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"Un pays communiste ? Pas du tout ! c'était une dictature !"

Moi : "Vous êtes jumelés avec une ville de ce pays africain depuis quelle année ?
Elle - 1985.
Moi - Ah oui ! c'était le temps où il avait un gouvernement communiste.
Elle - Non pas du tout. C'était une dictature !
Moi - Oui mais marxiste-léniniste.
Elle, le regard vide, certaine que je me trompe.
Moi - Je vous assure. Il y avait des conseillers soviétiques et cubains dans ce pays !"
J'ai bien aimé le "Pas du tout. C'était une dictature". Pour les néo-communistes et leurs employés aujourd'hui les régimes communistes n'ont jamais pu être des dictatures, il y a une antinomie d'essence entre communisme et dictature, qui fait relèguer hors de l'histoire de ce mouvement tout ce qui ne fut pas pluraliste et démocratique (et donc notamment toute l'aventure cubano-soviétique sur le continent africain à l'époque de Brejnev, Andropov et Tchernenko). Dans l'esprit de cette jeune femme - manifestement peu cultivée - tout cela n'avait à l'évidence pas existé, jamais, ou en tout cas, si c'était avéré, c'était sans rapport avec la commune où elle travaillait. D'ailleurs j'ai découvert un peu plus tard qu'elle avait complètement procédé à une recréation mythique des origines du jumelage : "le maire avait été très sensibilisé par une famine qui avait eu lieu là bas" (comme si à l'époque le PCF fonctionnait - comme il le fait aujourd'hui - en fonction des émois collectifs dictés par les médias et non selon la logique de la solidarité avec les "pays frères" et "partis frères"). C'est en vertu de tout cela que le PC actuel a renié l'expérience soviétique, mais aussi, peu ou prou, toutes les tentatives communistes du 20ème siècle, pour à la rigueur retrouver les tentatives du 19ème, et plus souvent encore ne se reconnaître aucun passé. Un PC sans passé, suspendu dans les airs, et prêt à prendre pour fondements légitimes de son action les incitations compassionnelles des grands médias. Voilà ce que j'ai trouvé dans ce service administratif cet après-midi. Cela faisait drôle quand même.
Pourquoi il faut arrêter d'écrire des livres

En outre, pour le lien avec le public, on dépend trop du bon vouloir du journaliste Lambda, qui vous cite ou ne vous cite pas selon son humeur. Récemment une certaine Laurène je-ne-sais-plus-trop-quoi annonce qu'elle citera mon livre sur la Transnistrie dans une revue liée au Courrier international, puis y renonce parce que j'ai eu le tort de lui demander à quelle date elle le ferait. Même mésaventure avec une journaliste de la presse féminine sur mon livre de sociologie du corps. Au dernier moment on cite quelqu'un d'autre, un autre livre. Peu importe que l'autre livre soit meilleur ou pire, de toute façon les livres sont assez mal lus, en diagonale, ça n'a aucune importance (et cela n'ira qu'en empirant avec le livre électronique dont on pourra alterner la lecture avec Internet sans changer de support). En choisissant de citer l'auteur le plus "sympa", celui qui accepte le mieux la souveraineté des médias sur les livres, on prive juste les lecteurs de la possibilité d'aller plus loin dans leur réflexion, de prendre plus d'indépendance. Mais who cares ?
De toute façon, citer les gens quand on choisit de le faire c'est juste leur permettre d'ajouter une note "sympa" dans le flot du "sympa" comme on le fait avec Badiou, et donc les hâper dans la spirale du néant. Ne pas les citer c'est les laisser se replier sur leur club de 50 amis qui pensent comme eux sur Facebook, et voilà tout. Le choix récent de Nabe de boycotter l'édition classique présenté comme un bon coup financier se lit d'abord et avant tout lui aussi comme un repli sur le cercle des fidèles. Il n'y a plus d'espace public où chacun peut trouver des valeurs communes et s'en nourrir. Il n'y a qu'un supermarché de valeurs tribales. Chacun est prié de trouver sa tribu, et va y consommer tranquillement, dans l'attente de passer, peut-être dans cinq ans, dans une autre tribu, mais sans qu'aucun horizon de bien public, d'universalisme humaniste ne puisse se dégager de tout cela.
Mélenchon aujourd'hui regrette que le trostkiste Daniel Bensaïd soit mort sans que personne ait eu vraiment l'occasion de savoir ce qu'il écrivait, sauf les intellos proches de la LCR et du "mouvement social". On pourrait en dire autant de tant d'autres. Ca n'a pas d'importance de toute façon, puisque plus personne n'a plus d'énergie ni de temps pour structurer quoi que ce soit sur la base de ce qu'il lit.
