Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Frédéric Delorca

Articles récents

Le "Front de gauche" ne va pas bien

3 Mai 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

J'ai nourri quelque espoir, il y a quelques mois, lors de la formation du Front de gauche. J'appréciais notamment en son sein le MPEP qui osait poser la question incontournable de la sortie de l'UE.

Mais l'évolution de Mélenchon et du PC n'est pas des plus encourageantes en ce moment. Sur l'UE ils font mine de croire à "une autre Europe" alors qu'aucun indice ne plaide dans ce sens (ce genre d'incantation, qui ne se fonde sur aucune stratégie crédible devient à la longue irresponsable et malhonnête car elle détourne les gens de la construction d'un projet alternatif urgent - celui qui passe par la sortie de l'UE). Et Mélenchon qui avait été très bon sur le Tibet et le Kosovo, se répand en insultes contre Ahmadinejad (dont le discours de Genève était pourtant irréprochable), et adopte une position faible face à Israël (à l'heure où même le Département d'Etat américain s'inquiète du fait que le Quai d'Orsay est dominé par les néoconservateurs).


Dans ma région gasconne le PC abandonne les clés de la boutique à un spécialiste de la guerre civile espagnole qui n'a pourtant guère la cote dans l'opinion publique locale et suscite bien des controverses (comme me le disait le Scientifique belge, c'est au moment où le PC renonce le plus clairement à la révolution qu'il commémore la seule époque de son histoire où il était révolutionnaire : 1936 - encore son côté révolutionnaire pendant la guerre d'Espagne est il très contesté par les poumistes et les anars). En Seine-Saint-Denis il s'en remet à des figures montantes pour le moins contestables (mais on avait vu la même chose à Paris avec le phénomène Clémentine Autain). Sur le plan théorique triomphent en son sein des penseurs d'un communisme parfaitement abstrait (Spire, Badiou, Zizek).

On peine à trouver là les signes d'une stratégie lucide et courageuse.

Lire la suite

D.H. Lawrence

2 Mai 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les rapports hommes-femmes

Je suis enclin à créditer les romanciers d'une plus grande honnêteté que les théoriciens (ce pourquoi j'ai écrit un roman avant de tenter la moindre systématisation de mes théories, bien que celle-ci soit également nécessaire).

Aussi lorsque je lis, sous la plume de DH Lawrence, dans sa préface de 1929 à L'Amant de lady Chatterley, "je veux qu'hommes et femmes puissent penser les choses sexuelles pleinement, complètement, honnêtement et proprement. Même si nous ne pouvons pas agir sexuellement à notre pleine satisfaction, sachons au moins penser sexuellement avec plénitude et clarté", je suis plus enclin à croire en sa profondeur qu'à celle des mouvements psychanalytiques qui lui sont contemporains. Voyez le choix des termes, si lumineux, si apollinien, si confiants dans la force de la pensée, et en même temps modestes, réalistes. N'est-ce point autrement plus doux et fécond qu'un Wo Es war soll Ich werden ?
Lire la suite

L'extrême centre

2 Mai 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La droite

Longtemps j'ai cru que la nouvelle orientation du Modem n'était qu'un rideau de fumée, comme le décrit Marianne2 cette semaine. En même temps l'aspiration à une "radicalité centriste", l' "extrême-centre", malgré sa légèreté idéologique, promue depuis 30 ans par Jean-Fançois Kahn, a parfois donné de bons résultats : elle nous a soustraits à la dictature belliciste en 1999 par exemple. Je n'ai jamais voulu caricaturer les phénomènes politiques, de l'extrême-gauche à l'extrême-droite, ni les concevoir trop facilement comme de vulgaires pièges, car ce serait prendre les gens qui s'y engouffrent pour des abrutis. Je m'interdis ce genre de mépris facile. Quand une catégorie de gens révoltés choisissent une option, on peut espérer qu'ils ne feront pas qu'épuiser leur énergie dans ladite option mais aussi parviendront à l'infléchir dans le sens du projet social qu'ils veulent mettre en oeuvre. Voilà pourquoi en ce moment les anti-systèmes du Modem (ceux qui le sont sincèrement) m'intriguent. Je m'intéresse à ce qu'ils pourront éventuellement faire de leur mouvement.
Lire la suite

