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La polémique entre Le Grand Soir et des proches d'ACRIMED : comment combattre le rouge-brunisme
La polémique qui oppose Marie-Anne Boutoleau et Joe Rashkounine d'une part, au site Le Grand Soir d'autre part (voir ici), pose à nouveau la question du combat contre le rouge-brunisme : où le commencer, où le finir.
Je connais cela depuis 12 ans, depuis mon engagement sur le Kosovo (je vous renvoie à mon récit "10 ans sur la planète"), depuis ce temps où je faisais en sorte que des collaborateurs d'une revue d'extrême droite ne puissent pas signer l'Appel de Bruxelles que nous avions lancé contre la politique de l'OTAN dans les Balkans.
Oui, il faut se tenir loin de l'extrême droite, le plus possible. Ce n'est pas de l'ostracisme. C'est une question de cohérence interne de ce que l'on fait et de ce que l'on dit. Et non seulement de l'extrême droite, mais aussi de ces esprits aventureux qui, inspirés par des valeurs de "gauche " au départ (comme il y en a par exemple beaucoup dans la bande à Dieudonné), se retrouvent ensuite à faire des projets communs avec des gens d'extrême droite.
Ce n'est pas par goût narcissique pour la "pureté" que je dis cela. Mais parce que l'extrême droite vit dans une tournure d'esprit, une fantasmagorie, aux antipodes du rationalisme, et que, si l'on prend ce chemin, on se retrouve très vite dans des délires du type "complot judéo-maçonique", "illuminati" et autres qui sont le triangle des Bermudes de la compréhension des phénomènes sociaux.
Je l'ai déjà dit à beaucoup d' anti-impérialistes sincères : pas de citation de LaRouch par exemple (un complotiste étatsunien) sans avoir recoupé dix fois les informations qu'il donne. Et si ses informations viennent d'ailleurs, autant citer les sources directes et pas ses interprétations hasardeuses. Idem pour ses équivalents français. Toujours garder des repères rationnels, éviter les délires interprétatifs. Qu'on le veuille ou non la culture de la compréhension rationnelle des phénomènes sociaux (et donc des relations internationales qui en font partie) est historiquement à gauche (même si l'on peut reprocher à la gauche de parfois faillir à cette obligation et de s'embarquer dans des spéculations plutôt religieuses comme le marxisme-léninisme, mais refermons cette parenthèse).
Donc oui, le refus du rouge-brunisme est nécessaire. Mais attention à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. L'article qui attaque le Grand Soir me semble aller trop loin en accusant aussi de "soutien aux dictateurs" (assimilé, dans leur logique, au rouge-brunisme), la remise en cause du chiffre des "6 000 opposants morts sous les bombes de Kadhafi" qu'on nous sort partout. Si l'on suit cette logique personne n'aurait jamais démystifié la pseudo "opération fer-à-cheval" de 1999 au Kosovo, ni réfléchi sereinement sur les révolutions colorées en Europe de l'Est. Pourquoi n'a-t-on pas le droit de pousser l'analyse jusqu'à remettre en cause les dogmes les mieux ancrés de la propagande de guerre ? Je crois que, pour le coup, les auteurs de l'article vont trop loin dans ce qu'ils reprochent au Grand Soir, en tout cas en ce qui concerne le dossier libyen.
Mais le sujet est empoisonné jusqu'à la moelle. La Guilt by association est au détour de chaque article. Je sais que si Le Grand soir a souvent ignoré mes articles (ce dont je ne me plains pas), d'autres sites épinglés par l'article de Marie-Anne Boutoleau et Joe Rashkounine en ont publié certains. Et je sais que ces reprises ont probablement poussé certains à me considérer - parfaitement à tort - comme un rouge-brun moi-même. Qui sait si ce n'est pas la raison pour laquelle l'Huma Dimanche n'a plus jamais répondu à mes mails depuis 2007 et Syllepse a refusé de me publier ? On ne sait jamais qui dit quoi derrière votre dos, quelle réputation on vous fait, et on ne peut jamais jurer, quand on combat l'impérialisme, qu'un de vos amis n'est pas considéré (à tort là aussi) comme un rouge-brun.
