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La complexité

Je ne me suis jamais rendu à Cuba. J'ignore à quel point les gens y souffrent de la dictature ou, au contraire, voient dans leur gouvernement une structure honnête qui oeuvre à leur émancipation, à quel point la pauvreté écrase les gens, ou si les gens s'en accommodent. Je reçois des échos divergeants là dessus, je donne la parole à ceux qu'on entend le moins tout en restant assez agnostique sur l'ensemble du tableau (l'agnosticisme préserve du dogmatisme). Et je prends aussi en compte les hommages que l'Amérique latine, l'Afrique du Sud, le Sri Lanka, rendent à Cuba comme île résistante qui sert la défense de leur propre liberté. J'ai peut-être déjà raconté sur ce blog mon expérience de stagiaire d'ambassade voyant, dans un congrès d'Izquierda unida à Madrid en 1994, toutes les représentations diplomatiques du Tiers-Monde, y compris le représentant du président (si pro-occidental) gabonais Omar Bongo assis à côté de moi faire une standing ovation au nom du "Parti communiste de Cuba" (à la grande surprise des délégations occidentales un tantinet horrifiées) pour se rendre compte de ce que ce pays représente dans le mouvement des non-alignés. Tout cela est à prendre en compte. Mais pourquoi ces éléments sonnent-ils si désagréablement aux oreilles de certains ?
Forbidden paperelle

Les prochaines élections européennes

A gauche on attend qu'un parti responsable franchisse enfin le Rubicon et prône la sortie de l'Union européenne. Au lieu de cela on parle encore d' "Europe sociale", comme si l'on pouvait sérieusement penser que la commission, ou même le Conseil deviennent des instances anti-libérales. Hier le patron de presse islandais Jónas Kristjánsson, naguère fervent européiste, a reconnu que, bien que son pays soit au bord de la faillite financière, il y a peu de chances qu'il veuille rejoindre l'Union. L'UE n'est pas attractive, et M. Barroso s'est réjoui trop vite au début de l'année quand il espérait annexer rapidement cette petite île. Voilà un pays de 300 000 habitants qui a plus de confiance en lui-même que la France.
En France, on annonce que près de 66 % des électeurs pourraient s'abstenir d'aller voter pour l'élection des députés au Parlement européen. Juste réponse du berger à la bergère : vous méprisez notre réferendum, nous méprisons vos élections.
Reste à transformer le ressentiment ambiant en énergie positive. Elaborer un programme audacieux de sortie de l'UE, de recomposition d'une confédération européenne sur les bases de la souveraineté populaire, et mettre en oeuvre un protectionnisme économique et une régulation drastique des marchés, un système d'échange coopératif avec les pays les plus pauvres. On ne peut pas éternellement laisser pourrir la situation.
La recherche du "bon maître"
Remarque d'un ami polonais hier :
"Il existe souvent une dégénérescence des mouvements de masse révolutionnaires qui au bout du compte s'en remettent toujours à une délégation de pouvoir quasi-féodale : le bon seigneur qui réglera mieux les problèmes que le mauvais seigneur.
Je me rappelle en 1969, j'étais en Pologne à la campagne dans la maison de campagne de ma tante. Son mari était un mathématicien connu et ils avaient reçu un bout de terre de l'académie des sciences pour pouvoir avoir un lieu de réflexion et de repos. Donc dans ce village où il n'y avait plus de "Seigneur" depuis 1944 (le manoir était devenu une école pour enfants handicapés), je me rappelle que je me promenais avec ma tante dans les champs et un vieux paysan nous a croisé. Il a pris la main de ma tante et la lui a baisé en s'agenouillant.
...Il avait visiblement retrouvé le "bon seigneur" et sa femme et en était très content, rassurés. D'ailleurs ensuite, j'ai pu confirmer cette vision des choses. A chaque cérémonie et à chaque grande question touchant le village, on montait chez mon oncle (sa maison était au sommet), pour l'inviter ou lui offrir quelque chose ou le consulter.
