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Le blog de Frédéric Delorca

Articles récents

Sondages

17 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

La sondocratie est toujours aussi peu fiable. Sur la base d'une enquête IFOP, Caroline Brun dans le journal Métro du 17 octobre 2007 explique à propos de la grève des transports du 18 octobre : "61 % des interviewés estiment cette grève injustifiée". Mais le paragraphe se termine par une note de bas de page, dans laquelle la journaliste reconnaît : "Avec une question formulée différemment '54 % des Français se déclarent favorables à la journée d'action et de grève de jeudi' selon un sondage CSA pour L'Humanité".

Une fois de plus, il s'agit de faire dire aux gens ce que le commanditaire veut entendre... Inutile donc de perdre son temps à lire les résultats de ce genre d'enquête...
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La Mongolie chinoise

14 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Vu aujourd'hui "Le mariage de Tuya" de Wang Qan'an. Un film chinois extraordinaire justement récompensé par l'Ours d'Or du Festival du film de Berlin. Il y a quelque chose du "Bal des Célibataires" de Pierre Bourdieu dans ce film, mais ce n'est pas là l'essentiel. La force de cette fiction tient évidemment à sa manière de montrer la vie à nu, c'est-à-dire lorsque celle-ci est affaire de force de travail et de nombre de bouches à nourrir. A ce moment là les sentiments et l'éthique s'alignent sur cette contrainte fondamentale, la noblesse devient affaire de loyauté à l'égard de ces contraintes. Le choix de la Mongolie chinoise, avec ses paysages aussi grandioses qu'arides, magnifie d'une certaine façon cette pureté de l'existence-survie, qui est le lot des trois quarts de l'humanité en ce bas monde (et qui fut de tout temps le lot du plus grand nombre). Wang Qan'an ayant toutefois le bon goût de ne pas y ajouter de romantisme. le-mariage-de-tuya-257096-copie-1.jpg

Ce film d'une force extraordinaire n'est visiblement pas compris par les critiques occidentaux - par exemple Paris Match qui parle de "comédie de moeurs", Le Monde qui parle de "fin douce amère". Toutes ces expressions toutes faites reflètent la nullité existentielle de critiques bourgeois qui s'offrent des weekends thalasso en Tunisie et ne comprennent rien à ce monde.

Je n'ai trouvé nulle part d'article qui explique comment Wang Qan'an a fait ce film, ni surtout où il a trouvé cette inspiration qui crée une empathie si profonde avec les bergers mongols qu'il filme.

Un des aspects importants du film est la confrontation de cette pauvreté rurale à la richesse moderne des villes, avec toutes les tentations (et toutes les destructurations) qu'elle occasionne. C'est en ce sens que je le compare au Bal des célibataires. La Chine y apparait avec ses contradictions (notamment la montée du capitalisme en son sein), mais tout de même avec un hommage appuyé aux structures communistes : le drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau, très visible au moment où Tuya divorce de son mari, est là pour rappeler aussi que la législation communiste n'est pas pour rien dans la liberté de choix qui est donné aux femmes là-bas (une liberté que certaines chiliennes, polonaises ou irlandaises pourraient envier). Certes cette force d'affirmation des femmes, remonte peut-être plus loins chez les populations mongoles, mais la contribution juridique de la modernité communiste dans ce contexte n'est pas à négliger.
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Le libéralisme

14 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La droite

Pierre Zaoui, de la bande à Vacarme (une revue des beaux quartiers, mais très à gauche) dans Mouvements (http://www.mouvements.info/spip.php?article179) défend le libéralisme et considère que la gauche doit mettre ses pas dans les siens, comme d'ailleurs Marx lui-même le fit.

Il n'a pas tort. Je plaide moi même dans ce sens. Le geste libéral, en économie, en politique, en philosophie, fut d'abord un geste contestataire, et qui libérait l'humain contre les pouvoirs conservateurs. Ce qui ne signifie pas qu'il fut parfait. Il eut ses monstruosité. Karl Polanyi a en partie raison par exemple de décrire le XIX ème anglais dans les termes d'une monstruosité anthropologique digne du stalinisme (en même temps, ne le traiter que comme une monstruosité n'ext-ce point partir d'un préjugé conservateur qui idéalise les communautés rurales ?). Mais le libéralisme porta une dynamique extraordinaire. Il fut un facteur de déconstruction des vieux dogmes et des pires illusions humaines. Je pense à l'empirisme et à l'utilitarisme anglais qui furent les alliés naturels du libéralisme, et qui fécondèrent même la pensée de Kant (dont de Quincey rappelle à juste titre qu'il avait des ancêtres écossais et qu'il fut un lecteur assidu de Hume).

