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Graine d'élite
Discussion avec une diplômée de l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix (2002) avant hier :
Moi - "L'Abkhazie est un Etat autoproclamé du Caucase qui a été ravagé par une guerre en 1992.
Elle - C'est une conséquence de l'éclatement de la Yougoslavie ?
Moi - Non, c'est dans le Caucase.
Elle - Et ce n'est pas lié à l'éclatement de la Yougoslavie ?
Moi - Ben non, la Yougoslavie c'est dans les Balkans"
Elle m'a parlé de la Russie : "Je rêve de m'y rendre. La Russie, c'est une race à part entière. Vous voyez, déjà le fait qu'ils se soient séparés de l'Eglise catholique, c'est bien le signe qu'ils étaient différents.
Moi - Ils n'ont pas trop eu le choix, puisqu'ils ont été évangélisés par les Grecs. Ce ne sont pas les Russes qui ont provoqué le schisme avec Rome. Ce sont les Grecs qui se sont séparés bien avant que les Russes ne soient convertis au christianisme.
Elle - Mais les Grecs sont catholiques pas orthodoxes ! euh... ah oui, non, vous avez raison."
Au chapitre sociologie ce fut un petit peu mieux : "Ah vous êtes sociologue ? Vous êtes individualiste ou holiste ? Moi j'ai été terriblement émue à la mort de Bourdieu. Bon, je ne l'ai jamais lu parce que quand même c'est indigeste à lire. Mais j'ai quand même été très émue."
Moi "- Vous avez déjà entendu parler de Noam Chomsky ?
Elle - Non, c'est qui ?"
Pourtant la fille se disait rationaliste, et prétend préparer l'écriture d'un livre. Vous allez me dire que ce n'est banal : dans le monde actuel tout le monde prépare un livre, estime être à même d'avoir un grade supérieur partout où il est, n'aime pas trop regarder en face ses limites. C'est la règle du jeu social... Pour que ça marche, il suffit juste d'éviter de causer avec des gens qui savent trop de choses, des gens rasoirs. C'est la règle du jeu...
odium humani generis
Un certain Caleb Irri écrit à propos des théories de la décroissance : "je ne peux me satisfaire d’une théorie qui frustre les désirs et les espoirs d’un monde meilleur, sans lesquels il est vain de vouloir perpétuer l’espèce humaine". L'article ne dit par ailleurs à peu près rien sauf "d'accord il ne faut pas trop exploiter la nature, mais on peut bien arriver à continuer à produire sans surexploiter, abolissons l'argent", et donc j'en déconseille la lecture, mais ce qui m'intéresse c'est la phrase que je viens de citer sur la perpétuation de l'espèce humaine. Voilà au moins un auteur qui dit tout haut ce que l'extrême gauche pense tout bas : l'humanité peut disparaître si elle n'a pas les moyens de réaliser ses utopies. Ca a un côté polpotiste, et cela porte surtout la marque d'un nihilisme profond, d'une haine de la vie, dont je n'avais jusque là jamais remarqué la violence - mais que Nietzsche, lui, avait identifiée dans les utopismes de son époque, quoique lui-même en ait parfois partagé certains traits. L'humanité ne mérite pas de vivre et de se reproduire s'il n'y a pas d'utopie dans son horizon ? Tiens donc ! Veut-on dire par là que l'animal humain est nécessairement inadapté au monde où il vit ? que son évolution darwinienne aurait échoué de sorte que l'humain ne peut plus vivre que dans l'attente angoissée de son propre dépassement ? Quand je vois mon fils grandir j'aurais plutôt le sentiment inverse. Il est extrêmement grave de proférer ce genre d'accusation. Veut-on dire que les trois quarts de l'humanité qui n'ont aucune utopie politique concrète et les neuf dixièmes (voire plus) des humains qui nous ont précédés sont des erreurs de la nature ? On accuse souvent les écologistes conservateurs de détester, au fond, l'humanité et de ne voir en elle qu'un parasite d'une Nature idéalisée. Mais on peut en dire autant des anti-écolos utopistes qui conditionnent leur sympathie pour l'humanité à son adhésion à leurs projets politiques fumeux. Il est au moins un domaine dans lequel l'humain excelle (et notamment ceux des humains qui prétendent expliquer aux autres ce qu'il faut croire et ce qu'il faut pensée) : c'est dans la haine globale de sa propre espèce...
Interview de Denise Albert
Voici l'extrait d'une interview que j'ai réalisée avec deux camarades en Seine-Saint-Denis en décembre dernier de Denise Albert, ancienne résistante FTP. J'essaie de faire un petit bouquin à partir de cette interview.
