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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #billets divers de delorca tag

Sondages

17 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

La sondocratie est toujours aussi peu fiable. Sur la base d'une enquête IFOP, Caroline Brun dans le journal Métro du 17 octobre 2007 explique à propos de la grève des transports du 18 octobre : "61 % des interviewés estiment cette grève injustifiée". Mais le paragraphe se termine par une note de bas de page, dans laquelle la journaliste reconnaît : "Avec une question formulée différemment '54 % des Français se déclarent favorables à la journée d'action et de grève de jeudi' selon un sondage CSA pour L'Humanité".

Une fois de plus, il s'agit de faire dire aux gens ce que le commanditaire veut entendre... Inutile donc de perdre son temps à lire les résultats de ce genre d'enquête...
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L'Ouzbékistan sur l’échiquier eurasiatique : un pays stable mais convoité

6 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

L’existence de structures étatiques stables dans certaines régions du monde est trop souvent prise pour argent comptant. Il semble aller de soi aux yeux des citoyens de vieux pays comme le Royaume Uni ou la France qu’un Etat se maintienne, perdure et prospère, et l’on a tendance, à tort, vu d’Europe, à reprocher aux Etats ce qu’ils ne font pas avant de reconnaître ce qu’ils sont parvenus à mener à bien.

Tel est le cas de la République d’Ouzbékistan. Placé entre le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Kazakhstan et le Turkménistan, ce pays, qui est le plus peuplé d’Asie centrale (27 millions d’habitants), a fêté, le 31 août dernier, le seizième anniversaire de son indépendance.

A en croire ses autorités, le pari n’était pas gagné d’avance car le pays, ancienne République de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), n’avait jamais auparavant connu d’indépendance, du moins dans un cadre moderne. Selon un discours récent du président ouzbek Islam Karimov, au moment de l’éclatement de l’Union soviétique, l’Ouzbékistan n’avait plus de réserves de blé et de farine que pour 10 à 15 jours : la république se trouvait pratiquement au bord de la famine. D’une certaine façon, l’Ouzbékistan partait de zéro.

L’originalité de l’expérience ouzbèke tient avant tout au choix de la modération. Alors que beaucoup de pays de l’ex-URSS se sont lancés dans des opérations de privatisation tous azimuts, souvent peu transparentes, l’Ouzbékistan paraît n’avoir pas sacrifié le contrôle public.  De même le souci de la protection sociale figure parmi les cinq priorités affichées, ce qui se concrétise par la mise en œuvre de nombreux dispositifs d’aide (allocations chômage, allocations familiales etc) embassyuzbek.JPG

Le prix du maintien des pouvoirs publics, et de leur capacité d’action, fut parfois des entraves au pluralisme, dénoncées par des officines occidentales comme Amnesty International. Le procès fait en la matière à l’Ouzbékistan par les Occidentaux a atteint son paroxysme, lors de l’assaut donné, les 12 et 13 mai 2005 par les forces de l’ordre contre des Islamistes qui occupaient illégalement des bâtiments administratifs à Andijan. Certains partis d’opposition ont parlé de 750 morts y compris des civils. Le gouvernement en a reconnu 187. Le nombre exact des victimes n’a pu être fixé par une enquête internationale. Le gouvernement ouzbeks a cependant plaidé la légitime défense : dans cette région pauvre le Hezb-i islami du Turkestan, dont l’objectif proclamé est d’établir le califat sur l’ensemble de l’Asie centrale et du Sin Kiang chinois, et le MIO (Mouvement islamique d’Ouzbékistan) étaient bien implantés dans la population à force d’actions caritatives. Leur pouvoir de déstabilisation ne pouvait être sous-estimé.

Le caractère excessif du reproche adressé à Tachkent dans cette affaire s’illustre en grande partie dans les incohérences dont les Euro-américains ont pu faire preuve sur ce dossier. Les Etats-Unis (qui ont obtenu en 2001 le droit d’installer une base militaire en Ouzbékistan dans le cadre de leur propre guerre contre l’islamisme) après avoir incité les Européens à prendre des sanctions économiques contre Tachkent se sont gardés de faire de même, et l’Allemagne a préféré laisser monter la France au créneau seule, tout en protégeant ses propres intérêts sur le territoire ouzbek.

Certes l’Ouzbékistan ne peut prétendre remplir complètement tous les critères « démocratiques » posés par des textes comme la Convention européenne des droits de l’Homme dont la Cour européenne de Strasbourg garantit la sauvegarde (une Convention qui, elle-même, présente des aspects critiquables). Mais rien n’indique que les institutions ouzbèkes soient plus néfastes en la manière que leurs voisines kirghizes, tadjikes ou kazakhes.

En outre tout observateur de la vie politique ouzbèke ne peut manquer de constater les efforts consentis pour la libéralisation du pouvoir politique (ce que les Ouzbeks, pour emprunter le vocabulaire occidental, nomment « l’établissement et le développement des bases de la société civile ») : introduction du bicaméralisme au parlement, instauration d’une consultation des partis politiques et du droit de voter des motions de censure, limitation des modalités de la garde à vue des personnes arrêtées par la police, et surtout abolition de la peine de mort, à compter du 1er janvier prochain (après qu’un rapport d’Amnesty International en 2003 ait critiqué les erreurs judiciaires en ce domaine). C’est là un pas que très peu d’anciennes républiques soviétiques se sont aventurées à franchir.

La construction de l’Etat ouzbek et de son identité a supposé la mobilisation de ressources matérielles, humaines et symboliques.

