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Un témoignage sur les dissidents en Pologne
Je recevais récemment le témoignage suivant d’un militant de gauche polonais :
"On peut réfléchir sur le cas de X (un dissident polonais célèbre) qui dirige la cellule du Parti communiste à la section parisienne de l'Académie polonaise des sciences dans les années 1960, en charge donc de surveiller les intellectuels et scientifiques polonais en séjour à Paris, et qui, par le biais de ses contacts avec l'EHESS (créée par des financements US pour contrer l'influence "communiste" du CNRS et où officie jusqu'au début des années 1960 Negroponte chargé du ...recrutement du personnel), passe petit à petit vers l'anticommunisme, officialisé en 1968, ...ce qui va lui assurer de meilleurs revenus. Toucher des honoraires en devises pour des bouquins ou interviews qu'on donne à l'ouest grâce à ses relations, fait de chaque Polonais dans ce cas un quasi millionnaire avec le change parallèle ...et si en plus on a l'auréole du martyr tout en s'achetant maisons, bagnoles, etc !!!
La question est pourquoi les pouvoirs polonais acceptent cela et ne le licencient pas de ses postes universitaires en Pologne, ou ne le marginalisent pas au moins, ce que l'URSS ou la RDA vont pratiquer plus longtemps.
Je ne suis pas un adepte de l'histoire policière pour expliquer les processus historique, mais je ne peux nier qu'ils ont été accompagnés par des agents qui ont pu appuyer ces processus sociaux.
Et cela donne sans doute en partie raison à Staline (pas sur les méthodes certes, mais sur l'analyse des phénomènes et l'omniprésence d'ennemis là où ils pouvaient se manifester). Il connaissait bien aussi, et pour cause, l'immense servilité des intellectuels. Et comme "patron" recruteur, les USA avaient plus de moyens que l'URSS, et ont donc pu mieux jouer sur la servilité de ceux qui, étant connus "mondialement" (grâce à qui ???), ne pouvaient pas subir de vraies répressions, à la différence des petits opposants.
Il faut savoir que, dans le cas de Solidarnosc par exemple, il y a quand même des flots de dollars qui ont afflué. Il était plus rentable économiquement pour un Polonais de se voir publier entre 1982 et 1989 par les éditions clandestines qui assuraient des droits d'auteur que par les éditions officielles. J'ai été témoins de ces conversations avec des universitaires de Cracovie à l'hôtel cinq étoiles Cracovia en 1983 ...et ces universitaires étaient admiratifs devant les "capacités d'organisation de ces clandestins qui organisent des maisons d'édition professionnelles et qui payent mieux que les éditions d'Etat" ...naïveté ??? l'argent tombait-il du ciel ou simplement des ventes. Ils semblaient le croire !!!!
J'ai une amie de Poznan médecin émigrée en France qui m'a dit qu'elle a décidé d'émigrer, dégoûtée, quand elle est arrivée à Varsovie au milieu des années 1980, dans le cadre de ses activités clandestines à Poznan et qu'elle a débarqué dans un milieu dissident d'une richesse incomparable, avec celui des classes moyennes polonaises. Elle a compris alors qu'elle s'était faite avoir en trimant la nuit à sortir des tracts au nez de la police, et qu'il y avait beaucoup d'argent à Varsovie chez ses chefs, que les grands pontes de la dissidence se le partageaient ...sous les regards de la police d'Etat qui en récupérait aussi une partie à l'occasion de certaines fouilles, mais sans tuer la poule aux oeufs d'or, la source occidentale : CISL-AFL/CIO-NED-CIA."
Les ex-dissidents d'Europe de l'Est et le Tiers-monde
Quelqu'un me demandait ce matin pourquoi les ex-dissidents du bloc de l'Est, alliés aux "réformistes" gorbatchéviens sont tous devenus les pires laquais du néo-conservatisme américain au point de se faire les zélateurs de la guerre en Irak. N'est-ce point le signe, me demandait-il, qu'ils étaien déjà objectivement dès 1970-75, les alliés objectifs du capitalisme états-unien (même si beaucoup se croyaient de gauche) ?
Pour ma part je ne suis pas convaincu que tous les dissidents aient basculé dans le camp pro-Occidental ou anti-communiste. Un type comme Alexandre Zinoviev par exemple n'a pas basculé dans ce camp (même si son itinéraire n'est pas forcément très glorieux). Piotr Ikonowicz que je cite dans mon livre sur la Transnistrie a ussi gardé une position intègre.