Tout le monde sait qu'il ne serait pas sorcier de fiche en l'air les partis politiques, de rétablir l'autorité de l'Etat, liquider le système de consommation, tout nationaliser, et, sur cette base, recommencer à réfléchir sérieusement au bien commun. Mais qui est prêt à consacrer plusieurs années de sa vie à ce projet ? Où est passé le jeune gars qui il y a 15 jours m'a dit s'intéresser au socialisme réel et vouloir rencontrer des organisations de jeunesse en Transnistrie ? Par l'entremise d'un de mes contacts j'étais même parvenu à le mettre en relation avec une des dirigeantes du mouvement guévariste Proriv dans ce pays. Mais il a probablement oublié de donner suite. La logique du zapping et de l'émiettement est plus forte que tout. Les moyens techniques mettent les plus grands révolutionnaires à deux clics de votre boîte email... mais entre le matin où vous avez demandé leurs coordonnées et le soir où on vous les donne, vous avez juste changé d'avis, vous êtes passé à autre chose. "De mon côté je suis malheureusement trop du genre gauchiste velléitaire dont tu parles dans "dix ans sur la planète résistante" ", m'écrivait un jeune militant du PCF la semaine dernière.
Alors non, pas de livre. Basta ! Il faut savoir en finir avec ça.
Pauvres territoires

Le Caucase et nous
Franchement je doute que ce genre de combat mérite d'être mené. Je retire de mon voyage en Abkhazie l'impression qu'il y a une réalité humaine qui mérite d'être connue en Occident (mais, quand il s'agit de réalité humaine, comme l'a souligné un lecteur géorgien sur ce site, il faut aussi citer les souffrances des civils géorgiens, qui ont payé un prix très élevé aussi dans les guerres civiles du Caucase).
Ensuite il y a la réalité politique. Sur le plan politique, je crois qu'il faut toujours combiner deux principes. Le premier est qu'on ne peut forcer deux peuples qui se sont entretués à construire une nation ensemble. Le second est qu'il faut prendre garde à ce qu'un sécessionnisme ne vienne renforcer le pouvoir du capitalisme occidental globalisé.
De prime abord le cas abkhaze satisfait aux deux conditions. Les Abkhazes ne veulent plus entendre parler du gouvernement géorgien. Et en soutenant l'Abkhazie les militants de Die Linke peuvent avoir le sentiment de "faire la leçon" au gouvernement géorgien de M. Saakachvili, qui, allié de M. Bush naguère, a cru contracter une assurance tout-risque en travaillant pour les grandes puissances occidentales.
Mais en y regardant de près, le cas abkhaze ne fait que compliquer les choses en matière de droit international et pour l'avenir-même du Caucase (spécialement d'ailleurs du Caucase nord). Tout indique du reste que le capitalisme russe pourrait n'en faire qu'une bouchée. Je reste donc assez réservé sur l'intérêt de se mobiliser pour l'Abkhazie ou l'Ossétie du Sud.
J'observe toutefois une tendance intéressante chez des gens qui ont été formés pendant la guerre froide à utiliser l'Abkhazie comme un thème anti-impérialiste mobilisateur du genre "peuples musulmans et chrétiens (car l'Abkhazie est musulmane et chrétienne) tous ensemble contre l'impérialisme américain basé en Géorgie !". Piotr Luczak n'est pas le seul représentant de cette tendance.
Regardez par exemple cette curiosité que je trouve sur http://www.abjasia.org.ve/cuba.html après traduction par Alta Vista. Vous noterez qu'à part le constat étrange "nos deux pays sont organisés de la même manière puisque les députés aux assemblées nationales sont élus pour la même durée de mandat", les seuls arguments en faveur de l'amitié abkhazo-cubaine sont liés à l'époque du Pacte de Varsovie et du CAEM. Néanmoins que quelqu'un ait pris la peine sur Internet d'écrire cet argumentaire est en soi significatif...
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L'Abkhazie et Cuba
L'Abkhazie et Cuba entretiennent des liens étroits et chaleureux depuis un demi-siècle.
Depuis la première visite de Fidel Castro Ruz à l'Abkhazie en 1963, les liens entre l'Abkhazie et Cuba ont été d'une grande amitié et de fraternité.
En avril 1963, le leader de la Révolution était en Abkhazie pour trois jours, comme invité spécial du premier ministre soviétique Nikita Khrouchtchev.
Ensemble, les deux dirigeants socialistes ont visité les villes de Pisunda abkhaze et Gudauta, pour terminer par des réunions à Soukhoumi la capitale actuelle.
