Articles avec #billets divers de delorca tag
Divisions
M. de Villepin revient sur le devant de la scène, et critique l'alignement de la France sur les Etats-Unis. Alors que la gauche parlementaire reste muette et inexistante sur la politique internationale (un de ses membres est d'ailleurs ministre des affaires étrangères).
Bien sûr M. de Villepin le fait d'une manière qui ne peut pas plaire à des progressistes : avec Napoléon en bandoulière (il s'est dit inspiré par l' "aigle napoléonien qui 'sait tomber avec hauteur' " - http://2villepin.free.fr/index.php/2007/09/06/504-dominique-de-villepin-hausse-le-ton-contre-nicolas-sarkozy). Sur Napoléon il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire - à la fois l'empereur-citoyen qui prolongea à Austerlitz le geste de Valmy, et le tyran qui rétablit l'esclavage aux Antilles, et refusa d'abolir le servage en Russie...
Mais il se peut que la seule chance pour empêcher l'alignement de la France sur la Maison Blanche, tient dans cette possible recomposition au sein de la droite (et des couches supérieures de l'appareil d'Etat) d'une tendance gaulliste, derrière de Villepin, ou derrière quelqu'un d'autre. Les divisions de la majorité pouvant seules ralentir la triste dérive de la politique française.
Les héritages
Je discutais récemment avec une amie psychanalyste des héritages transgénérationnels. Ce sont des phénomènes étranges. Beaucoup de gens ne font rien de leurs héritages ou les renient : comme par exemple mon père, fils d'un Républicain espagnol, il est devenu apolitique, asocial et ne s'intéresse pas du tout à la guerre d'Espagne.
D'autres les fourvoient complètement : exemple Jean-Marie Cavada, fils de républicain espagnol, lui aussi, devenu un bon agent du système (qui notamment fait voter la résolution anti Chavez au parlement européen où il est député).
Les héritages (et les traumas qui vont avec) sont durs à porter, et parfois difficiles à "cadrer" avec les possibilités qu'offre une société à un moment donné.
Moi-même je me demande ce que serait devenu mon propre héritage républicain espagnol si je n'avais pas croisé la Yougoslavie sur mon chemin, et, surtout la médiation, à l'époque, d'un jeune belgradois qui s'appelait Andrej et qui était lui aussi un héritier, puisque son grand père, ancien ministre des affaires étrangères de Tito, avait été volontaire dans les Brigades internationales en Espagne en 1936-39...
Le milieu anti-impérialiste en 2000 (qui était plus restreint qu'aujourd'hui) était rempli de gens qui portaient le devoir de perpétuer des combats familiaux héroïques. Je repensais il y a peu à une amie grecque quiquagénaire que j'ai connue alors. Elle était très active sur la Yougoslavie, mais aussi au sein d'Attac. Je l'ai interviewée un jour, sur le site internet que j'avais à l'époque. Son père était communiste et elle avait les larmes aux yeux quand elle parlait de son combat, de son exil à travers les montagnes grecques quand les Anglais ont imposé leur propre régime à Athènes, alors que le PC à deux doigts de prendre le pouvoir était lâché par Staline.
En 2003 j'ai interviewé une autre "héritière" de combats du XX ème siècle, une activiste italienne, communiste, fille d'un journaliste militant. Je pourrais citer aussi David Graeber, l'anthropologue anarchiste américain, dont le grand-père fut aussi membre des Brigades internationales. Je m'intéressais beaucoup à la manière dont ces gens "actualisaient l'héritage". Souvent le poids du passé famial se combinait à des besoins de libération ou de revanche sociologiques : pas étonnant que ces combattants aient souvent été des femmes (dominées par le machisme de notre monde) ou des fils d'ouvriers comme Graeber et moi.
A côté de ces gens issus de milieu socialement "dominés", ou dominés du fait de leur genre, il y avait aussi (et il y a toujours), des fils de "dominants politiquement hérétiques" ou de "dominants rendus hérétiques par le système", comme Bricmont, Johnstone, Collins, qui eux aussi ont de ce fait un héritage "particulier" à assumer.