Rien ne les obligeait à se retrouver un seigneur et ils étaient très contents d'avoir reçu la terre suite à la réforme agraire des communistes en 1944, mais ils continuaient à rêver du "bon seigneur" qui remplacerait "le mauvais" et règlerait leurs problèmes intelligement, plutôt que de démocratie basiste. Le Parti a joué collectivement ce rôle un temps, mais finalement ce qu'on lui reprochait, c'est d'avoir des cadres trop "peuple", pas assez "comme il faut".
Un tsar c'est quand même plus beau qu'un secrétaire général !
Byzance contre Sparte !, comme disait Staline (et Staline de rajouter à Churchill à Yalta : "la Russie, quand c'est Sparte, c'est bien" ...il avait oublié que les Russes préféraient Byzance). Mais il ne s'agit sans doute pas que des Russes !"
Les droits des minorités et l'impérialisme
Un ami qui travaille pour une commune de la petite couronne parisienne solidaire des Tamouls qui ont manifesté au Trocadéro dimanche dernier, me demandait dans un mail ce matin : "Le combat anti-impérialiste présuppose-t-il et/ou implique-t-il la légitimation de toute revendication identitaire d'une minorité ou communauté ? (je pense ici au Kosovo, aux Tamouls au Sri Lanka...), et d'ailleurs, où commence une minorité ou une communauté ? "
Sans répondre à tous les aspects de son interrogation, je me suis permis de ramasser ma pensée en quelques paragraphes. Comme sur ce blog l'heure est aux grands récapitulatifs, je vous livre donc la réponse que je lui ai adressée qui synthétise l'état actuel de ma pensée sur le sujet :
"La question que tu m'adresses est de celles que la gauche ne peut pas ne pas se poser si elle veut rester en prise avec les réalités humaines du monde complexe dans lequel nous vivons.
Le Béarnais ex-bourdieusien (donc plutôt disposé à défendre les droits des minorités) que je suis qui fut confronté de plein fouet à la manipulation par Clinton de la cause des albano-kosovars en 98-99 ne peut qu'avoir une réponse nuancée à ta question.
En même temps, on ne peut pas non plus se perdre en nuances, ni s'enfermer dans des positions de purs principes abstraits qui permettent de renvoyer dos à dos les positions des uns et des autres tout en jouissant de sa supériorité morale - le "ni ni" (spécialité de la LCR à la grande époque).
Je pense qu'au niveau des principes, une pensée antiimpérialiste doit défendre la diversité culturelle et l'héritage historique, linguistique, etc dont les individus et les groupes se réclament. Mais il ne faut pas pour autant "fétichiser" ces identités, qui sont souvent défendues par des groupes petits-bourgeois en lieu et place de la question sociale (tendance actuelle du PCF par exemple à mettre les combats identitaires des femmes, des homosexuels, peut-être un jour des minorités régionales, au dessus de la lutte des classes). Il était frappant de voir qu'à Tiraspol (Transnistrie) en 2007, le combat de la minorité moldave roumanophone était surtout porté par des profs de fac amoureux de la littérature roumaine du 19 ème siècle - ce n'est qu'un exemple entre 1 000).
Nous devrions donc être défenseurs du droit des minorités, mais méfiants à l'égard de leur fétichisation, et aussi, surtout, attentifs au contexte géopolitique et aux résultats de l'histoire coloniale.
L'histoire coloniale a fait naître des entités nationales fragiles partout dans le monde, où les minorités (religieuses, linguistiques, ethniques) sont très faciles à manipuler contre les Etats. C'est pourquoi les Etats du Tiers-Monde sont très attachés à la charte des Nations unies qui sacralise le principe de non-ingérence (ce pourquoi seulement 25 % des membres des Nations Unies, principalement les pays occidentaux, ont reconnu l'indépendance du Kosovo). C'est une façon aussi pour eux de défendre une paix civile fragile (et d'autant plus fragile dans les contextes de crises économique et de pauvreté).