En 1999 le champion de la chasse aux sorcières rouges-brunes était Didier Daenyncks, il a fait des émules à gauche. Le bout du bout de cette logique d' "épuration" de la gauche, est qu'on finit par ne plus faire de journalisme d'investigation de peur que l'investigation ne profite à des régimes qu'on n'aime pas, ce qui nous reviendrait en boomerang sous l'étiquette infâmante du rouge-brunisme. On n'ose plus remettre en cause les thèses officielles sur Kadhafi, l'Iran,Milosevic, Chavez (la Guilt ne s'arrête jamais), et l'on n'est plus que dans le discours abstrait : "vive la démocratie parfaite, la laïcité parfaite, la paix parfaite, la bonté, la générosité, ni-méchant OTAN, ni-méchant Milosevic, ni-méchant rien du tout, notre idéal politique et cela seul mérite qu'on agisse pour lui". Le mécanisme implacable de l'enfermement de la contestation dans un idéalisme impuissant.
Saurons nous tenir le cap du refus du rouge-brunisme sans paralysie complète de l'action ? Facile en théorie, compliqué en pratique. Tenez : ce weekend j'ai publié un article sur Kadhafi vu par le Baas. Un ami (peut-être pas assez vigilant à l'égard du rouge-brunisme) me l'avait transmis par mail en provenance de je-ne-sais-où. Je le trouve intéressant d'un point de vue psychologique. Mais je découvre en lisant Marie-Anne Boutoleau et Joe Rashkounine que celui qui l'a traduit est proche des rouges-bruns. Que dois-je faire ? Gommer le nom du traducteur - ce qui est contraire à l'étiquette d'Internet ? Supprimer carrément l'article au risque de priver le lecteur (et ma réflexion) d'un outil de compréhension des régimes arabes ? Je choisis de laisser l'article sur mon blog, tout en étant conscient que des lecteurs rapides y verront des raisons supplémentaires de me soupçonner.
Dommage quand même. La grande question que je me pose depuis 2000 est de savoir si nous pourrions un jour faire un courant anti-impérialiste vraiment de gauche et sans ambiguités. Un courant avec des auteurs, des traducteurs, des informateurs, des distributeurs qui n'aient strictement aucune accointances, aucun rapport avec l'extrême droite. Sera-t-on capable de n'avoir dans nos rangs, autour de nous que des gens qui ont les idées parfaitement claires sur les dangers des théories du complot, sur la nécessité de séparer strictement judaïsme et sionisme, et d'arrêter de prêter à ce dernier des pouvoirs qu'il n'a pas, sur l'impératif de vérification de l'information et d'encadrement critique de l'interprétation ?
Dans un monde où l'extrême droite n'existerait pas ce serait facile. Mais à l'heure où le FN atteint bientôt les 20 % le nombre des papillons attirés par cette lumière ne fera qu'augmenter.
Mon retour à la littérature très souvent (notamment dans le choix de publier des récits de voyage plutôt que des essais) procède d'une forme de découragement devant l'ampleur du laminage de la problématique anti-impérialiste par le rouge-brunisme. Tout est assêché et perverti. Le terrain de l'action contre la domination euro-atlantisme me paraît avoir été rendu aussi stérile par la compromission rouge-bruniste que par le fantasme idéaliste d'une purification dans des cieux éthérés. La littérature reste alors le dernier moyen de s'amuser de ces impasses, en attendant des jours meilleurs...
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ps : quelques mois après la publication de ce billet, un addendum à l'article polémique mentionné ici, pubié sur "Conspihorsdenosvies" a qualifié l'auteur de ce blog d' "admirateur de Milosevic et de Chavez", ce qui est d'autant plus savoureux qu'en 2000 F. Delorca avait fondé un site d'info alternative avec des opposants au président serbe et dont le webmestre était membre d'Otpor... En sens inverse, sur une page http://aredam.net/revue.html, le blog de l'Atlas alternatif dirigé par F. Delorca était classé dans la catégorie "Sites renfermant des informations mais crypto-sioniste, ou sioniste de gauche ce qui est équivalent, à façade pro palestinienne" au même titre qu'Europalestine, ISM et Info-Palestine...