On est très bête quand on a 20 ans

2 Mai 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Souvenirs d'enfance et de jeunesse

J'écrivais ceci dans mon journal le vendredi 8 mars 1991 :

"Phénoménologie. Voilà bien le mot qui manquait à ma pensée. Trop longtemps il s'est tenu dans le vague, enfoui sous des concepts plus pressants. Quiconque m'aurait demandé "Qu'entendez-vous par phénoménologie ?" aurait obtenu cette réponse terne : "un mouvement philosophique, mieux une démarche inauguré par Husserl pour revenir aux chose mêmes ; poursuivi par Merleau-Ponty, Heidegger et les penseurs contemporains." Puis j'aurais détaillé les questions de la rupture avec la métaphysique, fin de la substance, conscience intentionnelle.

Tout cela était exact, mais ne représentait rien de très profond dans ma vie, c'est-à-dire dans ma pensée la plus intime. Je crois que l'on peut passer vingt ans à maîtriser (au sens technique du mot) une notion et l'utiliser dans ses raisonnements en oubliant une de ses dimensions, la plus importante, dont l'absence fera que vous omettez d'user de la notion au moment où cela s'impose, même quand vous ne faites aucun contresens ni contre-emploi sur elle. Bref vous connaîtrez un coût d'opportunité, et il n'y a rien de pire que lorqu'on le découvre a posteriori.

Je croyais que dans le mot "phénoménologie" ce qui importait c'était le phénomène (un texte de Heidegger sur ce thème m'a beaucoup marqué à 18 ans). En vérité ce qui compte davantage dans cela, c'est l'idée de champ ou de domaine, que Husserl chérissait. Bourdieu en répétant ce mot sans cesse a éveillé mon esprit.

Haar, cet après-midi, en déclarant qu'il fallait faire une phénoménologie du souci, de la nostalgie etc acheva cette a-lethe-ia (sortie du lethe et de la léthargie).

La nostalgie, le souci sont des champs. Je m'étonnais de voir mes professeurs de métaphysique (Haar, Delamarre) analyser ces états d'âme passagers comme l'impatience, la découverte, l'événement, en ne se référant qu'en second lieu aux philosophes, revenant toujours à l'expérience vécue (l'émotion etc) avec une minutie extrême. Cette philosophie du quotidien me surprenait. Cela manquait de brio, d'envolées esthétiques, de mises en perspective.

Quelle différence avec ces rationalistes qui comme Malebranche n'écrivent que pour démontrer l'existence de Dieu ou l'immortalité de l'âme.

Je voyais mal, très mal. La rupture avec la métaphysique n'était pour moi qu'un refus de chercher des causes, de fonder des hypothèses au delà de l'expérience. Conception uniquement négative de la chose. Je n'apercevais pas le contenu positif de la démarche : une forme d'honnêteté intllectuelle. Faire de la phénoménologie, "aux choses mêmes", c'est refuser le préjugé, prendre la plume non pas dans l'intention de démontrer quoi que ce soit (pas plus la réalité de Dieu que du diable). C'est étudier un champ et extorquer tout ce qu'il peut nous dire (tout ce qu'on peut en dire) par rapport à l'expérience du monde.

La pensée contemporaine est phénoménologique. Ce siècle ne peut être que cela. C'est là un progrès immense, riche pour notre existence, même pour nos artistes s'ils savent s'en inspirer.

Les glissements progressifs du style de ce journal, de sa philosophie me menaient de plus en plus aux choses mêmes, hors du préjugé, mais sans savoir que la phénoménologie pouvait me cautionner, sans savoir que j'allais dans son sens."