Il faut assumer le libéralisme, y compris dans ses dimensions les plus protestantes (Walzer avec sa Révolution des Saints nous y aide). Deleuze n'avait pas tort de mettre la Révolution américaine sur le même plan que la Révolution soviétique (je pense que Chomsky dirait la même chose, et que tous les deux s'entendraient pour y voir des révolutions qui ont en partie mal tourné).

Mais assumer l'héritage libéral, ne signifie pas s'en tenir à lui. Et c'est précisément ce que voudraient faire les conservateurs. Figer les révolutions : statufier la révolution française dans une forme périmée de la République, utiliser les pères fondateurs des Etats-Unis pour attaquer l'Iran, rester sur le discours d'Adam Smith pour légitimer les oligopoles capitalistes (je dirai bientôt un mot du dernier livre de Galbraith à ce sujet). La gauche ne doit pas attaquer le libéralisme, elle doit combattre sa rigidification conservatrice à l'oeuvre dans le néo-libéralisme, doctrine réactionnaire apparue à la fin du XIX ème siècle pour contrer le socialisme, et que l'Ecole de Chicago dans les années 1970 instrumentalisa à son tour pour liquider le keynésianisme. Ne nous trompons pas d'ennemi.
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Quand les citoyens américains posent les bonnes questions

10 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les Stazinis

Une mention positive aujourd'hui pour la question du citoyen d'une petite ville du nord de l'Iowa Randall Rolph  à Hillary Clinton, après que celle-ci ait voté le 3 octobre au Sénat l'amendement Kyl-Lieberman qui classe les Gardiens de la Révolution iraniens parmi les organisations terroristes. Rolph a demandé à Mrs Clinton : "Pourquoi soutiendrais-je votre candidature s'il apparaît que vous n'avez pas tiré les leçons des erreurs du passé ?" Selon Rolph en effet le vote de l'amendement implique naturellement un droit d'attaque militaire de l'Iran.

Les bonnes questions se reconnaissent au fait qu'elles fâchent. Mrs Clinton a perdu son sang froid, en accusant Rolph de lire une question "que manifestement quelqu'un lui a envoyé". Rolph a correctement répliqué à cette attaque très basse, qui laissait entendre que Rolph était manipulé (comme Connie Mack avait accusé Charles Barron d'être acheté par Chavez - cf http://delorca.over-blog.com/article-6779493.html)
  



Les sénateurs démocrates Joe Biden et Christopher Dodd challengers de Mme Clinton à l'investiture ont voté contre l'amendement Kyl-Lieberman.

Pour une déclaration de Mme Clinton à la tribune du lobby pro-israëlien (AIPAC) qui n'exclut "aucune option" contre l'Iran ("No option can be taken off the table"), cliquer sur la vidéo ci-dessous. La sénatrice Clinton apparaît de plus en plus comme la candidate du parti belliciste aux Etats-Unis, pour prendre la relève de Bush.

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L'Ouzbékistan sur l’échiquier eurasiatique : un pays stable mais convoité

6 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

L’existence de structures étatiques stables dans certaines régions du monde est trop souvent prise pour argent comptant. Il semble aller de soi aux yeux des citoyens de vieux pays comme le Royaume Uni ou la France qu’un Etat se maintienne, perdure et prospère, et l’on a tendance, à tort, vu d’Europe, à reprocher aux Etats ce qu’ils ne font pas avant de reconnaître ce qu’ils sont parvenus à mener à bien.

Tel est le cas de la République d’Ouzbékistan. Placé entre le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Kazakhstan et le Turkménistan, ce pays, qui est le plus peuplé d’Asie centrale (27 millions d’habitants), a fêté, le 31 août dernier, le seizième anniversaire de son indépendance.