Prose des cités
Lu sur Facebook à propos des policiers:
"Mwa di i font tro lé fiere kan y zont leur uniforme mé kan tu lé voi en tnu normal il baisse la tete et trace pffff y zont pa kouille
je vais pas les mettre tous dans le meme sac mé 99,99% des filcs sont des grosse merdes c tout si y zon peur bin fallait pas faire se metier ensuite y se plaigne au media kan tu pense ke quand un filc bute un gar de kartier ont n en entend pa parlé mé quand c l inverse la ont en fait toute une polemi!!!! ya un truc ki tourne pa rond serieux
chez nous ont fait la difference entre pompier et flics ok mwa jai vu mn meilleur ami sfaire buté a 20m de moi tou sa pour un controle d identé resulta 2 mois de coma et maintnan mwa jdi paix a son ame tou sa pour un controle d identité putain tan na ekouté parlé nan. et dpui se jour lé filc la b.a.c et tou le tralala il peuvent meme pa metre un pied au quartier ont te konai pa tu ne rentre pa ya ke lé pompier ki rentre eux ont sen fou c dé mek bien.
et biensur qu ont vou kaillassent vou nous controleré pa toute les 20 minute parce que ont né blak rebeu.... et le pire c ke c tjr lé meme vou nous laisserai au lieu de nous faire chier h 24 sa changerai ptetre. c la loi de la rue c toi c chakun sa peau vou avez une grande bouche mé vien vivre o je vie et apré ont nan reparlera ok
Petre ke les 50 gosses vou leur avais fait kelke choze ya pa de fumé sen feu kome ont dit hein!!!!
Mais j agresse pas je dit juste vennez ou j habite et ont nan reparle apres meme vous vous les verrez otrement ont fait rien dmal ont est en bas des batiment ont discute ont rigole et vous vous arivé et faite les mariolles c pas une honte kan meme d etre 8 contre 1 et ensuite ont dit que c nous les violant attendez laissez mwa rigoler Pfff
Mwa oci jvien dune cité ou meme mé grand parent rentre pa kome sa c pour dire pour mwa c dé bouffon je changerai pa d avi "
Kadhafi vu par les amis du Baas irakien
Un article intéressant du point de vue politico-psychologique :
" Les hommes de Saddâm … et les hommes de Qadhafi
Si quelqu’un, quel que soit ce quelqu’un, veut juger un « régime donné », il doit regarder ses hommes, ou plus exactement, il doit examiner la qualité de la cour entourant ledit régime, le niveau de son sérieux, de son dévouement ou de sa fidélité tant au pays qu’au chef du régime, ou aux deux, en particulier lors des tournants difficiles à négocier. C’est à cette condition que l’on pourra être assuré que le jugement sera plus proche de la vérité, même s’il ne sera pas totalement véridique.
Nous disons cela tout en suivant la succession des défections des hommes du leader libyen Muammar al-Qaddhafi, qui quittent son navire tant ils sont désormais convaincus que celui-ci va couler, si ce n’est déjà fait. La plupart des hauts responsables ayant eu l’opportunité de quitter la base militaire d’Al-Aziziyyah, à Tripoli, sont passés en Tunisie, puis ils ont sauté dans le premier avion susceptible de leur faire gagner un abri sûr en Europe, abandonnant le « guide » qu’ils ont si longtemps encensé, dont ils ont si longtemps bénéficié des largesse et dont ils ont si longtemps chanté les laudes de sa révolution se battre, seul, avec ses fils et une poignée de membres de sa tribu, dans l’espoir de rester quelques années de plus sur son trône.
Tandis que nous suivons cette grande débandade, nous sommes placés devant une équation morale extrêmement sérieuse et importante, en particulier lorsque nous voyons une personnalité du rang et de la hauteur de Monsieur Mûsâ Kûsâ, le ministre des Affaires étrangères du colonel Mu‘ammar al-Qaddhafi, l’homme considéré comme le plus proches d’entre les proches, l’homme en lequel Qaddhâfi plaçait une confiance absolue, se réfugier en Grande-Bretagne, c’est-à-dire dans le pays qui conduit la campagne militaire visant à faire chuter le régime libyen, et peut-être bien, même, à liquider son chef, si l’opportunité lui en est offerte.
