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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #billets divers de delorca tag

Crossroad

8 Juin 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je suis tout à fait bluffé en ce moment par l'arrogance des gens de droite et du centre (y compris l'aile droite de parti socialiste) à l'égard des forces de gauche. C'est un mélange de méchanceté, de conformisme, de lâcheté, de malhonnêteté et de bêtise qui fait froid dans le dos. Mélenchon sur son blog se plaint d'être maltraité par l'aile droite de son parti, mais en vérité c'est tout ce que notre pays compte d'imbéciles de droite qui se déchaîne en ce moment, fort du soutien de notre cher peuple versatile qui s'apprête à accorder une chambre bleue-horizon à l'UMP.

La foi de tous ces gens dans ce système prédateur du capitalisme, dans son exploitation des hommes et de la nature, dans les guerres qu'il provoque, serait touchante et risible s'il n'y allait pas de notre survie collective, et notamment de celle de millions de gens dépourvus de tout. Les plus risibles sont ceux qui crachent leur mépris sur un Chavez, un Nasrallah, et sur les peuples qui ont placé leur confiance en ces hommes. A la différence des léninistes dogmatiques d'autrefois nous n'avons hélas plus la certitude eschatologiques que tous ces abrutis cyniques et suffisants seront balayés par le Sens de l'Histoire. Avec Chomsky nous pouvons seulement dire que le jeu est ouvert. L'homo sapiens peut collectivement prendre cette canaille comme modèle, l'imiter, adopter ses valeurs de mépris et de compétition égoïste, ou, au contraire, faire le choix (toujours difficile, exigeant) de l'égalité et de l'intérêt collectif. Le jeu est ouvert et il le sera toujours, même si temporairement une époque peur sembler favoriser une option et la suivante une autre. Il sera ouvert, mais, sans cesse, avec une tendance lourde qui privilégiera les cyniques conservateurs : parce que c'est le choix de la paresse intellectuelle, le choix que tout un chacun a toujours mille raisons de privilégier, du plus pauvre au plus riche - le plus pauvre parce qu'il n'a plus la force de penser en termes politiques, le plus riche parce qu'il n'en a pas besoin... C'est à chacun d'oeuvrer, pour que ça ne dérive pas davantage, pour que le Parti de la paresse intellectuelle, du mensonge, de l'arrogance et du mépris ne marque pas davantage de points.

Un défi terrible à relever, en vérité...

Puisque rien n'est écrit d'avance, puisque l'Histoire ne garantira rien, cela fait peser sur tout le monde une responsabilité éthique bigrement lourde.
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Un message de R. Wintrebert et quelques remarques

6 Juin 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Par respect pour le débat démocratique et la contradiction, je publie ci-joint (avec son accord) le message que m'a adressé Raphaël Wintrebert le 30 mai 2007, ainsi que les remarques que ce message m'inspire. Evidemment cette discussion mériterait de longs développements. J'ouvre la rubrique "commentaires" à toutes fins utiles

"Bonjour,

Je me permets de vous écrire car je viens de lire la recension que vous
venez de faire de mon livre (ainsi sur votre blog). Je tiens d’abord à
vous remercier, je préfère bien évidemment une discussion, même
critique, que pas de discussion du tout. Cela me donne aussi l’occasion de
vous répondre sur différents points.

J’admets tout d’abord volontiers votre première remarque : je n’ai en
effet pas mobilisé d’outils statistiques et suis très allusif sur la
composition sociologique des adhérents. Je l’évoque seulement pp.71-72, me
contentant de reprendre les grandes conclusions de mon doctorat sur ce
point. Après discussion avec mon éditeur nous avions jugé qu’il n’était
pas nécessaire de reproduire les différents tableaux que j’avais
élaboré dans ma thèse académique (que vous pouvez, si vous le souhaitez,
télécharger à l’adresse suivante : ). Je manquais de toutes façons de
données très fiables et réactualisées, et je n’avais de fait pas les moyens
de réaliser moi-même ce type d’enquête. Plus fondamentalement ce
n’était absolument pas mon sujet.

