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Le blog de Frédéric Delorca

Articles récents

Crépuscule de l'écriture

10 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Je relisais l'Art du Roman de Kundera ce soir. J'avais oublié à quel point ce livre était réactionnaire (son anti-soviétisme, son apologie des Habsbourg, dire que j'ai baigné là dedans il y a 20 ans). Et puis cette façon qu'il avait de partir de Husserl et Heidegger pour les concurrencer sur leur propre terrain. Un peu pathétique. Reliquat du temps où la philosophie régnait en maitre (en maîtresse ?) sur les classes littéraires. Ce livre est daté.

Comme sont datés les films de la série Magnum que je regarde le soir avant de m'endormir. Ces scènes de violence si stylisées, ce machisme de pacotille, avec du romantisme facile, chronique d'un sexisme ordinaire. Tout cela sentait encore son petit univers bien ordonné encadré par les valeurs scolaires (celles du majordome anglais). Vraiment un autre monde.

Aujourd'hui je lis dans l'Express (sur Internet) des horreurs sur les jeunes ados qui demandent aux filles de leur envoyer des photos d'elles nues. On avait la même chose hier dans Le Monde. Encore l'attendrissement des journalistes sur le sort des filles est-il sans doute un fait de génération (l'influence de Magnum), parce que dans la réalité la jeune gent féminine n'est sans doute pas en reste pour elle aussi renverser les tabous, si j'en juge par ce que je vois sur Facebook.

Ce qui frappe surtout en ce moment c'est l'abandon généralisé des références culturelles classiques. En 1989 on jouait encore avec elles. En 2009 on les ignore complètement (c'est ce qui permet aux articles d'une Hassina Méchaï de ressortir par effet de contaste). Or on y perd. Et beaucoup. Notamment en recul à l'égard du réel. Nous souffons tous d'un excès d'émotivité dû au manque de culture. Tout devient hystérique en nous, parce que nous perdons le sens du style, et cela est vrai parmi les partisans du système comme chez ses adversaires (voyez par exemple certains articles délirants sur les "mensonges de la grippe A", presque aussi stupidement excités que le martelage dans l'autre sens, sur le même thème, par le journal de 20 h).

Naguère on s'appliquait à contrer la culture dominante. Maintenant ça n'a plus de sens. Puisqu'il n'y a même plus de culture nulle part (au sens où on l'entendait autrefois). C'est vrai particulièrement dans le domaine de l'écriture qui n'est plus qu'informative. Même ceux qui écrivent des romans ne cherchent qu'à "informer" les autres de leur imaginaire (voire de leur propre vie). Mon éditeur me disait hier que pour un manuscrit de sciences humaines il en recevait 10 de littérature (roman, poésie). Chaque petit égo doit cracher son petit sperme littéraire. Pauvres éditeurs !

Mais la nostalgie ne sert à rien. Et puis cette vieille culture c'était largement de la fausse monnaie indexée à des valeurs de hiérarchie sociale, à des prétentions spiritualites aussi (l'héritage chrétien). Il fallait l'amender de toute façon. L'était-elle ans subir un bazardage complet ? Je ne sais.

Pour ma part j'ai écrit (et publié) un roman. Il n'y en aura jamais d'autres, malgré certains éloges qu'il m'a valu.

Je voudrais tirer toutes les conséquences de la mort de l'écriture en ne postant plus sur ce blog que des vidéos. Qu'en dites vous ? Tous les jours je me filme parlant d'un sujet pendant 10 mn, je le poste sur You Tube puis sur ce blog. Une manip' un peu lourde, mais pourquoi ne pas essayer ? Mieux encore : il faudrait que vous me donniez un sujet chaque jour. Ca me donnera encore plus envie d'en parler. C'est trop vous demander n'est-ce pas ? Vous aimez tant, chers lecteurs, la passivité et le zapping... Allons relevez le défis ! envoyez moi des sujets, n'importe lesquels : Brejnev, Kierkegaard, le sextoys, les feuilles de menthe, les poils de chats, n'importe. Donnez moi des sujets, je vous ferai la causette. Ainsi nous cesserons de mobiliser de l'écriture pour rien.