Sur le plan matériel, le pays a pu, avec succès se remettre de l’effondrement de l’URSS, puisque son produit national brut est égal à 1,3 fois celui de 1990. Il affichait en 2006 une croissance de 7,3 % en 2006 (comparable à la plupart de ses voisins, sauf le Kazakhstan plus dynamique encore), et qui s’annonce encore supérieure en 2007, pour un niveau de PNB par habitant (2 000 dollars selon le CIA Factbook) lui aussi semblable à ceux d’autres pays de la zone comme le Kirghizistan ou le Tadjikistan (certes bien moindre, il est vrai, que ceux du Turkménistan, du Kazakhstan, mais ceux-ci sont plus riches en hydrocarbures). Les exportations augmentent régulièrement, et comprennent une part croissante de produits finis – plutôt que des matières premières – ce qui peut être interprété comme un signe d’industrialisation du pays. Cet effort s’illustre dans l’industrie du coton (dont l’Ouzbékistan est le sixième producteur mondial), mais aussi, d’une façon spectaculaire, dans l’automobile avec l’implantation d’une fabrique de voitures Daewoo à Asaka (province d’Andijan), une usine de pointe qui collectionne les certificats de qualité internationaux. La base agricole n’est pas sacrifiée et progresse même puisque le pays est récemment devenu autosuffisant en matière de céréales, malgré une démographie galopante (la moitié de la population a moins de 23 ans) qui menace sans cesse l’équilibre alimentaire.

Sur le plan humain, le pays a dû fournir un effort considérable de formation pour se doter de cadres (particulièrement d’ailleurs dans l’armée, car l’Ouzbékistan devait auparavant sa défense à l’Armée rouge). L’Ouzbékistan se targue aujourd’hui de consacrer 12 % de son PNB à l’éducation, avec notamment un grand effort pour l’enseignement en langue ouzbèke. Comme la plupart des pays d’Asie centrale ex-soviétique (et à la différence des pays du Proche-Orient) toute la population a été scolarisée à l’école primaire. En outre il existe trois universités dans ce pays.

Sur le plan symbolique, c’est toute une construction culturelle qui est à l’œuvre et qui passe par la commémoration d’un passé glorieux. Ainsi les anniversaires des villes antiques ont-ils été largement mis à profit. Le gouvernement ouzbek a successivement célébré le 2500 ème anniversaire des villes de Boukhara et Khiva, le 2700 ème anniversaire de la ville de Karshi, le 2750 ème anniversaire de Samarkand (Samarcande), et le 2000 ème de Marghilan. Cet égrenage commémoratif peut sembler fastidieux au regard extérieur. Il constitue pourtant une étape cruciale de la construction de l’identité d’un pays à la fois ancien et à bien des égards neuf.

Ce travail sur l’identité ouzbèke ne peut faire l’économie d’une réflexion sur son appartenance au monde islamique, ainsi que sur son positionnement au cœur de l’Eurasie.

Sur le volet islamique, le gouvernement ouzbek a organisé le 17 août 2007 une conférence internationale sur le thème : « La contribution de l'Ouzbékistan au développement de la civilisation islamique». Plus d’une centaine grands oulémas, scientifiques, théologiens, représentants d’autorités religieuses et civiles venues de plus de 30 pays du monde ainsi que des représentants d’organisations internationales y participèrent. L'organisation internationale islamique sur les questions de la formation, la science et la culture (ISESCO), une des structures de l'Organisation de la conférence islamique, a déclaré Tachkent comme la capitale du monde de la culture islamique en 2007, en récompense des efforts du gouvernement pour la préservation du patrimoine architectural et culturel musulman, et sa promotion, dans le cadre universitaire notamment. Le pays compte 88 % d’adeptes de l’Islam qui pratiquent leur religion sur un mode ouvert et tolérant. L’attention que son gouvernement accorde à valoriser son passé de centre de la culture islamique vise aussi à couper l’herbe sous le pied des islamistes, en évitant notamment la contagion de l’Afghanistan voisin. Cette politique culturelle s’accompagne du reste d’un volet social original, le président Karimov soutenant les structures d'entraides sociales (notamment les institutions locales traditionnelles – les Mahallah) qui tirent leurs origines de l'époque pré-soviétique, musulmane, mais qui se sont assez bien insérées dans l'environnement soviétique et constituent d’utiles remparts contre l’atomisation individualiste, les inégalités, et donc contre les tentations extrémistes.

En ce qui concerne l’Eurasie, Tachkent, qui est membre de l’Organisation de coopération de Shanghaï, déploie une diplomatie intensive à l’égard de la Russie et de la Chine. Tirant profit de sa position stratégique, l’Ouzbékistan serait en passe de devenir le lieu de transit de 50 % de la production gazière de l’Asie centrale et s’apprêterait pour ce faire à construire un gazoduc du Kirghizistan jusqu’à la Chine, si toutefois un projet rival du Turkménistan n’y fait pas échec.