En relisant ces lignes c'est comme si je rencontrais au bord de la route le petit gars que j'étais (qui pesait 20 kg de moins que moi et avait moins de cheveux grisonnants). Je revois son univers sorbonnesque que j'ai filmé 5 ans plus tard (cf la vidéo ci dessous). Je redécouvre combien mon cerveau à l'époque n'était qu'une tablette de cire sur laquelle venaient s'imprimer aussi bien les cours de Haar et Delamarre (à Paris IV) que de Bourdieu (au Collège de France). Je faisais quand même un effort pour mettre tout cela en cohérence (et avec quelle conviction ! y engageant même mes sentiments les plus intimes).

Au moins cela me donnait un peu plus à penser que Sciences Po où j'étudiais au même moment (la culture IEP transparaît dans l'expression "coût d'opportunité"). Notez que ce repli sur l'analyse philosophique du "quotidien" allait aussi avec le contexte de démobilisation politique du moment (7 ans plus tôt, mon journal, à ses débuts, au coeur de mon adolescence, était au contraire tourné vers le commentaire de l'actualité, et pris dans le mouvement de l'Histoire). Sur le fond, j'ai depuis lors largement renié la phénoménologie, un peu en vertu de ce que Piaget en dit dans Sagesse et illusion de la philosophie : que tout ce qu'on peut connaître à partir des représentations internes du moi est d'un intérêt bien limité. Il le dit contre Sartre (et notez que Piaget lui-même parfois ne  va pas assez loin dans l'objectivation, notamment quand il se raccroche à des notions kantiennes comme le "schème" - son débat face à Chomsky l'a montré). Evidemment dans la très spiritualiste Sorbonne je ne pouvais être conscient de cela (mais je ne critique pas la vieille Sorbonne : son pendant spinozo-marxiste, la nouvelle Sorbonne était tout aussi ennuyeuse, sinon plus). On remarquera aussi qu'à l'époque je raccrochais sans problème la phénoménologie à Bourdieu (au prix d'un contresens sur l'usage du "champ" en sociologie). C'était lié au côté fourre-tout de ce dernier. Lui-même faisait l'apologie d'une "sociologie phénoménologique" tout en estimant qu'il fallait aussi voir au delà, concilier le subjectif et l'objectif, ne pas trop s'arrêter au problèmes épistémologiques que cela posait, bref c'est un air que vous connaissez.

La vidéo ci dessous que j'ai filmée en 1996 nous livre une Sorbonne qui ressemblait indubitablement à celle où je préparais ma licence 5 ans plus tôt, et pourtant à mes yeux elle n'avait déjà plus rien à voir. Je vous livre malgré tout ses images. Il y manque seulement la musique (j'avais toujours des écouteurs de walkman dans les oreilles quand je m'y rendais, j'y écoutais des émissions de radio, ou des morceaux de tubes du moment ou plus anciens). Notez la montre à quartz. Elle est de 1996 mais j'en portais sans doute une semblable en 1991. J'ai découvert dans mon journal de bord de 91 que je mettais un point de distinction à avoir une montre à affichage digital là où mes condisciples de l'IEP avaient des montres à aiguilles. Cela faisait partie de mon côté anachronique, et semi-prolo-pas branché du tout (comme les pantalons bien repassés, et les chemises à col strict).

Lire la suite

L'anti-impérialisme est-il encore une cause de gauche ?

2 Mai 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Au milieu du 20 ème siècle, la cause de l'émancipation du Tiers-Monde et de la lutte contre les lobbys militaristes était une cause marquée à gauche, même si toute une partie de la gauche officielle était très loin d'y souscrire pleinement (voir par exemple le rôle de la SFIO dans la répression du FLN en Algérie).

Le thème de "l'ingérence humanitaire" il y a 20 ans a commencé à "faire bouger les lignes", quand quelqu'un comme Alain Touraine (socialiste bon teint, solidaire des mouvements de gauche en Amérique latine) appelait à une intervention militaire en Roumanie pour favoriser le renversement de Ceaucescu. La guerre de Yougoslavie fut le théatre d'un ralliement massif de la gauche (y compris du PCF, même s'il y mit des nuances et des réserves) à l'idée d'une intervention militaire de l'OTAN contre les Serbes. A l'opposé, de vieux conservateurs gaullistes en France, reaganiens aux Etats-Unis, voire des réactionnaires tendance FN, exprimaient leur opposition à l'aventurisme militaire dans les Balkans et à ses prolongements à l'encontre de la Russie.