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Abandonner les stratégies

9 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

Vu mon éditeur ce soir. C'était la première rencontre réelle. "Chaque livre vendu est une victoire" a-t-il dit.

J'aurais plutôt dit : "Chaque centaine de livres vendue est une victoire". Mais je sais que c'est lui qui a raison. Je raisonne en stratège. J'ai des ambitions décalées par rapport au réel.

Quand je vois les gens dans le métro jouir tranquillement d'une conversation téléphonique, de la lecture d'un journal, je me dis que je devrais faire comme eux. Arrêter de courir après des projets stupides. Porter un regard d'écrivain sur le monde. Sur le millier d'amis du "réseau Atlas alternatif" sur Facebook, 80 ont annoncé qu'ils viendront à la Fête de l'Humanité dimanche pour ma séance de dédicaces, 170 ont dit "peut-être". Je devrais tranquillement décortiquer les fiches de ces gens, surtout celles des jolies femmes, et me réjouir à l'idée d'échanger quelques mots avec eux entre deux verres de mojito, sans me soucier déjà du prochain livre à paraître, du prochain mouvement politique à construire. On n'a qu'une vie après tout.
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Les "dingues de l'écriture"

5 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Irene Delse, qui, je crois, écrit des livres pour enfants, m'a envoyé un lien avec un site qui dit : "Ca vous dirait, une nuit blanche ? Samedi 5 septembre au soir, de 21 heures 30 à 4 heures, je vous propose d'écrire 10 000 mots du texte de votre choix." Ce forum prétend réunir des gens qui se perçoivent comme des "dingues de l'écriture..."

C'est marrant - dans l'Occident démocratique devenu "néolibéral", les gens qui écrivent sont devenus comme les cathos intégristes, les buveurs de bière, les fétichistes du pied et les collectionneurs de timbres : une association, une "communauté" parmi d'autres. Plus rien de sacré là dedans (je me rappelle les textes ennuyeux de Walzer sur cette cohabitation des inclinations dans la diversité libérale). L'écriture n'est plus qu'une marotte, une perversion de "dingue" même. Tout cela devient d'un ennui infini... à hurler... En ce siècle il n'y aura plus de Gide, mais il y aura des Lafcadio, je le crois bien.

J'ai reçu le programme du salon du premier roman de Draveil en novembre. Beaucoup de gens qui y sont allé disent qu'ils y furent traités comme des princes. Je crois bien que c'est le cas au vu de ce que je lis dans cette lettre. Peut-être les jeunes romanciers y éprouvent-ils pour la première et dernière fois de leur vie ce à quoi les écrivains de la jet set ont droit toutes les semaines pendant des années.

Au même moment je reçois des mails sur la manière de constituer un front syndical uni à la base en France malgré les trahisons des appareils. Des mails qui accusent la direction de la CGT de capituler devant Sarko et le Medef. Il y a des gens en France qui continuent à prendre ce genre de question très au sérieux et à lui consacrer beaucoup d'énergie. Ils ont sans doute raison car on ne changera pas notre société sans une mobilisation syndicale audacieuse. Les partis politiques ne suffisent pas. En même temps le combat syndical pour aussi nécessaire qu'il soit n'est pas l'omega de toutes les luttes. Il recherche une sécurité indispensable pour les travailleurs, mais il faut aussi leur proposer un horizon au delà de la sécurité. Des formes d'égalité et de liberté auxquelles ils ne songent même pas. Cet horizon là, c'est aux "dingues de l'écriture" de l'apporter, pour un peu qu'ils arrivent à se penser autrement que comme une "communauté" de fétichistes. Mais ils furent rares dans l'histoire les moments où les hommes et les femmes de plumes eurent conscience d'une complémentarité entre leur oeuvre et les nécessités du changement social. Et ça ne va pas en s'arrangeant.
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The unbearable lightness of being

4 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Je relis le passage de mon "autobio" où je parle de mon premier mois à Paris et de l'Insoutenable légèreté de l'Etre, le film. Je l'ai vu au moins trois fois. Il compta tellement pour nos petites têtes de sciences poteux (peut-être encore plus pour mes petits camarades qui s'embarquèrent en bus pour passer le weekend à Prague après la Révolution de Velours l'année suivante, moi je n'avais pas de fric pour ça). Mon goût pour ce film, préparé par mes lectures de Kundera les années précédentes, était un de mes rares points communs avec mes camarades d'Institut.