C'est une dimension que George W Bush, Clinton, Jospin, Chirac, Sarkozy, ne peuvent pas comprendre. Ils croient pouvoir endormir les gens avec la propagande, mais ils doivent composer avec le fait que dans ce monde il y a encore des tas d'orphelins des révolutions et des combats du passé, qui essaient d'en faire quelque chose au service de l'intérêt cimmun.
J'ai revu en juillet à l'Espace Ishtar un film où Chavez parle de son grand père qui était combattant dans les troupes de Zapata. Souvent les combats sautent une génération. Les enfants crachent sur l'héritage, et ce sont les petits enfants qui essaient de comprendre et de donner du sens.
Mon amie psychanalyste qui s'intéresse à la transmission des traumatismes liés aux guerres (elle m'a notamment parlé du livre "Histoire et Trauma, la folie des guerres" de Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillière, que je ne connaissais pas), m'écrit : "La plupart des gens refusent de faire ce type de liens (avec les héritages historiques) en fait, si leurs parents proches ont masqué le passé, ou banalisé etc..., ce déni familial persiste. Cela remonte toujours quand on ne s'y attend pas et souvent de façon déguisée". Elle-même attribue sa réaction très forte aux bombardements sur Bagdad en 1991 à une réminiscence des bombardements de Bilbao vécus par sa mère. Je me méfie de nombreuses hypothèses de la psychanalyse, mais il est clair qu'il ne faut pas sousestimer cette face obscure de la transmission.
The Emperor's new clothes
Sur B 92 William Montgomery, ex ambassadeur, imagine déjà George W. Bush à la retraite dans quelques années expliquant aux médias ce qu'il aurait fallu faire pour gagner en Irak ("I am absolutely positive that five years from now, a retired President Bush will be giving interviews saying that if only we would have stayed the course, the situation in Iraq would have been much better"- http://www.b92.net/eng/insight/opinions.php?nav_id=42617). L'AFP ce soir met l'accent sur les bonnes performances d'Hillary Clinton dans la pré-campagne démocrate (cf une dépêche ce soir "Débat après débat, la sénatrice et ex-Première dame Hillary Clinton, met en évidence la solidité de sa candidature à l'investiture démocrate en 2008, une course de fond où elle continue de creuser l'écart").
Nous allons bientôt voir l'empereur dans ses nouveaux habits. Le retour de l'impérialisme subtil, souriant, à la Bill Clinton, celui des Etats-Unis des années 1990. Plus difficile à combattre dans un sens que le mysticisme borné et arrogant de l'administration Bush. Plus dangereux aussi, plus pernicieux. Il va falloir s'y préparer.
-----------------
PS : De ce point de vue là, je suis totalement en désaccord avec les propos du viel ex- sous-secrétaire au Trésor de Reagan Paul Craig Roberts qui circulent sur Internet (dixit Novosti http://fr.rian.ru/world/20070720/69339675.html) selon lesquels Bush pourrait proclamer l'état d'urgence pour attaquer l'Iran. A mon avis Bush peut attaquer l'Iran sans cela, en s'appuyant sur les medias et sur un consensus parti républicain/aile droite du parti démocrate (H. Clinton se rallierait sans problème à une telle attaque), sans prendre le risque de passer pour un dictateur (sauf évidemment cataclysme de dernière minute). Certes il est possible en effet que l'armée soit très lasse des conquêtes (ce pourquoi d'ailleurs l'Iran a été épargnée jusqu'ici) mais on ne voit pas bien pourquoi Bush tenterait un bras de fer avec elle. Je crois que l'époque actuelle est plus propice à la démocratie télégénique souriante qu'aux tentatives de putsch. C'est d'elle qu'il faut se méfier plus que des réflexes autoritaires de Bush. Et c'est peut-être sous le sourire d'Hillary Clinton que Washington bombardera Téhéran.