Mais il y a un phénomène de génération qui fait que ce qui s'énonçait dans les années 70 dans les formes du libertarisme, se formule trente ans plus tard dans les mots du néo-libéralisme. A ce phénomène s'ajoute un mécanisme de vieillissement et d'embourgeoisement des individus qui, à force de fréquenter les salons littéraires occidentaux, se laissent contaminer par leurs idées. Seule une minorité peut rester, passée la cinquantaine, éthiquement pure et ostracisée par le reste des élites.
Je ne pense pas qu'on puisse en déduire a posteriori que ces mouvements étaient déjà capitalistes ou néo-libéraux dans l'âme. Parce qu'alors raisonner de la sorte (avec une anachronisme rétrospectif) reviendrait à condamner comme potentiellement capitaliste toute critique libertaire du socialisme autoritaire depuis Bakounine jusqu'au Black block d'aujourd'hui.
Et puis il y a une particularité de l'Europe de l'Est. Des processus culturels très complexes y sont à l'oeuvre. Rien n'est binaire. Il y a d'abord leur extrême fascination pour l'Europe de l'Ouest et leur frustration d'en avoir été coupés. C'est un mécanisme psychologique puissant qu'on trouve même chez les poutiniens et les partisans de Milosevic.
En outre il existe un racisme profond à l'égard du Tiers monde (des Chinois, des Noirs, des Arabes) qui les fait facilement basculer dans le camp des "valeurs occidentales", y compris du sionisme en tant qu'il se pense comme avant-garde de ces valeurs (et ce malgré e vieux fond antisémite qui travaille ces pays). En 2000 l'opposition serbe faisait campagne sur le thème "nous sommes plus proches de Badgad que de Londres "et "les Chinois nous envahissent".
Ce n'est pas un hasard si Balkans Infos, tout anti-américain qu'il fût, ait en grande partie basculé comme leur ami Jean Robin dans le camp sioniste (un de ses journalistes m'a reproché de m'allier "aux pires ennemis des serbes" parce que, après avoir combattu l'agression de l'OTAN contre la RF de Yougoslavie, je suis resté solidaire du Tiers monde), non que Balkans Infos soit à proprement parler "raciste" à l'égard des peuples du Tiers-monde, mais les guerres civiles yougoslaves les ont fait évoluer dans une ambiance islamophobe qui au final les conduit à se sentir beaucoup plus proches de fervents défenseurs d'Israël que des chantres de l'esprit de Durban. Là encore même les poutiniens jouent un jeu très ambigu entre Arabes et Israéliens. Il n'est pas étonnant que ces tropismes qui affectent les parties les plus anti américaines de ces sociétés aient a fortiori fonctionné sur les "dissidents" qui fréquentaient les salons littéraires du quartier latin voire du Figaro Magazine.
Ce facteur culturel va de pair avec l'influence matérielle des réseaux (par exemple le rôle de l'EHESS comme trait d'union entre les dissidents et l'Oncle sam). Cette profonde "déconnexion" pour parler comme Samir Amin entre les ex-dissidents d'Europe de l'Est et les causes progressistes du Tiers-monde, n'est qu'une exagération d'une autre déconnexion très profonde entre les sociétés de ces pays et celles d'Asie ou d'Afrique. Si bien qu'il me semble que les nouvelles alliances entre Poutine et Chavez, ou même sur un mode plus ambigu entre Moscou et Pékin - alliances dont se réjouissent les tiers-mondistes - participent davantage de froids calculs géopolitiques au niveau des Etats que d'un réel rapprochement entre les peuples. Ce froid calcul bismarckien est toujours réversible et peut se retourner en sainte-alliance russo-occidentale contre le reste du monde, si les Etats-Unis cessaient de jouer la carte de l'encerclement de la Russie (ce qu'une partie de l'administration Obama semble prête à faire mais que la partie la plus belliciste des élites étatsuniennes s'emploiera toujours à contrecarrer).