Telle est finalement la réponse globale que je me permets de vous
adresser. Elle paraît certes un peu facile à première vue mais elle n’en est pas
moins pertinente : ma thèse ne portait ni sur la sociologie des
adhérents, ni sur la professionnalisation de certains militants, et moins
encore sur la perception que d’autres militants et d’autres organisations
avaient d’Attac. Aurais-je du traiter de ces sujets (et pourquoi pas de
bien d’autres encore) ? Cela était évidemment impossible et franchement
peu pertinent sauf à avoir une ambition (et une prétention)
d’exhaustivité démesurée. Ce n’était pas mon cas.

Vous écrivez ainsi « une étude sérieuse de l’altermondialisme français
et européen reste donc à faire ». Je suis bien d’accord avec vous !
Encore une fois, je n’ai aucunement prétendu y contribuer. Mon choix
méthodologique et théorique (évidemment discutable) était de saisir comment
cet objet Attac avait évolué. J’ai donc tenté d’identifier les facteurs
qui m’ont paru jouer dans cette évolution. D’où mon choix de ne pas
présenter un contexte général mais plutôt de comprendre comment différents
acteurs pouvaient, à un moment ou à un moment, utiliser des rapports de
force liés à ce contexte global pour modifier les rapports de force
interne. L’environnement ne m’intéresse que si les acteurs eux-mêmes s’en
saisissent pour élaborer et mettre en œuvre leurs stratégies. Je suis
donc bien d’accord qu’il aurait été « intéressant » de mieux saisir «
les rapports de forces sociologiques et politiques dans lesquels
s’inscrivait le phénomène », mais cela m’aurait-il permis de mieux comprendre /
expliquer l’évolution d’Attac ? Je ne crois pas. J’ajoute que je l’ai
fait lorsqu’il y avait de fait des conséquences du Attac. Par exemple le
changement de direction au SNESup ou les conflits à Politis.

Le dernier point sur lequel je souhaitais revenir, car c’est le plus
important, est l’accusation d’un « manque d’audace intellectuelle,
largement inhérent à une complaisance à l’égard de son sujet ». J’avoue que
les bras m’en tombent. D’abord parce que vous vous permettez, sans le
justifier, d’affirmer ce qui est de l’audace et ce qui ne l’est pas. Que
vous ayez vos sujets de prédilection qui vous semblent essentiels (et
qui semblent s’inscrire dans une espèce de concurrence de légitimité
militante et intellectuelle avec le Monde diplomatique), soit, mais que
vous vous permettiez de dire que je me suis contenté de transcrire la «
vérité » d’Attac récitée par ses dirigeants sous prétexte que
j’appréhendais mon objet différemment je trouve ça un peu gonflé. Ensuite, tout
mon doctorat est consacré à l’explicitation de la montée en puissance
des comités locaux, alors même que les dirigeants nationaux (« parole
officielle ») ne cessaient d’en minimiser la portée et le poids politique.
Même en ce qui concerne les conflits nationaux des dernières années,
j’ai tenté (peut-être pas totalement réussi mais nul n’est parfait)
d’éclairer les tactiques, les stratégies, les manœuvres, les enjeux, les
combats de procédures souvent abscons, tels qu’ils ne m’ont jamais été
présentés (ou à demi-mots) par les acteurs. J’ai la nette impression que
vous confondez « citer ses sources » et « reprendre la parole officielle
»…

Vous semblez en réalité développer un tel contentieux avec Attac et/ou
le Monde diplomatique (« noyer la réflexion de la gauche dans un océan
de bien-pensance aussi arrogante qu’irréaliste sur toutes les grandes
questions de notre époque ») que toute analyse qui ne serait pas
explicitement critique serait taxée d’être superficielle et complaisante.
J’aimerais d’ailleurs bien savoir ce qui vous permet de lancer « La vérité
d’Attac est dans Le Monde Diplomatique, et la vérité du Monde
Diplomatique, dans la crise générale de la gauche communiste, et non communiste
française, des années 1990-2000 » ?! La notion de « vérité » en sciences
sociales me semble pour le moins délicate et ne peut certainement pas
se conjuguer au singulier.

J’espère que mes remarques vous donneront l’occasion de
préciser vos griefs. Je suis absolument convaincu qu’il y a 1000 reproches
à faire à mon analyse, j’avoue que les vôtres ne me semblent pas être
de ceux-là.