Monsieur Mûsâ Kûsâ n’est pas n’importe qui, il a dirigé les Comités révolutionnaires libyens au moment où ils étaient à leur apogée, il a dirigé les services de renseignement libyens dont la plus éminente des missions était de protéger avant tout la sécurité du régime, celle du pays venant en second. Le tout fait de son exil à Londres, préparé en coordination avec les services du renseignement extérieur britanniques, quelque chose d’absolument inouï. En effet, cet homme est accusé d’avoir joué un rôle déterminant dans l’attentat de Lockerbie et d’être également impliqué, d’une manière ou d’une autre, dans l’assassinat de la policières anglaise Yvonne Fletscher devant l’ambassade de Libye à Londres, en 1984, à l’époque où il était ambassadeur de Libye dans la capitale britannique, et beaucoup d’activistes de l’opposition libyenne pensent qu’il a joué un rôle direct ou indirect, en tant que chef des services de renseignement libyens, dans des opérations de liquidation dont ont été victimes nombre de leurs camarades dans diverses capitales européennes.
Les quotidiens britanniques ont consacré leur une, ces derniers jours, à la « coopération » dont a fait preuve Monsieur Kûsâ lors des interrogatoires serrés auxquels il a été soumis dans un lieu tenu secret par les services de sécurité britanniques. Il se dit qu’il aurait donné des informations très importantes concernant le régime libyen, ses secrets militaires et les activités de ses services de sécurité tant en Libye qu’à l’étranger, en particulier en ce qui concerne la chasse et la liquidation des opposants au régime ou la fourniture d’armes aux Républicains irlandais, et sans doute aussi à certaines factions palestiniennes et arabes.
Autrement dit, l’on peut penser que les services de sécurité britanniques et leurs homologues français et américains, qui participent à l’interrogatoire (de M. Kûsâ) ou peuvent en connaître les détails, sont en train de mettre la main sur un « précieux trésor » d’informations et de secrets d’une valeur inestimable, en particulier en ce moment, qui concernent non seulement la Libye et sa sécurité, mais la sûreté nationale arabe dans son ensemble, voire la sécurité de pays, dans le monde entier, qui sont des alliés des Arabes, comme le Venezuela, la Russie, Cuba, l’Inde, la Chine, la Turquie, le Pakistan et d’autres, avec lesquels les services de renseignement libyens ont coopéré tout au long des quatre décennies écoulées.
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Nous ne pensons pas qu’il s’est lancé dans ce pari risqué parce que ce serait quelqu’un qui croirait en la démocratie, aux libertés, aux droits de l’homme, aux valeurs de la justice, car si tel était le cas, il y a belle lurette qu’il se serait distancé du régime libyen, et même il n’aurait sans doute pas choisi de travaillé avec lui, pour commencer, en dirigeant un service de sécurité considéré comme le plus oppressif, du fait que celui-ci, je veux dire le régime, a été dictatorial dès son accession au pouvoir à la suite d’un coup d’état militaire contre un roi bon et modeste, totalement désintéressé, voici, aujourd’hui, quarante-deux années de cela. Nous ne pensons pas non plus qu’il soit dans son intention de rejoindre l’alliance des révolutionnaires libyens qui veulent renverser le régime qu’il a servi « fidèlement » plus de trente années durant.
Le leader libyen Mu‘ammar al-Qaddhafi porte la plus grande part de responsabilité de ce qui lui est arrivé et de ce qui ne manquera pas de lui arriver en fait de drames et de coups de poignard dans le dos assénés par les plus proches d’entre les plus proches, et nous ne ressentons nulle sympathie ni nulle pitié pour cet homme qui mérite bien pire, car il a choisi délibérément de s’entourer et d’apporter foi à des « saltimbanques » et à des thuriféraires, à toute une troupe d’hypocrites, qu’il a préféré aux gens honnêtes, dignes et compétents, et ce châtiment est d’ores et déjà compris et attendu, quoi qu’il en soit, car cet homme n’a pas bâti d’Etat, n’a pas mis sur pied d’institutions de gouvernement, ni d’infrastructures ni de superstructures, et il a excellé dans la violation des droits de l’homme, il s’est délecté de la suppression des libertés, il a permis à ses fils et à une poignée de parents et de membres de sa tribu de monopoliser les potentialités et les richesses du pays.