Souvenir de l'accueil triomphal que nous réservâmes à Dubcek en 1990 à l'amphi Boutmy. Nous aimions tant la Tchécoslovaquie. Dans la décennie qui suivit je rencontrai pas mal de gens, des femmes surtout, que ce film avait marqué.

Pourtant je ne peux m'empêcher de voir dans ce goût que nous eûmes pour lui un des aspects supplémentaires de l'arrogance bourgeoise. Aujourd'hui au nom de l'Insoutenable légèreté de l'Etre, Prague est devenu un parc à touristes odieux, à ce qu'on dit. Les ouvriers tchèques, ou ce qu'il en reste, dépités continuent à voter pour le parti communiste qui est un des plus florissants d'Europe centrale. Maintenant quand je pense au mai 68 tchèque, ma sympathie va aux braves soldats ouzbeks et ukrainiens envoyés en Bohème au nom de l'internationalisme socialiste plus qu'aux jeunes tchèques amateurs de jazz, même si j'admets qu'en la matière au fond aucun des deux camps n'avait tout à fait ni raison ni tort.

Je ne sais pas si nous avons eu raison d'aimer ce film. Les "révolutions colorées"d'Europe de l'Est depuis 2000 jettent une étrange lumière sur lui. A part ça quid de sa morale sexuelle ? Je me souviens de la phrase du film reprise du livre : le héros qui se demande s'il avait raison de rester avec Teresa estime que pour en juger il devrait pouvoir connaître toutes les vies possibles avec toutes les autres femmes. A ce prix là seulement il eût pu évaluer le bienfondé de son choix. Il y avait chez Kundera comme chez Montaigne un vertige des possibles qui se résolvait en une sorte de conservatisme épuisé Quelque chose de leibnizien aussi, dans un sens, et qui ne m'est pas étranger, à ceci près qu'avec l'âge on finit par se persuader de ce que tous les possibles se valent. Il faut s'en défendre, en matière de coeur comme en matière politique. C'est peut-être le choix final du cinéaste du reste quand il fait périr ses protagonistes au faîte de leur hymen. La légèreté interdit la résignation. Reste à la concilier avec le sens des responsabilités... Affaire de dosages...


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Delenda Carthago est

3 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme, #Barack Obama

Je repensais à l'article d'Hassina Méchaï ce matin. Il me semble que c'est faire beaucoup d'honneur à Mme Cinton et M. Obama que de les comparer à Caton le Censeur. Si je me souviens bien la phrase de Caton fut prononcée dans le cadre de la troisième guerre punique. Carthage ne représentait plus une menace pour la République romaine comme elle l'avait été par le passé (de mémoire les troupes de Carthage avaient été aux portes de Rome, et une bonne part de la noblesse romaine avait été massacrée dans un bataille au nord de l'Italie). Mais pendant longtemps on avait cru que Carthage et Rome ne pouvaient construire leur puissance commerciale que l'une au détriment de la survie de l'autre. La paranoïa romaine n'était pas complètement infondée (quand on se souvient de la trace dans l'inconscient collectif de a mise à sac par les Gaulois). Si l'Iran avait, dans les années 60 ou 70, assiégé Washington et massacré des parents, oncles ou tantes de M. Obama ou Mme Clinton, leur obstination à désarmer ce pays se comprendrait plus aisément.  Mais notre impérialisme à nous occidentaux est bien plus inhumain que celui de la vieille Rome. Il ne se nourrit d'aucun instinct de survie. Seulement d'une intolérance à l'égard de tout ceux qui ne nous vénèrent pas.

