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Un mail abkhaze
Bon, reconnaissez qu'il peut être sympathique le matin après s'être entassé dans un RER pour aller retrouver l'ambiance tristounette du boulot de trouver dans sa boîte mail, comme cela m'est arrivé aujourd'hui, le message suivant :
"Bonjour,
Je suis une traductrice Turque qui vit en Abkhazie. Mon mari est un Abkhaze rapatrié. J’avais vu la présentation de votre livre « Abkhazie » sur votre blogue, j’ai réussi enfin à le procurer et je l’ai lu avec intérêt. Je voudrais savoir quel sont les commentaires des lecteurs du livre en France.
A vrai dire, j’ai pensé un moment de le traduire vers le Turc mais le diaspora Abkhaze est aussi « fier » que le peuple d’ici :) Il est possible que certains parties du livre leur déplaisent. Et il y a un proverbe turque qui dit « Çerkes Abaza allah muhafaza », si on le traduit mot-à-mot : « Le circassien, l’Abkhaze, que dieu vous en garde ! » :)
Cordialement"
Voilà, c'est le genre de mail agréable, plein d'humour, de fraîcheur, et en même temps complètement improbable : un mail turc d'Abkhazie écrit dans un français presque parfait, sur un livre qui n'est pas encore vraiment connu en France, près d'un an après sa publication. Je n'ai pas seulement aimé ce mail parce qu'il vient d'un univers très éloigné de la culture française (la France ne connaît rien au Caucase), ni seulement parce qu'il était improbable, mais parce que c'est un regard turc sur un livre qui a approché Soukhoumi par le côté russe et que ça fait longtemps que j'essaie de deviner ce que peut-être l'Abkhazie du point de vue de la Turquie. Je dois dire que, de ce point de vue là, le proverbe cité sur un ton plaisant comble en grande partie ma curiosité à ce sujet !
Bref je trouve tout cela délicieux. Et ce genre de mail donne plus de raisons d'être à l'écriture de mes livres que mille recensions académiques aussi médiocres que prétentieuses, et aussi prétentieuses qu'ennuyeuses ! Mes amis Français vous avez tort de choisir des destinations banales comme Agadir, New York, Rome ou les Maldives pour vos vacances ! C'est à Soukhoumi qu'il faut aller !
Solidarité avec les usagers de la SNCF en grève
Un mouvement original d'usagers de la SNCF en grève s'est développé dans l'Ouest de la France et dans le Nord. Une pétition nationale peut être signée ici. J'espère qu'une confluence se réalisera entre ce mouvement d'usagers et les syndicats de salariés de la SNCF.
Comme on peut le lire dans Le Monde verson électronique : "Il y a un désengagement total de l'Etat, pour remettre à plat et améliorer l'organisation des réseaux ferrés français. On nous a pourtant bassiné avec le Grenelle de l'environnement, et incité à prendre davantage les transports publics. Ce qu'on constate plutôt, c'est qu'on se dirige peu à peu vers un système de type britannique pendant les années Thatcher, où les trains et les voies ferrées ont été abandonnés par l'Etat au détriment de la qualité et de la sécurité du service."
Refermer la boîte de Pandore tunisienne
M. Le Hyaric signale sur son blog l'événement suivant :
"La séance plénière du Parlement européen s’est ouverte hier soir, lundi 17 janvier 2011, par une déclaration du Président du Parlement, sur la situation en Tunisie, en présence de la Commission européenne.
Tant le Président du Parlement que le représentant de la Commission M. Füle, n’ont manifesté que peu d’enthousiasme dans le soutien à l’actuel mouvement qui se développe en Tunisie. Puis, dans une curieuse ambiance où se mêlaient gêne et confusion, une majorité du Parlement a refusé de discuter et d’adopter une résolution réclamée par le groupe de la Gauche Unitaire Européenne et le groupe des Verts/Alliance libre européenne, présentée par Daniel Cohn-Bendit."
Je crois que nous devons relever ce genre de fait : si demain le peuple tunisien parvient à faire avancer sa révolution jusqu'à un point de rupture avec la tutelle occidentale (ce que je souhaite), chacun doit bien voir qu'il s'agira d'un processus dialectique, agonistique, face à des pouvoirs occidentaux foncièrement attachés à la sauvegarde, dans un premier temps de la dictature, puis et de ses reliquats.
L'establishment européen (comme son homologue étatsunien), comme toujours, est une machine à étouffer les mouvements populaires, pour éviter les effets dominos, le populisme, l'islamisme etc. Les boîtes de Pandore révolutionnaire doivent s'arrêter à 1789, toujours. La liberté de la presse bourgeoise et des partis pro-occidentaux. Rien au delà.