Bien cordialement,

Raphael Wintrebert"

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Mes remarques :

Ainsi que je l'ai dit à Raphael Wintrebert, ma recension sur Parutions.com (qui n'est pas entièremet négative, et qui peut contribuer à faire connaître son livre sur Internet) n'est pas une attaque personnelle contre son travail au sens où un président de jury de thèse critiquerait la qualité du travail d'un candidat.

Mon texte cible le système institutionnel universitaire duquel son travail est le produit, connu, reconnu, et consacré.

Il y a en effet dans mon appréciation la nostalgie d'une sociologie quantitative, qui, quels que fussent ses défauts dans les années 70 (je pense par exemple à la Distinction ou à La Noblesse d'Etat de Bourdieu) ajoutait une plus value de connaissance, et permettait de placer la sociologie en rupture avec le sens commun. Je regrette qu'aujourd'hui l'université n'oriente pas les étudiants vers ce genre de travail statistique long et laborieux, qui contribuait beaucoup à la légitimité de la discipline. Faire une thèse de sociologie qui décrit des "stratégies" en faisant l'économie d'une analyse complète du champ revient à mon sens à faire de la science politique pure et simple, c'est à dire quelque chose de moins satisfaisant pour l'esprit. Le système universitaire et les éditeurs provoque à tort selon moi, ce genre d'évolution.

Décrire les choix de Bernard Cassen ou de Jacques Nikonoff dans telle ou telle circonstance, sans analyser la structure d'Attac sans expliquer dans quel réseau national et mondial elle se situe, sous le feu de quels encouragements et de quelles critiques, c'est comme faire une histoire de l'URSS en détaillant les faits et gestes de Staline sans rien dire de l'histoire du PCUS, de la société russe, des relations internationales au même moment. Prenons l'exemple de Raphaël Wintrebert : le fait que les collectifs à un moment imposent une prise de position d'Attac sur la Palestine, et échouent à l'obtenir sur le nucléaire. La question peut-elle être abordée sans spécifier que nous sommes en 2002, à une période de l'histoire de l'opinion publique française n'a jamais été aussi sensible à la brutalité de la répression israëlienne (au moment de Jénine) ? A mon avis c'est impossible, et cela n'éclaire pas le lecteur.

Encore une fois, je crois que c'est une tournure d'esprit prédominante dans l'ensemble de l'institution universitaire (et produite par celle-ci) qui empêche les recherches de mener à leur terme les ambitions intellectuelles. Et cette prudence excessive n'est pas étrangère à la fragilité du chercheur à l'égard de son objet. Etant redevable à l'égard des gens qui ont répondu à ses questions, il est susceptible de les rencontrer à nouveau, de dépendre de leur acquiescement pour des recherches ultérieures, et il en va de même de l'ensemble de son laboratoire. Tout cela favorise les autocensures, et pousse l'analyste à croire qu'il peut mettre l'accent sur une analyse "compréhensive" des stratégies (toute une veine issue de Weber, de l'ethnométhodologie, de ce que Berthelot appelait aussi la sociologie pragmatique y pousse) au détriment d'une analyse contextuelle. Je le regrette.

Bien sûr cette analyse contextuelle se devrait, à mon avis, d'être axiologiquement neutre (donc pas uniquement négative, elle peut insister sur les aspects positifs et négatifs du phénomène social observé du point de vue des acteurs du champ dans lequel il s'inscrit - et donc sur Attac, du point de vue des divers acteurs, il n'y a pas que du négatif, il n'y en a même pas de mon propre point de vue). Mais cela ne devrait pas lui empêcher d'être ambitieuse.

Parce que nous étions sur parutions.com, revue littéraire qui doit donner à penser au maximum dans un minimum d'espace (6000 signes) je me suis permis dajouter à la critique de la sociologie dont Raphael Wintrebert est une illustration, une critique de l'univers intellectuel du Diplo (et un thème prolonge "naturellement" l'autre, car, à mon sens, le Diplo est lui-même très marqué par la démarche intellectuelle des soiologues). Cette critique n'apparaît qu'en filligrane dans ma recension, elle est un plus développée dans ce blog, mais devrait en vérité donner lieu à l'écriture d'un livre entier car il y aurait beaucoup à dire.