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Des femmes utiles à notre époque

2 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Moi qui ne suis qu'un des bloggueurs les moins lus de la planète anti-impérialiste je serais fort mal placé pour prétendre aider à la notoriété des travaux de quiconque. Je me permets quand même de vous faire part de mes coups de coeur : les blogs sont faits pour cela !

Donc mon enthousiasme du jour va vers Hassina Méchaï. Retenez ce nom, chers rares lecteurs de ce blog ! Oui, lecteurs, Hassina Méchaï peut tout faire : attaquer Laurence Ferrari sur le site de l'Acrimed en citant Ce que Parler veut dire de Pierre Bourdieu (l'ancienne version de son bouquin, s'il vous plaît, celle de 1982, pas le "remix" Langage et pouvoir symbolique qu'on trouve en livre de poche), "filer des analogies subliminales jusqu'au noeud gordien" dans une défense flamboyante de l'Iran reprise par divers sites (mon seul désaccord avec son article, tient à ce qu'elle parle de la Rome impériale pour Caton, glorieux sénateur de la Rome républicaine, mais cette République devenait déjà un peu impériale), dénigrer les Etats-Unis sur le site des Indigènes de la République et Oulala.net, devenir l'invitée d'honneur de Michel Collon en mordant Luc Ferry. Mesdames et messieurs, je vous le dis : cette jeune doctorante ira loin. Tremblez Frédéric Ancel, Alexandre Adler et autre chouchous des plateaux de télévision. Vous avez devant vous le genre de jeune intellectuelle qui demain posera une lourde pierre tombale sur vos très funestes théories.

Pourtant ce matin, je n'étais pas parti pour citer cette publiciste (dont à ma grande honte j'ignorais même le nom). Je voulais vous dire un mot de ma correspondante italienne qui découvre une université très à gauche du Nord-Est des Etats-Unis, et me dit que sur la Côte Est, les directeurs de thèse font la bise aux doctorants pour faire plus "européens".

Je voulais aussi vous parler de mon amie Sophie qui est éducatrice spécialisée et qui encadre des adultes mentalement très attardés.

Elle m'écrit aujourd'hui : "Tu as raison lorsque tu dis que nous touchons à la complexité de l'humain. Nous sommes au carrefour de la déficience et de la pychiatrie. Nous flirtons avec la pulsion à l'état pur, avec les comportements archaïques les plus forts. La dépendance totale ou partielle, les troubles du comportement, l'automutilation, les cris, la violence, l'angoisse dans ce qu'elle a de plus fort, font partie de mon quotidien. Il faut être prêt à donner beaucoup tout en sachant que l'on recevra peu, ou pas du tout, en retour.

L'accompagnement des familles qui sont touchées par ce handicap est essentiel. Il nous faut les soutenir, les rassurer, les aider à accepter l'inacceptable: à savoir que leur fils, fille, certes est adulte, mais n'atteindra jamais plus que l'autonomie d'un enfants de 3 ans (pour les plus chanceux!). La moyenne d'âge mental de la population que j'accompagne, ne dépasse généralement pas les 6 mois, 1 an. Souviens toi de ton fils à cet âge là et transpose le tout sur des adultes et tu auras une image assez proche des personnes que je prens en charge.


Ce métier n'en demeure pas moins formidable. C'est un remède absolu contre la grosse tête. En effet, ce qui peut convenir un jour, en terme de prise en charge, peut ne pas convenir le jour suivant. Il faut donc se réinventer sans cesse, se réinterroger, trouver ce qui aidera le patient à aller mieux. Parfois, plus rien ne marche...et cela nous rappelle que l'on ne peut "sauver" tout le monde...que la toute puissance n'existe pas dans notre domaine. C'est à ce moment là que l'on sait si on est fait pour ce métier... ou pas."

Sophie a toujours été une littéraire. Elle devrait écrire sur sa profession.