A en croire ses autorités, le pari n’était pas gagné d’avance car le pays, ancienne République de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), n’avait jamais auparavant connu d’indépendance, du moins dans un cadre moderne. Selon un discours récent du président ouzbek Islam Karimov, au moment de l’éclatement de l’Union soviétique, l’Ouzbékistan n’avait plus de réserves de blé et de farine que pour 10 à 15 jours : la république se trouvait pratiquement au bord de la famine. D’une certaine façon, l’Ouzbékistan partait de zéro.

L’originalité de l’expérience ouzbèke tient avant tout au choix de la modération. Alors que beaucoup de pays de l’ex-URSS se sont lancés dans des opérations de privatisation tous azimuts, souvent peu transparentes, l’Ouzbékistan paraît n’avoir pas sacrifié le contrôle public.  De même le souci de la protection sociale figure parmi les cinq priorités affichées, ce qui se concrétise par la mise en œuvre de nombreux dispositifs d’aide (allocations chômage, allocations familiales etc) embassyuzbek.JPG

Le prix du maintien des pouvoirs publics, et de leur capacité d’action, fut parfois des entraves au pluralisme, dénoncées par des officines occidentales comme Amnesty International. Le procès fait en la matière à l’Ouzbékistan par les Occidentaux a atteint son paroxysme, lors de l’assaut donné, les 12 et 13 mai 2005 par les forces de l’ordre contre des Islamistes qui occupaient illégalement des bâtiments administratifs à Andijan. Certains partis d’opposition ont parlé de 750 morts y compris des civils. Le gouvernement en a reconnu 187. Le nombre exact des victimes n’a pu être fixé par une enquête internationale. Le gouvernement ouzbeks a cependant plaidé la légitime défense : dans cette région pauvre le Hezb-i islami du Turkestan, dont l’objectif proclamé est d’établir le califat sur l’ensemble de l’Asie centrale et du Sin Kiang chinois, et le MIO (Mouvement islamique d’Ouzbékistan) étaient bien implantés dans la population à force d’actions caritatives. Leur pouvoir de déstabilisation ne pouvait être sous-estimé.

Le caractère excessif du reproche adressé à Tachkent dans cette affaire s’illustre en grande partie dans les incohérences dont les Euro-américains ont pu faire preuve sur ce dossier. Les Etats-Unis (qui ont obtenu en 2001 le droit d’installer une base militaire en Ouzbékistan dans le cadre de leur propre guerre contre l’islamisme) après avoir incité les Européens à prendre des sanctions économiques contre Tachkent se sont gardés de faire de même, et l’Allemagne a préféré laisser monter la France au créneau seule, tout en protégeant ses propres intérêts sur le territoire ouzbek.

Certes l’Ouzbékistan ne peut prétendre remplir complètement tous les critères « démocratiques » posés par des textes comme la Convention européenne des droits de l’Homme dont la Cour européenne de Strasbourg garantit la sauvegarde (une Convention qui, elle-même, présente des aspects critiquables). Mais rien n’indique que les institutions ouzbèkes soient plus néfastes en la manière que leurs voisines kirghizes, tadjikes ou kazakhes.

En outre tout observateur de la vie politique ouzbèke ne peut manquer de constater les efforts consentis pour la libéralisation du pouvoir politique (ce que les Ouzbeks, pour emprunter le vocabulaire occidental, nomment « l’établissement et le développement des bases de la société civile ») : introduction du bicaméralisme au parlement, instauration d’une consultation des partis politiques et du droit de voter des motions de censure, limitation des modalités de la garde à vue des personnes arrêtées par la police, et surtout abolition de la peine de mort, à compter du 1er janvier prochain (après qu’un rapport d’Amnesty International en 2003 ait critiqué les erreurs judiciaires en ce domaine). C’est là un pas que très peu d’anciennes républiques soviétiques se sont aventurées à franchir.

La construction de l’Etat ouzbek et de son identité a supposé la mobilisation de ressources matérielles, humaines et symboliques.