Nous avons vu des régimes arabes dictatoriaux chanceler sous les clameurs de jeunes révolutionnaires et sous leurs protestations retentissantes, nous le savons vues tomber lourdement, en fin de compte, après qu’ils eurent reconnu alors qu’il n’en était plus temps leurs erreurs et leurs turpitudes, mais nous avons pas vu un responsable égyptien ou un responsable tunisien – et il n’y a pour eux strictement aucune gloire à en retirer – abandonner un dirigeant et quitter son navire pour aller coopérer avec ses ennemis, comme nous voyons les responsables libyens le faire : tous sont restés dans leurs pays respectifs et, s’ils ont tenté de fuir, ce fut après la chute du régime, et non pas avant celle-ci.
Nous nous souvenons, à cet instant, du dirigeant irakien disparu Saddâm Husaïn. Nous ne contesterons pas une seconde qu’il s’agissait d’un dictateur, mais il avait un projet, que nous ayons ou non été d’accord avec celui-ci, et il a fondé un pays puissant qui a éradiqué l’analphabétisme et réalisé de grandes avancées scientifiques et dans le domaine de l’éducation. Certes, il a commis des erreurs. Mais c’était un homme au plein sens de ce terme et sans doute que beaucoup de ceux qui redoutent le danger iranien, selon leur vision des choses, le pleurent aujourd’hui, lui qui a combattu contre l’Iran huit années durant. Il a tenu bon face à un embargo occidental inique, à des zones d’interdiction aérienne, aux complots ourdis par ses opposants rabes (je veux dire les régimes arabes) et irakiens durant plus de treize années extrêmement difficiles, et il n’a jamais été abattu, il n’a jamais élevé la voix et nous n’avons jamais entendu dire, ni jamais lu dans la presse qu’un seul de ses ministres aurait quitté le navire irakien lorsqu’il était à la barre.
Plus de cinquante des plus hauts responsables militaires et sécuritaires, ministres et ambassadeurs sont restés à ses côtés jusqu’à la dernière minute de son règne, ils ont souffert de la faim, après celui-ci, et certains d’eux ont dirigé ou dirigent encore aujourd’hui la résistance contre l’occupation de l’Irak, ils ont affronté des condamnations à mort ou à la prison à vie. Or, nous n’avons pas vu l’un quelconque d’entre eux, alors mêmes qu’ils étaient dans le box des accusés, lors de procès expéditifs bidons, se parjurer, se dédire ou condamner leur leader. Au contraire, ils le défendirent bec et ongles, alors même qu’ils savaient pertinemment que s’ils l’avaient, au contraire, condamné, cela leur aurait évité la potence.
Les Américains avaient envoyé des émissaires à Monsieur Tareq Aziz, ex-vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de l’Irak afin de marchander sa mise en liberté en l’échange de sa coopération avec eux ; ils lui demandaient de couper les ponts avec son président et de condamner son régime de gouvernement, de révéler ses secrets et ils lui demandèrent même de témoigner contre le député (britannique) George Galloway. Mais il refusa avec beaucoup de dignité, alors même qu’il était âgé de plus de quatre-vingts ans et qu’il était rendu impotent par la maladie, lui qui est soigné pour une véritable « encyclopédie médicale » d’affections diverses et qui risque de mourir à tout instant.
Il en va de même en ce qui concerne le général Hashim Sultan, le ministre de la Défense et le chef d’état major de l’armée irakienne, un homme héroïque, qui a résisté aux très importantes offres financières des Américains et qui est resté fidèle à son leader, refusant de fouler aux pieds, en collaborant avec les occupants, son honneur militaire et ses actes héroïques sur divers champs de batailles avec ses camarades officiers.
Même les ministres civils, contre lesquels les occupants n’ont trouvé aucun motif d’inculpation et qui ont quitté l’Irak pour divers pays d’exil, n’ont pas eu une seule parole offensante pour leur président ou pour leur régime alors qu’ils auraient pu, s’ils l’avaient fait, gagner des millions de dollars. Mais ils ont préféré se retirer loin des projecteurs de l’actualité et se contenter du strict minimum susceptible de les maintenir en vie, eux et les membres de leur famille.
J’ai rencontré deux d’entre eux. Le premier étant M. Muhammad Saïd al-Sahhâf, ancien ministre irakien des Affaires étrangères et de l’Information et le second étant le Dr Nâjî Sabrî al-Hadîthî, qui lui succéda au poste de ministre des Affaires étrangères jusqu’à l’occupation de Bagdad. Le premier vit à Abû Dhabi, où il mène une existence paisible, et le second vit à Doha, où il a repris son enseignement universitaire, pour un salaire extrêmement modeste. J’ai appris qu’il est parti à la retraite cette année.