L' "ambition" sarkozyste
""Ambitieuse" pour la France, afin qu'elle soit "de retour" sur le terrain des droits de l'Homme, la secrétaire d'Etat Rama Yade souhaite "en finir" avec "l'arrogance française", en recensant toutes les condamnations du pays par la Cour européenne des droits de l'Homme." ainsi commence la dépêche AFP datée du Lundi 23 juillet, 22h48 sous le titre "Rama Yade souhaite "en finir" avec "l'arrogance française".
La définition sarkozyenne de l'ambition pour la France, c'est donc de faire passer le pays sous les fourches caudines d'une convention qui promeut une vision anglo-saxonne des droits de l'homme (et notamment une définition des droits des langues minoritaires très favorable aux communautarismes). Certes les droits des minorités sont importants, et la convention européenne des droits de l'homme, dont la cour européenne est la gardienne, malgré tous ses défauts (la référence aux droits à la vie familiale avec ses relents très chrétiens, très "Centre Européen de la Culture" de 1950 par exemple) n'est pas entièrement à jeter à la poubelle, mais se fixer pour "ambition" une autoflagellation collective devant ce texte (ou devant George W. Bush comme le fit naguère M. Sarkozy) ce n'est pas faire preuve d'un grand amour de son pays...
Récits de voyages
Encore deux comptes-rendus de lectures que je viens de publier sur Parutions.com : l'un porte sur un carnet de voyage de Malraux, l'autre sur un livre beaucoup plus d'actualité relatif à la Syrie et paru au Temps des Cerises :
- http://parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=96&ida=8365
- http://parutions.com/index.php?pid=1&rid=6&srid=63&ida=8364
Derniers CR de Parutions.com avant un mois.
Veille de départ
Période assez intéressante. Je publierai à la rentrée un petit pamphlet au Temps des Cerises, et m'apprête à partir en voyage en Transnistrie lundi avec le Dissident et Mick Collins. J'en suis ravi car le sujet m'intéresse : à l'heure où se négocie l'indépendance du Kosovo, nous avons là un Etat structuré, homogène, qui peut prétendre aux mêmes prérogatives que ce que Washington veut faire de l'Etat albanais de Serbie. L'association russe Trans-European Dialogue nous invite à y constater la situation et notamment la protection des droits sociaux (car cette enclave a conservé un fort héritage soviétique). Certains disent d'elle que c'est la "Cuba de l'Europe". Par delà les rumeurs occidentales malveillantes sur son compte, je voudrais voir comment les gens y vivent.
Le député socialiste polonais, candidat à l'élection présidentielle en 2000, Piotr Ikonowicz sera de la partie avec un cinéaste paraît-il. Il y aura aussi des Allemands. Tous cela sera sans doute très instructif, et je me prépare à écrire de longues pages sur le sujet.
Je suis particulièrement content de prendre l'avion Paris-Varsovie (nous retrouverons le Dissident en Pologne avant de rejoindre Odessa) avec le dramaturge états-unien Mick Collins. C'est un homme formidable, résistant anti-impérialiste de toujours qui rend en ce moment des services inestimables à l'Atlas alternatif et, à 63 ans, fait preuve d'un dynamisme que ses cadets français n'ont pas. J'espère que nos témoignages sur la vie à Tiraspol aideront à comprendre des aspects méconnus de la réalité européenne.
Affaire à suivre...
Philosophie bourgeoise
Dialogue avec un ex-prof de philo devenu bureaucrate aujourd'hui. Nous parlions du film sur Vergès, et du combat de Jamila Bouhired.
Lui : "Mais c'est horrrrrrrrible. Elle a commis des attentats qui ont tué des gens !!!
Moi - Parfois la violence se justifie face à une situation coloniale intolérable.
Lui (rigolard, arrogant) - Mais tout ça pour ça, pour ce qu'est devenu l'Algérie !
Moi - Oui, elle est devenue un client du FMI, mais peut-être justement parce qu'il n'y avait pas assez de Jamila Bouhired dans ce pays !
Lui - Alors si le choix c'est entre le fanatisme et la corruption moi je dis joker !".