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"Disperser le pouvoir" de Raúl Zibechi

1 Septembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Pour info, vient de paraître sur Parutions.com mon compte-rendu de lecture du dernier livre sur les mouvements sociaux boliviens de Raúl Zibechi, qui, par ailleurs, fut contributeur de l'Atlas alternatif il y a quelques années.

La pensée libertaire au miroir de la Bolivie
 

 

Raúl Zibechi, Disperser le pouvoir. Les mouvements comme pouvoirs anti-étatiques. Le Jouet enragé et L'Esprit frappeur, 15 €.

 

Les productions de la pensée libertaire en France font l’objet d’une diffusion assez confidentielle. L’une d’entre elles mérite notre attention, il s’agit du dernier livre de Raúl Zibechi : Disperser le pouvoir. Les mouvements comme pouvoirs anti-étatiques.

 

Journaliste et universitaire urugayen, Raúl Zibechi s’est fait connaître en France entre autres il y a quelques années par sa contribution à l’ouvrage collectif l’Atlas alternatif (le Temps des Cerises, 2006). Il nous livre ici une réflexion sur l’insurrection d’El Alto, en Bolivie, en 2003.

 

Le sujet est en soi stimulant : il s’agit d’une révolte indienne, celle des Aymara, une des trois principales composantes de la société bolivienne, dont est d’ailleurs issu le président Evo Morales. Comme David Graeber, ou Pierre Clastres (auquel il est fait référence),  Zibechi ne manque pas de mobiliser au service de son analyse politique tout le matériau anthropologique (ethnologique) qui à la fois permet de resituer l’expérience sociale observée dans ses particularités historiques et interdit toute transposition simpliste à d’autres espaces géographiques, tout en suggérant des enseignements universels. Zibechi décrit une société qui aurait gardé peut-être le mieux (mieux que la société péruvienne), l’esprit et les usages de la société inca, et, en même temps, une société profondément bouleversée non seulement par la colonisation espagnole (qui l’a confinée dans la clandestinité), et la modernité capitaliste, mais aussi, au cours des 10 dernières années, par le désastre néo-libéral, à cause duquel la ville d’El Alto est passée de moins de 100 000 habitants dans les années 1970 à 800 000 aujourd’hui, des paysans arrachés à leurs terres pour la plupart. Cette analyse, notons-le, se fait sans angélisme : ainsi par exemple Zibechi ne passe-t-il nullement sous silence la violence inhérente à cette société (l’usage de la peine de mort, et du châtiment domestique par le fouet dans le chapitre sur la justice). Il décrit un monde de prolétaires déracinés qu’il compare à juste titre à la classe ouvrière anglaise de la révolution industrielle décrite par Hobsbawn. Il s’attache à recenser en son sein les pratiques qui ont pu maintenir et renforcer un sens communautaire dans la jungle urbaine – par exemple le fait de marcher à pied sur de longues distances an groupes pour se protéger des délinquants, et aller prendre un bus très éloigné du domicile. Gestes apparemment anodins, et pourtant structurants dans leur répétition, qui entretinrent la solidarité d’une population ghettoïsée, prélude ensuite aux combats communs pour obtenir des hôpitaux, des routes praticables.

 

Les habitants d’El Alto ont eu l’habitude de vivre sans Etat et de s’organiser en conseils vicinaux de base pour la vie quotidienne et l’entretien de leurs quartiers. A travers les emplois familiaux, et une économie informelle qui abolit la division sociale du travail, ils ont constitué des ensembles sociaux dispersés qui en temps de paix échappent au contrôle des institutions verticales et qui en temps de révolte ont su se transformer en de redoutables machines de guerre, très mobiles et d’une très grande inventivité tactique.

 

Loin de se limiter au recensement ethnographique et sociologique, Zibechi formalise les modes d’action politique de la société qu’il observe. Tout un dispositif de concepts imagés est ici mis en œuvre. Dans le cadre d’un dialogue polémique avec la gauche « autoritaire », il s’attache à démontrer que l’indivision des tâches et le refus de déléguer le pouvoir à un centre peut être un gage d’efficacité dans la lutte, et ouvrir la voie d’une réforme profonde de l’Etat dans le sens du respect de la diversité des groupes et des individus.

