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Le blog de Frédéric Delorca

Articles récents

Ce qui m'exaspère cette semaine

26 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je voulais écrire aujourd'hui sur cette Thaïlandaise remarquable, qui écrit dans un français délicieux, et qui, à Bangkok , a créé un groupe sur Facebook pour faire connaître ce que sont les Chemises rouges calomniées par nos grands médias et qui risquent chaque jour la liquidation physique dans un bain de sang. Elle se nomme Yaoline Buntang (sur Facebook en tout cas). Je suis heureux d'avoir pu conduire vers son groupe qui stagnait à 25 lecteurs depuis 15 jours les 2 900 "amis" du réseau Atlas alternatif dont déjà 200 ont adhéré audit groupe. C'est bien peu de chose, car je sais que ces réalités virtuelles ne comptent pas dans l'histoire réelle de notre monde, mais au moins cela donne à cette militante persuasive le sentiment que le pays européen dont elle aime la langue n'est pas complètement étranger au drame que connaît le sien.

 

Mais je ne puis écrire davantage sur ce sujet, car je suis exaspéré par beaucoup de choses. Je suis exaspéré en premier lieu par l'obsession anti-burqa de M. Sarkozy et cette chasse à l'Islam du nord de la Méditerranée à laquelle toute cette agitation sur un sujet vestimentaire si marginal pourrait conduire (heureusement pas plus de 33 % des Français gobent les sottises de l'UMP sur ce thème).

 

Et je suis aussi agacé, en ce moment, par une agitation radicale petite bourgeoise qui se répand chez certains intellos issus de l'immigration postcoloniale qui se plaisent à dénigrer la culture française comme culture d'un pays pourri.

 

Tout cela est absurde ! La culture française a eu des moments de grandeur. La France que chante Jean Ferrat, bien sûr, mais pas seulement. La France de Descartes, la France de Gide, et même la France de De Gaulle par certains côtés est grande aussi. Les crimes coloniaux ne peuvent à eux seuls discréditer cette France-là. Bien sûr la France doit être ouverte aux peuples du Sud, culturellement ouverte, à défaut de pouvoir physiquement ouvrir ses frontières, soutenir la Palestine, dénoncer davantage le nouvel ordre mondial qu'elle ne le fait (et même qu'elle ne l'a fait à l'époque de la guerre d'Irak). C'est par là aujourd'hui qu'elle se grandirait et retrouverait quelque accès à l'universalité. Mais le fait qu'elle ne le fasse pas ne suffit pas à faire d'elle une traînée. La surenchère dans la radicalité culturaliste est sur ce point stupide. Elle empeste le ressentiment. Que les moines de ce pseudo-combat-là reviennent sur terre ! Ce n'est pas par leurs prêches enflammés qu'ils touchent aux besoins réels du public immigré ou issu de l'immigration auquel ils s'adressent.


Je suis aussi agacé, il va sans dire, par toutes les comédies culturelles médiatiques. Je suis agacé par les vidéos d'Ardisson sur Dailymotion, et par le prof de philo qui, dans la vidéo ci-dessous, profère une énormité toutes les 5 minutes sur le structuralisme (et pourtant Dieu sait combien j'ai critiqué le strucuralisme, mais oser dire par exemple que Lacan avec "moi la vérité je parle" manifestait les excès de son égo est proprement inepte !), tout ce cours excécrable au service du conservatisme d'un Marcel Gauchet ou d'un Paul Ricoeur, avec un ton pompeux du prof "cool" qui sait que personne ne le contredira parce que des petits bons élèves au premier rang font la claque pour lui ! Les pires souvenirs de ma jeunesse à Sciences Po et dans diverses conférences s'éveille devant cette vidéo ! Bien sûr tout n'est pas faux ni idiot dans ce que dit M. Dosse, mais il y a suffisamment de phrases inconsidérées, d'inadmissibles facilités, qui, à elles seules eussent justifié que ce monsieur ne pût tenir en otage un public de jeunes gens ignorants du sujet qu'il traite (et donc sans défense contre ses erreurs) comme il le fait pendant une heure;