En écoutant parler ce pauvre homme, encroûté dans son train train quotidien, j'ai compris pourquoi je devais me défier de la philosophie, ou du moins de l'usage que notre époque en fait. Passe encore qu'il confonde adhésion au FMI et corruption (l'adhésion au FMI c'est la compromission avec le néo-colonialisme, une réalité différente de la corruption). Mais le pire était ce raccourci incroyable entre résistance armée au colonialisme et fanatisme.
"Fanatique" pourquoi ? parce qu'elle tuait, dans les discothèques, des bourgeois européens insouciants qui jouissaient en tout inconscience du système colonial sur le dos de son peuple ? parce que l'être humain civil est par nature un innocent même s'il se complaît dans sa fatuité sotte, et cautionne par ce comportement les systèmes sociaux les plus horribles ?
"Fanatique", en vérité, parce que cette femme avait des certitudes, parce qu'elle a poussé le sens de la dignité jusqu'à tuer, voilà ce que lui reprochait en fait le bureaucrate, qui lui-même se définit comme un "tiède". Dans la tiédeur rampante de cet homme, celle qui le fait tous les jours ployer devant des chefs médiocres, et adhérer aux pires absurdités du système dominant (dans son boulot, en politique), se glisse une arrogance qui en aggrave l'abjection : celle du philosophe (ou de l'ex-philosophe) qui se croit supérieur, parce que lui a le sens du doute, ce que ces "fanatiques" sont censés ne pas avoir.
Je le dis toujours : la guerre du Kosovo fut mon école politique. Au début, en juillet 1998, j'étais moi aussi un bureaucrate, et je me prétendais philosophe. Et, contre mon correspondant serbe qui proclamait que la Serbie ne commettait pas de génocide au Kosovo et que tout cela n'était qu'une manipulation des grandes puissances contre son pays, j'objectais, moi aussi, le principe arrogant du doute. Skeptomai. Mais j'ai très vite compris qu'il fallait aussi savoir trancher, hiérarchiser les arguments, les témoignages, et placer certaines valeurs, comme la vérité, la dignité humaine, la justice, le courage au centre de tout, et au dessus du doute.
Je n'ai plus supporté ensuite, tous ces pauvres ignares qui, parce qu'ils lisaient Le Monde chez eux le soir, se croyaient supérieurs aux autres, et, devant mes convictions anti-systèmes s'exclamaient : "que diable as-tu fait de ton doute philosophique !". Ces gens déshonoraient la philosophie. Qu'on relise la Vie de Dion ou celle de Caton d'Utique de Plutarque. Et l'on verra comment les vrais philosophes placèrent les valeurs supérieures de l'humanité au dessus du doute.
Jamila Bouhired s'inscrivait dans leur lignée, dans le sillage de Socrate. Et mon bureaucrate arrogant stupide, avec son doute de pacotille adapté aux intérêts de sa caste, est dans le camp de ceux qui fournissent la ciguë.
Laure Adler et Gilles Châtelet
Lu dans Libération du 12 juin, le compte-rendu du procès d'Antoine Lubrina, ex-instituteur à Fleury-Mérogis, membre fu PCF, président du Rassemblement des Auditeurs Contre la Casse de France-Culture, accusé par Laure Adler (ex directrice de France Culture) de l'avoir représentée en caricature portant sur une pancarte l'écriteau "Vivre et penser comme des porcs" (http://www.liberation.fr/forums/forum.php?Forum=621). Libé explique que la docte directrice n'avait jamais entendu parler de ce brillant essai du regretté Gilles Chatelet et a pris la caricature pour une insulte ad hominem. L'ACRIMED soutient le combat d'Antoine Lubrina - un habitué des procès pour les causes de gauche http://www.conflits.org/document1584.html#ftn5 - contre l'entreprise de sabotage de la radio du Service public, France Culture - entreprise dont Laure Adler, selon lui n'aurait été qu'une exécutante (www.acrimed.org/article2377.html et http://www.broguiere.com/culture/chronique.htm).
Voilà en tout cas l'occasion de rappeler l'oeuvre de l'impertinent mathématicien trop tôt disparu. Bizarrement le journal Libération complimente au passage l'essai de Châtelet qu'il qualifie de "féroce et réjouissant" en omettant qu'il fait partie de la cible de ce livre...