Au cours de la visite historique, Castro a déclaré que les Soviétiques "ont, exprimés dans leur action leur amour et leur solidarité avec Cuba."
Abkhazie a toujours été un rempart solide du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS), et de nombreux fonctionnaires de l'Abkhazie sont allés travailler et à coopérer avec Cuba, avec pour résultat que résident aujourd'hui en Abkhazie de nombreux locuteurs hispanique.
Même avec la chute de l'URSS en 1991, le peuple d'Abkhazie a maintenu ses contacts avec Cuba et le Voyage vers la grande île n'a jamais cessé. Un exemple est Zaur Gvadzhava, L'actuel chef de mission, Mission permanente de la République d'Abkhazie, dans la République bolivarienne du Venezuela, qui a été envoyé à la République de Cuba pendant 3 ans (1978 à 1981) par l'Union soviétique. Il maintient de forts et fréquents contacts avec la République de Cuba, et s'est rendu en visite à Cuba plusieurs foirs par an.
Aujourd'hui, poussés par les présidents actuels de Cuba et la Russie, Raúl Castro et Dmitri Medvedev, les liens entre Cuba et la vieille terre soviétique d'Abkhazie sont en train de se renforcer toujours plus. Abkhazie est un facteur de l'indépendance de Cuba et le soutien de Cuba a aussi exprimé clairement sa position:
«Cuba a été parmi les premiers pays à soutenir la Russie dans son conflit avec la Géorgie et avec ceux qui sont derrière elle», a déclaré le président cubain Raúl Castro, et a souligné que «la renaissance de la Russie" est un facteur "positif" pour le monde.
Selon les deux parties, les relations russo-cubaines sont à leur plus haut niveau depuis la chute de l'URSS, a commencé l'année où les difficultés économiques pour l'île.
Parmi les constitutions de Cuba et de l'Abkhazie il y a beaucoup de similitudes. L'organisation politico-administrative de l'Abkhazie est très semblable à l'organisation politique et administrative de Cuba. L'organe suprême du pouvoir, c'est l'Assemblée du peuple, dont les membres sont élus pour cinq ans soit une durée égale aux membres de l'Assemblée nationale de Cuba.
Soutenir le droit international à l'autodétermination des peuples, Cuba a été le principal instigateur du document final du Quatorzième Sommet des chefs d'État des pays non alignés, Mouvement du 11 au 16 Septembre 2006, La Havane, Cuba. En présence de Kofi Annan, Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, les envoyés des 118 membres de l'Organisation approuvé à l'unanimité le document où "A été souligné le droit fondamental et inaliénable de tous les peuples à l'autodétermination, l'exercice est essentiel pour assurer le respect universel des droits de l'homme et des libertés fondamentales."
Selon les termes de Sergei Bagapch, le président de l'Abkhazie, "Cuba et l'Abkhazie sont deux pays frères, unis tous les jours par la solidarité et par un ensemble de principes communs comme consigne directrice."
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"L'idéologie du sympa"

Pour moi l' "idéologie du sympa" c'est par exemple quand BFM TV (ce matin) choisit Arielle Dombasle pour parler du décès d'Eric Rohmer. C'est une mise en abime de la vacuité. Du vide qui parle sur du vide. ll n'est pas certain que Rohmer mérite l'aura dont il fut entouré dans les années 1980-90. En soi il y avait déjà un certain "vide" promu par un certain système médiatique autour de cette "icône de la Nouvelle vague". Mais ce vide pour conserver une certaine cohérence devrait, à l'heure de la mort du réalisateur, conduire à ce qu'on interroge un critique de cinéma pour parler de l'oeuvre de Rohmer. Il se peut que BFM TV n'ait trouvé aucun critique à 8 h du matin disposé à résumer en deux phrases creuses ce qu'il faudrait garder de Rohmer (parce que, peut-être, les critiques de cinéma ont complètement "décroché" de la logique du flux d'infos en continu, et se sont résolus, comme les latinistes versaillais, à n'être plus qu'une "communauté" de 500 personnes sur Facebook - un vieux spécialiste bourdieusien de la science politique m'a dit en 2006 : "les politistes nous ne sommes qu'une communauté de 1 000 personnes en France, et nous nous connaissons tous entre nous"). Ou bien BFM TV a-t-elle a priori trouvé qu'il serait plus "sympa" de faire parler quelqu'un que tous les Français connaissent, qui est donc un peu de leur famille, et que chacun identifie (parmi ceux qui adhèrent encore à l'actualité en continu) comme quelqu'un d'assez cultivé et raffiné, l'épouse de Bernard-Henry Lévy. Et donc la starlette a parlé dix secondes pour dire que Rohmer était formidaaable, juste après un reportage de 20 secondes qui avait précisé que son cinéma était "exigeant" (c'est à dire à ne pas regarder parce qu'on n'y comprendrait que dalle). L'effet "sympa" d'Arielle Dombasle a démultiplié vide, mais tout le monde s'y est retrouvé parce qu'ainsi chacun a eu le sentiment 1) d'avoir été informé du décès d'un cinéaste important 2) de rester au courant de ce qui se passe dans l'actualité culturelle sans culpabiliser de ne rien y comprendre 3) d'avoir toujours dans sa famille et son horizon affectif une Arielle Dombasle "sympa" (même si on la critique parfois, comme on critique une tante excentrique qui ne réussit pas tout ce qu'elle entreprend) qui soutient leur effort de rester informés de ce qu'il se passe dans le domaine de la création.