Le sujet s'illustre autour des Tamouls srilankais (sur un mode d'autant plus sensible pour un homme de gauche que le Sri Lanka est un pays non aligné très attaché à la souveraineté des Etats du Tiers-Monde, et très ami de Cuba) mais aussi à propos des Tibétains, des Kabyles en Algérie, du Sahara Occidental pour les Marocains.
Je crois qu'il faut beaucoup de tact, de prudence, pour défendre les droits de chacun sans attiser des logiques de guerre civile à l'irakienne... Et il faut aussi beaucoup s'informer par delà les clichés diffusés par des organismes faussement indépendants (souvent financés par la fondation Soros, USAID etc) prompts à classer les protagonistes politiques entre "bons" et "méchants" là où les choses sont souvent bien plus subtiles. Cela oblige aussi à réfléchir à un ton juste pour s'adresser à toutes les diasporas, et leur manifester notre solidarité sans ingérence néo-coloniale, et sans attiser les tensions communautaires ni remettre en cause la légitimité des Etats dont elles proviennent."
FD
Algérie, Cuba, Thaïlande

Et mon ami syndicaliste vient de me téléphoner pour me faire un compte rendu de l'atmosphère à Cuba.
Cuba est devenu la porte de l'Amérique latine, c'est devenu un "must" pour les chefs d'Etat. Il y a des semaines où jusqu'à 3 chefs d'Etat passent, car c'est souvent via La Havane que les contacts avec les dirigeants de toute l'Amérique latine passent. Donc c'est une bonne carte de visite, y compris pour ouvrir les portes commerciales aux hommes d'affaire. (...) A Paris un conseiller UMP a déposé au Conseil de Paris une proposition d'aide humanitaire à Cuba lors du dernier cyclone. Elle a été votée par tous les groupes sauf ...le PCF qui a voulu se démarquer de Cuba !!!! (...)A l'UMP, il existe aussi un lobby castriste et un lobby anticastriste pour contrebalancer bien entendu, comme au PS. Selon mon camarade, La Havane en fait une vraie capitale culturelle, où festivals du cinéma suivent expositions de peintres du monde entier, visites d'artistes , de cinéastes, etc. Un vrai tourbillon dit-il qui fait de l'Europe quelque chose de très provincial en comparaison. (...) Fidel écrit beaucoup et se promène dans les rues de la Havane et discute avec les gens. Les récentes purges dans la direction du Parti visent des personnes qui se sont crues trop puissantes et on voit cela là-bas comme un retour à la "morale révolutionnaire". Bref peut-être qu'il faut regarder de ce côté ?"
Je n'ai pas pu avoir confirmation sur le vote au Conseil de Paris, mais sur les liens de l'UMP avec Cuba, un militant m'a confirmé par mail qu'une association d'aide à Cuba proche du PC "a des relations avec les jeunesses de l'UMP qui participent à certaines de ses opérations. Et ils se financent avec un dîner sélect au Sénat présidé par Poncelet du temps où il était président du Sénat." Cela m'a rappelé les échanges entre l'ex-ministre de Franco Manuel Fraga et Fidel Castro au milieu des années 1990. Il y a toujours eu une forme d'entente possible sur les bases de la Realpolitik entre les Etats révolutionnaires et les partis conservateurs, qui a le don d'exaspérer les tendances idéalistes et moralisatrices de la gauche (le PS, les trotskistes, les anarchistes).
Que vous dire d'autre ? Une jeune activiste de l'Acrimed, à la suite de mon article sur la Thaïlande a attiré mon attention sur un papier profondément écoeurant du journal Libération sur les "Chemises rouges". L'article, dont j'ai ajouté la référence au bas de mon texte, en dit long sur le regard que ce journal porte sur les pauvres. C'est quand on parle de l'autre bout du monde que les préjugés s'expriment avec le moins de retenue.