"Eloge de la liberté sexuelle stoïcienne"
Actualisation 2019 : Mes découvertes sur le monde des médiums, de la sorcellerie, et des forces invisibles m'ont fait complètement renier ce livre "Eloge de la liberté sexuelle stoïcienne" dont j'ai demandé à mon éditeur de ne plus le publier.
Mon dernier livre Eloge de la liberté sexuelle stoïcienne, à propos d'une histoire yougoslave vient de paraître aux Editions du Cygne. Ce livre termine un cycle d'écriture commencé il y a douze ans.
Je ne sais pas du tout si j'aurai l'occasion de publier d'autres livres dans les années à venir. A priori je n'y tiens pas car c'est un travail fastidieux, et tout ce que j'avais d'intéressant à dire figure dans l'un ou l'autre de mes livres déjà publiés. Je suis de toute façon à une étape de ma vie (mais c'est sans doute le lot de tous les quadras) où une grande part de tout ce qui se livrait sous le mode de la nouveauté, exaltant, désespérant, ou simplement surprenant et complexe, s'offre aujourd'hui sous le sceau du déjà-vu et de la répétition. Si l'on attend de moi que j'écrive des ouvrages, si quelqu'un m'en demande un, je ne pourrai alors que composer un texte sérieux qui ordonne, précise, explicite ou affine des choses déjà dites. Il ne peut plus s'agir de textes marqués par l'urgence et des émotions constrastées comme ce fut le cas il y a sept ou huit ans. Dans un sens j'ai eu la chance de pouvoir poser sur la place publique les principales expériences que je vivais, et les sentiments ou les analyses qu'elles m'inspiraient, soit dans le registre de la sociologie soit dans celui de la philosophie ou de la géopolitique. La chance aussi d'être lu par quelques-uns, et inscrit dans des catalogues de bibliothèques publiques. Je le dois à de petits éditeurs comme Le Temps des cerises, Thélès, L'Harmattan ou Le Cygne. Je ne leur ai sans doute pas fait gagner d'argent, mais ils ont quand même assumé le risque de porter ces livres qui ne parlent pas forcément à l'imaginaire du plus grand nombre, et ils l'ont fait de moi sans exiger que je retouche mes textes en fonction du politiquement correct ou d'objectifs de rentabilité.
Voilà, je ne sais pas trop si cela a été utile, ni à qui ça a pu l'être. Maintenant je compte me replier modestement sur mes blogs et y cultiver tranquillement mes radis. Une phase se termine.
De la différence, de la lourdeur, et de leur bon usage
Affiché sur les murs de Paris en ce moment : "Belle année 2011, dans une capitale où se rencontrent et se respectent les différences, une ville qui aime la vie". Je ne sais pas pourquoi, mais moi je ressens dans ce slogan la patte de M. Delanoë himself... Bien sûr c'est le genre de message auquel personne ne croit, mais il est intéressant que la capitale de la France ait choisi celui-là, c'est son visage, son maquillage, sa tenue de soirée, tenue de rigueur du moment.
Ce matin par dessus l'épaule d'un voyageur du RER je lisais en titre d'une grande page du Monde "Roland Dumas l'amoraliste". Je crois qu'à Paris la "différence" de Roland Dumas ne doit pas être très "respectée". La mienne non plus du reste : quand une journaliste de Glamour m'interroge sur l'exhibitionnisme des jeunes filles, je sens bien qu'on n'est pas très content d'entendre la réponse d'un type qui a l'accent du Sud, et encore moins de l'entendre esquisser des grandes fresques sur 200 000 ans ou 50 ans ("Vous savez, nous ce sont les sujets 'tendance' " qui nous intéressent") ou relativiser des phénomènes à la mode sans être capable de citer le nom d'un photographe en vogue.
Mais cette intolérance à l'égard de ma "différence" m'incommode moins qu'il y a 20 ans. Je m'amuse à voir la manière dont autrui me considère, et agacer ou ennuyer ne me déplaît pas.
En ce moment je lis un bouquin publié chez un petit éditeur qui défend une philosophie athée de la matière. Le bouquin n'est pas très bon. Ses références sont assez datées, inadaptées aux vrais enjeux du débat contemporain sur la nature et le destin de l'humanité (alors pourtant que le fond de sa thèse est assez juste). En somme ce livre me paraît un peu lourd.
