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Le Parti communiste d'Inde marxiste (CPI-M) et la lutte des classes

Comme le collaborateur de l'Atlas alternatif qui enseigne à Trinity college (aux USA) Vijay Prashad faisait l'apologie sur Facebook ce matin du livre de Prabhat Patnaik "The Public and the Private" qui explique pourquoi les paysans indiens aujourd'hui se suicident plutôt que de se syndiquer, un certain Jairus Banaji s'est répandu en imprécations contre le CPI-M en ces termes : "If Prabhat’s article is an attack on the current policies of governments led by his party in states like West Bengal, why doesn’t he express that in a more transparent way? Wasn’t it a CPM-led government that came down against the agitation of the Kanoria Jute Mill workers in the middle Nineties? Did he say anything at the time? When Nandigram exploded, it was Prabhat who defended ‘revolutionary violence’ (!!) , i.e. state repression of a mass movement."
Comme je suis néophyte, j'ai appris ainsi que Prabhat Patnaik était un économiste très connu du CPI (M). Il dirige le comité de planification du Kerala qui est aussi administré par le CPI (M).
J'ai dans un premier temps songé que Jairus Banaji devait être trotskiste. Malgré ce risque de parti pris je l'ai néanmoins contacté via Facebook et interrogé à la fois sur son appartenance partisane et sur les faits qu'il reprochait au CPI(M) ainsi que ses sources.
J'ai reçu cette réponse dans l'après-midi :
"Dear Frederic, The CPI(M) remains one of the most unreconstructed Stalinist parties anywhere in the world. Many of their leaders still admire Stalin and one of their two key leaders, Sitaram Yechury, has even written a long eulogy of Stalinn by way of introduction to someone else's book. The CPM-led government in Bengal has never encouraged worker action or the wider interests of the labour movement and when they feel threatened by independent movements, they react with ferocious sectaranism and violence. Here is an example of how they have almost murdered the leaders of an independent agricultural workers' union called the PBMKS.
Look up http://www.mail-archive.com/jharkhand@yahoogroups.co.in/msg04339.html
About the Kanoria mills struggle, the best source would be journals or magazines like the Economic and Political Weekly and Frontier from that period (1994 on). EPW is available on line. You can also try googling 'Kanoria jute mills workers' or some combination like that to get more material.
I am of course a Trotskyist in the eyes of the CPM, I was in the International Socialism group till 1972 when I came to India after studying in the UK. Today I see myself simply as a revolutionary Marxist...
Hope this helps, in solidarity,
Jairus"
Je connais depuis longtemps les accusations de l'extrême gauche contre les communistes, accusations qui ne sont pas toujours dépourvues de fondements factuels. Je ne pouvais pas les ignorer dans le cadres de mes éventuels contacts avec le CPI (M) d'autant que je serai un peu confronté à une situation analogue en Seine-Saint-Denis (où le PC est une "middle class" au dessus des classes populaires). Evidemment en Inde (comme en Espagne en 1937-38), la situation est particulièrement grave puisqu'on accuse le CPI (M) d'avoir du sang de travailleurs sur les mains. Cette gravité particulière est presque "naturelle" dans le Tiers-monde où la violence des rapports de classes est plus accentuée qu'en Europe (certains disent même que ces rapports sont violents pour que les nôtres puissent être plus doux). Sans adhérer totalement aux thèses de cet accusateur du CPI(M), dont j'apprends d'ailleurs qu'il est l'auteur d'un livre Agrarian Change In Late Antiquity in India (Presses universitaires d'Oxford), je ne puis manquer de les prendre en compte.
Mes livres dans les milieux parisiens