Du fait de cette position clé de l’Ouzbékistan, celui-ci reste la cible de groupes d’intérêts étrangers – et de pouvoirs politiques qui peuvent avancer leurs pions derrière eux -. Non seulement des intérêts économiques comme les multinationales britanniques et américaines qui exploitent certains gisements pétroliers ouzbeks, mais aussi des groupes culturels aux liens obscurs avec les sphères dirigeantes occidentales. Ainsi Pierre Lévy rapporte dans Bastille-République-Nation du 27 juin 2007 qu’une ONG américaine officiellement préoccupée de promouvoir l’autosuffisance de certaines populations ouzbèkes persuadait les paysans de se lancer dans l’élevage de volailles, puis finalement conditionnait l’approvisionnement en graines et aliments à la conversion des paysans à l’évangélisme… Des pratiques qui persuadèrent le gouvernement de durcir le régime des accréditations. Ce durcissement à son tour a nourri en Occident une campagne de diffamation à l’encontre du gouvernement ouzbek, à grand renfort d’exagérations et de caricatures. Ainsi dans un article d’octobre 2006, la revue évangéliste américaine Today's Christian dans son numéro de septembre-octobre 2006 (http://www.christianitytoday.com/tc/2006/005/9.61.html)
accusait le président Karimov de « ne pas tolérer les dissidences religieuses » et l’Ouzbékistan d’être « à 99 % » musulman (passant notamment par pertes et profits les 6 % de Russes orthodoxes présents sur son territoire). L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans des recommandations de 2003 et le gouvernement américain dans ses divers Rapports annuels sur la liberté religieuse internationale (pour le International Religious Freedom Report 2007, voir http://www.state.gov/g/drl/rls/irf/2007/90237.htm) se sont largement faits l’écho de ce lobbying communautaire en condamnant les restrictions au prosélytisme posées par le gouvernement de Tachkent, mais sans rappeler combien l’action des évangélistes, vu les dissymétries économiques mondiales, peuvent s’assimiler à des conversions forcées.

La politique de souveraineté nationale, d’autosuffisance énergétique et alimentaire, et d’indépendance à l’égard de toutes les grandes puissances que poursuit l’Ouzbékistan avec succès n’étant pas au goût des Etats-Unis, qui ont dû en retirer leurs troupes en 2005, il n’est pas exclu que ceux-ci continuent de tenter d’utiliser la « société civile » ouzbèke, par le biais religieux, comme ils l’ont fait récemment en Birmanie, pour faire basculer ce pays dans leur orbite.


       Frédéric Delorca

Post scriptum :

Diverses sources ont attiré mon attention aujourd’hui 24 octobre 2007 sur le fait que l’article ci-dessus publié sur les deux blogs http://delorca.over-blog.com/ et http://atlasaltern.over-blog.com/ faisait l’objet de comptes-rendus dans la presse ouzbèke qui en reprenaient des « morceaux choisis ».

Je tiens à préciser que la finalité de cet article n’est ni de soutenir ni de dénigrer le gouvernement ouzbek, et encore moins de prendre partie entre les pouvoirs gouvernementaux et les forces d’opposition existant dans ce pays. Il ne s’agit nullement d’une prise de position sur la politique intérieure ouzbèke, ce qui serait tout à fait hors de propos. Cet article, qui est destiné au public français, vise uniquement à faire réfléchir aux difficultés de la construction d’un Etat stable et souverain dans une zone où la défense du pluralisme n’est pas ancrée dans les traditions locales, et où les ingérences extérieures, liées à des intérêts économiques et stratégiques, sont nombreuses. Si des points positifs de l’évolution ouzbèke sont soulignés pour contrebalancer la tonalité de certains rapports influents auprès des pouvoirs publics européens (notamment des rapports de certaines ONG occidentales), il ne s’agit pas pour autant d’en conclure que toutes les critiques figurant dans ces rapports sont infondées.

Frédéric Delorca

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Impérialisme, structures étatiques, oppositions

4 Octobre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Dans le débat sur la Birmanie autour de l'article de Jean Bricmont ressurgissent de vieilles discussions qui ont parcouru la gauche française au début des années 1980 sur la question de savoir si Solidarinosc était ou non une structure à la solde de l'impérialisme américain (j'ai d'ailleurs longuement parlé de cela avec Piotr Ikonowicz, une des figures de ce syndicat, qui soutient que celui-ci était profondément "bolchévique" dans son essence, avant que la CIA ne le récupère après l'état d'urgence).

Resituons le problème dans son ensemble. Il existe un phénomène global, qui est le déséquilibre mondial des richesses et des moyens de coercition (idéologiques, militaires). Ce déséquilibre est à l'origine de ce que l'on appelle l'impérialisme occidental (ou euro-états-unien).

Dans le monde se trouvent des Etats (comme la Russie ou la Chine - la France de De Gaulle à certains égards, quoique moins nettement) dont les intérêts pour des raisons historiques ne sont le plus souvent pas compatibles avec ceux de l'Empire euro-états-unien (je dis bien "le plus souvent" car il y a aussi des exceptions, la Russie ayant aidé les Etats-Unis contre l'islamisme en 2001, la Chine les aidant sur le plan financier). Ces Etats jouent un rôle de contre-pouvoir utile, dont profitent certains pays du tiers-monde comme le Venezuela par exemple. Des Etats plus petits dont les ressources ou les position stratégique sont convoitées par l'Empire euro-américain. Tel fut le cas de la République fédérale de Yougoslavie et du Congo naguère, ou aujourd'hui de la Birmanie et de l'Ouzbékistan.

Je ne dis pas d'ailleurs que l'Empire euro-états-unien a une vision toujours très précise des enjeux économiques et politiques autour de ces Etats. En leur sein, les "stratèges" (membres de thinks tanks, responsables de la planification militaire) en sont conscientes, mais les politiciens et leurs médias se laissent aussi emporter par une forme d'autopersuasion idéologique qui excède souvent l'importance de l'enjeu (cas des phénomènes de diabolisation autour de la Yougoslavie par exemple). Ceci d'ailleurs leur fait commettre beaucoup d'erreurs (comme par exemple de considérer comme des ennemis des régimes qui pourraient être leurs alliés).

Les structures étatiques des pays du tiers monde méritent d'être analysées froidement, avec leurs avantages et leurs inconvénients, sans sousestimer la diffucté qu'il y a de construire ou maintenir des Etats dans des nations jeunes, qui ont subi le poids du colonialisme et endurent encore tous les inconvenients du système économique et politique mondial dominé par l'Empire.