Par ailleurs je retiens de la réponse de Raphael Wintrebert que je dois d'urgence me remettre en quête de cette citation de Bourdieu sur Marx et Bakhounine. Elle figurait dans un ouvrage de Bourdieu en langue anglaise que j'ai laissé en 1999 chez un résistant à Belgrade... Mais je me fais fort de la retrouver !

FD

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Le CR dans Parutions.com

Une bulle dans l’écume de la globalisation…

 

Raphaël Wintrebert, Attac, la politique autrement ?

L'auteur du compte rendu : Juriste, essayiste, docteur en sociologie, Frédéric Delorca a dirigé, aux Editions Le Temps des Cerises,  Atlas alternatif : le monde à l'heure de la globalisation impériale (2006).
 

Toute réalité sociale proche des sociologues fait l’objet d’une thèse en sociologie, telle est la règle de notre époque. Il n’est guère étonnant qu’Attac ne fasse pas exception. Raphael Wintrebert s’est donc attelé à ce sujet qui lui a permis de décrocher son doctorat à l’EHESS en 2004. Il en produit une version expurgée et actualisée « grand public » cette année aux éditions La Découverte.

 

Les lecteurs retrouveront ainsi à travers son récit les grandes étapes de l’histoire de cette production politique originale qu’on appela « Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens », née toute armée en 1998 du cerveau de la direction du Monde Diplomatique, et qui grandit et se développa dans l’idéologie et sous le contrôle de ce journal, ou des publicistes qui gravitaient dans son giron.

 

D’un chapitre à l’autre Wintrebert ne se contente pas d’aligner des dates et des faits connus du grand public. Il mobilise des témoignages de l’intérieur du mouvement. Son parti pris est de montrer les antagonismes qui opposent une direction « verrouillée » par les membres-fondateurs du mouvement (une série d’associations et de syndicats « à gauche de la gauche ») à l’afflux des nouveaux adhérents, militants d’un certain âge (presque tous plus que trentenaires) issus de la petite-bourgeoisie d’Etat, qui cumulent leur présence à Attac avec un engagement dans d’autres milieux associatifs locaux ou nationaux. Wintrebert met à jour les percées des nouveaux entrants - leurs tentatives pour inscrire sur l’agenda politique de l’association des thèmes autres que la taxe Tobin : notamment la Palestine en 2002, le nucléaire, le féminisme, les dissensions internes dont ces thèmes sont porteurs - et les initiatives de Bernard Cassen pour en atténuer l’impact sur les structures du mouvement.

 

Il donne en outre quelques clés de compréhension précieuses du feuilleton de la crise d’Attac, de 2004 à 2006, qui a opposé le « clan Nikonoff » à ses détracteurs et dont on ignore si elle annonce un renouveau du mouvement ou sa disparition.

 

Hélas, cependant, l’ouvrage laisse le lecteur sur sa faim. Tout d’abord il s’agit de sociologie qualitative et les statistiques font cruellement défaut. Certes nous ne sommes plus au temps où des équipes de sociologues pouvaient se mobiliser pour envoyer des milliers de questionnaires, rentrer les réponses sur ordinateur, et, avec des logiciels sophistiqués répartir l’objet de leur étude sur de beaux diagrammes façon « structuralisme génétique » qui donnaient (à tort ou à raison) l’impression de pouvoir comprendre du réel davantage d’éléments que n’en pouvait saisir un journaliste. Mais de là à tomber sur une thèse de sociologie qui ne peut même pas vous dire précisément combien Attac compte d’enseignants, d’ouvriers ou de retraités, et qui ne prend même pas le soin de s’en justifier… c’est à désespérer des capacités des sciences sociales.