Lévi-Strauss et Bourdieu

En effet Lévi-Strauss a influencé Bourdieu. Mais il faut voir comment Bourdieu fonctionnait. Au début des années 60, il est un jeune normalien agrégé de philo spécialisé dans l'épistémologie (formé par Bachelard). C'est un homme qui aime la polémique autant que les dissertations brillantes (comme les gens formés par son école) qui ne rechignent pas devant certains effets de manche. Il partage un mélange d'admiration et d'esprit de rivalité à l'égard des stars du monde intellectuel de son époque (notez que je n'emploie pas de vocabulaire bourdieusien pour décrire le phénomène, alors que je le pourrais). Sartre est une de ces stars qu'il admire et veut en même temps renverser (Frantz Fanon est dans un rapport voisin à l'égard de Sartre, mais avec moins de chances de notoriété dans le milieu intello parisien - Foucault aussi est dans ce rapport). Lévi-Strauss en est une autre. Bourdieu fait le choix des sciences humaines contre la philosophie, et plus précisément de l'ethnologie contre la philosophie sartrienne, et il choisit la Kabylie comme terrain d'observation, comme Germaine Tillon (notez que je cite toujours des cas "comparables" parce que les bios officielles oublien toujours les comparaisons).
Dans le cadre de son travail ethnologique, Bourdieu reprend les techniques lévistraussiennes de comparaisons des structures de parenté (qu'il développera dans sa thèse, puis dans son fameux Bal des Célibataires sur le terrain béarnais). Mais comme il n'est pas homme à singer bêtement son maître, et comme, ainsi que le remarque JD, il n'est pas issu du même milieu social que Lévi-Strauss, Bourdieu remarque que les stratégies matrimoniales sont l'occasion de mobilisations de capital, et de pratiques corporelles qui diffèrent beaucoup en fonction du positionnement hiérarchique des candidats au mariage. On a là les prémices de ce qui va être sa théorie de l'habitus et du capital.
Je me souvient qu'il disait au collège de France que la découverte en Kabylie de cet aspect éclairait à ses yeux son vécu social en Béarn et qu'elle le bouleversa très profondément. Il l'a d'ailleurs redit, je crois, dans son livre autobiographique posthume.
Cette sensibilité aux pratiques corporelles et aux inégalités était, disait-il, un moyen d'ancrer le structuralisme de Lévi-Strauss dans la chair, de le sortir de son abstraction de simple jeu d'études conceptuelles de systèmes de signes an-historiques. Il allait l'élaborer théoriquement encore plus par des emprunts à la linguistique pragmatique anglo-saxonne (Austin) qui pouvait déplacer l'intérêt pour le langage de la structure des signes vers les paroles en acte (voir Ce que Parler veut dire publié au début des années 80)
La transposition des études structurales du langage à l'anthropologie (Lévi-Strauss), à la psychanalyse (Lacan), au marxisme (Althusser), exerça une fascination profonde sur la jeunesse des années 60, et donc aussi sur Bourdieu qui avait ce tropisme du Quartier latin (malgré des tendances anti-intellectuelles fortes). Mais comme Bourdieu dut tenter de faire survivre son système aux critiques acerbes du structuralisme (qui apparaissent dans les années 1970), il va prétendre non seulement que son structuralisme est plus ancré dans la chair que celui de Lévi-Strauss, mais aussi qu'il permet de dépasser ce qu'on reproche le plus au structuralisme lévistraussien : son an-historisme. Avec la théorie de l'habitus et des luttes pour la domination symbolique, on peut expliquer, dit Bourdieu, comment on passe d'un système symbolique dans un autre, c'est à dire comment les valeurs dominantes des champs et des espaces sociaux évoluent dans le temps. Ainsi Bourdieu appellera-t-il sa théorie "structuralisme génétique", parce qu'il réintroduit de la genèse (ce qui a aussi quelque chose à voir avec les thèses de Piaget, si je me souviens bien, qui était aussi dans une démarche très "ontogénétique" d'étude des stades d'évolution des schèmes de perception chez le jeune enfant - toute la conception piagetienne et néo-kantienne des schèmes est importée dans la notion d'habitus).
Toute cette construction théorique est extrèmement scolastique et a nourri des débats à n'en plus finir sur l'habitus bourdieusien, ses conditions de formation et d'évolution, débats absolument dépourvus de base empirique évidemment.
Mais on voit bien là la dette à l'égard de Lévi-Strauss.
La dette s'inscrit en positif et en négatif. Je dois dire que je suis très sensible au versant négatif du structuralisme, car il a imprimé un style de réflexion anti-scientifique (sous couvert d'ailleurs de prétention à 'hyperscientificité par moments, Lévi-Strauss proclamant même sa volonté de chercher une mathesis universalis des mythes) qui pollue encore aujourd'hui le débat intellectuel. Le structuralisme repose sur un amour des grandes spéculations gratuites (en ce sens il a prolongé l'hégélianisme et le marxisme) qui a nui à la pensée du XXème siècle.