Sur le plan matériel, le pays a pu, avec succès se remettre de l’effondrement de l’URSS, puisque son produit national brut est égal à 1,3 fois celui de 1990. Il affichait en 2006 une croissance de 7,3 % en 2006 (comparable à la plupart de ses voisins, sauf le Kazakhstan plus dynamique encore), et qui s’annonce encore supérieure en 2007, pour un niveau de PNB par habitant (2 000 dollars selon le CIA Factbook) lui aussi semblable à ceux d’autres pays de la zone comme le Kirghizistan ou le Tadjikistan (certes bien moindre, il est vrai, que ceux du Turkménistan, du Kazakhstan, mais ceux-ci sont plus riches en hydrocarbures). Les exportations augmentent régulièrement, et comprennent une part croissante de produits finis – plutôt que des matières premières – ce qui peut être interprété comme un signe d’industrialisation du pays. Cet effort s’illustre dans l’industrie du coton (dont l’Ouzbékistan est le sixième producteur mondial), mais aussi, d’une façon spectaculaire, dans l’automobile avec l’implantation d’une fabrique de voitures Daewoo à Asaka (province d’Andijan), une usine de pointe qui collectionne les certificats de qualité internationaux. La base agricole n’est pas sacrifiée et progresse même puisque le pays est récemment devenu autosuffisant en matière de céréales, malgré une démographie galopante (la moitié de la population a moins de 23 ans) qui menace sans cesse l’équilibre alimentaire.

Sur le plan humain, le pays a dû fournir un effort considérable de formation pour se doter de cadres (particulièrement d’ailleurs dans l’armée, car l’Ouzbékistan devait auparavant sa défense à l’Armée rouge). L’Ouzbékistan se targue aujourd’hui de consacrer 12 % de son PNB à l’éducation, avec notamment un grand effort pour l’enseignement en langue ouzbèke. Comme la plupart des pays d’Asie centrale ex-soviétique (et à la différence des pays du Proche-Orient) toute la population a été scolarisée à l’école primaire. En outre il existe trois universités dans ce pays.

Sur le plan symbolique, c’est toute une construction culturelle qui est à l’œuvre et qui passe par la commémoration d’un passé glorieux. Ainsi les anniversaires des villes antiques ont-ils été largement mis à profit. Le gouvernement ouzbek a successivement célébré le 2500 ème anniversaire des villes de Boukhara et Khiva, le 2700 ème anniversaire de la ville de Karshi, le 2750 ème anniversaire de Samarkand (Samarcande), et le 2000 ème de Marghilan. Cet égrenage commémoratif peut sembler fastidieux au regard extérieur. Il constitue pourtant une étape cruciale de la construction de l’identité d’un pays à la fois ancien et à bien des égards neuf.

Ce travail sur l’identité ouzbèke ne peut faire l’économie d’une réflexion sur son appartenance au monde islamique, ainsi que sur son positionnement au cœur de l’Eurasie.

Sur le volet islamique, le gouvernement ouzbek a organisé le 17 août 2007 une conférence internationale sur le thème : « La contribution de l'Ouzbékistan au développement de la civilisation islamique». Plus d’une centaine grands oulémas, scientifiques, théologiens, représentants d’autorités religieuses et civiles venues de plus de 30 pays du monde ainsi que des représentants d’organisations internationales y participèrent. L'organisation internationale islamique sur les questions de la formation, la science et la culture (ISESCO), une des structures de l'Organisation de la conférence islamique, a déclaré Tachkent comme la capitale du monde de la culture islamique en 2007, en récompense des efforts du gouvernement pour la préservation du patrimoine architectural et culturel musulman, et sa promotion, dans le cadre universitaire notamment. Le pays compte 88 % d’adeptes de l’Islam qui pratiquent leur religion sur un mode ouvert et tolérant. L’attention que son gouvernement accorde à valoriser son passé de centre de la culture islamique vise aussi à couper l’herbe sous le pied des islamistes, en évitant notamment la contagion de l’Afghanistan voisin. Cette politique culturelle s’accompagne du reste d’un volet social original, le président Karimov soutenant les structures d'entraides sociales (notamment les institutions locales traditionnelles – les Mahallah) qui tirent leurs origines de l'époque pré-soviétique, musulmane, mais qui se sont assez bien insérées dans l'environnement soviétique et constituent d’utiles remparts contre l’atomisation individualiste, les inégalités, et donc contre les tentations extrémistes.

