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Union sacrée des interventionnistes républicains et démocrates
Lu dans le Washington Post aujourd'hui :
"President Obama stands a good chance of being reelected in 2012 if he makes progress in Afghanistan, he adopts a tougher line against Iran, the economy improves and there are no major terrorist attacks in the United States, a senior Republican said Saturday.
Sen. Lindsey O. Graham (S.C.), who has become a leading GOP national security spokesman, said that if Obama is looking for cooperation with Republicans, a continued U.S. military effort in Afghanistan is "one area where Republicans feel comfortable standing by the president" and are likely to give him more support than many in his own party."
Et puis pour égayer le présent billet, sur un autre segment de l'échiquier politique étatsunien, un clip électoral digne de notre Ségolène :
Retraites : par delà le défaitisme des directions syndicales et des médias
Aujourd'hui, selon le décompte syndical, plus d'un million de Français se sont retrouvés pour battre le pavé contre la réforme des retraites. Malgré le défaitisme des grands médias, la mobilisation continue donc, plus faible certes, mais réelle, sous la pression de la base.
Comme chacun sait, les directions syndicales sont piégées par l'unanimisme européen pour le report de l'âge de la retraite (au fait sur l'Europe et les partis politiques et syndicats français n'oubliez pas de lire le rapport du MPEP et son résumé ici).
Au sommet européen des chefs d'Etat de Barcelone des 15-16 mars 2002, MM. Lionel Jospin et Jacques Chirac décidaient le report de repousser de 5 ans l’âge de la retraite avant 2010. A son sommet de Prague des 26 au 29 mai 2003, la Confédération européenne des syndicats dont tous les grands syndicats français font partie y compris la CGT soutenait cette orientation et proposait « de sauvegarder les systèmes de pension légale comme majeure partie des droits de pension et de défendre le cadre juridique de l'Union européenne pour la mise en place de fonds pension (…). Privilégier des formules permettant un passage progressif de la vie professionnelle à la retraite sur une base volontaire, tout en luttant contre l'exclusion des travailleurs âgés du marché du travail. »
Mais la question est maintenant de savoir si la base syndicale et la population feront sortir du piège de la pensée unique néolibérale européenne les directions des grandes centrales. J'observe des actions intéressantes et courageuses aujourd'hui encore. Dans le registre attaque contre le capitalisme consumériste, ce matin des militants ont bloqué les accès de Logidis, plateforme logistique alimentant en produits frais les magasins Carrefour de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). Le 29 octobre ils étaient 300 manifestants à bloquer à l'aube la plateforme Easydis, qui dessert les magasins du groupe Casino. Le 3 novembre le dépôt Auchan a été bloqué sur deux entrées, de 4 heures du matin à 10 heures à Tours. Mardi soir l'université de Saint-Étienne, était bloquée et occupée par une trentaine de jeunes puis évacuée par la police lemercredi matin, entre 7h et 7h30. On pourrait égrainer ainsi toute la semaine comme le fait minutieusement le site du Jura Libertaire dont je vous recommande la lecture.
On aurait tort d'enterrer trop tôt ce mouvement.
Un nom, une affaire : Aafia Siddiqui
Je vous invite à lire son histoire et les tenants et aboutissants de sa condamnation aux Etats-Unis en septembre dernier à 86 ans de prison sur la page de Wikipedia, hélas non traduite en Français, qui lui et consacrée. Peu de gens en dehors du monde musulman parlent d'elle - sauf en Russie : Russia Today lui a consacré 5 mn dans la vidéo ci-dessous.
Au départ elle était docteur en neurosciences. A l'heure où l'armée française se rapproche de l'Angleterre et des Etats-Unis, aucun de nos grands médias ni de nos intellectuels distingués ne s'intéressera à son cas. Compte tenu des censures qui règnent en Europe, je ne formulerai aucun avis personnel sur ce sujet, sinon que je rejette les procédures d'exception sur le fondement desquelles elle a été condamnée. Etudiez cette affaire si vous le pouvez, faites vous un avis, puis voyez s'il y a lieu d'agir, dans quel sens et comment.
Le débat (impossible ?) autour de Mme Ashtiani, l'objectivité des chercheurs
Il y a eu cette semaine un regain d'émotion à l'idée que la prisonnière iranienne Mme Sakineh Ashtiani condamnée à la lapidation puisse être immédiatement exécutée. Une délégation d'artistes proche de l'extrême droite s'était rendue en Iran récemment et en était revenue en disant que l'intéressée n'était pas la dame dont on voyait les portraits partout, qu'elle était condamnée pour meurtre et non pour adultère et que la lapidation n'était plus pratiquée en Iran. Une loi du silence a entouré ces témoignages dont il a été interdit de commenter le contenu. Le débat a donc été muselé.