En ce moment on m'objecte que Lévi-Strauss a eu le mérite d'abolir l'évolutionnisme raciste qui voyait dans l'homme blanc l'oméga de l'histoire humaine. Je pense que ce travail de conquête de l'universalité du regard par l'ouverture à d'autres peuples avait déjà été entrepris par le maître de Lévi-Strauss (et neveu de Durkheim) Marcel Mauss, qui avait eu le mérite de l'inscrire dans un intérêt empirique pour les pratiques corporelles que le logocentrisme du structuralisme a oblitéré. Et c'est vrai Lévi-Strauss avait un côté grand bourgeois qui l'a fait débuter à la SFIO (comme Mauss), et terminer sa carrière dans une sorte de relativisme conservateur à la Montaigne (sauf que le relativisme de Montaigne était encore subversif au 16 ème siècle, et ne l'était plus au 20 ème) A côté de cela il gardait pas mal de préjugés de sa caste ou de sa culture d'origine, par exemple sur l'Islam.
Des esprits comme Lévi-Strauss, Bourdieu ou Sartre sont des particularités typiquement françaises, des produits de l'aristocratisme intellectuel français. Produits de grandes écoles où le savoir littéraire est sacré, ils se pensent eux-mêmes comme des grands prêtres. Ils puisent dans ce statut l'énergie de réaliser d'immenses synthèses de connaissances diverses cueillies ici et là. Des synthèses qui s'enracinent dans des intuitions originales, mais qui se montent comme de grandes cathédrales systématiques fascinantes, susceptibles de nourrir des exégèses complexes quand on les considère de l'intérieur, mais finalement assez fragiles et biaisées quand on les regarde de l'extérieur.
Trop de système tue le système.
Anthropologie et socialisme
Je viens d'apprendre le décès de Claude Lévi-Strauss, un anthropologue dont l'itinéraire commença à la SFIO comme Mauss et s'acheva dans les colonnes du Figaro. Je n'ai jamais été pas follement enthousiaste de son oeuvre, a recherche de la mathesis universalis dans les mythes des diverses civilisations sous le label du structuralisme fut largement un leurre. Mais elle aura eu le mérite, comme le bourdieusisme pour la sociologie, d'attirer de nombreux esprits brillants vers l'ethnologie.
Juste avant d'apprendre cette nouvelle je venais de faire l'apologie de l'anthropologie dans un mail à un ami qui m'écrivait qu'il faudrait "qu'un ouvrage soit écrit sur le communisme et le rapport au corps, au plaisir et à l'esthétisme plus généralement", "il y a l'homme integral (rappelons-nous que le libre developpement de chacun est la condition du libre developpement de tous), dont on ne saurait à mon avis exclure la dimension "plaisir" " ajoutait-il.
J'avais répondu à ce garçon : " A vrai dire il y a une longue tradition de réflexion sur le rapport au corps développée dans la mouvance du socialisme "utopique" (les fouriéristes par exemple) qui en effet a été occultée par le socialisme autoritaire, surtout par le stalinisme (mais déjà par le léninisme), ce qui n'a toutefois pas empêché à cette réflexion de percer dans le cadre de certaines révolutions. (...) On se souvient de la grande marche nue des femmes à Moscou et à Kiev en 1917 réclamant la liberté sexuelle. Cette marche rejoint plus directement nos interrogations sur le socialisme et le corps car elle était inspirée par Alexandra Kollontai et toute une frange du parti bolchévik qui pensait que le socialisme devait libérer le désir.
Wilhelm Reich père du freudomarxisme a beaucoup écrit sur la libération sexuelle qui eut lieu en Russie entre 1917 et 1922. Il y a dans ces réflexions beaucoup de naïveté souvent, mais aussi des choses justes. En outre comme tu le soulignes, il faut penser le rapports aux plaisirs et aux souffrances dans son ensemble, pas seulement sur le volet sexuel.
Il est clair que la pensée politique ne peut faire l'économie d'une anthropologie du corps. Par exemple si le socialisme suédois fut très différent de celui de Cuba ou de celui de la Corée du nord, c'est aussi parce qu'on est à chaque fois dans des schémas de rapport à soi-même et à autrui, des rapports qui se cristallisent dans les gestes du corps, les regards, les sensations, dont on ne peut faire abstraction en partant au niveau des concepts abstraits.