 

S'élève aussi en moi, enfin, l'indignation quand je vois monter la polémique contre Michel Onfray sur la psychanalyse. Onfray ne mérite aucune polémique tant sa philosophie est faible, et s'il avait dû en attirer, ç'aurait dû être sur d'autres sujets (notamment son cours d'histoire de la philosophie sur France culture). Mais pas sur Freud qui, quels que fussent ses talents créatifs que je lui reconnais bien volontiers (tant de belles théories, tant de beaux mythes inventés par ce médecin viennois !), n'est que trop soutenu par la culture dominante.

 

Mais cessons de perdre de l'énergie à conspuer le climat d'imbécilité qui préside à la plupart des débats "de société" ou culturels. Continuons de soigner notre étude de l'histoire humaine, dans ce qu'elle produisit de meilleur et de pire. Cet après-midi, pour la rédaction de mon dernier livre qui sortira en 2011, je relisais la vie de Zénon de Cittium par Diogène Laërce. Voilà qui mérite qu'on s'y investisse. Zénon le Phénicien, le Phénicien d'Athènes, fondateur de la secte des stoïciens, si féconde qu'elle inspira les élites méditerranéennes pendant quatre siècles après lui (et notamment en partie le christianisme). Un homme qu'Athènes vénéra, et non sans raison. Athènes après avoir tué Socrate sut reconnaître la grandeur, par la suite, de ceux qui démystifiaient ses dieux. Si seulement notre monde était capable d'une lucidité semblable...

 

 

 

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"Histoire philosophique et politique des deux Indes" (II)

24 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

L'été dernier nous avions lancé une discussion sur les Lumières et le colonialisme à l'instigation d'un lecteur admirateur de Diderot - voir nos billets du 17 août 2009 et du 26 août 2009.

 

Je crois que Stéphanie Couderc-Morandeau a raison de dire dans son livre que l'idée même de progrès, la vue selon laquelle l'autre est un barbare attardé, favorise toujour le colonialisme, et, en ce sens, les Lumières ont été colonialistes.

 

Si vous prenez par exemple le chapitre "Occuper l'Afrique du Nord ?" dans Histoire philosophique et politique des deux Indes (ouvrage du 18ème siècle il faut le rappeler) : l'auteur y écrit : " si la réduction et le désarmement des Barbaresques ne doivent pas être une source de bonheur pour eux comme pour nous (...) restons dans nos ports !" Cela signifie qu'il ouvre encore la possibilité d'une conquête coloniale ("la réduction et le désarmement") qui puisse apporter du bonheur. On ne peut pas nier que beaucoup y ont cru, y compris parmi les colonisés, mais dans l'ensemble la psychologie anticoloniale contemporaine, nourrie aux sources de Fanon, Sartre et Hegel (la dialectique des regards), ne peut pas adhérer à l'idée qu'on puisse faire le bonheur d'autrui en le désarmant.

 

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Reconnaissons tout de même à cette Histoire philosophique, le mérite d'avoir établi "in abstracto" de bons principes moraux de ce qu'aurait pu être une politique commerciale intercontinentale raisonnable dans les deux siècles qui ont suivi la découverte des Amériques. Je renvoie notamment à l'étonnant chapitre de Diderot intitulé "Du droit de coloniser" qui est peut-être le texte le moins colonialiste de tout le livre et qui définit assez précisément les conditions d'une occupation de terres vierges qui n'aurait nui ni aux intérêts des "sauvages" ni à a bonne entente avec les Européens. C'est un texte qui pose très clairement qu'une spoliation des terres ou des idées religieuses transforme le spoliateur en bête sauvage que le peuple menacé est en droit de chasser de chez lui par les armes...