Pourquoi j'ai cessé d'être bourdieusien
Les lecteurs de ce blog sont fort aimables je dois dire, je reçois plus de fleurs que d'insultes et ceux qui daignent laisser des commentaires le font souvent dans un esprit constructif. JD hier dans son commentaire estimait utile (au moins utile pour lui, peut-être pour moi aussi, et donc, quand une chose est utile à deux personnes, elle peut l'être à quinze) que je précise pourquoi j'ai cessé d'être bourdieusien. Ce genre de sujet pour être traité correctement doit l'être dans la forme livresque, et donc je le réserve pour une publication ultérieure.
Mais le blog permettant d'user d'un ton expérimental et personnel, je me contenterai ici d'expliciter les trois ou quatre étapes de mon itinéraire qui m'ont éloigné de Bourdieu, mais il me faut d'abord préciser dans quelles conditions je m'en suis rapproché. Et je livre, en forme de clin d'oeil, au bas de cet article une petite vidéo d'un message que m'a laissé Bourdieu en mai 2001 (un message parmi beaucoup d'autres).
Bourdieu au départ n'incarnait rien de positif à mes yeux parce qu'il n'était pas apprécié des philosophes. Je ne sais pourquoi, en 1990, mon ex prof de philo de terminale que j'avais revu aux vacances m'avait dit avec une sorte d'ironie : "Vous êtes plutôt du côté de Bourdieu non ?" et j'avais rejeté l'accusation avec véhémence. D'une manière générale, les philosophes n'aimaient pas les sciences humaines. Même lorsqu'on n'était pas spécialement heideggerien, on avait le sentiment que les sciences humaines (comme les sciences de la nature) décrivaient des choses très triviales : des mécanismes de causalité un peu stupides, un peu artificiels qui imposent a priori des articulations entre des phénomènes aléatoires. Les sciences humaines traitaient de l'étant, tandis que la philosophie traitait de l'Etre . D'une manière générale, notre commerce intime avec l'Etre justifiait notre supériorité sur tout, notre dédain à l'égard de tout... même et surtout à l'égard de nos souffrances intimes.
Le hasard m'a conduit à rencontrer Bourdieu en personne en 1990 au début des opérations américaines dans le Golfe arabo-persique. Un entrepreneur béarnais voulait me présenter un sien ami d'enfance "prof d'université" (je croyais que c'était un prof de Toulouse) pendant les vacances d'été. Cet ami était prêt à nous accueillir dans sa maison familiale à Lasseube. Seulement quelques jours avant la rencontre j'appris que cet ami se nommait Pierre Bourdieu. Paniqué, moi qui n'avais jamais rien lu de lui je lus "Ce que parler veut dire" que l'entrepreneur avait chez lui. C'est une chance d'ailleurs que ce fût ce livre précisément et non un autre L'attaque sociologique du langage qui fondait mon engouement philosophique était peut-être un des meilleurs moyens de déstabiliser ma croyance. Lors de notre rencontre je parlai à Bourdieu de ma déception face à l'ennui des cours de la Sorbonne. Bourdieu répondit qu'en effet la faculté de philosophie "baignait dans le ronron" académique. Lui me conseillait de faire de la sociologie. Il était clair à ses yeux que les jeunes agrégés dans les lycées ne parvenaient pas à faire de la véritable philosophie, faute de temps. Au contraire, en me consacrant aux sciences sociales, je redécouvrirais des questions que les philosophes ne se posent plus.
Dans les années qui suivirent, je lus "Homo academicus", "La Noblesse d'Etat", "La Distinction", qui parlaient à mon expérience de fils d'ouvrier devenu étudiant à Sciences Po. J'explorai aussi l'ouvrage de Bourdieu sur Heidegger qui me laissa des impressions très mitigées, et je suivis le cours de Bourdieu au Collège de France chaque semaine. Je me payai même le luxe d'envoyer une carte au sociologue l’interrogeant sur son rapport au relativisme et il me renvoya aimablement à un sien article publié dans les "Actes de la Recherche en sciences sociales" à ce sujet. Mais finalement je ne suivis pas le conseil de Bourdieu de m'inscrire en DESS de sociologie à Sciences Po et entrai dans une autre grande école dont je tairai le nom ici; Je me suis à nouveau rapproché du bourdieusisme vers 1998, au début de ma carrière professionnelle, et arrêtai en 2001 en concertation téléphonique et épistolaire avec Bourdieu le sujet de ma thèse que je fis dans son labo (le CSE) de 2001 à 2006.