La sociologie s'est ouverte progressivement à la problématique du corps à travers Mauss, Bourdieu, et, plus récemment, l'apport de l'éthologie animale (on apprend à regarder l'humain avec le même regard que celui qu'on porte sur les autres primates). Il faudra bien que cela soit importé dans la réflexion politique à un certain moment.
J'ai écrit dans la revue Commune en 2008 un petit texte sur le socialisme qui présentait celui-ci comme un "fait politique total" ayant vocation aussi à porter une anthropologie du corps. Je suis heureux de voir qu'Arnsperger dont j'ai fait la recension il y a peu (cf http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=94&ida=11529 ) défende aussi une approche anthropologique de l'option anti-capitaliste. Le changement politique passe par un travail sur les corps. "
Day

Sur le versant lumineux, ma petite interview dans la presse bourgeoise vendredi où je cite pour le fun Kierkegaard à propos du collagène (normal que ça plaise à Neuilly, j'attends les courriers enthouisastes des lectrices), il y a ce groupe d'historiens qui décortique les mémoires de mon grand père sur la guerre d'Espagne pour reconstituer une micro-bataille en Aragon. Il y a des toutes, toutes petites choses. Ca ne tue pas la mélancolie de la fraîcheur automnale, des impasses de la vie personnelle, du midi de la vie. Mais ça existe tout de même.
Un pote me dit à propos du prix littéraire accordé à Beigbéder : "A ce qu'il raconte dans son bouquin, ses grands-parents étaient propriétaires de la Villa Navarre à Trespoey.Quand il est venu à Pau, il était accompagné et cornaqué par Patrick de Stampa, actuel propriétaire de la villa (qui est devenue un hôtel 4 étoiles) et président de la CCI Pau Béarn et Pays de l'Adour, ancien président du MEDEF et candidat RPR à la mairie de Pau en 2001". Il n'appelait plus à voter Robert Hue. De toute façon, Hue, lui, n'appelle plus non plus à voter Hue non plus et passe au Parti socialiste.
Et Marie N'Daye, c'est quoi ses réseaux à elle qui l'ont conduite chez Gallimard ?
La gauche anti-impérialiste peut-elle créer une alliance durable avec l'immigration postcoloniale ?

J'ai pensé qu'il y avait du vrai dans son analyse. Mais les réalités de terrain telles que je les découvre en banlieue parisienne me font toucher du doigt toutes les difficultés du projet. D'une part il y a toute une petite bourgeoisie (ou une aristocratie ouvrière) d'origine maghrébine qui a déjà rejoint le Front de gauche (notamment ses structures municipales) et qui est assez laïque de sorte qu'elle n'a pas forcément envie de voir celui-ci se rapprocher d'organisations confessionnelles. Ensuite il y a une grande complexité du positionnement des gens issus de l'immigration qui sont souvent très pragmatiques, et peuvent miser sur plusieurs partis politiques à la fois (à la fois le Front de gauche, le PS, et l'UMP) sans qu'aucune alliance stable puisse être envisagée. Il y a aussi un jeu très complexe dans lequel sont pris les mouvements communautaristes - musulmans, antillais etc - par rapport aux néo-conservateurs (l'UMP, le CRIF).
Des aventuriers comme Soral qui ont flirté avec l'extrême droite pour soi-disant échapper au communautarisme voulu par les néo-conservateurs s'en rendent sans doute compte aujourd'hui. Son frère ennemi Jean Robin le lui a reproché, mais si l'on étudie les liens de Soral avec l'UOIF, et les rapports de l'UOIF avec le CRIF, on voit bien quelle dynamique est en train de happer tous les communautarismes, de sorte que la gauche de la gauche a tout intérêt à rester éloignée de ces spirales.
L'idéal serait de pouvoir travailler avec des structures qui, à la fois prennent en compte la spécificité de la condition des immigrés (le racisme, l'islamophobie etc) non prises en charge par les partis "classiques", et en même temps continuent à cultiver un progressisme universaliste, des structures comme les Indigènes de la République. Mais cela n'est envisageable que si celles-ci ne sont pas de purs groupuscules, et surtout si elles ne s'enferment pas dans un intellectualisme décalé par rapport aux réalités sociales profondes de l'immigration.