En ce qui concerne l’Eurasie, Tachkent, qui est membre de l’Organisation de coopération de Shanghaï, déploie une diplomatie intensive à l’égard de la Russie et de la Chine. Tirant profit de sa position stratégique, l’Ouzbékistan serait en passe de devenir le lieu de transit de 50 % de la production gazière de l’Asie centrale et s’apprêterait pour ce faire à construire un gazoduc du Kirghizistan jusqu’à la Chine, si toutefois un projet rival du Turkménistan n’y fait pas échec.

Du fait de cette position clé de l’Ouzbékistan, celui-ci reste la cible de groupes d’intérêts étrangers – et de pouvoirs politiques qui peuvent avancer leurs pions derrière eux -. Non seulement des intérêts économiques comme les multinationales britanniques et américaines qui exploitent certains gisements pétroliers ouzbeks, mais aussi des groupes culturels aux liens obscurs avec les sphères dirigeantes occidentales. Ainsi Pierre Lévy rapporte dans Bastille-République-Nation du 27 juin 2007 qu’une ONG américaine officiellement préoccupée de promouvoir l’autosuffisance de certaines populations ouzbèkes persuadait les paysans de se lancer dans l’élevage de volailles, puis finalement conditionnait l’approvisionnement en graines et aliments à la conversion des paysans à l’évangélisme… Des pratiques qui persuadèrent le gouvernement de durcir le régime des accréditations. Ce durcissement à son tour a nourri en Occident une campagne de diffamation à l’encontre du gouvernement ouzbek, à grand renfort d’exagérations et de caricatures. Ainsi dans un article d’octobre 2006, la revue évangéliste américaine Today's Christian dans son numéro de septembre-octobre 2006 (http://www.christianitytoday.com/tc/2006/005/9.61.html)
accusait le président Karimov de « ne pas tolérer les dissidences religieuses » et l’Ouzbékistan d’être « à 99 % » musulman (passant notamment par pertes et profits les 6 % de Russes orthodoxes présents sur son territoire). L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans des recommandations de 2003 et le gouvernement américain dans ses divers Rapports annuels sur la liberté religieuse internationale (pour le International Religious Freedom Report 2007, voir http://www.state.gov/g/drl/rls/irf/2007/90237.htm) se sont largement faits l’écho de ce lobbying communautaire en condamnant les restrictions au prosélytisme posées par le gouvernement de Tachkent, mais sans rappeler combien l’action des évangélistes, vu les dissymétries économiques mondiales, peuvent s’assimiler à des conversions forcées.

La politique de souveraineté nationale, d’autosuffisance énergétique et alimentaire, et d’indépendance à l’égard de toutes les grandes puissances que poursuit l’Ouzbékistan avec succès n’étant pas au goût des Etats-Unis, qui ont dû en retirer leurs troupes en 2005, il n’est pas exclu que ceux-ci continuent de tenter d’utiliser la « société civile » ouzbèke, par le biais religieux, comme ils l’ont fait récemment en Birmanie, pour faire basculer ce pays dans leur orbite.


       Frédéric Delorca

Post scriptum :

Diverses sources ont attiré mon attention aujourd’hui 24 octobre 2007 sur le fait que l’article ci-dessus publié sur les deux blogs http://delorca.over-blog.com/ et http://atlasaltern.over-blog.com/ faisait l’objet de comptes-rendus dans la presse ouzbèke qui en reprenaient des « morceaux choisis ».

Je tiens à préciser que la finalité de cet article n’est ni de soutenir ni de dénigrer le gouvernement ouzbek, et encore moins de prendre partie entre les pouvoirs gouvernementaux et les forces d’opposition existant dans ce pays. Il ne s’agit nullement d’une prise de position sur la politique intérieure ouzbèke, ce qui serait tout à fait hors de propos. Cet article, qui est destiné au public français, vise uniquement à faire réfléchir aux difficultés de la construction d’un Etat stable et souverain dans une zone où la défense du pluralisme n’est pas ancrée dans les traditions locales, et où les ingérences extérieures, liées à des intérêts économiques et stratégiques, sont nombreuses. Si des points positifs de l’évolution ouzbèke sont soulignés pour contrebalancer la tonalité de certains rapports influents auprès des pouvoirs publics européens (notamment des rapports de certaines ONG occidentales), il ne s’agit pas pour autant d’en conclure que toutes les critiques figurant dans ces rapports sont infondées.