 

En second lieu, le travail de Wintrebert, comme la plupart des recherches académiques souffre d’un manque d’audace intellectuelle, largement inhérent à une complaisance à l’égard de son sujet. A trop s’en tenir au discours des dirigeants d’Attac ou de leurs opposants en interne sur l’histoire de leur mouvement, le sociologue s’en fait le porte-parole, et oublie ce qui permet d’aller précisément au-delà de l’histoire officielle. Prenons l’exemple des finances d’Attac. Ce mouvement de 30 000 adhérents (à son apogée), qui pendant un temps vendait des centaines de T-Shirts à son emblème (fabriqués où ? par qui ? au profit de qui ?) et offrait généreusement chaque année des voyages à ses heureux représentants à Porto Alegre et à Mumbai, représentait une force économique non négligeable. Sans faire preuve d’un matérialisme excessif il est sain, du point de vue de la sociologie politique, de s’interroger sur la gestion de l’argent, ses origines, sa destination, ce qu’il permet, ce qu’il empêche – c’eût été d’ailleurs une utile propédeutique à une étude plus large des professionnels du militantisme, de ce qui les rapproche et de ce qui les coupe des classes populaires qu’ils défendent, et à qui personne n’offre des billets d’avion, sauf les animateurs de jeux télévisés.

 

Bourdieu a écrit quelque part que Marx a la vérité sur Bakhounine et Bakhounine la vérité sur Marx. C’est le B-A-BA de la rupture avec le substantialisme en sciences sociales. Cela commande toujours de refuser le fétichisme laborieux du « spécialiste » coincé dans sa recherche et d’élargir la perspective. La vérité d’Attac est dans Le Monde Diplomatique, et la vérité du Monde Diplomatique dans la crise générale de la gauche communiste, et non communiste française, des années 1990-2000 (crise dont le fin mot se révéla dans la dernière élection présidentielle). Aussi pour saisir une « autre » vérité d’Attac que celle que récitent ses dirigeants et leurs proches, eut-il fallu se demander ce qu’on en pensait à l’extérieur, dans les autres mouvements ou dans les partis politiques. Que disait-on dans les forums sociaux internationaux de cette machine politique française ? de ses liens avec les mouvements trotskistes ? qu’en ont pensé tous ceux, et ils furent nombreux, qui accusèrent Attac et ses parrains du Monde Diplomatique de noyer la réflexion de la gauche dans un océan de bien-pensance aussi arrogante qu’irréaliste sur toutes les grandes questions de notre époque (de la guerre de Yougoslavie à celle du Congo en passant la Palestine) ? en s’interrogeant sur les discours alternatifs à celui d’Attac, et les stratégies des courants alliés ou opposés à Attac, Raphaël Wintrebert se serait donné les moyens de mieux comprendre les rapports de forces sociologiques et politiques dans lesquels s’inscrivait le phénomène qu’il étudiait. Il aurait ainsi pu en analyser plus en profondeur les principaux ressorts.

 

Une étude sérieuse de l’altermondialisme français et européen reste donc à faire. On aimerait que l’ouvrage de Wintrebert sur Attac l’annonce comme un prélude.

 

Frédéric Delorca

 

 

 

 

 

 

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Le mur des médias...

16 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Le mur des médias a parfois des failles. Peu de temps après la publication de mon article sur l'Atlas alternatif dans l'Humanité Dimanche un journaliste d'RMC a laissé un message sur mon répondeur. Manque de chance je ne l'ai rappelé que trop tard. Il avait déjà bouclé son reportage. Il voulait avoir mon avis sur la politique étrangère de Nicolas Sarkozy.

Cela dit je suppose qu'après m'avoir laissé parler trente secondes sur RMC on m'aurait définitivement interdit d'antenne sur toutes les autres radios. Mais bon, nous avons une fois de plus la preuve que le verrouillage ne fonctionne qu'à 90 %... pas 100 %...

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Les tenir en respect...

16 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Nous autres qui nous sommes fermement opposés au bombardement de Belgrade en 1999 (*) et aux calmonies sur la Yougoslavie de Milosevic (je veux dire nous autres les 1 % d'esprits de gauche sincèrement révulsés par ce que l'OTAN a osé faire dans les Balkans), gardons une forme de solidarité entre nous. Même si nous ne nous voyons guère, nous réagissons à l'unisson aux grandes mobilisations émotivo-totalitaires de notre époque, et continuons de porter un regard critique sur ce qu'il se passe sur les bords du Danube (dont le reste de l'opinion publique française se moque éperdument).