 

Le lecteur qui parvient à franchir l’obstacle de la préface un peu terne et  jonchée de coquilles de Miguel Benasayag découvre ainsi un livre stimulant qui aide non seulement à comprendre la culture politique indienne andine, mais aussi à réfléchir aux conditions de possibilité des révoltes populaires, voire aux moyens d’éviter leur récupération par des systèmes représentatifs susceptibles à terme d’en trahir les intérêts. C’est en somme une manière de reprendre à nouveaux frais de vieux débats qui remontent à la Commune de Paris et à la Révolution soviétique.

 

Frédéric Delorca

 

 

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Préparation de la Fête de l'Huma

31 Août 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien

Une lectrice m'incite à écrire un peu plus sur ce blog (ah ! que serais-je sans mes lectrices ?). Mais je ne suis pas sûr que le sujets qui m'inspirent en ce moment soient d'intérêt général, et je n'aime pas la dictature de l'actualisation qui caractérise les blogs.

En ce moment, je termine ma petite autobiographie intellectuelle qui paraîtra sans doute fin septembre. Je retravaille aussi le témoignage d'une passion amoureuse que je publierai peut-être l'an prochain. Mes tout derniers ouvrages avant une longue période de silence, je pense. Ce blog sera mon seul exutoire scriptural avec mon journal papier (et bien sûr le blog de l'Atlas alternatif - au fait merci au Grand soir, et bien d'autres sites d'avoir repris mon article "Colombie"). Je prépare la fête de l'Huma. Comme les Editions du Cygnes ne sont pas, d'ordinaire, présentes dans ce cénacle, je dois trouver des moyens personnels d'y introduire mes livres. Le samedi sera consacré aux 70 ans de la "retirada" des républicains espagnols. Mon ami le Sandiniste essaie de voir avec une association de Républicains si je peux y placer les mémoires de mon grand père que beaucoup de gens trouvent intéressantes et utiles (le groupe sur Facebook consacré à ce livre a dépassé les 100 adhérents en 48 heures). Je reste un outsider de ces réseaux, à la différence de mon compatriote le maître de conférences Jean Ortiz.

En parlant de compatriote, Frédéric Beigbéder, à qui j'avais envoyé mon roman en vain, est dans une grande entreprise de conquête du Béarn de ses ancêtres. Deux pages lui étaient consacrées dans La République des Pyrénées la semaine dernière. Ca c'est de la promo ! Ce que c'est que d'avoir une bonne attachée de presse... J'essaie de compenser à mon niveau artisanal par quelques initiatives désordonnées. J'ai reçu ce matin un mail d'un ami d'une chanteuse de renommée nationale originaire de mon coin aussi (je vous dirai peut-être qui, dans quelque temps, si cette affaire a une suite) me confirmant qu'elle a reçu La Révolution de montagnes. L'histoire ne dit pas si elle l'a aimé. Je me suis toujours dit que si ce livre devenait un film, elle pourrait jouer le premier rôle, quoiqu'elle ait peut être un peu passé l'âge désormais. Le temps nous piège. Cette chanteuse a pris une photo avec le livre m'a-t-on dit... J'attends qu'elleme l'envoie, voilà qui serait bien pour l'image de ce petit bouquin. Cela me fait penser à Blanrue qui demande à tous ses lecteurs de poser en photo avec un livre sur Sarkozy et les Juifs sur Facebook (un livre interdit de diffusion en France semble-t-il). Je n'ai pas d'opinion sur ce livre dont Parutions.com ne souhaite pas que je fasse une recension car il est trop ancien (je serai de toute façon déjà assez occupé par la recension du dernier livre de Collon). Mais je trouve sa campagne de diffusion originale et, semble-t-il, efficace (jouer les auteurs censurés, et surtout censurés par Sarko, est payant de toute façon, un magistrat refoulé par Michalon et condamné à publier chez L'Harmattan a joué cette carte aussi après l'élection de notre nouveau Napoléon-le-petit). J'admire le gens qui parviennent à mobiliser des équipes en ordre de bataille. J'en suis bien incapable.