Frédéric Delorca

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Néocolonialisme sur France 2

5 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Toutes nos félicitations au journaliste de France 2, pour le reportage qu'il a effectué aux frais du contribuable français, et pour la rédaction de France 2 qui l'a diffusé à 20h22m38s (selon le timing du site http://www.france2.fr/)  le 7 octobre 2007. Dans ce reportage tourné à Bulawayo (Zimbabwe), le journaliste fait l'apologie d'une famille de fermiers anglais blancs qui refusent de quitter leur ferme de 7 500 hectares. ""Ils voulaient construire un complexe hotelier", nous explique ce reportage, mais le parti du président Mugabe a envoyé des "squatteurs" sur leurs terres. Conclusion du reportage : "Bientôt si rien ne change il ne restera au Zimbabwe ni ferme ni fermier, que des terres en friche". 800px-Flag-of-Zimbabwe-svg.png

Jolie conclusion, n'est-ce pas, qui signifie que les paysans noirs installés sur les terres des blancs ne sont pas capables de les cultiver. "Des terres en friches", car le Noir ne sait rien planter... Un discours bien connu...

Nous voici de retour au XIX ème sècle. L'imagerie coloniale légitimée, banalisée, servie aux foules au journal télévisé de 20 h. Quel monde, messieurs les journalistes et les politiciens, souhaitez-vous construire sur cette base ?

Avec des reportages comme celui-là, on oublie la glorieuse lutte de Mugabe, du MPLA angolais, du Frelimo mozambicain, avec leurs alliés cubains, contre le régime de l'apartheid (Mandela lui-même a reconnu que sans eux l'apartheid existerait encore). Les blogs réactionnaires plastronnent et demandent " le jugement de Castro, Kim-Jong-Il, Poutine, Mugabe" par des cours à la solde des occidentaux (http://jcdurbant.blog.lemonde.fr/2006/12/12/pinochet-castro-quand-on-aime-on-compte-pas/). La dignité des paysans sans terre noirs du Zimbabwe compte pour du beurre. Triste époque vraiment.

Eteignons les postes de TV. Ecoutons plutôt de vieilles chansons progressistes. 
Par exemple "Radio Africa" de Latin Quarter 1986

"Mozambique and Mugabe
Still got Frelimo I hear them say
But 'Exchange' means.
'Recession' means." (cliquez sur http://fr.youtube.com/watch?v=Gl5JUfvcE7g)

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Impérialisme, structures étatiques, oppositions

4 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Dans le débat sur la Birmanie autour de l'article de Jean Bricmont ressurgissent de vieilles discussions qui ont parcouru la gauche française au début des années 1980 sur la question de savoir si Solidarinosc était ou non une structure à la solde de l'impérialisme américain (j'ai d'ailleurs longuement parlé de cela avec Piotr Ikonowicz, une des figures de ce syndicat, qui soutient que celui-ci était profondément "bolchévique" dans son essence, avant que la CIA ne le récupère après l'état d'urgence).

Resituons le problème dans son ensemble. Il existe un phénomène global, qui est le déséquilibre mondial des richesses et des moyens de coercition (idéologiques, militaires). Ce déséquilibre est à l'origine de ce que l'on appelle l'impérialisme occidental (ou euro-états-unien).

Dans le monde se trouvent des Etats (comme la Russie ou la Chine - la France de De Gaulle à certains égards, quoique moins nettement) dont les intérêts pour des raisons historiques ne sont le plus souvent pas compatibles avec ceux de l'Empire euro-états-unien (je dis bien "le plus souvent" car il y a aussi des exceptions, la Russie ayant aidé les Etats-Unis contre l'islamisme en 2001, la Chine les aidant sur le plan financier). Ces Etats jouent un rôle de contre-pouvoir utile, dont profitent certains pays du tiers-monde comme le Venezuela par exemple. Des Etats plus petits dont les ressources ou les position stratégique sont convoitées par l'Empire euro-américain. Tel fut le cas de la République fédérale de Yougoslavie et du Congo naguère, ou aujourd'hui de la Birmanie et de l'Ouzbékistan.