Je n'ai donc pas été surpris de recevoir avant-hier le mail suivant de Marc-Antoine Coppo :

" Soulagement à Washington, Bruxelles et dans les médias bien-pensants : le spectre de Slobodan Milosevic est retourné dans son cercueil.

Après plusieurs mois d'atermoiements et l'inquiétante élection d'un proche de Vojislav Seselj à la présidence de la Chambre des députés, les choses se sont finalement arrangées en Serbie : les gentils démocrates pro-européens se sont enfin entendus pour former un gouvernement de bric et de broc, et renvoyer les affreux ultra-nationalistes pro-russes dans l'opposition. La normalisation se poursuit. Ouf, on respire !  "

La première phrase fait allusion à l'exclamation du présentateur du journal de France Culture " Milosevic n'est pas mort !" lors de la proclamation des derniers résultats électoraux à Belgrade.

Les humiliations à l'encontre de la Serbie se multiplient à longueur d'années dans l'indifférence générale. Voilà six mois que ce pays n'avait pas de gouvernement tout simplement parce que l'Union européenne s'évertuait à empêcher la formation d'une coalition entre le parti de Kostunica et celui de Seselj. L'UE étant habituée à gouverner dans un mépris souverain à l'égard des peuples à l'intérieur de ses frontières, agit de même à l'extérieur. Elle diabolise donc tout ce qui n'entre pas dans son mode de pensée : le Hamas en Palestine, le nationalisme serbe. Mais qu'espère-t-elle obtenir de la sorte à part précisément exaspérer les peuples et radicaliser toujours davantage les mouvements auxquels elle s'oppose ? 

Comme le disait je ne sais plus qui à propos de la Palestine : "Vous n'avez pas voulu négocier avec Arafat et vous avez maintenant en face de vous le Hamas ; vous ne voulez pas négocier avec le Hamas, et vous aurez en face de vous le Djihad islamique ; vous ne voudrez pas négocier avec le Djohad islamique, et vous aurez en face de vous Al Qaida ". De le même manière on peut affirmer à propos de la Serbie : "Vous n'avez pas voulu laisser le parti socialiste gouverner la Serbie, et vous avez aujourd'hui l'extrême-droite serbe qui devance les autres partis politiques. Vous voulez empêcher l'extrême droite de gouverner avec Kostunica, et demain c'est une nouvelle guerre que vous aurez dans les Balkans"

Que l'on me comprenne bien. Je n'ai jamais eu une grande sympathie pour le Parti socialiste serbe qui avait ses défauts, et je n'en ai pas pour l'extrême-droite. Mais on ne gouverne pas dans l'hystérie moralisatrice. Quand un peuple soutient une tendance politique, il faut en premier lieu analyser froidement le phénomène (pas le diaboliser), en second lieu respecter les choix de ce peuple et voir ce que l'on peut faire avec cela pour éviter que ce ne soit pire. Mais l'Union européenne qui pourtant se gargarise du mot "respect" agit exactement à rebours. On diabolise et on réprime d'abord, on réfléchit ensuite.

Le seul peuple des Balkans auquel est reconnu - et chez qui est même encouragé - le droit à être gouverné par des extrémistes nationalistes est le peuple albanais du Kosovo dont nombre de dirigeants, ex chefs de l'UCK responsables de nombreux crimes de guerre, n'ont jamais été inquiétés par le Tribunal pénal international. Et, comme l'Union européenne aime récompenser le vice, elle leur promet l'indépendance en prime.

Je prépare un bouquin de souvenirs sur le combat anti-OTAN de 1999. Je vous tiendrai au courant.

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(*) Rappelez vous que Claude Lanzman a  qualifié ce scandale "d'Affaire Dreyfus du XX ème siècle"

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L'Humanité Dimanche

10 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

J'ai attiré l'attention de la rédaction de l'Humanité Dimanche il y a quelques mois sur l'existence de l'Atlas alternatif. Ils m'ont donc accordé de publier une tribune libre à ce sujet qui vient de paraître. J'essaie d'y expliquer l'urgence qu'il y a à penser les alternatives au système mondial actuel en des termes globaux, ce qui implique que les gens s'investissent davantage dans la politique étrangère et se saisissent d'outils du type "état du monde alternatif" comme celui que nous avons fait l'an dernier.