Les éléments fournis dans Le Monde hier par une "anthropologue et spécialiste de l'Iran au Centre d'études et de recherches internationales (CERI - Sciences Po)" me paraissent contribuer indirectement à cet embryon de débat étouffé dans l'oeuf. L'interview intitulée "Sakineh est victime des conflits entre Téhéran et les provinces iraniennes" étrangement dépeint une opposition entre un Ahmadinejad hostile à la lapidation et donc plus libéral (selon nos critères) que le clergé local (qui soutenait le candidat qui avait les faveurs de l'Occident aux dernières élections).
Je me méfie de tous ces labos qui tournent autour de Sciences po et qui disaient déjà n'importe quoi sur la Serbie autrefois. Mais tout ce qui concourt à aligner des faits à charge et à décharge sur un dossier trop consensuel est toujours bon à prendre.
Un bout de phrase de cette interview m'a fait rire : " Et cela dans un pays où la peine de mort existe, ce que naturellement je déplore" . Autant les élites énarchiques n'ont aucun sens du réel et des nuances de la vérité historique (la rencontre avant hier entre les rebelles beurs et un M. Tonneau blindé de narcissisme, de condescendance pour ses interlocuteurs et d'aveuglement historique l'a prouvé), autant les chercheurs des labos de Science po n'ont pas le moindre sens de la distance "scientifique" qu'on attendrait malgré tout un tout petit peu des sciences humaines (même si les sciences humaines ne sont pas scientifiques) et qui les forcerait un peu à rechercher l'objectivité. "Ce que naturellement je déplore" : parce que dans notre monde totalitaire il est NATUREL de condamner la peine de mort, et NATUREL de le dire dans une interview pour bien montrer qu'on est au diapason de l'idéologie du "sympa" comme dirait l'autre que partage toute l'intelligentsia. Quel ridicule !
Je suis aussi hostile à la peine de mort, mais je n'irais jamais le proclamer dans une interview où je parlerais ès-quaité comme sociologue. Who cares que je sois pour ou contre ? et encore moins que je trouve "naturel" ou pas naturel d'être contre ? Imaginerait-on un historien écrivant dans ses livres "l'empire inca pratiquait les sacrifices humains, ce que naturellement je déplore" ? Mais non, les chercheurs proches des médias sont obligés de prendre position à titre personnel sur le sujet qu'ils étudient et prendre position "naturellement" dans le sens qu'on attend d'eux, surtout sur des sujets sensibles qui engagent la vie d'une personne sacralisée, en manifestant un maximum d'empathie "naturellement" avec l'opinion commune sur ce thème...
A serbian film - la Serbie snuff et hardcore
Mauvaise nouvelle pour ceux qui s'attachent à défendre une image "rénovée" de la Serbie. Un mois après le hooliganisme serbe à Gênes, voici qu'on parle d'un film belgradois "A serbian film" de Srdjan Spasojevic... et pas en bien...
"A Serbian film pourrait décrocher le label de film le plus déviant/dérangeant/barré/sadique jamais fait que ça n’étonnerait personne. Effectivement, c’est un cocktail Molotov d’images scandaleuses et choquantes où s’enchainent viols, tortures, sadisme, émasculation, sauvagerie, acte de pédophilie, abus de nouveaux nés, on en passe et des meilleures" écrit à son propos Christophe Chenallet sur filmdeculte.com.
Le film est si horrible qu'il vient d'être interdit de diffusion à la Semaine du Cinéma Fantastique et d'horreur de Saint Sebastien - à la demande, il est vrai, de la confédération des parents d'élèves catholiques (CONCAPA) espagnole. Avant cela le 29 août 2010, il avait aussi été quand même exclu du festival Film Four Fright Fest de Londres à cause d'une l'interdiction du comité de censure britannique, par contre il a passé la barre des interdictions dans d'autres festivals y compris aux USA (à Austin).
La Serbie a tellement bonne réputation que, selon Chenallet, certains ont dit que l'Etat serbe avait financé le tournage (parce que bien sûr toute la Serbie est forcément gore) - la rumeur est aussi mentionnée ici. Ca me rappelle Baril de Poudre de Paskaljevic qui passait sur les écrans quand l'OTAN bombardait Belgrade. Le scénariste du film explique la rumeur par le fait que Life and Death Of A Porn Gang, de Mladen Djordjevic a lui été subventionné par l'Etat et c'est aussi un film d'horreur porno ("Indie horror" disent-ils). Allez je vous mets la bande annonce de celui-là aussi juste en dessous.