Je ne dis pas d'ailleurs que l'Empire euro-états-unien a une vision toujours très précise des enjeux économiques et politiques autour de ces Etats. En leur sein, les "stratèges" (membres de thinks tanks, responsables de la planification militaire) en sont conscientes, mais les politiciens et leurs médias se laissent aussi emporter par une forme d'autopersuasion idéologique qui excède souvent l'importance de l'enjeu (cas des phénomènes de diabolisation autour de la Yougoslavie par exemple). Ceci d'ailleurs leur fait commettre beaucoup d'erreurs (comme par exemple de considérer comme des ennemis des régimes qui pourraient être leurs alliés).

Les structures étatiques des pays du tiers monde méritent d'être analysées froidement, avec leurs avantages et leurs inconvénients, sans sousestimer la diffucté qu'il y a de construire ou maintenir des Etats dans des nations jeunes, qui ont subi le poids du colonialisme et endurent encore tous les inconvenients du système économique et politique mondial dominé par l'Empire.

Les oppositions méritent notre intérêt aussi, on ne doit pas les considérer "a priori" comme vendues à l'Occident. Je suis pour ma part venu au combat anti-impérialiste à travers l'opposition yougoslave - des anarchistes qui n'étaient pas du tout pro-américains. On ne peut pas faire à l'opposition birmane, ou à l'opposition iranienne par exemple le procès d'être "par essence" pro-impérialiste (de même qu'on ne pouvait le faire à Solidarinosc). A force de trop réduire la politique à des données binaires, on encourra l'accusation qu'Orwell pendant la guerre d'Espagne adressait aux staliniens : de liquider les possibilités de "troisième voie" et renforcer ainsi, en définitive, un ordre des choses profondément réactionnaire.

Donc il faut éviter les procès trop "hâtifs" aux oppositions locales des pays dans la ligne de mire des forces impérialistes.

Mais à l'inverse on est en droit aussi, de demander à ces oppositions de faire preuve de responsabilité, et de faire preuve d'une licidité à l'échelon planétaire et non seulement nationale. Il est un temps pour la contestation, et un temps pour la résistance aux forces qui instrumentalisent les révolutions. Quand les dollars de l'étranger (et plus précisément des officines occidentales) pleuvent sur une révolution (ou lorsque les missiles de l'OTAN sont pointés sur vous), il vaut mieux l'interrompre et se rallier à une logique d'unité nationale quitte à reprendre la lutte nationale plus tard. C'est ce qu'une partie de l'opposition yougoslave avait compris à l'époque des bombardements. Mais il faudrait que les opposants le comprennent aussi quand les bombes se transforment en subsides. Et cette demande que l'on adresse aux oppositions nationales des "pays cibles" - tout en ayant peu de chances d'être entendue car ce genre de conseil "extérieur" est toujours trop facile à donner quand on vit dans des conditions bourgeoises en Occident - on est a fortiori fondé à l'adresser aux "internationalistes" occidentaux, qui, eux, sont beaucoup moins directement concernés par la situation des "peuples cibles" puisqu'ils n'en font justement pas partie. On est en droit de dire comme Bricmont, lorsque les dollars pleuvent : "Restez chez vous. Ne manifestez pas pour le National Endowment for Democracy".

Est-ce à dire que l'on se résigne à ce que les "pays cibles" soient à jamais soumis à des structures autoritaires ? Je ne le crois nullement. Au contraire, en ôtant à ces pays le complexe de la forteresse assiégée on leur donne des chances de s'assouplir progressivement (sans pour autant se rallier à l'Empire). Si les partisans des "révolutions oranges" en Occident, comprenaient cela plutôt que de céder aux émotions médiatiques, ce serait un grand bénéfice pour l'ensemble de la planète.

Les petits Etats (Brimanie, Syrie etc) comme les grands (Russie,Chine) sont des contrepoids régionaux parfois utiles. 

Ce sont des structures étatiques, donc nécessairement répressives à un certain degré comme l'est tout Etat, et d'autant plus répressives dans des pays où la tradition de la critique politique n'est pas très développée et repose sur une une base sociale très mince. D'autant plus répressive aussi, disons le, lorsque la base sociale qui soutient la critique est largement dépendante de la culture occidentale et de ses financements (les Alliances françaises, les ONG subventionnées par le National Endowment for Democracy ou USAID).