 

C'est une heureuse intervention de Diderot dans le livre, mais toutes ne le sont pas. Celle qu'il pose à la fin du chapitre sur la république communiste organisée par les Jésuites au Paraguay me semble notamment d'assez mauvais goût. Non qu'elle soit dépourvue de mérite sur le fond - elle nuance la naïveté du début du chapitre écrit par quelqu'un d'autre - mais on y retrouve toute sorte de facilités propres à Diderot : son lyrisme, ses points d'exclamations, ses badinages, et son obsession sexuelle. Curieux : j'aimais Diderot à 16 ans (son Jacques le Fataliste). Aujourd'hui, dans les pages de l'Histoire philoophique il m'agace bien souvent.

 

Le plus intéressant dans ce livre, je trouve, c'est ce regard des Lumières, qui baignait toute une partie de la bourgeoisie et de l'aristocratie de l'époque : cette façon de penser l'humanité dans son ensemble, et dans les défis qu'elle avait à relever face à une nature hostile, et une propension à perdre de vue les préceptes de la raison. Ces hommes étaient guidés par un schéma de pensée intéressant, une grille de lecture, qui leur faisait aborder tous les problèmes sous ce double angle d'approche (un peu comme les stoïciens, autre grande option rationaliste de l'histoire de l'humanité que j'étudie et défends en ce moment, abordaient eux aussi tous les problèmes dans une dialectique avec la nature et avec la perversion, mais tout en posant la problématique de la perversion sur une ligne différente de celle des Lumières).

 

A l'époque des Lumières, le combat pour la maîtrise de la nature (notamment la baisse de la mortalité humaine) était loin d'être gagné comme il le fut un siècle plus tard. Et donc l'optimisme dont on crédite souvent cette époque est tout de même mêlé de beaucoup d'inquiétudes qui rendent les argumentations nuancées et intéressantes. Je crois qu'il faut revenir à la lecture de ce livre qui fut sans doute la meilleure production de son temps sur la problématique coloniale. J'y reviendrai d'ailleurs peut-être à nouveau sur ce blog.

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L'applaudimètre d'Amazon

23 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Transnistrie

Hier j'ai découvert qu'une journaliste de Ouest France a donné 3 étoiles à mon livre sur la Transnistrie sur Amazon, en regrettant que je n'aie pas pu glaner plus d'infos dans le cadre de mon voyage officiel. A côté de cela, un Suisse enthousiaste accorde 5 étoiles au livre de Deleu, "La poudrière de l'Europe".

 

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Un Français qui allait souvent en Transnistrie (et était en couple avec une Transnistrienne) avait pourtant écrit l'an dernier sur le mur du groupe de mon livre : "J'espère que votre ouvrage fera référence sur la transnistrie... c'est bien mieux que "la poudrière de l'europe" lol "

 

Les aléas de l'applaudimètre d'Amazon font passer un livre salué par un connaisseur de la Transnistrie, derrière un autre livre, que le même lecteur juge moins bon, mais qu'un Suisse solitaire, qui ne connaît rien des bords du Dniestr a trouvé captivant... Voilà qui devrait inciter les utilisateurs d'Amazon à la plus grande prudence....

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J'y pense et puis j'oublie

23 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Le comité Valmy (communisto-gaulliste) lance un appel à l'insurrection. La liste des groupuscules et intellectuels parisiens destinataires de cet appel est impressionnante. On y retrouve toute sorte de gens dont je parle dans mon 10 ans sur la planète résistante, du Plan B à Al Manar, en passant par le cercle bolivarien de Paris, j'en passe et des meilleurs. Evidemment on peut douter que cet envoi magistral débouche sur la moindre rencontre réelle de tous ces groupes et encore moins sur une action quelconque. C'est juste une façon de se convaincre qu'on essaie de faire avancer les choses, au milieu d'une situation vraiment nauséabonde (en date des derniers rebondissements mal odorants : la très mauvais initiative législative de notre bien aimé M.Sarko sur le niqab, en dépit de l'avis prudemment négatif du Conseil d'Etat).