Je me dis que mes propres écrits (dans tous les domaines) peuvent paraître à beaucoup de lecteurs - ceux qui sont "tendance", "branchés", esclaves des médias actuels etc, - grevés des mêmes défauts, et que donc mes écrits sont pour eux ce que ce livre est pour moi : un truc un peu épais, mal dégrossi.
Sauf que, pour ma part, je suis enclin à penser que mes livres (ou mes propos dans les interviews) sont lourds pour de bonnes raisons : ils veulent manifester une force d'inertie par rapport à la légèreté des modes et à la fausse virtuosité des amuseurs publics. Alors que le livre que je lis, lui, est simplement lourd par excès d'ignorance : l'auteur n'a tout simplement pas cherché à connaître les données actuelles du débat et croit pouvoir ressortir par exemple Freud sans voir ce que Freud a pris sur la tête depuis sept ou huit années.
Cela dit nos "lourdeurs" se rejoignent en nous condamnant à rester chez de petits éditeurs. Ainsi va la vie.
Une précision cependant : je ne pousse pas l'inertie et la lourdeur aussi loin que Bourdieu et, au delà, ses prédécesseurs chantres du structuralisme qui dénigraient systématiquement les prophètes de la modernité façon Crozier en rappelant toujours contre eux ce qui résiste, ce qui ne change pas. L'attachement aux invariants, très caractéristique du structuralisme, contre le "bougisme" médiatique (et le mythe du "tout change tout le temps") est une commodité académique à laquelle je me garde de céder trop facilement. Car en ces temps où l'opinion populaire dépend beaucoup de ce qui se voit sur les écrans les modes sont très loin d'être anodines, l'instinct grégaire à leur égard se porte si bien qu'il serait dangereux d'en sousestimer la force et l'impact.
Bref, passons sur le décorticage de ces subtilités.
J'ai envoyé mon livre sur le stoïcisme à mon éditeur. Il sortira début février. C'était mon dernier ouvrage (définitivement ou avant très longtemps). Il comporte bien des maladresses que je n'ai pas trouvé le courage de corriger. Après des années à le relire à le recomposer, je ne savais plus qu'en faire. C'est sans importance de toute façon. Il sera si peu lu.
De toute façon je ne veux plus trop être lu ni entendu. Un type un peu bizarre (de droite) m'a proposé de donner une conférence sur mes livres. Je n'ai pas donné suite à sa proposition. Je veux bien accorder une interview à l'association "Initiative citoyenne de défense" sur l'état actuel du monde comme elle me l'a proposé parce que cela me donnera l'occasion d'ordonner un peu mes idées sur ce sujet, mais ce n'est plus dans l'espoir d'étendre mon lectorat. Je me satisfais tout à fait de voir une poignée de personnes de qualité fréquenter occasionnellement ce blog et y laisser des commentaires. D'ailleurs, à l'avenir, comme je n'aurai plus le travail d'écrire des livres, je compte me contenter de ce blog et des rencontres fortuites que je puis encore faire à travers les messages que m'envoient parfois ses lecteurs. Au diable les livres !
La sexualité en RDA
Lu ceci dans l'Imparfaite :
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"«Plus tôt, plus souvent et mieux!» Voilà comment les historiens décrivent le sexe en République Démocratique Allemande. Ovni politique, le régime communiste a entretenu, à partir du milieu des années 1960 et jusqu’à son implosion en 1989, une autre singularité, plus discrète: une sexualité sans pareille. Un amour libre, égalitaire, imaginatif et –chiffres à l’appui ‒ plus orgasmique que dans les sociétés voisines. La RDA fut à ce titre une exception, entre une RFA «prute» à l’Ouest et le reste d’un bloc communiste tombé dans le machisme soviétique. Le régime socialiste est-allemand a couvé une romance sexuelle aujourd’hui motif d’ostalgie. Pourquoi? La fabrique étatisée d’une sexualité discrètement révolutionnaire a nourri un amour paradoxalement libéré, inspiré d’une sexologie officielle centrée sur l’orgasme féminin. Malgré ses contradictions –petites-bourgeoises et liberticides– ce laboratoire historique a eu le temps de faire ses preuves au monde… et au lit.