Pour trouver sa place dans le monde globalisé, la Serbie devrait créer un méga-parc d'attraction sado-porno-trash, vu que c'est quand même comme ça que le monde s'obstine à la voir. Bon allez, une confession pour finir : en juillet 2000 quand l'aéroport de Belgrade a rouvert après un an au moins d'embargo (Milosevic était encore au pouvoir), je n'ai pas pu m'empêcher d'y acheter une revue X serbe... pour voir si elles y étaient pires qu'ailleurs.
Orthographe espagnole
Pour le cas où ceci aurait échappé aux hispanistes distingués qui ont sangloté en écoutant Cristina Fernandez sur ce blog, je signale la dernière réforme de l'orthographe de l'Académie royale madrilène : le "y grec" s'appellera désormais "ye" (goodbye Athènes) "ch" et "ll" cessent d'être des lettres, le "q" disparait de l'alphabet (bonjour la globalisation homogénéisante), et il n'y aura plus d'accent (tilde) sur les monosyllabes ni pour distinguer les usages de "solo" ou "esta" (ne nous fatiguons plus). Pas très enthousiasmant tout ça.
Un livre collectif de "Correspondances internationales"
Vous trouverez à l'adresse http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=94&ida=12835
ma recension du livre collectif de "Correspondances internationales" : "Groupons nous et demain".
Un forum pour l’après-crise
Collectif, Groupons-nous et demain ! La crise internationale et les alternatives de gauche
L'auteur du compte rendu : Essayiste, docteur en sociologie, Frédéric Delorca a publié entre autres, aux Editions du Cygne, Transnistrie : Voyage officiel au pays des derniers Soviets (2009).
L’Internationale communiste est morte au XXème siècle. Mais dans son sillage des intellectuels et cadres de partis marxistes ou simplement de « gauche de la gauche » entretiennent des réseaux plus ou moins informels, qui, à l’occasion, peuvent constituer des sortes de « think tanks » alternatifs.
Tel est le cas de groupe « Correspondances internationales », né dans la mouvance du Parti communiste français dans les années 1990, qui aujourd’hui crée une collection du même nom aux éditions Le Temps des Cerises, et publie les actes d’un colloque co-organisé en juin 2009 à Sao Paulo avec le Parti des travailleurs brésilien, le Parti communiste du Brésil, et les Fondations Perseu Abramo et Mauricio Grabois.
Les diverses contributions à ce colloque consacré à l’analyse de la dernière crise financière mondiale sont regroupées autour de quatre axes principaux intitulés respectivement « quelle crise ? », « quel monde ? », « quelle résistance ? » et « quelle alternative ? ». Il réunit des intervenants d’horizons géographiques variés (indien, chinois, portugais, français, étatsunien, britannique, hongrois, polonais, mauritanien, vietnamien, argentin, sud-africain, cubain, égyptien etc.) et au-delà de la mouvance communiste stricto sensu : ainsi le secrétaire international du Parti communiste du Brésil dans son introduction associe-t-il à plusieurs reprises « communistes et anti-impérialistes » ou militants « communistes et de gauche conséquente » pour élargir « le front » au-delà des marxistes classiques.
L’ouvrage met de la sorte à la disposition du grand public les grilles d’analyse de cette mouvance et les perspectives débattues dans ses forums internationaux. La plupart de ses contributions ont le mérite de tenir ensemble une dimension économique (l’étude du capitalisme et de ses contradictions) et un intérêt pour la géopolitique (l’impérialisme occidental comme bras armé du système capitaliste mondial), conformément à des préoccupations répandues dans le Tiers-Monde, mais qui ont souvent disparu au sein de la gauche européenne.
Le volet économique sera apprécié diversement selon la sensibilité de chacun. Certaines contributions, tout en se voulant « non dogmatiques », « concrètes », ouvertes à la diversité, s’attachent peut-être un peu trop à démontrer la pertinence des thèses de Marx, en sacrifiant au passage la rigueur de la démonstration. Ainsi certains paragraphes récurrents sur la baisse tendancielle (non démontrée) des profits dans l’économie capitaliste, et ce condensé un peu approximatif – et non corroboré par les faits – selon lequel (p. 25) : « La croissance de l’emploi, au cours de [la période de la globalisation néo-libérale] a toujours été plus basse que la croissance du PIB mondial. Ces deux éléments mis ensemble, signifient que le pouvoir d’achat de la grande majorité de la population mondiale a régressé » (le lien hausse du PIB-croissance plus faible de l’emploi-baisse du pouvoir d’achat est des plus obscures, les deux premiers termes de la démonstration montrent juste une hausse de la productivité, qui pourrait tout aussi bien se traduire par une hausse du pouvoir d’achat, notamment si les prix des produits baisses, une hausse de pouvoir d’achat qui est d’ailleurs factuellement confirmée dans tous les pays émergents, y compris dans leurs franges pauvres, ce qui, avec les pays riches, représente une majorité de la planète). On peut préférer à ces axiomes des analyses plus minutieuses, qui, ailleurs dans le livre, tout en étant fidèles à Marx, ou parfois en s’en éloignant, « collent » de plus près aux mécanismes précis des impasses de la financiarisation de l’économie depuis Reagan et Thatcher – comme la contribution de l’économiste François Morin ou le tableau noir que brosse le secrétaire international du parti communiste de Grande Bretagne des chances de son pays de s’affranchir des intérêts des hedge funds étatsuniens.