 

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S'il y a consensus parmi des groupes sociaux variés pour changer les choses, le passage à l'acte est difficile, même pour se rencontrer. On me propose des déjeuners. Je dis "oui, d'accord". Et puis, plus de réponse. Comme le Comité Valmy, tout le monde fonctionne par à-coup, sur le mode du "il faut faire quelque chose, j'y pense"... et puis j'oublie. C'est le problème de toutes ces initiatives qui reposent sur quelques personnes débordées par diverses activités. Le suivi, la régularité font défaut. Tout cela peine à s'organiser réellement.

 

 

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M. Sarkozy dans le 9-3

22 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

Mardi le président de la République était dans le 9-3 pour l'intronisation du nouveau préfet quelques jours après les violences de Tremblay. Un élu communiste a tenté de brandir une petite affiche pour rappeler que parmi les problèmes de ce département, il y avait des budgets sociaux que l'Etat laissait à un conseil général déjà pauvre sans compensation financière. Il semble que les amis du président de la République ont su le convaincre de remettre l'affiche dans sa poche...

 

Si vous avez la curiosité de savoir qui est cet élu issu du petit monde soviétique d'Aubervilliers (heureusement aujourd'hui normalisé et devenu ville socialiste,ouf !) voici une vidéo.

 

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Ein wenig Musik

22 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

 

 

As soon as you're born they make you feel small
By giving you no time instead of it all
Till the pain is so big you feel nothing at all
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be

They hurt you at home and they hit you at school
They hate you if you're clever and they despise a fool
Till you're so ------- crazy you can't follow their rules
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be

When they've tortured and scared you for twenty odd years
Then they expect you to pick a career
When you can't really function you're so full of fear
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be

Keep you doped with religion and sex and TV
And you think you're so clever and classless and free
But you're still ------- peasants as far as I can see
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be

There's room at the top they are telling you still
But first you must learn how to smile as you kill
If you want to be like the folks on the hill
A working class hero is something to be
A working class hero is something to be

If you want to be a hero well just follow me
If you want to be a hero well just follow me
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Les cheminots ne respectent pas les droits de l'Homme

22 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Le secrétaire d'Etat M. Estrosi a dit tout haut, ce que le système bourgeois pense plus ou moins bas à propos des agents de la SNCF (qu'il comparait à des agents qui auraient fait la grève du déblaiement après le tremblement de terre d'Haïti, parce qu'ils ont refusé de reprendre le travail malgré l'irruption d'un volcan en Islande):

 

"Il y en a qui (...) alors qu'il y avait une situation exceptionnelle, un phénomène naturel, et qu'il y avait un devoir de solidarité, la nécessité de respecter les droits de l'homme tout simplement, ont continué à avoir un comportement de repli sur eux-mêmes".

 

Il y a dans cette phrase une vieille antienne bourgeoise du 19ème siècle : les mouvements de masse méprisent les valeurs individuelles de la déclaration des droits de l'homme, le droit de chacun à la propriété, à la sûreté, la liberté d'aller et venir.

 

Et puis, il y a une autre couche dans cette phrase, plus contemporaine, plus apocalyptique : la notion de crime contre notre espèce. Voyez, ces gens ne sont pas des philanthropes (à la différence des rois héllenistiques). Le monde est à feu et à sang, il y a des volcans partout, des tremblements de terre, presque des cadavres dans les rues, et ces messieurs de la SNCF ne sont pas "solidaires", ils laissent ces pauvres (petits bourgeois) vacanciers au milieu du chaos volcanique pour défendre leur petit droit corporatiste à... (leur droit à quoi au fait, on ne sait même plus pour quoi les agents de la SNCF faisaient grève).

 

Evidemment l'argument du secrétaire d'Etat est ridicule. Mais je me demande si 20 ans d'apocalyptisme compassionnel dans les représentations médiatiques ne finissent pas par le rendre crédible aux yeux de beaucoup de gens.