L'extrémisme des néo-conservateurs étatsuniens à partir de 2001 a redynamisé l'anti-impérialisme de la gauche (à l'intérieur du mouvement altermondialiste), mais aussi favorisé diverses nouvelles formes d'anti-impérialisme, "ni de droite ni de gauche", aussi bien dans la mouvance d'un Alain de Benoist, que dans des réseaux communautaires d'inspiration musulmane (le Parti anti-sioniste, proche de l'Iran, dont Dieudonné semble avoir rejoint la ligne, me paraît illustrer cette nouvelle tendance).

Une autre nouveauté me semble être cette année l'adhésion de membres (et même d'élus) de partis modérés, du centre-droit et du centre-gauche, à des thèses ouvertement anti-impérialistes qui, naguère, révulsaient profondément leur famille politique.

A propos de Cuba un ami me racontait ceci ce matin :

"Patrick Tréminge (ex membre du PCF aujourd'hui UMP) ex-député RPR du 13 ème est conseiller municipal de Paris et Conseiller régional Ile de France. Sa proposition d'aider matériellement Cuba et Haïti suite au cyclone a été votée au Conseil de Paris. En revanche la proposition que le Conseil régional d'Ile de France débloque une somme pour Cuba été rejetée en sous-commission par les élus PS et PCF au prétexte (faux si l'on compare) que cela n'avait jamais été fait par le Conseil régional. Elle n'a donc jamais pu même être soumise au vote. (...) Le Parti communiste cubain a décidé qu'il pourrait désormais entretenir des rapports avec tout parti français qui le souhaiterait, et il n'est pas impossible que le PC cubain établisse des contacts parti/parti avec l'UMP puisque en France, selon les Cubains, la "gauche" n'est pas plus à "gauche" que la "droite" (surtout vu que les articles de l'Huma sur Cuba sont signés Janette Habel qui est une militante LCR / NPA, très anti castriste)."

Cette nouvelle attitude du PC cubain montre que pour La Havane l'anti-impérialisme français n'est plus exclusivement dans le camp des partis de gauche. Je le constate aussi moi-même quand je vois que mon livre sur la Transnistrie est cité par Radio France internatonale, et boycotté par l'Humanité Dimanche.

Mais la question de Cuba, révélatrice d'une ambiance générale, n'est pas la seule. Voilà un an j'ai découvert que des électrices du Modem étaient très enthousiastes pour l'Atlas alternatif. Et, le mois dernier, j'ai même rencontré une élue de ce Parti qui est une admiratrice de Chomsky et qui voudrait convaincre François Bayrou d'aller plus loin dans la voie de l'anti-impérialisme.

Je me demande si l'anti-impérialisme, en étant de plus en plus déconnecté d'un projet de refonte de la société, n'est pas en train de devenir une cause parmi d'autres, comme la défense des pandas ou de la forêt amazonienne.
 
Peut-être bientôt  tous les partis politiques inviteront-ils les auteurs de l'Atlas alternatif et s''inspireront-ils de leurs écrits. Dans chaque parti il y aura des anti-impérialistes (qui défendront le monde multipolaire), et des partisans de la croisade droit-de-l'hommiste, et les candidats aux élections dans chaque parti feront le grand écart entre ces deux tendances en faisant des discours en demi-teinte "vive la supériorité universelle de l'Occident, MAIS dans un esprit de dialogue et de respect des souverainetés".
 
Cette dissémination de la pensée anti-impérialiste dans tout le panel de la représentation politique nationale (et européenne) serait-elle une trahison de sa "pureté originelle" ou au contraire sa meilleure consécration possible, la possibilité de lui donner au fond le plus grand impact face aux logiques de "choc des civilisations" ?