'Ta logo
Bon, allez, je me casse en weekend. Ne vous fatiguez plus à vous connecter à ce blog, encore moins à le commenter - de toute façon, ça, y a pas grand monde qui s'y essaie, bande de lecteurs ingrats bouffés par le nihilisme du virtuel ! Allez plutôt traîner dans les rues, s'il n'y pleut pas trop, et si les gens ne vous gonflent pas trop avec leurs téléphones portables. Tshaw !
Philosophie existentielle
Si l'on se situe du point de vue de l'existence sensorielle brute, tout peut exister : Dieu, Satan, les anges, les dieux de tous les panthéons, les âmes errantes, les licornes, les êtres les plus improbables, idem le Paradis, l'Enfer, le Walhala, l'Atlantide etc.
Du point de vue de l'expérience rationnelle (de l'empirie corrigée par une réflexion cohérente), toutes ces croyances ne sont qu'illusion. La vie, est un phénomène chimique qui a pu apparaître ici (sur Terre) et en d'autres endroits de l'univers, qui est par essence limité dans ses possibilités (par les lois de la matière) et périssable dans le durée. La vie n'a pas de sens en dehors de son propre entretien et développement (via un usage raisonné du principe de plaisir) et sa reproduction. Chez l'humain la fonction symbolique (notamment le langage) concourt sur un mode spécifique au développement de la vie (avec des inconvénients eux aussi spécifiques).
Sur Terre, l'humain est hélas le seul animal qui, du fait de sa complexité, est susceptible de comprendre le mieux ses limites, et la relative absurdité d'une vie ainsi vouée au trépas (trépas individuel et disparition de l'espèce, voire de l'univers lui-même).
Il n'y a aucune probabilité pour qu'un être surnaturel de quelque sorte éprouve le moindre intérêt pour les animaux nés sur terre (y compris l'humain) ni pour aucun phénomène vivant.
Voilà où s'arrête ce qu'on peut dire d'un point de vue rationnel. Après cela, il existe des questions auxquelles notre raison, façonnée par l'interaction avec la nature dans l'évolution darwinienne, est incapable de répondre. Ces questions sont : qu'est-ce que le temps ? pourquoi le temps ? qu'est-ce que l'espace ? pourquoi l'espace ? Pourquoi la matière est-elle apparue ? qu'y avait-il autour du point du bigbang si tout l'espace-temps était au début concentré en un point ? qu'y avait-il avant l'apparition de ce point ? Pourquoi des lois régissent-elles la matière ? Existe-t-il d'autres types de matière constitutives d'autres mondes que nous ne pouvont percevoir ? Voire des mondes qui ne seraient pas matériels ?
Aucune de ces questions ne permet de déduire a priori des réponses spiritualistes. Toute réponse spiritualiste est a priori suspecte d'anthropocentrisme (car l'hypothèse de l'existence de phénomèes spirituels est typiquement une production de l'esprit humain par amalgame et confusion de perceptions et de questionnements, comme l'a bien montré Dawkins). Et l'examen de ces questions, aporétique par définition, ne peut fonder aucun espoir pour l'existence humaine, ni aucun sens éthique particulier (sauf peut-être celui de la modestie pour notre espèce). Ces questions sont assez gratuites et n'auront jamais de réponse intelligible par le cerveau humain.
Journée grise
Je corrige mon manuscrit sur le stoïcisme. Vous n'imaginez pas le boulot que c'est. Autrefois une correction c'était reprendre son texte, barrer des mots, en rajouter. Aujourd'hui, c'est faire ça au stylo, puis ensuite sur le traitement de texte rechercher les mots à changer, le faire. On y attrappe un mal de tête. Surtout quand c'est un manuscrit qu'on n'aime pas. Or comment aimer quelque chose sur lequel on travaille depuis 8 ans, et dont on ne parvient pas à se débarrasser ?
On est accablé par la naïveté, la prétention, de ce qu'on écrivait à 32 ans. Mais on sait qu'il est trop tard pour tout changer. On édulcore quand c'est possible. On essaie de rendre le texte moins lourd, moins con. Mais on sait que c'est foutu. On n'y parviendra pas. On voudrait tout jeter à la poubelle. On ne peut pas. Et tout ça pour quoi ? Pour trente, quarante lecteurs, qui de toute façon ne vous liront que de travers, avec beaucoup de malentendus à la clé. Pour la vanité de se dire "tiens la bibliothèque publique de Beaubourg a acheté mon bouquin" comme je l'ai remarqué pour mon livre "Abkhazie hier". Tu parles.