 

Tout cela prêterait à sourire sur la bêtise de notre époque, s'il ne se profilait pas derrière ces propos ridicules de M. Estrosi une affaire plus grave : le démantèlement progressif d'un service public français qui depuis 1945 avait accompli des merveilles. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Derrière la volonté de briser la caste des cheminots et leur "culture de la grève", il y a le souci de pouvoir enfin "faire ce qu'on veut" avec la SNCF : la soumettre toujours plus à des logiques commerciales, investir moins dans ses infrastructures, pour ne pas trop peiner ses futurs actionnaires, faire du business sur son dos et sur celui de ses passagers (pardon ! de ses "clients" !). Que nos services publics ne soient plus que des "utilities" comme disent les Anglo-saxons, sur lesquelles on se fera du pognon.

 

Voulez-vous que je vous raconte la triste histoire de la jolie gare Saint Lazare au bord de l'implosion ?

 

 

Dans la même logique une postière hier, apparemment très motivée, fraîchement formée par les écoles du Parti (le Parti du fric), me montrait, sourire aux lèvres son nouveau bureau de poste, sans guichets, au milieu duquel trônaient les "produits" (enveloppes pré-affranchies, cartons à colis) très chers que nous sommes instamment incités à regarder (et acheter) avant d'aller poster nos lettres. Tout pour les produits ! Tout pour le profit ! Ca c'est solidaire et respectueux des droits de l'homme !

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A propos de "Le boycott d'Israël est-il de gauche ?" d'Eric Marty

22 Avril 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Vous le savez, je m'abstiens d'attaquer trop souvent l'Etat d'Israël, parce que je ne trouve pas légitime la polarisation intellectuelle sur ce sujet (et même dans beaucoup de cas cette polarisation est malsaine). Il y a beaucoup d'autres problèmes en ce bas monde que ceux du Proche-Orient, et ceux qui se laissent obséder par ces derniers ne rendent pas service à l'intelligence.

 

En outre j'apprécie plus que tout les débats sereins sur les grands sujets de notre temps. Plus l'argument remplace l'invective plus nous pouvons avancer (même s'il est vrai que la brièveté des billets sur Internet ne rend pas toujours la chose possible).

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C'est pourquoi j'apprécie particulièrement l'article d'Eric Marty "Le boycott d'Israël est-il de gauche". On y trouve exposés en des termes pondérés et sereins (ce qui est loin d'être toujours le cas chez les partisans d'Israël) les raisons pour lesquelles selon l'auteur Israël ne doit pas être boycotté. J'invite donc les gens à lire cet article.

 

Evidemment je ne suis pas d'accord avec le point de vue qu'il expose. Par exemple quand il explique qu'il n'y a pas eu de viols systématiques de civils ni de meurtres de masse et "donc" pas de crimes de guerre à Gaza : cette vision trop restrictive des crimes de guerre n'est pas acceptable et n'a jamais correspondu à la définition classique du terme. Viser délibérément des usines, des centrales électriques, des bibliothèques, et même un zoo, c'est s'en prendre à des civils, donc c'est un crime de guerre tout aussi grave que de violer des femmes. De même je trouve très grave sur le principe d'écrire "jamais la Cisjordanie n'a connu une évolution politique et économique aussi prometteuse". L'auteur parle ici d'une région sous occupation militaire. Je ne vois pas quelle "évolution politique prometteuse" peut connaître une région qui ne dispose d'aucune souveraineté politique. Que peut-il y avoir de "prometteur" dans le fait que quelqu'un d'autre décide pour vous de votre avenir ? N'est-ce là pas légitimer la mise sous tutelle d'autrui, et son infantilisation ?

