presque, est intéressant, mais je suis incapable d'en connaître le bien fondé, ne connaissant rien à la question agraire chinoise. Gardons le en tout cas dans un coin de l'esprit.
D'autres hypothèses catastrophiques peuvent être évoquées : que la fin du Parti communiste, dans un pays où la culture démocratique reste minoritaire, crée des difficultés que l'Arabie Saoudite ou la Turquie (fort inspirées en matière d'interventionnisme depuis les printemps arabes) provoqueraient au Xinjiang, l'Inde et les Etats-Unis au Tibet etc, les sécessions à répétition, le retour des féodalités régionales (le "règne des seigneurs de la guerre" comme on disait dans l'histoire chinoise).
En raisonnant de la sorte, on néglige peut-être la capacité de la classe moyenne à créer du consensus interne au pays, et à s'entendre avec les Etats-Unis pour éviter que les ingérences externes aggravent les choses. L'éclatement de l'URSS peut rendre sceptique sur l'une et l'autre hypothèse. Mais on peut aussi penser que la dépendance financière des Etats-Unis à l'égard de la Chine, modifierait quelque peu la donne par rapport à la Russie. La question véritable est sans doute de savoir si les Etats-Unis peuvent accepter une Chine convertie à la démocratie libérale mais stable comme concurrent économique ou si la tentation de la déstabilisation ne l'emporterait pas. Le moins que l'on puisse dire est que la xénophobie occidentale traditionnelle à l'égard des Chinois n'augure pas d'un compromis équilibré entre nous et ce pays, et donc les hypothèses de la dissension, du chaos, de la militarisation, de la démultiplication des tensions internes et externes n'est pas à négliger.
Il faut bien comprendre que l'enjeu ici n'est pas de savoir si M. Ai Weiwei doit avoir le droit de poser nu pour se remplir les poches comme feint de le croire le quotidien Libération ou si les jeunes chinois doivent avoir le droit de faire du porno amateur. Ce n'est même pas de savoir s'il y a plus ou moins de prisonniers politiques, plus ou moins de droits syndicaux pour les ouvriers (que deviennent ces droits quand le pays est livré au capitalisme sauvage ? demandez aux syndicats russes). C'est d'abord une question de stabilité des cadres sociaux nationaux pour 1,5 milliards d'hommes, pour un continent qui compte 60 % de la population mondiale, et donc pour toute la planète.
Secondairement c'est aussi de savoir s'il est indispensable que les Chinois lisent Montesquieu pour être heureux et progresser (autrement dit s'il n'y a pas aussi un système de valeurs internes à la Chine à défendre), mais je veux bien croire qu'au point de perméabilité qu'a atteint la Chine à l'égard des autres cultures (du fait notamment de la destruction de la culture classique par la révolution culturelle, et avant elle par le colonialisme européen), Montesquieu ne peut pas être complètement ignoré dans le devenir chinois.
Après examen de tout ceci (mais M. Mélenchon l'a-t-il examiné ? j'observe d'ailleurs que M. Mélenchon appelle au multipartisme en Chine mais pas à Cuba), le système de parti unique en Chine populaire n'a pas l'air si néfaste qu'on ne voudrait le faire croire. On observe même en son sein un pluralisme de courants qui, comme en Iran (c'est-à-dire avec une forte limitation des formulations rhétoriques, et du cadre intellectuel) conduit à l'existence d'une droite et d'une gauche, au moins sur les questions sociales - et peut-être aussi sur des questions sociétales (comme l'homosexualité). A mon sens il peut être judicieux d'encourager ce pluralisme interne au sein du Parti communisme, d'en encourager l'ouverture à certaines valeurs modernes, sans pour autant prôner le multipartisme.
Je voudrais citer une anecdote ici. L'hôpital de la vile où je travaille coopère avec un hôpital chinois. Une délégation nous a rendu visite. On m'a expliqué ceci : dans la délégation, il y avait le directeur, qui est un homme, et qui se remplit les poches car les tarifs sont libres, et une femme, qui l'agent du Parti communiste au sein du conseil d'administration de l'hôpital, et qui est là pour surveiller le directeur. Elle est très mal payée, c'est une pure bureaucrate. Ce contrôle bureaucratique du Parti communiste sur un capitaliste exceptionnellement dynamique (avec une croissance annuelle à deux chiffres depuis dix ans) n'est-il pas une bonne chose, y compris pour les travailleurs de l'hôpital ? (sauf à supposer que la représentante du parti communiste est complètement corrompue par le directeur, ce qui peut arriver ici, mais le très marxiste numéro 1 du parti communiste de Chongqing Bo Xilai actuellement à la tête d'une croisade anticorruption pourrait devenir le prochain président avec un fort soutien populaire). C'est d'ailleurs en vertu de cette logique de contrôle que les grandes banques chinoises restent nationalisées.