Voilà pour le contexte.
Les éléments qui m'ont éloigné du bourdieusisme.
1) La guerre de Yougoslavie (je le raconte dans "10 ans sur la planète résistante") - la question pour moi fut la suivante : une pensée qui empêche de réfléchir sur l'Etat, la souveraineté des nations, l'impérialisme, la guerre, au point de conduire son auteur à signer un texte aussi inapproprié que l' "Appel pour une paix juste et durable dans les Balkans" au début de la guerre contre la Serbie, est-elle une pensée pertinente ? Bien sûr Bourdieu a ensuite approuvé des textes que je lui envoyai (notamment mes comptes rendus de voyage à Belgrade) et signé l'Appel de Bruxelles en 2000 qui fut un très bon texte, mais rien n'est vraiment sorti de sa plume ni de celles de sa mouvance pour analyser correctement ce tournant essentiel de l'histoire de l'Europe. Il est d'ailleurs intéressant de constater que les bien-pensants bourdieusiens d'Agone n'aient pas repris l'Appel de Bruxelles dans le recueil des pétitions importantes signées par leur maître qu'ils ont publié dans les années 2000.
2) La rencontre des chomskyens en 1999-2000 (ceux que j'appelle Boris et le Scientifique belge dans mon livre). J'ai détaillé dans le Cahier de l'Herne sur Chomsky (dans un chapitre consacré à Bourdieu et Chomsky) les implications épistémologiques et politiques pour moi de cette rencontre, et les raisons qui m'ont fait sur ces deux volets préférer Chomsky à Bourdieu.
3) Mes travaux en sociologie du corps. J'ai commencé un DEA tard, à 30 ans, en 2000, alors que j'avais déjà un statut social confortable. Je travaillai (juste cette année là - et je n'ai repris ce travail ensuite qu'après ma thèse) sur un sujet qui n'intéressait guère les bourdieusiens. Donc je l'ai fait à Paris 5 avec des bourdieusiens dissidents, ce qui m'a sensibilisé à d'autres aspects de la sociologie (le weberisme notamment) dont Bourdieu prétendait injustement "capter" tout l'héritage. En outre, j'explorais aussi dans le cadre de cette étude la psychologie évolutionniste américaine que l'on commençait à peine à étudier en France et qui faisait vieillir d'un coup tous les présupposés structuralistes du bourdieusisme (même si je ne suis ps un inconditionnel de toute la psychologie évolutionniste).
4) Les travaux du jeune anthropologue anarchiste David Graeber sur le don, qu'il faudrait traduire en français, et qui sont une porte de sortie hors de la "sociologie de l'intérêt" à laquelle se rattache le bourdieusisme.
Voilà, pour faire court, dans un format adapté à ce blog, les raisons de ma prise de distance à l'égard de Bourdieu. Je pense aujourd'hui que les profs de Sciences po qui raillaient les côtés "bourdivins" de sa sociologie propre à "plaire aux jeunes esprits naïfs" n'avaient pas tout à fait tort, car il y avait dans sa tournure d'esprit une façon quasi-religieuse d'enchanter les concepts, et les mettre en système, avec une manière proprement épiscopale d'écarter les objections, bref quelque chose qui n'est pas digne d'un bon débat rationnel (et ce vice est hélas commun à toute la pensée française, aux gens de sa génération, toute cette façon "postmoderne" de penser, et qui remonte peut-être au "Jazz Age" de la philosophie que Stove situe dans les années 1920). En même temps c'est peut-être à ce prix que les paradoxes de la domination (pour les dominants et les dominés) ont reçu un statut académique, ont été jugés dignes de débat chez les lettrés et les savants (même si ce n'est pas toujours dans les termes qu'il faudrait, et même si c'est souvent sur un mode obsessionnel et monomaniaque, comme beaucoup de discussions universitaires).