Les oppositions méritent notre intérêt aussi, on ne doit pas les considérer "a priori" comme vendues à l'Occident. Je suis pour ma part venu au combat anti-impérialiste à travers l'opposition yougoslave - des anarchistes qui n'étaient pas du tout pro-américains. On ne peut pas faire à l'opposition birmane, ou à l'opposition iranienne par exemple le procès d'être "par essence" pro-impérialiste (de même qu'on ne pouvait le faire à Solidarinosc). A force de trop réduire la politique à des données binaires, on encourra l'accusation qu'Orwell pendant la guerre d'Espagne adressait aux staliniens : de liquider les possibilités de "troisième voie" et renforcer ainsi, en définitive, un ordre des choses profondément réactionnaire.

Donc il faut éviter les procès trop "hâtifs" aux oppositions locales des pays dans la ligne de mire des forces impérialistes.

Mais à l'inverse on est en droit aussi, de demander à ces oppositions de faire preuve de responsabilité, et de faire preuve d'une licidité à l'échelon planétaire et non seulement nationale. Il est un temps pour la contestation, et un temps pour la résistance aux forces qui instrumentalisent les révolutions. Quand les dollars de l'étranger (et plus précisément des officines occidentales) pleuvent sur une révolution (ou lorsque les missiles de l'OTAN sont pointés sur vous), il vaut mieux l'interrompre et se rallier à une logique d'unité nationale quitte à reprendre la lutte nationale plus tard. C'est ce qu'une partie de l'opposition yougoslave avait compris à l'époque des bombardements. Mais il faudrait que les opposants le comprennent aussi quand les bombes se transforment en subsides. Et cette demande que l'on adresse aux oppositions nationales des "pays cibles" - tout en ayant peu de chances d'être entendue car ce genre de conseil "extérieur" est toujours trop facile à donner quand on vit dans des conditions bourgeoises en Occident - on est a fortiori fondé à l'adresser aux "internationalistes" occidentaux, qui, eux, sont beaucoup moins directement concernés par la situation des "peuples cibles" puisqu'ils n'en font justement pas partie. On est en droit de dire comme Bricmont, lorsque les dollars pleuvent : "Restez chez vous. Ne manifestez pas pour le National Endowment for Democracy".

Est-ce à dire que l'on se résigne à ce que les "pays cibles" soient à jamais soumis à des structures autoritaires ? Je ne le crois nullement. Au contraire, en ôtant à ces pays le complexe de la forteresse assiégée on leur donne des chances de s'assouplir progressivement (sans pour autant se rallier à l'Empire). Si les partisans des "révolutions oranges" en Occident, comprenaient cela plutôt que de céder aux émotions médiatiques, ce serait un grand bénéfice pour l'ensemble de la planète.

Les petits Etats (Brimanie, Syrie etc) comme les grands (Russie,Chine) sont des contrepoids régionaux parfois utiles. 

Ce sont des structures étatiques, donc nécessairement répressives à un certain degré comme l'est tout Etat, et d'autant plus répressives dans des pays où la tradition de la critique politique n'est pas très développée et repose sur une une base sociale très mince. D'autant plus répressive aussi, disons le, lorsque la base sociale qui soutient la critique est largement dépendante de la culture occidentale et de ses financements (les Alliances françaises, les ONG subventionnées par le National Endowment for Democracy ou USAID).

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Inventaire et contingences

26 Septembre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je relisais tantôt le commentaire que Maximilien Lehugeur (un intellectuel indépendant, exigeant et honnête pour lequel j'ai la plus grande estime) a bien voulu laisser sur ce blog et que je reproduis au bas de cet article. L'heure est aux inventaires à gauche : inventaire du communisme soviétique, des révolutions du tiers-monde, de la social-démocratie, du républicanisme jacobin. Devant la deferlante néo-libérale, il faut cet aggiornamento : pour que la gauche ne soit pas qu'une force conservatrice mais aussi une force de proposition et de changement.  

Il y a du vrai dans ce que dit Lehugueur sur le stalinisme. A vrai dire la principale faute de ce système fut son optimisme historique, à caractère presque religieux, masquant les impasses du bureaucratisme et de la mentalité féodale toujours présente en URSS. Pour autant il faut être réaliste. L'URSS avait-elle mille possibilités ? Le communisme soviétique aurait-il réellement être plus intelligent qu'il ne le fut sans risquer de s'effondrer ? et d'ailleurs intelligent de quel point de vue ? du point de vue des intellectuel ou de celui-ci des ouvriers ? laquelle de ces deux formes d'intelligence doit guider un régime ? Une URSS plus inspirée par Fourier aurait-elle envoyé des satellites dans l'espace ? Et envoyer des satellites dans l'espace pour forcer les USA à conquérir la Lune n'est il pas un fier service rendu à l'humanité ? Ne dira-t-on point que ce fut le plus grand service, le jour où l'humanité quittera le système solaire à la veille de son implosion ?

J'ai écrit un bouquin sur la contingence historique "Tout aurait pu se passer autrement" qui dort en ce moment dans le tiroir d'un comité de lecture en banlieue parisienne. Le cours de l'histoire tient à peu de choses : des hasards, des volontés. En même temps la combinaison des structures limite quand même le champ des possibles. Notre regard sévère sur le communisme soviétique n'est-il pas une illusion rétrospective ?