Lire la suite

Diffusion des oeuvres et des idées

30 Avril 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Actualité de mes publications

Dans le domaine de l'édition, comme dans celui du militantisme politique, je suis un outsider : je ne connais pas les personnes influentes, je n'ai jamais cherché à les courtiser, je fonctionne "au feeling", ce qui me conduit à sympathiser plutôt avec d'autres outsiders, des francs-tireurs de l'université, des petits éditeurs mal diffusés etc. Je ne m'en plains pas du reste, car au moins je n'ai pas le sentiment d'avoir "forcé mon naturel" pour obtenir plus que ce qui devait me revenir dans l'état actuel de la société (je vous renvoie d'ailleurs à mon "10 ans sur la planète" pour le récit de la seule fois où j'ai failli réellement plaire à des insiders en me forçant, du temps où la Serbie était au bord de la guerre civile).

Installé dans ma petite marge, j'en apprends et j'en découvre chaque jour sur les mécanismes de production (comment on fabrique un livre, comment il est bien ou mal relu) et de diffusion des oeuvres (comment le livre atteint-il ou n'atteint-il jamais les étagères des libraires, les bureaux des journalistes). Au début c'est toujours une source d'agacements (on croit avoir écrit un livre iimportant, et on se rend compte qu'il reste inconnu parce qu'une attachée de presse "amateur" n'a pas daigné l'envoyer au journal que vous lui aviez indiqué, ou parce qu'au moment de son exposition à la vente dans un salon important il est resté au fond des cartons). C'est ainsi que j'ai passé tout l'année 2007 à pester contre toutes les entraves que je décelais à la notoriété de l'Atlas alternatif dont je pensais qu'il était un ouvrage important (parce que certains lecteurs le qualifiaient comme tel). La semaine dernière, dans la même veine, le Dissident internationaliste se plaignait aussi de ce que son éditeur ait refusé d'informer les 40 librairies musulmanes de la région parisienne de la publication d'un livre sur l'Irak.

Aujourd'hui, je suis beaucoup plus fataliste. Je ne sais plus trop si ce que je publie est important ou non. J'observe des réactions très contrastées face à mes textes. Une réfugiée serbe du Kosovo recommande mon livre à un type à Moscou, et, le même mois, un anti-OTAN crache sur le livre dans une revue qui pourtant était censée être un peu proche de certaines de mes positions. Untel a trouvé mon roman très bon, un autre s'est ennuyé à sa lecture... Les goûts et les couleurs... Et quand bien même ce que j'écris serait bon, quel mal y aurait-il à ce que personne ne sache que cela existe ? Je n'ai pas le génie suffisant pour écrire une Critique de la Raison pure ou des Nourritures terrestres. Qu'un livre mineur, bon ou mauvais, soit connu ou inconnu n'a donc en soi guère d'importance. Par conséquent je me borne à parler de mes activités sur ce blog, pour nouer quelques sympathies autour d'elles, et faire avancer une ou deux idées, mais sans autre prétention. Cet état d'esprit me fait du coup considérer avec beaucoup de sérénité, et un brin de curiosité, disons une curiosité d'entomologiste, tout ce que je découvre au jour le jour sur les mécanismes de la diffusion des idées dans les marges éditoriales où je me trouve.

Voici ma dernière découverte en date. Jusqu'ici tous mes éditeurs m'avaient dit qu'il était plus facile de défendre un essai qu'un roman. Plus personne n'achète plus de roman - et surtout plus les jeunes filles en attente d'un mari - sauf les superproductions consacrées par les grands médias ou les romans de gare préformatés (Arlequin, San Antonio). Quand vous écrivez sur la Transnistrie, vous pouvez espérer que quelques personnes en France aient envie de connaître ce pays. Et donc on leur dit "déboursez 15 euros et votre soif de connaissance sur ce sujet sera en partie étanchée". Le même discours est difficile à tenir en ce qui concerne les romans. "Sortez 15 euros de votre porte-monnaie et vous découvrirez l'univers d'un auteur qui vous séduira", c'est un peu comme demander de signer un chèque en blanc. Il n'y a pas de garantie que cet univers vaille vraiment le détour, et les gens ont d'autres chats à fouetter que d'entrer dans la fantasmagorie d'autrui. A tout prendre ils préfèrent encore une tranche de savoir positif pêchée dans un essai sur un sujet précis.