Ce genre de chose est quand même de nature à nous faire considérer le monopartisme en Chine comme au moins un moindre mal, ou le moins mauvais des systèmes pour ce pays. Car après tout que voudrait M. Mélenchon ? Qu'un Hugo Chavez prenne la tête (par les urnes !) d'une démocratie pluraliste en Chine, et tienne en respect les partis politiques de droite ou sécessionnistes en jouant sur le soutien populaire (des comités de quartier par exemple) ainsi que l'hégémonisme étatsunien ou indien ? Mais d'où viendrait ce Chavez chinois ? Des rangs du PC, de l'armée, de la dissidence, des grandes entreprises ? Serait-ce M. Bo Xilai. M.Bo Xilai deviendrait sans doute un Gorbatchev s'il se lançait dans l'aventure. Et quelles force populaires le soutiendraient ? Les syndicats officiels corrompus ? La main d'oeuvre surexploitée ? Intuitivement on sent que les progrès des libertés publiques comme des droits sociaux ne peuvent naître que dans un cadre contrôlé par le PC. On ne voit pas comment un bon système, équilibré, pourrait surgir d'une libre concurrence entre partis politiques, parce qu'aucun ne serait à même de prendre en charge une transition qui préserve la cohésion sociale (songez que même au Venezuela Chavez n'avait pas réussi à constituer un parti suffisamment rallié à sa cause - le PSUV - pour lui permettre de remporter le référendum constitutionnel qu'il proposait à son peuple). C'est donc une évolution interne au parti communiste qu'il faut encourager.
Peut-être ma prudence est-elle un peu trop pessimiste. Je la crois assez réaliste. Bien sûr si des arguments sérieux parviennent à la contrer je suis ouvert à la discussion. Voilà en tout cas comment je vois les choses. Et en tout état de cause il reste intolérable qu'un candidat à la présidence de la République s'engage ès-qualité dans ce genre de débat qui ne concerne que le peuple chinois, et je crois que M. Mélenchon devrait dans les semaines qui viennent publier un démenti pour s'excuser des concessions qu'il a faites aux médias en s'autorisant à s'exprimer sur ce sujet hier soir.
Postcolonial studies
Je me permets de copier ici ce que j'écrivais à une étudiante hier qui a choisi de se lancer dans les postcolonial studies (et qui dans un mail me parlait d'Edward Said et de Spivak). Je ne prétends pas être un grand spécialiste de la question, je livre juste humblement mon sentiment sur le sujet au cas où cela puisse faire avancer quelque chose, toujours prêt évidemment à entendre des arguments complexes.
"Pour les postcolonial studies c'est une bonne idée. Il y a un peu à boire et à manger dedans. J'aime bien Edward Saïd. Je n'ai pas été convaincu par Spivak.Le mélange postmoderne de Marx-Derrida-Foucault est très à la mode dans ce domaine, surtout aux Etats-Unis dans les universités où l'on aime la philosophie française. Tout cela nous est revenu en boomerang à Paris et a influencé des mouvements comme les Indigènes de la République. Bourdieu aussi est occasionnellement utilisé occasionnellement par ce courant, bien qu'il ait beaucoup critiqué le postmodernisme. Je pense qu'il y a beaucoup à retirer sur le plan intellectuel de cette discipline pour penser les rapports de domination (notamment les rapports de domination symbolique) qui sont encore à l'oeuvre dans notre monde. Et vous avez une pierre toute particulière à ajouter en tant que femme, et croiser cela avec les gender studies. Je connais des filles qui ont creusé ce sillon ici ou là, si vous voulez je pourrai vous mettre en contact avec elle par le Net. Mais il faut être aussi conscient du fait que les postcolonial studies tournent souvent au jeu intellectuel gratuit très éloigné des réalités concrètes et souvent très naïf, qui se gargarise de jargon à défaut d'être pertinent. En outre elles nourrissent une fascination malsaine pour la victimisation. Pour sortir de cette ambiance malsaine il faut parfois ouvrir des fenêtres vers la bonne littérature (fort rare), retrouver une certaine simplicité du style. Je ne sais pas trop si la bêtise de nos universités l'autorise ! "
Istanbul vu par Pialat
En 1964... (merci à ma correspondante soukhoumienne de m'avoir suggéré cette vidéo)
Trop content
Un pote de lycée (de mon lycée du bout du monde en Béarn) me contacte via un de mes blogs 23 ans après le bac. Le type écrit sur les mêmes thématiques que ce que je fais en anthropologie, mais lui plutôt sur un plan historique. Truc de fou : j'ai lu l'an dernier un de ses livres en pensant vaguement à lui, mais en me disant "c'en est sûrement un autre, des mecs avec ce nom, il y en a mille en France". La folie ! J'espère le voir bientôt. Qui sait, on écrira peut-être un livre ensemble ! Bah, peut-être cette année ne s'annonce-t-elle finalement pas si nulle qu'il y paraissait d'emblée. Il y a peut-être encore un ou deux trucs rigolos à faire avant de crever.