La semaine dernière j'ai vu Les derniers jours du monde, un film qui se passe dans le Sud Ouest. Sa complaisance dans le catastrophisme et le nihilisme écolo ne m'a pas plu (c'était peut-être du second degré, mais trop lourd à mon goût). Il est tiré d'un roman.... publié il y a 18 ans... Cela laisse un espoir pour le mien !

Savez vous où j'aimerais être demain ? A Tripoli pour le 40 ème anniversaire de la Révolution libyenne. El comandante Chavez y sera. J'aimerais être dans une délégation officielle. Saisir les ambiances, écouter dans les halls d'hôtels ce que Vénézuéliens, Chinois, Syriens et Russes se racontent.

Score moyen du Parti communiste japonais hier, loin de la percée que les médias anglosaxons redoutaient. Vijay Prashad aujourd'hui sur Facebook (et peut-être sur d'autres médias, je n'ai pas regardé) essaie d'entretenir l'illusion qu'une dynamique de progression demeure au sein de ce parti. Mais pour l'heure le seul constat objectif est qu'il a conservé ses 9 sièges voilà tout. Peut-être le "vote utile" lui a-t-il nuis, comme en Inde. De mon côté je n'ai pas reçu de nouvelles depuis un bout de temps mes petits camarades communistes (de l'aile "gauche" du parti). Quand je n'écris pas des choses qui vont dans leur sens ils m'oublient, même en veille de fête de l'Huma. Et ce qui va "dans leur sens" en ce moment, ce sont des infos sur l'implication des USA dans la "révolution verte iranienne" par exemple. Mais j'avoue que ce sujet n'est pas au centre de mes intérêts. J'ai dit tout ce que j'avais à dire là dessus. Une responsable des Indigènes de la République m'a en revanche nvité à visiter leur stand "sauvage" à la fête de l'Huma. Je ne suis pas sûr d'approuver cette notion de stand "sauvage". Est-ce bien fair play ? Mais je ne connais pas les tenants et aboutissants de la constitution de ce stand dans le cas d'espèce, donc je suspends mon jugement.

J'ai regardé l'émission Strip tease de 2004 que la militante d'Acrimed m'a transmise sur Facebook à propos d'une visite d'une délégation belge en Corée du Nord (elle est en 3 parties sur Dailymotion). Les réflexions de Belges sont instructives. Deux des membres socialistes de la délégation ont une propension à adhérer à ce qu'ils voient qui est assez étrange (le premier le fait visiblement par intérêt, le second qui s'enthousiasme pour une école où règne la discipline dans la troisième partie est peut-être tout simplement rattrappé par son goût de l'ordre dans l'éternel débat sur "ordre ou liberté à l'école"). Beaucoup de leurs débat internes, de leurs tentatives pour pouvoir rencontrer des "vrais gens" m'ont rappelé l'ambiance de notre propre délégation en Transnistrie (sauf que nous, nous avions des interprètes qui critiquaient ouvertement le gouvernement, et nous avons obtenu le droit de rencontrer les gens de la rue sans trop de problèmes). Je trouve inadmissible que les Flammands révisionnistes comparent les Coréens aux Hitlerjungern (relisons le roman de Klaus "Le chagrin des belges" sur la Flandre collaborationniste et nazie - un véritable joyau) La Corée du Nord est quand même un pays qui a été martyrisé par l'impérialisme américain et qui n'a jamais agressé personne. Que des descendants de la collabos la comparent au 3 ème Reich est typique de la folie de notre époque qui met un signe d'égalité bien commode entre communisme et fascisme pour légitimer son propre cynisme.
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ps : une vidéo d'une inauguration d'une librairie d'un de mes éditeurs - l'Atlas alternatif s'y trouve sans doute

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