Il s'agit d'une troisième mention dans les milieux parisiens après une bonne recension de la revue Sciences Humaines au printemps, et une interview sur le blog de Lili Castille (je devrais peut-être aussi compter l'interview dans Le Mague dans ce registre, mais je crois que ce magazine est girondin).
Je ne pense pas que ce succès relatif auprès des médias nuise à mon image dans l'université (où je suis mal implanté, je n'ai même pas eu le courage de postuler pour la qualif). Celle-ci connaît une telle crise. L'étudiante (doctorante) qui m'invite à la conférence de Cannes paraissait trouver plus intéressants mes textes que ceux qu'elle avait lus sous la plume de certains universitaires sûr le même sujet. Beaucoup de profs ne croient plus en ce qu'ils font et la qualité de la recherche s'en ressent. Dès lors un outsider comme moi n'est plus aussi handicapé pour mener une recherche indépendante, d'autant que beaucoup de moyens d'information indépendants (notamment Internet), me permettent de constituer progressivement un public. J'attends néanmoins beaucoup de la conférence de Cannes où, d'après l'organisatrice, je serai devant un public de chercheurs qui ont besoin de cadres de pensée pour leurs travaux. Sera-ce la première et dernière fois où je serai conduit à infuencer de très près des chercheurs ?
En tout cas, je n'ai toujours pas trouvé le moyen de faire le lien entre mon livre sur la nudité et mes livres politiques. J'ai proposé avant la Fête de l'Humanité un opuscule sur socialisme et érotisme au Temps des Cerises, mais ceux-ci n'ont pas l'air chaud pour me répondre.
Constructivisme cérébral

Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, Robert Laffont 2008 (p. 97-99)
Sociologie du corps

Un journaliste d'une revue branchée veut m'interviewer sur la nudité, la même semaine qu'une blogueuse, elle aussi bien introduite dans les milieux journalistiques parisiens, publie une autre interview de moi.
Disons que c'est ma pause "a-politique" après le dernier weekend très intense à la Fête de l'humanité. D'ailleurs ce n'est pas si apolitique qu'il y paraît : rappeler, en réconciliant anthropologie naturelle et anthropologie culturelle, que l'homo sapiens est un animal, c'est faire signe vers une question nouvelle : que peut être une société qui fait le deuil complet du spirituel - qu'est-ce qu'une institution qui assume complètement la corporéité de ses composantes et de ceux qu'elle administre ? Voilà une question que l'humanité n'a jamais sérieusement affronté parce que notre cher cerveau, en grande partie protégé de par son anatomie-même, du reste du corps construisait ses images, ses religions censées "tirer notre espèce vers le haut", même dans les religions sécularisées du 20 ème siècle. Nous sommes la première génération à pouvoir assumer pleinement sa fraternité avec les singes... et à devoir en tirer des conclusions politiques. "Français, encore un effort", il faudra bien y parvenir.
Post festum - Nicaragua-Bolivie
Désolé, mais tard le soir il n'est pas possible de monologuer devant une caméra. Je dois donc retrouver le clavier.
La Fête de l'Humanité me pose beaucoup de questions sur ce que je peux faire et ne pas faire dans mes nouvelles fonctions au milieu de la "middle class" communiste du "9-3", un milieu dont je n'ai pas les codes (mais de quel milieu ai-je les codes ?) et dont certaines caractéristiques m'inquiètent. Mais je crois avoir suffisamment de recul à l'égard de tout pour pouvoir tenter d'y faire une ou deux choses utiles, très modestement.
J'ai été content de pouvoir revoir à cette fête toutes sortes de gens qui comptent dans mon horizon. Mais j'ai aussi été heureux d'évoluer principalement autour des stands du NIcaragua et de la Bolivie. Je sais qu'il est toujours artificiel de chercher la Vérité chez l'autre (ou le grand Autre), et de fuir dans l'exotisme. L'étanger est d'autant plus séduisant qu'il est investi dans des rapports sociaux qui nous touchent moins directement : on ignore une partie des langages intellectuels et corporels à travers lesquels les mépris et les haines s'expriment dans son pays, on en est donc "prémuni" en tant qu'observateur extérieur. Par delà cette facilité de choix de l'Autre et de l'ailleurs, je persiste cependant à penser que l'Occidental, pour guérir de son propre dogmatisme, a besoin du détour par son contraire, par celui qu'il a construit comme son contraire, comme une brute à asservir. On m'objectera peut-être qu'au contraire c'est par le détour par autrui que le Blanc européen in fine légitime sa tyrannie, parce qu'il croit que le détour suffit à légitimer son universalité. Je n'en suis pas convaincu. En tout cas à titre personnel, j'ai besoin de cet ailleurs.
J'avais besoin de cet air nicaraguayen confiné dans le pauvre chapiteau de l'association "Adelante", et de la saveur andine de la tisane de coca qu'on me servit en fin de fête de l'Huma, mêlée à du rhum Habana club, sous le délicieux nom (inventé ad hoc au milieu des débats du weekend) d' "ALBA libre". J'ai besoin de vous parler de ce petit-fils de Républicain espagnol comme moi, qui fut naguère apprenti-chercheur, et aujourd'hui carreleur pour nourrir sa famille (enfin des intellectuels qui ne crachent pas sur le travail manuel ! je n'en ai pas connu beaucoup dans les décennies antérieures, les diplômés-chômeurs de mon entourage préféraient le RMI je crois). Je l'interviewerai prochainement sur le Nicaragua sandiniste de la grande époque, qu'il a connu directement.
J'ai besoin aussi de faire ici la promotion du documentaire militant du chilien René Davila sur le mouvement social en pays aymara bolivien. Une interview en français de lui existe déjà ici, et son blog en espagnol là. Un documentaire techniquement très correct, politiquement consistant, et poétiquement ouvert à toute la réalité de la terre bolivienne combattante. Cela s'appelle Bajo los volcanes - voici la bande annonce en espagnol (le film est doublé en français) :
J'ai pu discuter avec l'un et l'autre samedi. J'ai aussi échangé quelques mots avec Sergio Cáceres, rédacteur en chef de la petite édition française du journal bolivien Le Jouet Enragé (El Juguete Rabioso). Sergio a collaboré au quotidien Etat d'urgence dirigé par Michel Sitbon et a co-traduit le dernier livre de Zibechi sur la Bolivie chez l'Esprit frappeur. C'est donc la mouvance libertaire des anti-impérialistes. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec eux, mais Sergio fait un travail très utile, notamment à l'ambassade de Bolivie en France comme conseiller. Il suffit de lire l'attaque dont il fait l'objet de la part d'un bourgeois de La Paz sur Indymedia pour comprendre que des hommes comme lui dérangent le lobby entrepreneurial (et récemment sécessionniste) de Santa Cruz (auquel il est fait allusion dans le billet)... et qu'il faut donc les soutenir.
Fête de l'Humanité 2009 (fin)