Aucun regret pour des régimes qui ont opté pour l’hypocrisie et les hypocrites, des régimes qui se sont entouré d’une cour de poètes de cour, car ces régimes, quoi qu’il en soit, en raison de leurs exactions répressives et de leur acharnement à piller l’argent public ne méritent que des gens tels que ceux-là. Mieux : ils ne peuvent pas gouverner avec d’autres que ces gens-là et ils ne peuvent finir que par la fin infâmante et humiliante dont nous voyons disparaître aujourd’hui ceux qui sont déjà tombés ou ceux qui ne vont pas tarder à suivre ces derniers.
par Abdel Bârî Atwân
in Al-Quds al-Arabiyy
4 avril 2011 traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier"
L'art du bombardement furtif
Dans ce billet je ne vous parlerai pas des bombes de l'OTAN qui tuent des insurgés libyens "par erreur", mais des bombardements israéliens au Soudan... C'est une histoire un peu mystérieuse qui ne fait pas la "une" de nos journaux.
En janvier 2009, des avions israéliens ont bombardé au Soudan un convoi soupçonné de livrer des armes à Gaza.
39 personnes auraient été tuées selon les sources officielles, 17 véhicules ont été détruits (vous lisez bien 17 : ce n'était pas un petit convoi). Le diplomate soudanais Khalid Al-Mubarak le 7 mai 2009 (cf vidéo ci dessous http://www.youtube.com/watch?v=jJjYg1nSfM8) faisait remarquer que si Israël avait eu connaissance du déplacement de ce convoi la moindre des politesse eût été de demander préalablement au gouvernement soudanais de l'arrêter. Ils auraient pu aussi le demander aux Egyptiens (une fois que le convoi aurait franchi la frontière). L'Egypte a déjà détruit ou arraisonné des convois d'armements sur son territoire y compris sous le nouveau régime militaire en place depuis le 11 février dernier. Mais peut-être Israël ne faisait-il déjà pas confiance au gouvernement égyptien pour ce genre de chose, et de toute façon il était plus important pour ce pays de pouvoir montrer (notamment aux Iraniens qui financent les livraisons d'armes) qu'il ne plaisantait pas et pouvait frapper où il voulait quand il voulait au Proche-Orient.
Le bilan de cette absence d'humour et de politesse israélienne s'est quand même élevé à une centaine de morts (excusez du peu). Pourquoi serait-on passé de 17 à plus de 100 ? Parce qu'Israël se serait trompé et aurait en fait frappé un convoi de migrants africains...
Difficile de dire laquelle des versions est la bonne faute de la présence de journalistes indépendants sur place (une fois de plus).
Le 6 avril 2011 (avant--hier) à 10 h du soir, sur les bords de la Mer Rouge, des avions israéliens ont bombardé un véhicule à 15 km au sud de Port Soudan. Israël a laissé entendre dans un premier temps que les deux conducteurs (morts) étaient des Palestiniens ou des Iraniens, puis a précisé que sa cible était le Palestinien Abdoul Latif al-Achkar. Le Soudan, lui, affirme qu'ils étaient des Soudanais "ordinaires" travaillant au port. Il donne leur nom : Iyssa Ahmed Hadab de la tribu Al-Amrar et son chauffeur Ahmed Djbril. La tribu Al-Amrar a l'air d'être importante à Port Soudan (voir cette page web qui les mentionne) et donc des journalistes pourraient facilement vérifier si la victime en fait bien partie.
Le Soudan s'est plaint au Conseil de sécurité du "machin" onusien, tout en sachant que ça ne servira à rien car , pour Israël comme pour son mentor étatsunien le Soudan (qu'ils viennent de couper en deux) existe à peine, et en tout cas il n'a aucune frontière quand il s'agit de "lutter contre le terrorisme". Il y aura donc un véto des Etats-Unis à toute tentative de présenter une résolution (à supposer même que quelqu'un se dévoue pour en rédiger une) et on s'en tirera avec un petit communiqué de Ban Ki-Moon "déplorant" cet usage indu d'armes de guerre dans l'espace aérien d'un Etat tiers.