Je ne poursuis ce travail ingrat que pour le plaisir d'envoyer le document "word" en janvier à l'éditeur en me disant" ouf cette fois ci c'est la bonne, tout ce qui comptait est publié". Je sais qu'il n'y a au fond là que l'écho à de veilles croyance. L'écho à cette phrase de mon instit de CM1 qui lisait mes rédactions à sa classe en disant "C'est comme ça que Victor Hugo a commencé". C'était à l'automne 1979, le temps où la "graphosphère" l'emportait encore sur la "vidéosphère" comme disait Régis Debray. Le temps où on s'appliquait quand on parlait au micro, où on racontait des histoires, où les mots étaient importants. C'est peut-être cet imaginaire-là que je prolonge, une dernière fois, en m'astreignant à intégrer sur ce traitement de texte débile les corrections de mon manuscrit indigent.
Pas de sujet
Bon allez, vous avez raison : mon apologie de la psychologie évolutionniste et du rationalisme sur la question des "genres" n'était pas un bon sujet estival. Mais quoi ? je n'allais pas comme tous les autres vous parler une fois de plus de l'affaire bête-en-court. Surtout pas pour chanter la gloire de M. Plénel cmome certains osent faire. Je n'allais pas non plus vous parler de toutes ces histoires de communautarisation, ségrégation des territoires dont on reparle à propos des violences de Grenoble, ni du projet de loi sur les retraites adopté aujourd'hui devant l'assemblée nationale, ni de la baisse du niveau scolaire des enfants ni de tous ces sujets (toujours les mêmes au bout de 25 ans de néo-libéralisme) qui rendent notre époque déprimante et chargent d'un zeste de nostalgie supplémentaire la nouvelle du décès de Cécile Aubry (non rien à voir avec Martine).
Bon, il faut se rendre à l'évidence : il n'y a pas de bon sujet à traiter en ce moment. Je ne vous promettrai pas une nouvelle révolution sexuelle comme le fait Michel Onfray spécialiste des plats réchauffés au micro-onde, ni la glorieuse "société de l'information" remplie de vaillants cyber-citoyens "écoresponsables", cools et sympas et tout et tout, ni la fin du monde que prédit Castro. Je vous annonce juste plus d'inégalités, plus de tolérance pour la recherche cyique du fric, plus de haussements d'épaules, plus de fuites du pétrole dans le Golfe du Mexique et de gens qui meurent de faim un peu partout. Et encore plus de gens qui ont déjà oublié qui était président dela République il y a 4 ans, qui sont de plus en plus dans l'inconsistance et l'insignifiance, les velléités, les surréactions hystériques, le besoin de coconner son égo. Bref, vous pouvez partir en vacances tranquilles. Le monde ne fait que poursuivre, à un train de sénateur, son processus d'effilochage auquel nous ne sommes finalement que trop habitués. Rien qui puisse stimuler nos esprits fatigués, rien qui justifie vraiment, au fond que vous allumiez votre ordinateur (ce qui d'ailleurs pollue cette chère planète-qu'il-faut-fétichiser).
Anarchisme et division sexuelle des rôles
Bon, l'ambiance estivale ne se prête guère à l'écriture de longs billets. Mais puisqu'une blogueuse a bien voulu recommander le présent blog sur le sien, et commenter deux ou trois de mes billets, je dois lui rendre la politesse ici, en signalant son blog que vous retrouverez en cliquant là.
Cette dame est un peu plus anarchiste que moi (question d'âge peut-être), mais son article sur le "salut des femmes : peut-on refuser" dit à peu près ce que j'ai moi-même soutenu dans mes propres billets, sur la burqa par exemple.
Je n'émettrai des réserves que sur des formulations comme celle-ci :
"Une femme peut vivre seule. Peut élever ses enfants seule sans que ce soit un drame de la vie. Peut assumer sa sexualité sans être ni une frigide ni une chaudasse. Peut choisir d'être religieuse ou de ne pas l'être. Peut n'avoir aucun instinct maternel. Peut être aussi infecte qu'un gars aux mêmes fonctions de responsabilités. Peut être aussi compréhensive qu'un gars aux mêmes fonctions de responsabilités"
Ce qui me gêne dans ce genre de formulation, c'est qu'on ne sait jamais quel est le statut de ce "peut". Est-ce une liberté, un droit, inscrits dans un dispositif juridique précis ? ou bien est-on dans l'ordre de recensements : "dans le monde, il y a, il y a, il y a" ? Parle-t-on de normes ou parle-t-on de faits ?
Si l'on parle du droit, alors oui, je suis d'accord, les types de comportements décrits ci-dessus ne sauraient être déclarés illégaux.