F. Delorca


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"j'ai lu ton Duclos et vu la vidéo ...  en fait j'ai peu de choses à dire, c'est intéressant, mais je ne vois rien à ajouter d'original pour ma part. Sans être communiste ni avoir jamais été marxiste, mais comme toi "marxien" si on veut (Aron dirait qu'on finasse dans le genre des "marxismes imaginaires", mais j'entends ça au sens de Sartre, Michel Henry et surtout de Jean Beaufret: penser que le matérialisme est une ontologie absurde et au moins aussi dogmatique que le spiritualisme idéaliste ou le christianisme ... de la "métaphysique", mais que le Capital est une phénoménologie du travail industriel et de la production de la valeur, qui garde sa pertinence, mais a besoin d'autres bases philosophiques que le déterminisme absolu ou ambigu du type althusserien comme le vague "en dernière instance"... Je pense que c'était le sens du travail du regretté Gérard Granel), je crois aussi que la disparition de la référence au marxisme dans le champ théorique est une catastrophe, orchestrée par des courants nihilistes "néo-libéraux" et le Capital commercial aliénant. La lecture des manuels d'histoire est à ce sujet édifiante: les scientifiques sont dispensés de notions d'économie politique et de critique du capitalisme, tandis que le "cours" (objectif) tend à faire du système un résultat d'évolution et la forme unique de l'économie; certes on mentionne les problèmes sociaux et les inégalités criantes, on parle de ceux qui contestent ce système, mais au fond le réformisme (entre un Jaurès mou et Keynes pragmatique et libéral de centre-gauche) apparaît comme la solution (avec le New Deal) face aux "totalitarismes". Quant aux 1ère de la filière dite "Sciences économiques et sociales", ils savent à peine définir (la faute au manuel) la croissance et la crise, et les révolutions industrielles se font presque sans relation avec une dynamique capitaliste: "l'âge industriel" est présenté sous sa forme technique, ses problèmes de crise économique et de manque de régulation, mais les structures économiques et le Capital sont quasi-absents! il y a sans doute là une responsabilité de l'Ecole des Annales, qui a privilégié le concret empirique, la vie quotidienne, le vécu, etc. et éliminé plus ou moins l'analyse des déterminations systémiques. Evidemment l'Inspection a suivi: ravie d'avoir une caution à la purge idéologique des manuels. Et quand on voit qui signe certains de ces ouvrages, on comprend la cohérence de
cette présentation lénifiante. Un "complot" si on veut (et pas besoin de se réunir dans un sous-sol pour cela). Avec l'aide, en partie, des communistes eux-mêmes: entre connerie stalinienne dogmatique (diamat) et réformateurisme décérébré qui jette le bébé avec l'eau du bain ... Il faut dire que le stalinisme a commis non seulement des crimes, mais a dégoûté le peuple de la révolution et du socialisme par une application réductrice et castratrice de la "libération" socialiste: négation de la poésie de la vie et scientisme/objectivisme partout, discours plat répétitif écoeurant d'absurde et de dénégation (le Novlangue du "1984" d'Orwell), nomenklatura hypocrite aujourd'hui reconvertie dans la privatisation maffieuse des économies de l'Europe de l'est. En ce sens, il est utile de relire Proudhon (Marx a été parfois injuste à son égard) et Fourier. Mais je réagis trop rapidement"

M. Lehugeur
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Quid de la "rentrée sociale" ?

22 Septembre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Comme je le signalais dans mon article sur les "intellectuels critiques", je publie cette rentrée un opuscule intitulé "Programme pour une gauche française décomplexée", histoire de participer un peu, à mon modeste niveau, au combat pour la liquidation du néo-libéralisme en Europe. programme-pour-une-gauche-plus-petit.jpg

La société française va mal. Cela va sans dire : à la base, évidemment, avec les difficultés économiques et culturelles des gens (et, par delà ces difficultés, l'enlisement généralisé dans un système de consommation et de gaspillage qui désespère profondément les gens, même s'ils n'en ont pas toujours conscience) ; au sommet, parmi les élites, avec cette disparition totale des cadres politiques traditionnels (l'effacement des bases conceptuelles de l'opposition/droite), et l'américanisation de notre façon de fonctionner (le ralliement de tous, y compris des hauts fonctionnaires, au productivisme, à l'individualisme, au communautarisme, à la contractualisation, au règne du "marché", c'est-à-dire du fric, contre la religion traditionnelle de l'Etat).

Tout ceci est épouvantable, et le pire c'est que cette abominable mayonnaise pourrait bien "prendre", en France, comme d'ailleurs sur tous les continents. Je veux dire qu'il n'est pas à exclure qu'un "homo néoliberalis" naisse, comme étape nouvelle et modification anthropologique de l'homo sapiens, un danger pire que celui de l'homo sovieticus dénoncé dans les années 1980 par Zinoviev en Russie (lequel d'ailleurs est devenu depuis lors un antinéolibéral farouche). Oui, l'homme asservi au marché, à l'inégalité et à la mentalité "concurrentielle" (la lutte de tous contre tous) pourrait bien être l'horizon inéluctable de notre monde.

Nous devons nous y opposer. Lorsqu'on voit les Russes, les Latino-américains, et tant d'autres peuples (chacun à leur manière, et d'ailleurs souvent non sans erreur, on pourrait y revenir) tenter de se protéger de ce mouvement, on se dit que tout n'est pas perdu. Mais force est de constater en tout cas qu'en France, les derniers bastions de la résistance s'effritent.

Passe encore que le PS ne soit pas en état de résister (depuis longtemps au moins une bonne moitié de ses militants sont sur une pente "blairiste"). Mais que la petite bourgeoisie d'Etat (les petits et moyens fonctionnaires) qui constitue le socle de la gauche de la gauche (PC-Verts-LCR-LO et autres) depuis la victoire du "non" au Traité constitutionnel européen, ne parvienne pas à s'unifier ni à proposer une réponse cohérente à l'offensive néo-libérale, voilà qui est très préoccupant.