Pourtant même nous Français qui apprécions tellement le "droit d'ingérence" n'aimerions pas qu'un avion israélien ou chinois vienne bombarder un camion au dessus d'une autoroute du Midi de la France...
Les frappes sur des pays comme le Yémen (par les USA) et le Soudan sont devenu monnaie courante et plus personne n'en parle. Le Soudan les condamne généralement comme autant d'efforts pour ternir son image et l'accuser de soutenir le terrorisme. Rappelons quand même que Khartoum avait accepté la sécession du Sud-Soudan en échange de son retrait de la liste des Etats terroristes. récemment des membres du Congrès américain se sont opposé à ce retrait en invoquant les liens de Khartoum avec une rébellion soudanaise. Les visites de dirigeants du Hamas dans le cadre de conférences sur la Palestine sont aussi dénoncées. Le bombardement israélien serait-il une façon "d'enfoncer le clou" pour entretenir la marginalisation du Soudan ?
Libye, Côte d'Ivoire : aucune tête ne doit dépasser en Afrique
Le gouvernement de la Corée du Nord est-il d'extrême droite ?
Il est frappant de voir combien, sur les faits historiques et les phénomènes sociaux les jugements et catégorisations, varient d'un extrême à l'autre, il semble qu'on puisse souvent tout dire et son contraire, ce qui est si déconcertant que beaucoup en viennent à refuser toute analyse dans ce domaine pour aller cultiver leur jardin. Devant toutes ces contradictions on éprouverait presque le besoin d'aller systématiquement voir sur place, ce qui bien sûr n'est pas possible pour tous les grands sujets qui nous sont proposés.
Dans la dernière livraison de l'excellent magazine Books de ce mois-ci on apprend (p. 19) que sortira bientôt (le 21 avril) aux éditions Saint-Simon la traduction du livre de Bryan R. Myers, professeur de relations internationales en Corée du Sud, d'un ouvrage paru aux Etats-Unis l'an dernier "The cleanest race. How North Koreans see themselves".
La thèse du livre est sans nuance mais séduisante : la Corée du Nord ne serait pas un pays communiste mais un régime d'extrême droite, qui infantilise sa population, et l'entretient dans le culte d'une pureté raciale et morale contre le reste du monde.
Vous savez que je suis radicalement hostile à toute ingérence occidentale en Corée du Nord comme ailleurs, car de toute façon les ingérences ne contribuent qu'à la militarisation des gouvernements auxquels on s'oppose à Pyongyang comme ailleurs, quand elle ne fait pas le lit d'autres fanatismes et d'autres mafias confortablement attachées au poil bestial de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord.
Mon propos n'est donc pas de discréditer gratuitement le régime nord-coréen au risque de banaliser ensuite les pressions occidentales sur ce pays (et la guerre qui pourrait un jour en résulter). Mais l'engagement contre l'ingérence n'interdit pas là comme ailleurs une réflexion active, sceptique, dynamique, sur la nature du gouvernement auquel nos technostructures s'opposent.
Je ne ferais pas cas de la thèse de Myers si elle relevait de l'antisoviétisme primaire issu de la tradition trotskiste selon lequel tout socialisme dictatorial est en fait une perversion "de droite" (voir d'extrême droite) du marxisme originel - antisoviétisme si répndu que beaucoup de cadres communistes en France identifient spontanément les dictatures soviétisantes des années 70-80 à des régimes de droite non-communiste (voir à propos de l'Ethiopie mon témoignage du 14 janvier 2010).
Myers si l'on en croit son interview dans Books ne part pas de ce présupposé-là. Il différencie très clairement l'URSS et la Chine de la Corée du Nord, et estime que le soutien de Moscou et Pékin à ce régime repose largement sur des malentendus. Selon l'auteur, pratiquement personne ne connaît Marx en Corée du Nord et les rares marxistes sincères y ont été flingués dans les années 50. D'ailleurs l'anti-intellectualisme ambiant à Pyongyang fait même que la théorie du "Juche", qui est un patchwork simpliste construit dans les années 70, n'aurait que peu d'impact sur la pensée des gens, et les livres écrits par les grands leaders qu'un moyen d'afficher à l'étranger une autonomie intellectuelle inexistante (puisque tout dans cette dictature reposerait sur le sentiment - Myers a d'ailleurs des mots étonnants à propos du comportement maternel et non paternel à la Staline des dirigeants nord-coréens.