Mais si l'on est dans l'ordre des descriptions, alors ça me fait penser à ce chapitre des Essais de Montaigne où il décrit toutes les coutumes que les Européens ont découvertes en Amérique. Ce genre d'inventaire à la Prévert provoque une sorte de vertige : il y a des gens qui tuent, il y a des gens qui rendent service, il y a des gens qui grimpent aux arbres etc. On en ressort toujours avec une sorte de vertige relativiste, et l'on finit par se demander : mais pourquoi n'y a-t-il pas plus de gens qui tuent, ou pourquoi la moitié des mères n'abandonnent-elles pas leurs enfants dans la rue (puisque la dame évoque les femmes sans instinct maternel) ? Et l'on en vient à se dire que c'est parce qu'un ordre social bien ficelé (et uniquement ça) fait pencher la balance dans l'autre sens, mais qu'après tout, tout pourrait être autrement (de là d'ailleurs à nourrir une vision complotiste dudit ordre social il n'y a qu'un pas).
Ce que j'ai beaucoup apprécié dans la psychologie évolutionniste anglo-saxonne (Helen Fisher, Steven Pinker etc), c'est qu'elle commençait toujours par recenser les comportements de la majorité des sociétés de tous les temps, pour dégager des invariants anthropologiques cohérents avec l'évolution darwinienne de notre espèce. Cette démarche est beaucoup plus rationnelle. Parce qu'elle permet d'expliquer 1) qu'effectivement dans la plupart des sociétés le meurtre et l'abandon d'enfants (par exemple) est vraiment très minoritaire et stigmatisé 2) que ce n'est pas seulement le conservatisme, le machisme, la prédominance d'une bourgeoisie ou que sais-je qui ont entraîné ce fait, mais seulement que, si l'humanité ne s'était pas elle-même sélectionnée pour que l'instinct de meurtre ou d'abandon des enfants n'y soient point minoritaires, l'humanité se serait tout simplement autodétruite, comme ces espèces animales qui avaient, qui des cornes trop lourdes, ou qui des ailes trop longues.
Ce retour au constat statistique et rationnel est très important pour avoir une vision "apaisée" tout autant que véridique de la condition humaine, une vision réaliste. Le constructivisme en sciences sociales au 20ème siècle l'a trop souvent ignoré, comme le stalinisme voulait ignorer les montagnes et les cours d'eau difficilement franchissables.
Et, sur la base de ce constat, il faut bien dire qu'il y a une division sexuelle des rôles qui fait que certaines femmes ont certaines choses que les hommes n'ont pas, et vice versa. Ce qui ne signifie nullement que la femme doit rester au fourneau à torcher les gosses tandis que l'homme va à la guerre, mais que, si on veut construire une société d'amazones (par exemple), ce qui peut-être un but tout à fait légitime sur quatre ou cinq générations par exemple, il ne faudra pas considérer comme une trop grosse anomalie le fait qu'une bonne partie de ces amazones voudront avoir un enfant passé un certain âge. Ce n'est pas faire preuve d'un' "essentialisme" conservateur que de dire cela, c'est juste envisager l'évolution des espèces sous un angle pragmatique et réaliste : on peut espérer faire vivre des bovins aux cornes trop lourdes, mais il faudra veiller à le faire en symbiose avec une évolution de leur environnement qui ne rende pas cette particularité trop douloureuse.
Un bon anarchiste me dira qu'il ne s'agit pas de produire une société d'amazone ni de bovins à six cornes, car la plupart des anarchistes sont trop paresseux pour réfléchir à ce que devrait être l'humain, et se satisfont donc du bonheur narcissique de se battre pour que chacun puisse être à peu près comme il veut - comme si ce "vouloir" là, si superficiel, si influencé par tant d'éléments était fort clair, fort sacré et fort immuable, ce qui est souvent loin d'être le cas) Je suis assez d'accord - je l'ai déjà dit plus haut - pour que chacun puisse faire ce qu'il veut dans la génération d'aujourd'hui. Mais la question est celle du long terme (que les anarchistes en général n'aiment pas aborder ou alors évoquent comme une sorte d'Eden abstrait). Nos enfants ont besoin qu'on leur présente certaines orientations comme bonnes, d'autres comme mauvaises (quitte à se rebeller ensuite contre ces qualificatifs). Contrairement au fantasme rousseauisto-lacaniens, ils ne viennent pas au monde tout armés d'une préscience qui rend leur éducation superflue. Quelle valeur insufflerons-nous à nos petites filles ? d'être de sanguinaires amazones ou des masseuses chinoises soumises et de dociles mères de famille ? Même s'il faut le maximum de nuances, et le maximum de prises en compte non seulement des dispositions individuelles innées, mais aussi des dispositions issues de l'évolution génétique de notre espèce, la question de la valeur ne peut pas être complètement occultée par un simple inventaire : "il y a, il y a, il y a".