Sur un volet plus stratégique, le livre informe utilement le lecteur des l’état des forces en présence pour lutter contre l’oppression financière mondiale. Les données livrées sont documentées, et le plus souvent introuvables dans les grands réseaux d’information planétaires. On recommandera notamment la lecture de la contribution nuancée du président du Parti communiste ouvrier hongrois sur le positionnement de la Russie à l’égard de l’Empire étatsunien, ou de l’article inspiré de Piotr Ikonowicz, un acteur de terrain du mouvement social polonais, sur la situation de son pays, ainsi que l’analyse intéressante du secrétaire international de l’Union des forces de progrès de Mauritanie Gourmo Abdoul Lô sur l’action de la Chine en Afrique, un article qui, comme celui qui le précède de Wladimir Pomar, repère des continuités – peut-être discutables – entre la Chine de Mao et celle d’aujourd’hui, et valorise la politique chinoise de prêt et d’investissement en Afrique. L’article de Gourmo Abdoul Lô est riche en informations factuelles qui contredisent les médias dominants, notamment sur la volonté de la Chine de remédier aux effets de la concurrence déloyale faite aux PME africaines. Il ne passe pas pour autant sous silence les problèmes complexes que pose la non-ingérence politique chinoise quand il s’agit par exemple d’investir dans un pays soumis à une répression militaire féroce comme la Guinée, Gourmo Abdoul Lô plaçant ses espoirs dans le caractère « socialiste » que revendique encore le gouvernement chinois susceptible selon lui de venir un jour à bout de ce qu’il appelle le « mercantilisme étroit » de ses entreprises.
Le livre n’est pas exempt d’un certain pessimisme. L’article sur la Grèce après avoir énuméré une série de grèves au premier semestre 2010 conclut sur les mesures de casse sociale du gouvernement social-libéral d’Athènes, sans ouvrir d’espoirs de conquêtes. Emir Sader sur l’Amérique latine relève le regain d’activisme de la droite sur ce continent, et n’exclut pas que les régimes « post-néo-libéraux » à la Chavez ne soient que des parenthèses dans l’histoire du continent. « La page de la première vague des luttes pour l’émancipation est tournée, celle de la seconde vague n’est pas encore ouverte », observe l’économiste Samir Amin. « Je suis convaincu qu’une fois passée cette crise – comme à la fin des crises antérieures – le capitalisme sortira renforcé » renchérit même un ancien ministre de l’ex-président brésilien Lula. Au chapitre des bilans et projections, les « économies de marché d’orientation socialiste » comme le Vietnam et la Chine semblent être les plus portées à l’auto-satisfaction. Le socialisme de marché est d’ailleurs l’option que le politiste français Tony Andreani propose de généraliser, sur la base de renationalisations bancaires et industrielles (tout en rendant cependant les entreprises nationales indépendantes du pouvoir politique, ce qui n’est pas simple à envisager). Aux yeux du secrétaire international du Parti des travailleurs brésilien Valter Pomar, qui conclut l’ouvrage, l’idée d’une transition longue vers le socialisme, qui s’accommodera pendant des décennies de l’existence d’un secteur capitaliste dynamique, fait partie intégrante de l’orthodoxie marxiste. Compte tenu des rapports de forces mondiaux, la gauche ne peut donc se placer, selon lui, que sur la « défensive stratégique », en jouant, au Brésil, la carte du continent latino-américain contre l’hégémonisme étatsunien, et, au niveau mondial, en tentant de résister au système imposé par les pays du Nord. Seulement dans un second temps il s’agira d’imposer un ordre économique mondial favorable à l’expansion des marchés intérieurs (et non tourné vers l’exportation comme dans le système néo-libéral) et affranchi du système de crédit actuel.
Une stratégie « défensive » dont le séminaire de Sao Paulo et le livre collectif publié cet automne au Temps des Cerises se proposent d’être un des instruments.
Frédéric Delorca