Le propos n'est pas tout à fait crédible sur tout - par exemple quand il estime que les tirs sur l'île sud-coréenne l'an dernier relevaient d'une attitude purement immature et puérile du système (alors qu'il s'agissait d'une réponse à une provocation sud-coréenne). Mais au moins la thèse a le mérite d'être originale et argumentée. Bien sûr on peut se demander si le racisme (hélas souvent endémique en Extrême-Orient qu'ailleurs) et l'infantilisation sont les critères pertinents pour distinguer l'extrême-gauche de l'extrême-droite (question particulièrement aigüe de nos jours ou la question de la combinaison du socialisme et du nationalisme est très controversée). Si l'on admet que tel est le cas, alors effectivement la classification de la Corée du Nord comme régime "de gauche" devient franchement douteuse (ce qui ne veut pas dire, encore une fois, que les gens de gauche doivent en tirer prétexte pour justifier l'ingérence occidentale contre ce pays au nom d'un internationisme mal compris !). Par contre si l'on considère que seul l'égalitarisme compte, alors le point de vue de Meyer ne tient pas. A méditer...
A propos des mensonges sur la Côte d'Ivoire
A noter dans la blogosphère cet article du politologue, spécialiste des conflits africains, Michel Galy à propos de la Côte d'Ivoire, qui se réclame de Pierre Bourdieu et Daniel Schneidermann - je ne citerai que ces trois paragraphes :
"Le recyclage des acteurs, intellectuels ou journalistes étrangers constitue une tactique de choix dans la propagande de masse, à laquelle la blogosphère n'échappe pas; suffit-il, comme Venance Konan par exemple, d'être une «bonne plume» ivoirienne pour pouvoir écrire n'importe quoi (et faire oublier son passé de chantre de l'ivoirité et son militantisme actuel pro-Ouattara)? Loin de tout devoir de réserve (les amis du Prince, réfugiés ou étrangers, n'y sont bien sûr pas tenus!), on peut se permettre ainsi d'user des procédés les plus classiques de l’extrémisme: tribune ignoble sur le physique ou la vie privée du «dictateur» dénoncé; lettre collective dans Le Monde un jour, personnelle dans Libération le lendemain —toujours dans des termes où l’insulte ne cède qu’à l’outrance.
Le sommet a sans doute été atteint en reprochant à Laurent Gbagbo la responsabilité de la guerre urbaine d'Abidjan: tous les observateurs savent que le «commando invisible» d'Abobo vient de la rébellion et de la mouvance Ouattara. Ou encore d'indexer les morts civils de 2000 qui affrontèrent les militaires soutenant le putschiste R. Gueï, se faisant massacrer pour un régime civil et le respect des élections. Ici, l'ironie n'est plus de mise: attribuer les victimes du général Gueï à Laurent Gbagbo est ignoble et digne des procédés de Goebbels: «plus c'est gros, plus ça passe»! Tout comme un quarteron de chercheurs sous influence, ayant en commun de ne pas avoir connu la Côte d'Ivoire depuis dix ans, recyclent l'ivoirité ou attribuent ce faux concept, «l'ethnocratie», à celui qui a un électorat multiethnique! La responsabilité dans ces cas est partagée entre les auteurs et ceux qui laissent passer ces textes: à supposer que la presse se relise, dans quelques années, le rôle des rédactions n'en sortira pas grandi.
Les procédés de désinformation sont légion, et l’ignorance du terrain ne saurait les résumer. Certains sont conscients et servent de marqueur, de repérage dans le champ médiatique: ainsi entendre un «expert» journaliste évoquer sciemment 2004 en déplorant les 10 morts et les 30 blessés de l'armée française à Bouaké sans citer les 60 morts et plus de 1.000 blessés ivoiriens semble significatif. Plus récemment, dans les pseudo débats télévisés (on pense par exemple à un débat de «spécialistes» à 100% ouattaristes: si la conversation manquait de diversité, le forum en ligne était plutôt animé, ayant sans mal remarqué le procédé…), le fait de citer le Conseil constitutionnel ivoirien constitué de pro-Gbagbo (sans d'ailleurs faire référence à l'identique situation française) sans mettre en regard la composition de la CEI à plus des deux tiers pro-Ouattara parait un marqueur évident de partis pris tout à fait voulus."