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Le débat sur le Myanmar (Birmanie)

3 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

A huit ans d'intervalle, voici que se reproduit à gauche le débat qui avait eu lieu à propos de la République fédérale de Yougoslavie en 1999-2000, mais cette fois à propos de l'Union du Myanmar/Birmanie : faut-il ou non soutenir l'opposition dans ce pays ?  Shwedagon-pagoda.jpg

Les arguments avancés dans un sens et dans l'autre sont toujours les mêmes, les protagonistes aussi : on retrouve notamment Jean Bricmont (http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=5501) qui avait éclairé le débat sur ce thème dans son livre dont un article a aussi servi de préface à l'Atlas alternatif et qui est paru chez Aden l'an dernier ( pour les autres intervenants http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=5504, http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=5510).

Le débat est complexe. C'est un débat éthique et politique. Signe de cette complexité : la contributrice américaine "Népal" de l'Atlas alternatif, Lauren Leve, qui se dit tout aussi anti-impérialiste que moi ,m'a transmis pour signature une pétition de soutien à l'opposition birmane.

J'ai refusé de signer avant même que d'avoir lu l'article de Bricmont, sur la base de l'article que j'avais publié sur le blog de l'Atlas alternatif (http://atlasalternatif.over-blog.com/article-12585905.html) le 24 septembre (je crois que cet article a un peu inspiré Bricmont lui-même). J'ai exposé que, sachant que les USA (le National endowment for democracy) ont investi beaucoup d'argent dans l'opposition Birmane, que la Birmanie construit un oléoduc vers le Yunnan et est une alliée de la Chine, je ne signerai une telle pétition que si j'obtiens des garanties que l'opposition birmane est anti-impérialiste.

Ceux qui ont soutenu les nationalistes albanais au Kosovo en 1999 ont dû accepter de les voir en 2003 chanter la louange de Bush lorsqu'il a envahi l'Irak. Je n'ai aucune envie d'avoir dans le monde de demain une Birmanie alliée des USA qui privera la population du Yunnan de son accès au pétrole, fragilisera la Chine, et votera avec Washington pour le bombardement de l'Iran ou pour la partition de l'Irak. Les équilibres planétaires sont une réalité face à laquelle il faut faire preuve de prudence.

Je suis assez d'accord avec l'argument de Bricmont selon lequel notre ignorance sur les pays dont on nous parle doit nous inciter à refuser de manifester sur commande à l'appel de nos médias. Un article sur antiwar.com hier disait que si l'on avait moin isolé la Birmanie depuis quelques années (par des embargos), la population aurait connu une libéralisation progressive comme au Vietnam. En tout cas ce n'est pas au moment où de grandes insurrections éclatent, financées par Washington, qu'il faut soutenir une opposition, car c'est le meilleur moyen de devenir l' "idiot utile" d'une "révolution orange" supplémentaire. Il faut la soutenir bien avant, lorsque cette opposition n'est "pas encore" tombée dans l'escarcelle impérialiste. 

Je note que Meyssan aussi est  intervenu dans le débat sur le Réseau Voltaire. Etrangement Europalestine s'en fait l'écho alors que ce n'est pas son sujet (http://www.europalestine.com/spip.php?article2802). J'observe aussi qu'en Transnistrie (où j'étais en juillet), le groupe de jeunes guévaristes "Proriv" manifeste en solidarité avec les opposants birmans (http://www.tiraspoltimes.com/news/transdniestria_youth_in_solidarity_with_burmas_freedom_and_democracy_protesters.html). En juillet ils décoraient l'ambassadeur américain en Moldavie. Ne sont-ils pas les pions d'une future "révolution orange" à Tiraspol ?

En tout cas le "levier" médiatique des bonzes est assez bien trouvé. Ils sont l'image incarnée de la paix comme le Dalaï Lama. Pourtant la presse chinoise, elle, s'évertue à citer des cas de violences commises par ces jeunes moines. Mais cela n'intéresse pas les Européens.

La carte de la religion est une bonne carte pour l'impérialisme. Les Etats-Unis - dont le Département d'Etat publie chaque année un rapport sur l'état de la liberté de religion dans le monde - ne se privent pas de l'utiliser, notamment contre l'Ouzbékistan (je viens de terminer d'écrire un article sur ce sujet, je le mettrai bientôt en ligne).
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