Il manque peut-être l'homme providentiel qui pourrait cristalliser une "envie" de rupture avec le libéralisme comme l'a fait Chavez au Venezuela (un très bon article d'un chercheur philippin sur http://www.focusweb.org/le-radicalisme-militaire-v-n-zu-lien-un-mod-le-pour-les-autres-pays-en-voie-de-d-veloppe.html?Itemid=26 montre que Chavez fait sa révolution avec des bouts de ficelles : l'armée, les missions de médecins cubains - la personnalité du leader compte pour beaucoup dans la dynamique). On peut regretter que nous ne fonctionnons pas comme les sociétés protestantes dépersonnalisées, mais dans notre univers latin, les subjectivités comptent beaucoup pour faire avancer les choses...

A défaut d'un homme providentiel, on rêve d'un mouvement social spontané comme en 1995. Mais en voit-on s'esquisser les contours ? La rentrée sera un test. On peut espérer une mobilisation des cheminots sur les régimes spéciaux, des enseignants et étudiants sur la réforme des universités, des fonctionnaires d'une manière générale sur les suppressions de postes et les conditions de travail de plus en plus déplorables. Que tout cela fasse boule de neige, que la défense du service public revienne au devant de la scène (préalable ensuite à une réflexion réellement de gauche sur une société d'égalité, de liberté et de fraternité).

Mais ce pari sur l'avenir n'est pas gagné d'avance. Les fonctionnaires et employés du secteur public, qui sont le noyau dur à partir duquel la résistance au libéralisme s'organise en France, ont été très rudement attaqué ces dernières années. Les mouvements sociaux de 2003 n'ont rien donné. La débandade des appareils politiques à gauche de la gauche après la victoire du "non" au référendum, et le grand Sarkozy-show (la grande entreprise de démantèlement des structures républicaines de la France) ont profondément atteints les grévistes potentiels. Peuvent-ils retrouver de la force ? Hier des policiers ont frappé des syndicalistes gare du Nord (http://www.challenges.fr/depeches/france/20070921.REU2410/heurts_entre_grevistes_et_policiers_gare_du_nord_a_pari.html). Dans la France actuelle où la police a les coudées franches (Amnesty international l'a dénoncé récemment), il faut non seulement être prêt à perdre son salaire dans des grèves, mais aussi prêt à se retrouver à l'hôpital sous les matraques de la police pour défendre les intérêts des salariés. Les fonctionnaires et employés du secteur public le peuvent-ils encore ?

Pourtant on voit bien que cette action à la base est nécessaire. Nécessaire pour renforcer le courant de gauche au sein du parti socialiste et/ou les possibilités unitaires à gauche du PS. Nécessaire aussi pour renforcer au sein de l'appareil d'Etat les forces qui, sans être de gauche, peuvent être encore hostiles à l'américanisation et au Sarkozysme (je pense à certains responsables d'administrations, certains diplomates, dont l'esprit de résistance s'exprime par exemple à travers la voix de Villepin). 

Les mois qui viennent seront décisifs à cet égard.

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Vont-ils bombarder l'Iran ?

20 Septembre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je lis de nombreuses spéculations sur la question d'une éventuelle attaque contre l'Iran en ce moment. Les gens ne comprennent pas bien. Cela fait deux ou trois ans qu'on ne sait pas trop si Bush se retournera contre l'Iran ou pas. On se perd en conjectures. Aujourd'hui un type sur le blog de Mélenchon disait même que la France n'attaquera pas l'Iran parce qu'elle s'est réconciliée avec Kadhafi, comme si Kadhafi, nouvellement rallié aux Occidentaux, allait les priver de son pétrole pour quelques bombes sur Téhéran...

Il est vrai que le suspense sur les intensions de Bush et de ses alliés (y compris maintenant Sarkozy) traîne en longueur.

On voit bien les données de l'équation.

Une puissance musulmane importante à l'échelle régionale : l'Iran. Non alignée depuis Khomeiny. La France lui a transféré des technologies nucléaires à l'époque du Shah (dans les années 1970 la politique de dissémination du nucléaire dans le monde musulman obéissait à des considérations purement mercantilistes, elle faisait partie du colbertisme français comme la construction du TGV, quoiqu'on se soit évertué à y voir un reliquat du gaullisme).  Rien n'indique qu'elle veuille en faire un usage militaire (quoique la détention de l'arme atomique par Israël l'y autoriserait).

Le régime des mollahs n'est pas très sympathique à l'étranger, cela aide à des campagnes hystériques de diabolisation (avec notamment des délires complets sur la personnalité d'Ahmadinejad qu'on présente comme un fou, ainsi qu'on le fit autrefois à tort de Milosevic, Saddam Hussein, plus récemment Hugo Chavez, et tant d'autres). 

En principe tout est prêt pour une opération militaire - ô, certes pas une intervention terrestre, car l'Irak a servi de leçon, mais des bombardements oui.

Mais cela ne se fait pas. Voilà deux ans que les menaces planent, comme suspendues dans le néant. Parfois on a l'impression que Washington veut se décharger de ce "boulot" sur Israël (après tout Israêl a bien mené une mission aérienne très louche en syrie récemment). John Bolton, ex ambassadeur états-unien, a encore dit récemment que la Maison blanche soutiendrait une attaque préventive en Iran (http://rawstory.com//news/2007/Bolton_US_would_support_preemptive_Israeli_0918.html). Mais l'idée n'avance guère.