En général, je ne parle pas trop ici de mes travaux en sociologie du corps que je publie sous un autre nom, parce qu'ils n'ont pas de rapport direct avec mon engagement politique. Ils me permettent de garder un pied dans la culture du "sympa" sans trop m'y compromettre, mais sans non plus entretenir de ressentiment excessif à son égard (on sait quelles folies paranoïaques finissent par cultiver les adversaires de l'idéologie du "sympa"). D'ailleurs lors de la publication de mon livre dans ce domaine, une psy de renom m'avait dit : "le sujet de votre livre est très SYMPA, on l'attendait depuis des années ! publiez le vite, sinon quelqu'un d'autre écrira là dessus, c'est tellement dans l'air du temps !". J'en étais conscient, quoique je prétendisse (et prétends encore) pouvoir pousser les implications de mon thème au delà des modes de mon époque. Et effectivement depuis quelque temps, bien que mon éditeur soit très peu diffusé (lui et moi sommes des outsiders), il ne se passe pas un mois sans qu'un média quelconque ne sollicite mon avis sur le sujet de mon livre. Encore en ce début de semaine comme j'étais cloué au lit par un mauvais virus et alors que je croyais le temps arrêté, deux chaines du cable me contactaient pour m'interroger sur ce thème, me conduisant à composer encore avec l'état d'esprit des vicaires de l'idéologie du sympa.
L'air du temps "sympa" de notre époque n'est pas une "superstructure" facile à combattre comme une dictature classique. C'est une idéologie enveloppante dont l'utilité fonctionnelle est avérée (pour en rendre compte il faudrait peut-être recourir à la théorie des "memes" qui explique les schèmes de transmission de représentations culturelle). On ne peut pas prétendre s'en extraire aisément sans provoquer des pathologies stériles (paranoïa, passéisme etc). Il convient de savoir à quel degré on y participe, et éventuellement d'en jouer, en portant toujours l'action et la réflexion au delà de cette culture officielle, au delà de l'instantanéité de l'affect dans laquelle elle cherche à tout absorber. Cela demande des investissements à divers niveaux, des hiérarchisations des perspectives. Un véritable art de la guerre.
Logos spermatikos

Je crois que, à maints égards, la publication de mon livre sur la Transnistrie l'an dernier m'a libéré de beaucoup de contraintes formelles. J'ai vu qu'on pouvait composer un livre avec des bouts de ficelle tels qu'un journal de voyage auquel on peut accoller un article d'anayse juridique. L'ensemble tient quand même. Une partie en éclaire une autre. Et, même si un médiocre publiciste parisien dans une lettre à mon éditeur a tourné ce livre en ironie en le qualifiant de "brochure", la plupart des lecteurs, eux, y trouvent leur compte.
Ce livre libère une certaine audace. Je ne me sens plus obligé d'aligner des chapitres savants très cohérents entre eux. Si j'avais à écrire sur Caton aujourd'hui, bien sûr j'insisterais sur la biographie du personnage. Parce que Plutarque est singulièrement éloquent sur son compte. Et comme plus personne ne lit Plutarque aujourd'hui, il faut ressortir ces histoires. Elles montrent combien une éthique intègre à Rome au Ier siècle avant JC n'était pas "conservatrice" mais révolutionnaire, ce qui valait à Caton l'estime de la plèbe. C'est tout un rapport à la Loi, à l'Ordre, qui se joue là. Un sujet que les libéraux et les bobos n'aiment pas aborder car ça ne cadre pas avec l'esprit du capitalisme hédoniste contemporain. Cet ordre, les philosophes stoïciens l'appellent Logos. Le roi indien Asoka quand il parle de l'ordre dans ses décrets en pali utilise le mot "dharma" (bien connu des adeptes du bouddhisme), et dans leur version grecque... Logos.