 

Bien sûr le passage le plus contestable est celui selon lequel "ce peuple et cet Etat ont su, par le passé, montrer, en restituant le Sinaï et Gaza, qu'aucun projet colonial ne pouvait leur être imputé comme fait de structure". Evidemment l'argument ne convainc pas. D'abord parce qu'il y a la Cisjordanie justement : avec sa toile d'araignée de colonies. Que pèse la restitution du Sinaï (ou même le démantèlement des colonies de Gaza) face à cette réalité ? Et si Israël n'a pas de projet colonial, alors pourquoi n'a-t-il pas saisi la chance des accords d'Oslo dans les années 1990 pour geler la colonisation cisjordanienne ? Et puis, plus profondément, il y a le principe même de la création d'un Etat juif en terre arabe, qui est le principe de la création d'Israël, qui est ici à interroger. N'est-il pas colonial dans son essence ? Bien sûr c'est l'argument constant de tous les colonialistes de dire "nous n'avons pris les terres de personne", "il n'y avait personne quand nous sommes arrivés", "les gens avaient quittés leurs fermes d'eux-mêmes et on s'est contentés de s'installer là". Mais ça ne tient jamais la route. J'attends toujours qu'on me démontre que les fondateurs d'Israël n'ont pris les terres de personne.

 

Je pense que le meilleur argument qui puisse aller dans le sens des sionistes est de dire qu'il ne sont pas "rendus compte" qu'ils colonisaient et qu'ils spoliaient en 1947. On sortait de ma guerre, des millions de gens étaient morts, dans la shoah, mais aussi dans les diverses opérations militaires. La vie et la propriété n'avaient plus guerre de prix. Des peuples entiers avaient été déplacés (par exemple par Staline). Et donc l'expropriation de quelques centaines de milliers d'Arabes du mandat britannique de Palestine n'étaient qu'une injustice parmi mille autres. C'est d'ailleurs pourquoi bien peu de gens la trouvèrent scandaleuse à l'époque.

 

La "malchance" de cette colonisation occidentale (car elle était essentiellement occidentale, puisque les Juifs venaient d'Europe et d'Amérique, et avec le soutien de l'Ouest, c'est qu'elle fut contracyclique : elle intervenait alors que partout ailleurs les autres colonisations occidentales allaient être battues en brèche. Ainsi, plus l'Occident reculait dans le Tiers-Monde, plus l'installation d'Israël choquait. La machance d'Herzl est que son projet fut trop tardif. Celui des nationalistes basques, ou corses le fut aussi au regard du grand éveil des nations de la première moitié du 19ème siècle mais les Basques et les Corses du 20ème siècle pouvaient au moins se prévaloir d'une rhétorique anticoloniale qui suivait l'air du temps. Le nationalisme sioniste a été trop tardif, et son colonialisme trop "voyant" et trop décalé par rapport au monde de Bandoung issu de la décolonisation.

 

Israël a sans doute fait beaucoup d'efforts pour rester démocratique et, sur divers points, ouvert. Mais il n'a pas su effacer le péché de colonialisme, qui est dans son essence, et qui reste aujourd'hui un ressort essentiel de son fonctionnement. Nous pourrions à la rigueur aujourd'hui qu'il ne s'agit que d'un reliquat colonial parmi d'autres comme le Sahara occidental, ou la Nouvelle Calédonie, ou Mayotte, et le traiter sur le même mode. Evidemment, comme l'écrit Vijay Prashad dans un texte récent, le problème va un peu au delà puisque maintenant nos élites mobilisent beaucoup d'argent et surtout beaucoup de censure intellectuelle pour sacraliser l'existence de ce colonialisme à contre-temps, et même en faire le fer de lance de la civilisation face au reste du Proche Orient qui serait voué à l'obscurantisme. D'une certaine façon c'est parce que notre société dépense tant d'énergie à justifier la colonisation en Palestine que nous devons en permanence rappeler que cette réalité-là (le colonialisme) ne peut plus être une valeur de l'Occident, et donc, en permanence, critiquer le discours dominant qui voudrait faire d'Israël l'avant-poste des valeurs occidentales au Proche-Orient.

 

 

 

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