Mythe d’une baise morose à l’Est
Durant la Guerre froide, en Allemagne, l’ironie de l’histoire mit liberté et plaisir sexuels du côté du rideau de fer pourtant censé être le plus froid: l’Est. «Quand la première étude comparative entre Allemagne de l’Est et de l’Ouest sur l’expérience sexuelle des étudiantes fut conduite en 1988, les résultats montrèrent –au grand étonnement des experts de l’Ouest– que les filles de l’Est appréciaient bien plus le sexe que leurs voisines ouest-allemandes» ; et Dagmar Herzog de préciser, dans Socialist Modern: «et avaient des orgasmes plus souvent»! suite de l'article dans l'Imparfaite"
Pau vu par TF1
Un peu trop centrés sur le sport ces reportages. Il y a 30 ans, quand on parlait de ma ville natale, on évoquait les écrivains symbolistes des années 1890 qui y vécurent. Cela parait la ville d'une aura onirique dont l'univers capitaliste compétitif et hédoniste l'a finalement dépouillée. Autre temps autres moeurs.
Roland Dumas, l'extrême droite, et les formes de résistances que nous n'aimons pas
J'ai fait l'éloge il y a peu du geste de Roland Dumas se dressant contre le système politico-médiatique impérial pour se faire l'avocat de la défense en Côte d'Ivoire. Geste noble (car il ne pouvait lui attirer que des critiques) et nécessaire (car il faisait entendre le point de vue des accusés, inaudible dans les grands médias).
Un lecteur du blog, par ailleurs attentif aux papiers de Libération et du Monde, m'explique que M. Dumas en réalité s'est rendu en Côte d'Ivoire avec l'aide de l'extrême-droite, et qu'en réalité toute sa démarche intellectuelle serait de plus en plus inspiré par cette mouvance.
Je ne sais pas si les éléments qu'il cite à l'appui de sa démonstration sont tous vérifiés (Le Monde et Libé nous ont souvent habitué à de la désinformation, en particulier sur ce genre de sujet). Si tel est le cas cependant, effectivement il y a matière à interrogation. Peut-on isoler le geste de résistance de ces deux anciens avocats du FLN, du parcours éventuellement tortueux que ceux-ci ont suivi ? - dans le cas de M. Dumas, non seulement du côté de l'extrême-droite (ce qui est à vérifier), mais aussi sur les chemins de la corruption mitterrandienne qui a causé encore plus de servitude et de morts dans ce monde depuis 30 ans que l'extrême droite (je songe ici aux morts angolais du fait qu'Elf sous Mitterrand soutint aussi bien le MPLA que l'UNITA, entre autres exemples).
Question philosophique importante sur le geste et les individus que j'ai déjà posée il y a peu.
Une autre interrogation encore autour de ce sujet : pourquoi est-ce que dès qu'une forme de résistance concrète se manifeste à l'égard de l'empire euro-étatsunien, le canal de liaison est il celui de l'extrême-droite ? Cela s'est vérifié sur la Côte d'Ivoire, précédemment aussi le Liban quand Meyssan a voulu rencontrer le Hezbollah. Il n'y a guère que l'Amérique latine qui échappe à cette règle. N'est-ce pas parce que la gauche de la gauche se montre un peu trop pusillanime ? Gbagbo faisait partie de l'Internationale socialiste. Il est aberrant que seul le FN maintenant puisse servir d'intermédiaire avec lui...
N'est-ce pas le résultat d'un trop grand "purisme" de la gauche de la gauche qui se limite à des slogans abstraits du genre "halte à l'impérialisme" sans vouloir connaître concrètement les protagonistes des luttes.
Cela me fait penser au témoignage d'un ami de gauche à l'issue d'une manifestation de solidarité avec la Tunisie qui jeudi dernier.
"La manif était assez massive. Comme d'habitude deux mondes, les laics (PG en tête qui a refusé presque jusqu'au bout la participation des islamistes) et les Tunisiens de Tunisie ...Là Mohamed m'a dit qu'il a fourni aux organisateurs les messages provenant de Tunisie des structures syndicales qui se sont rebellées contre la centrale et qui sont en fait aux mains des islamistes de Nahda ...ils n'ont pas fait confiance à sa traduction, ils ont donc fait appel à un autre traducteur qui a confirmé que les islamistes se battaient pour une démocratie pluraliste et constituaient l'élément le plus dynamique des syndicalistes actuels ...
On se demande pour quelle Tunisie on se bat ??? celle des Tunisiens ou celles que les Français progressistes aimeraient voir en Tunisie ?"
La question qu'il pose à la fin me paraît juste : comment nous positionnons-nous à l'égard des formes de résistance que nous n'aimons pas ? Celui qui s'en tient à énoncer des idéaux de résistance dans le vide sans discuter avec ceux qui résistent vraiment n'est-il pas hors du monde, hors de la vie, et n'est-il pas au fond objectivement complice du système qu'il combat, puisqu'il se limite à contempler des mots désincarnés ?
Sujet complexe s'il en est...