Mais je voudrais aller bien plus loin que l'évocation du courage physique et moral de Caton d'Utique et de la vénération qu'il lui a valu (aux antipodes des sarcasmes de la récente série britanique "Rome" à son sujet). Je voudrais tirer diverses thématiques du stoïcisme dont Caton était adepte vers notre époque moderne. Le stoïcisme m'intéresse comme politique du "devoir" aux antipodes des téléologies marxistes et plus généralement progressistes - "Hacer la revolucion como un deber", "Faire la révolution comme un devoir" titrait audacieusement Republica.es cette semaine. Il m'intéresse aussi par l'innovation qu'il a apportée à son temps en terme d'unité de l'humanité, de cosmopoliteia. Un sujet diablement d'actualité à l'heure de la mondialisation. Enfin il pose des questions sur ce que la nature commande à l'humanité, ou du moins autorise chez elle, ce qui est aussi un thème très actuel maintenant que la génétique, les sciences cognitives et la paléoanthropologie nous ont réconcilié avec l'idée qu'une nature humaine existe et qu'elle détermine nos catégories mentales. Je me suis procuré hier l'ouvrage de Valéry Laurand sur la politique stoïcienne. J'écrirai peut-être mon livre sur Caton quand je serai à la retraite.
De Mélenchon à Agora

Un lecteur de mon blog hier a justement nuancé mon intérêt pour le film que je n'ai toujours pas vu Agora (mais j'avais précisé que cette intérêt allait au film dans la mesure où il reflétait la façon dont notre époque regarde son passé, rien de plus).
Je n'aime pas le thème (présent dans ce film et ailleurs) de la défense du paganisme contre le christianisme, qui procède du même réflexe que l'islamophobie et même que l'anticommunisme. J'y vois le côté bobo cool qui aime bien que les gens "ne croient pas trop à ce qu'ils croient" (les croyances soi-disant un peu sceptiques des païens philosophes leur plaisent davantage - cela dit ils se trompent complètement car les néoplatoniciens étaient tout aussi religieux que les chrétiens). En tout cas les commentaires du film dans la presse bourgeoise qui parlent des échos de l'époque contemporaine que trouve le film, sur le thème de l'intégrisme notamment, ont manifestement en tête l'équation premiers chrétiens=talibans / païens=bobos "laïques" éclairés.
Historiquement, il existe d'ailleurs un lien organique entre l'intransigeance des premiers chrétiens et la naissance de l'Islam, l'Islam étant apparu au contact des sectes chrétiennes hérétiques les plus rigoristes (judéo-chrétiens, nestoriens). L'allergie de notre époque à l'égard de tout ce qui est rigoriste ne me dit rien qui vaille. Autant la défense du paganisme était intéressante dans les années 70-80 à l'époque de Jerphagnon, le maitre d'Onfray ès-athéisme à Caen, face à une Eglise décadante mais encore stérilisante, autant aujourd'hui elle n'est plus que le porte-drapeau d'un esprit de consommation vide et intolérant. Je vous incite à nouveau à lire le Saint Paul de Badiou, voire quelques intuitions de Zizek sur paganisme et christianisme dans La Marionnette et le Nain. Des regards intéressants sur le "génie" du premier christianisme.
Au chapitre culturel de la semaine
Hier "faut-il s'engager dans l'espoir de réaliser un paradis terrestre pour l'humanité ?". Aujourd'hui : "Notre vision de la sexualité peut-elle s'extraire de l'héritage catholique ?"
Mes interlocuteurs sur ce genre de sujet m'opposent des poncifs académiques vieux de 20 ou 30 ans, comme si leur pensée était figée dans la glace. Dommage que je n'aie pas le temps d'écrire plus longuement.
Petite parenthèse culturelle. Demain sort sur les écrans "Agora".
Les peplums sont souvent risibles mais ce sont des miroirs de notre époque sociologiquement intéressants. Voir comment un monde se raconte à lui même son histoire.
Ici le sujet choisi est l'intolérance des Chrétiens. On est à l'opposé des thèmes du cinéma hollywoodien traditionnel. Il popularise le personnage d'Hypathie d'Alexandrie, qui le mérite sans doute : une philosophe femme lapidée par les chrétiens, ce n'est pas mal. Charles William Mitchell lui a consacré un étrange tableau.
A part ça un ami me dit du bien d'une pièce de théatre "Le Paris de Lutécien". Mais je n'en parlerai pas ne l'ayant pas vue.