Une bonne fête néanmoins. Nous avons parlé plus de mon futur poste en Seine-Saint-Denis que d'anti-impérialisme, mais tout de même. Je garderai un souvenir ému du stand Bolivie où une dame faisait de l' "Alba libre" (de la tisane de coca au rhum). Du stand Nicaragua où nous avons bu du Sequito au miel. Souvenir de l'historien de l'ARAC qui m'a dit "il ne faut pas laisser la Russie à l'extrême droite", et du patron de Correspondances internationales qui pense qu'un jour la Chine s'intéressera à son bulletin (auquel je vais collaborer). De ce cinéaste amateur chilien qui vend le DVD du documentaire qu'il a tourné sur Evo Morales. Souvenir de cette dame très digne au stand de l'ACER qui, quand je lui ai demandé à quel nom je devais dédicacer le livre de mon grand-père a dit :
"Mme Rol-Tanguy.

- Comme le résistant ? ai-je demandé.
- Oui, je suis sa fille" a-t-elle répondu avec une sobriété presque protestante.
J'ai beaucoup songé depuis deux jours en en parcourant les allées à tout ce qu'il y avait de faible dans cette fête, toutes les facilités de comportements et de pensée qui rendent sceptique sur ce qu'un peuple (même un peuple de militants) peut arriver à faire. Mais à partir du moment où on s'oppose à un système politique, il faut accepter d'agir avec ses opposants, par delà leurs insuffisances - et les siennes propres.
Un décryptage qui m'avait échappé (il y a quelques mois)
Il y a ceux qui décryptent les médias juste pour se sentir plus intelligents qu'eux, dans une logique narcissique, et ceux qui le font avec un esprit de compassion pour les victimes du mensonge et une révolte, dans l'intention ferme de changer l'ordre des choses. Ceux là feront sans doute un bon usage de la vidéo ci dessous - vidéo qui date d'il y a quelques mois, mais les biais de l'approche médiatique dénoncés ici sont omniprésents, et sur tous les sujets.