Voilà ce que j'avais cru comprende jusqu'ici. Mais il y a aussi un autre versant de cette réalité. C'est que les institutions, du moins certaines d'entre elles, mettent un point d'honneur à soutenir la création romanesque. Je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être quelqu'un quelque part pense-t-il qu'un pays qui perd son art de la fiction perd un peu de son âme. Et donc ce matin mon éditeur a reçu un courriel d'une fonctionnaire de la mairie de Paris, qui lui expliquait que depuis 1997, les bibliothèques de la Ville de Paris par l’intermédiaire de 7 bibliothèques "constituent des fonds riches en premiers romans et entraînent les 46 autres bibliothèques du réseau et leurs lecteurs à s'intéresser aux textes de ces nouveaux auteurs, particulièrement ceux qu'ils ont remarqués. Le groupe acquiert systématiquement un exemplaire de tous les premiers romans qui paraissent, mais pour multiplier lectures et avis nous avons besoin d’un second exemplaire. Cette année 10 des 30 lauréats ont été reçus au Salon du Livre, sur le stand de la Ville de Paris, pour un échange enrichissant et très suivi des lecteurs." Aussi lui demandait-elle de lui adresser un "service de presse" de trois premiers romans qu'il a publiés récemment dont La Révolution des Montagnes.

J'ai été un peu surpris car jusqu'ici les bibliothèques parisiennes n'ont jamais commandé mes essais, à la différence de celles de Lille, Nantes, Lyon et Marseille, ce qui était une anomalie à mes yeux. Ainsi donc il se peut que ce soit par l'intermédiaire de mon roman que les abonnés de ces bibliothèques auront les moyens de connaître d'autres aspects de mes productions. Voilà un cas où le volontarisme public inverse un déséquilibre : celui qui persiste entre romans et essais. C'est une bonne nouvelle pour ce petit roman que la région qui l'a inspiré (le Béarn) continue de bouder ostensiblement (son principal journal local a refusé de publier un article à son sujet la semaine dernière, seul le site Internet Alternatives Paloises, a bien voulu en dire un mot). Espérons qu'il y en aura d'autres.

Lire la suite

La France et l'esprit partisan

29 Avril 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

"A mon entrée à l'Ecole alsacienne, j'avais appris que j'étais protestant ; dès la première récréation, les élèves m'entourant, m'avaient demandé :
- T'es catholique, toi ? ou protescul ?
Parfaitement interloqué, entendant pour la première fois de ma vie ces mots baroques - car mes parents s'étaient gardés de me laisser connaître que la foi de tous les Français pouvait ne pas être la même, et l'entente qui régnait à Rouen entre mes parents m'aveuglait sur leurs divergences confessionnelles - je répondis que je ne savais pas ce que tout cela voulait dire. Il y eut un camarade obligeant qui se chargea de m'expliquer :
- Les catholiques sont ceux qui croient à la sainte Vierge.
Sur quoi je m'écriai qu'alors j'étais sûrement protestant. Il n'y avait pas de juifs parmi nous, par miracle ; mais un petit gringalet, qui n'avait pas encore parlé, s'écria soudain :
- Mon père, lui, est athée. Ceci dit d'un ton supérieur qui laissa les autres perplexes.(...)
S'étonnera-t-on que des mioches de dix ou douze ans se préoccupassent déjà de ces choses ? Mais non ; il n'y avait là que ce besoin inné du Français de prendre parti, d'être d'un parti, qui se retrouve à tous les âges et du haut en bas de la société française"


André Gide, Si le grain ne meurt, Folio p 105-106.
Lire la suite

Mike Davis : A propos de la grippe porcine

29 Avril 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Un article avec des mots justes et forts sur les systèmes de santé de notre planète, celui de Mike Davis dans le Guardian lundi intitulé "The swine flu crisis lays bare the meat industry's monstrous power". Il faut lire et relire le livre de Mike Davis "Génocides tropicaux", et l'on peut aussi jeter un oeil à la recension de son dernier ouvrage publié en France.
Lire la suite