Les hésitations perdurent. On a dit que c'était parce qu'au sein de l'Establishment américain certaines personnes (notamment des gens liés à l'Irangate) conservaient des connexions avec l'Iran. C'est douteux.

On a supposé aussi que Washington redoutait la fermeture du détroit d'Ormuz et son impact sur le cours du pétrole déjà élevé (mais il n'a pas craint de faire la guerre à l'Irak malgré la pression sur le prix du baril). On prétend que l'administration Bush craint la flambée de violence chez les Chiites au Liban, dans le Sud de l'Irak. Bricmont a raison de minimiser ce risque, car c'est le genre d'épouvantail que les médias dominants agitent pour mobiliser l'opinion occidentale contre un ennemi prétendument puissant (pendant la guerre du Yougoslavie on parlait aussi d'un possible engagement russe et ukrainien derrière Belgrade, et ce n'est jamais arrivé).

Certains avancent aussi l'argument financier : les bombardements coûtent cher. Mais la Maison blanche finance des occupations militaires de Port au Prince à Kaboul avec le déficit public couvert par l'endettement extérieurs (et les bons du Trésor vendus à la Chine), c'est un système keynésien qui tourne bien : c'est l'étranger qui finance les guerres américaines, et l'Amérique vit de ses guerres.

Il semble en vérité que les hésitations à bombarder l'Iran proviennent plutôt avant tout du constat fait par les militaires états-uniens selon lequel il ne sert à rien de bombarder un pays s'il n'y a pas, derrière, la possibilité de renverser son gouvernement. Les installations nucléaires en Iran ne sont pas centralisées en un seul point, et elles sont difficiles d'accès. Le bombardement soudera la population autour du gouvernement, comme il l'a fait dans l'affaire yougoslave, et ne fera que discréditer davantage les Etats-Unis dans le Tiers-monde, mais n'atteindra pas sérieusement les centres nucléaires.

Une partie de l'establishment américain n'est pas très enthousiaste - cyniquement ils préfèreraient qu'un plan de renversement du régime iranien soit d'abord mis en place - avant d'envoyer leurs avions. C'est aussi le raisonnement que tiennent certains alliés européens (la direction de Total, les industriels allemands). D'aucuns pensent même que l'Iran peut encore jouer un rôle de stabilisation en Irak, en Afghanistan, et ne sont donc pas chauds pour l'aventure militaire.

On a le sentiment que les arguments en faveur de la guerre contre l'Iran proviennent surtout des milieux sionistes (y compris les sionistes évangélistes) travaillés par une paranoïa irrationnelle autour de la protection d'Israël. Et puis il y a ce ressort de virilité au fondement de toute puissance : faire une démonstration de force militaire, pour montrer qui est le plus fort, juste cela, et tenir ainsi les autres en respect. Après l'échec face au Hezbollah, les israëlo-américains ont besoin d'un nouveau coup d'éclat, et les petits esprits mesquins à la Sarko-Kouchner comme naguère Blair s'apprêtent à les suivre. Rien de très reluisant somme toute.

Il faut s'opposer fermement à cela, même si l'on n'éprouve aucune sympathie pour le régime des mollahs. S'opposer pour des questions de morales : parce que des bombardements feraient des morts civils, détruiraient des infrastructures, déstructureraient l'économie iranienne, et donc anéantiraient l'avenir des plus pauvres. Parce que bombarder c'est toujours la façon la plus lâche de faire la guerre. Parce que bombarder l'Iran ce serait humilier un peuple, et bombarder à travers lui tout le monde musulman, tout le tiers monde, alors que la grande bourgeoisie bien pensante d'Amrique, d'Europe et d'Israël continuera de plastronner, enlisée dans son immonde ineptie. Et pour des raisons politiques : parce que ne rien faire contre les bombardements, c'est accepter un monde sans alternatives politiques, un monde d'Ancien régime, où le Tiers-Etat - le Tiers-monde - se voit dénier tous les droits, y compris celui d'avoir sa propre énergie tant que les patrons du Nord ne l'y autorisent pas. S'opposer au bombardement  de l'Iran est vital pour l'humanité, parce que le non-alignement de l'Iran - quoi qu'on pense de ses dirigeants - est utile à l'équilibre du Proche-Orient, et à l'équilibre du monde. Ce n'est pas un hasard si l'Afrique du Sud, pays qui s'est opposé récemment à l'installation d'un commandement militaire américain sur le continent noir, pays symbole d'une lutte pour la justice et l'égalité entre les peuples, a fermement condamné aujourd'hui les propos de Kouchner à propos d'une guerre contre l'Iran (http://www.africatime.com/afrique/nouvelle.asp?no_nouvelle=350180). 

Toute personne qui tient tant soit peu à l'équilibre de l'humanité doit faire obstacle autant qu'elle peut au bellicisme de la petite "élite" qui dirige notre monde, aujourd'hui contre l'Iran, demain contre d'autres pays.

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NB : Pour info, l'analyse gaullienne de la situation du Proche-Orient sur http://www.dailymotion.com/video/x31awo_de-gaulle-la-vision-gaullienne-du-p_politics
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Affaire de style

20 Septembre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Le militantisme, c’est une affaire de fond, bien entendu, mais aussi de forme, de style. Ma culture nietzschéenne, bien que je l’aie en partie reniée, me fait lier les deux.

 

Prenez le cas de certains responsables du Monde Diplomatique en France par exemple – ne citons pas de noms pour ne froisser personne - les « élites » de l’engagement intellectuel à la française. Leur style ne me dit rien qui vaille. Universitaire, coupé du réel. L’université dans ce qu’elle a de pire : la fac de lettres « post sixties », les sciences sociales molles, l’amour des beaux mots, des idées à la mode. L’un d’eux était à la Fête de l’huma dimanche : jamais des arguments très construits, des chiffres qu’on avance sans vérifier à quoi ils correspondent, sans les comparer. Montaigne parlait du « mol oreiller » du doute ; ces gens là vivent sur le mol oreiller des certitudes : certitude d’incarner le bien, le beau, le noble. Ils seraient presque platoniciens – sauf que Platon, lui, était un véritable combattant qui a pris des risques très sérieux (lisez à ce sujet Plutarque : la Vie de Dion). Les Chinois, si j’en crois François Jullien, affirment qu’à trop vouloir pérenniser sa vie on échoue à la faire durer. De même ceux qui croient détenir la noblesse finalement la laissent glisser entre leurs doigts.

 

Les militants qui m’impressionnent sont ailleurs. Je l’ai souvent dit : j’ai un faible pour l’extrême gauche américaine. Ma « conversion » à l’anti-impérialisme en 1998 sur la question yougoslave, je la dois moins à mon correspondant serbe qu’au texte qu’il mit sous mon nez : « The Bosnian tragedy » de Sara Flounders, une communiste américaine. Même si certaines de ses affirmations peuvent être critiquées, la rigueur que cette femme mettait dans l’égrainage des faits (avec toujours une note de bas de page pour justifier ses dires) et cette obstination dont elle faisait preuve sur chaque étape du récit de la guerre de Bosnie à répéter « On vous a mentis, les choses ne se sont pas passées comme on vous l’a dit ». C’était très impressionnant. Je voyais en Sarah Flounders la digne héritière des puritains anglais et américains dont Michaël Waltzer dit qu’ils ont inventé la politique radicale moderne (avec les techniques d’engagement et l’éthique qui vont avec). On trouve ça aussi chez Chomsky et dans sa mouvance. En 2003, peu après la guerre d’Irak, j’ai entendu à Paris en conférence Bill Doares, qui est de l’association de Sara Flounders (l’International action center). C’était la même rectitude. Des affirmations tracées à l’équerre. Cet homme était un roc inébranlable. Je sais bien que cette force assertorique, si hermétique à la nuance, peut être très dangereuse, mais elle n’est certainement pas superflue quand on doit affronter des forces aussi puissantes que l’Establishment américain.

 

En 1998 j’ai envoyé le texte de Flounders (qui est accessible sur Internet - http://www.iacenter.org/bosnia/tragedy.htm) à une collaboratrice du Diplo (positionnée sur un sujet clé à l'époque) qui ne m’a jamais répondu – et ne m’en a jamais reparlé lors de nos rencontres. Il est vrai qu’elle ne croyait pas en l’objectivité de la vérité factuelle (ça va avec le côté fac de lettres). Beaucoup de gens du Diplo, au temps des guerres de religion, se seraient sans doute tenus du côté d’un certain scepticisme catholique. 

 

J’aurais presque envie, à ce stade, d’ouvrir une parenthèse sur les observations de certains auteurs sur les dangers du dogmatisme protestant depuis cinq siècles. J’ai découvert par hasard que l’historien Marc Ferro ne serait pas loin de lui donner raison. Mais c’est sans doute une vision trop catholique des choses. Fermons la parenthèse.

 

En dehors de mon admiration sans borne pour les inflexibles prédicateurs de la gauche anti-impérialiste anglo-saxonne, je porte très haut, ici en France, le style de gens comme Birino. Le pauvre a eu beaucoup de problèmes auprès d’intellectuels de gauche, il y a quelques années à cause des relations d’un sien ami universitaire. Un procès assez injuste d’après ce que je puis en connaître. Par ailleurs, et surtout les tenants de ce que Bourdieu appelait la « pensée Sciences Po » se sont mis à ses trousses récemment, montant une dure attaque contre lui, ce en quoi il faut voir l’hommage du vice à la vertu. C’est donc un intellectuel exposé et qui ne s’avance pas sur le forum drapé dans une toge bordée de pourpre.

 

Ce qui est admirable chez cet homme c’est son énergie débordante, qui lui fait participer une année à un livre sur le Soudan, l’autre à un ouvrage sur la Syrie, la suivante à un travail collectif sur l’Irak. Les gens d’Europalestine disaient il y a quelques années : « On appuie là où cela fait mal. On mord aux jarrets ». La phrase s’applique tout à fait à Bruno Drweski. A la différence des anglo-saxons qui puisent leur énergie dans une sacralisation du combat et de la rectitude, Bruno Drweski semble trouver la sienne dans le rire. Je le vois souvent prendre avec infiniment d’humour ce qu’il apprend, aussi bien des aberrations du système impérialiste que de certaines faiblesses de ceux qui lui résistent. Il y a quelque chose de dionysiaque dans la manière dont cet homme mène ses luttes. Et il le fait surtout sans aucune prétention, ni complaisance narcissique. C’est ce qui le rend efficace, et infiniment fiable.

Indubitablement l’avenir appartient à des gens comme lui. Et il en faudrait plusieurs milliers. 

F.

PS : Pour info une vidéo de S. Flounders 

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Fête de l'Huma

13 Septembre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je fais un saut à la Fête de l'Humanité samedi après-midi (à 14 h au stand du Temps des Cerises avenue S. Allende, à 15 h au stand du même éditeur au Village du livre). J'y signerai des Atlas alternatifs, et peut-être un petit pamphlet qui est actuellement chez l'imprimeur. Affaire à suivre...
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