 

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Quand Jean-Paul Fitoussi rejoint Jean Bricmont

10 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Un extrai de l'interview de Jean-Paul Fitoussi (grand ponte de Sciences Po et de l'OFCE) lue dans Le Monde hier :

"Question Torvus : La France a-t-elle réellement besoin de "réformes structurelles" : le diagnostic d'une France en déclin est-il fondé ?

Réponse JPF : Ce sont deux questions distinctes. Le diagnostic d'une France en déclin n'est pas fondé. En tout cas, tout dépend par rapport à quoi on mesure ce déclin. On peut parler d'un déclin relatif de la France par rapport à la Chine, ou par rapport aux Etats-Unis, mais en aucun cas on ne peut parler d'un déclin de la France par rapport à la zone euro. Depuis dix ans, la croissance française a été en moyenne supérieure à la croissance des pays de la zone euro. Donc s'il fallait parler de déclin, on dirait que c'est la zone euro qui a décliné relativement par rapport au reste du monde, et que la France a mieux résisté que les grands pays de la zone euro. Cette histoire de déclin est en réalité fondée sur une arithmétique fausse : si la Chine se développe, par définition, cela implique le déclin relatif par rapport à la Chine de tous les autres pays du monde, y compris les Etats-Unis. Donc ce qui est objectivement une bonne nouvelle, à savoir le développement de la Chine et la sortie de l'état de pauvreté de centaines de millions d'habitants, peut être analysé comme étant une mauvaise nouvelle en raison de cette arithmétique du déclin relatif.

L'idée même de déclin est donc une fausse bonne idée, si je puis dire. Car il faut savoir ce que l'on veut. Si l'on souhaite que l'Afrique se développe, c'est que l'on accepte implicitement l'idée d'un déclin relatif, par rapport à l'Afrique, des autres pays de la planète. Donc je m'inscris en faux contre l'idée du déclin de la France. "

http://www.lemonde.fr/web/chat/0,46-0@2-3208,55-904744@51-884461@45-1,0.html

A rapprocher de l'article de Jean Bricmont ci-dessous.

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Business is business

8 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Dernières lignes du blog de Michel Onfray sur http://michelonfray.blogs.nouvelobs.com/ le 7 mai :

PS : Ce blog paraîtra sous le titre Tout un Léviathan à la rentrée de septembre 2007 aux éditions Galilée. Le livre sera augmenté d’une introduction, des commentaires de l’intronisation du nouveau Président, des législatives, de la formation du premier gouvernement et d’une conclusion générale.

 

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A propos du "déclinisme"

4 Mai 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Voici un petit texte de Jean Bricmont avant le second tour de l'élection présidentielle.

Je me souviens qu'au tournant des années 80, il y avait une blague en URSS dans les années 1980 : le monde entier est devenu communiste et soviétique. A la radio, on apprend  que le dernier rempart du capitalisme, les Etats-Unis, viennent de céder, et qu'ils deviennent à leur tour une république populaire.

Tout le monde à Moscou fait la fête sauf un homme : le ministre l'agriculture d'URSS qui se lamente dans son bureau "A qui allons nous acheter notre blé maintenant ?"

Le dernier texte de JB sans le savoir inverse la blague : le monde entier est devenu comme les Etats-Unis. On se demande alors : où va-t-on trouver le pétrole et les immigrés clandestins ?

FD

 
La grande illusion

Deux tiers des Français pensent que la France décline et c’est sans doute principalement pour cela que Sarkozy sera le prochain président de la République. De plus, la principale façon dont les médias ont préparé son accession à la présidence, c’est par une propagande incessante, depuis des années, sur le thème du déclin de la France, ainsi que sur celui, relié, de la sécurité.

Il y a plusieurs façon de réagir à ce sentiment ; l’une est de montrer que les statistiques utilisées pour « prouver » ce déclin sont très sélectives (voir, par exemple, La désinformation économique joue un rôle majeur dans l’élection française ; par Mark Weisbrot, http://www.cepr.net/index.php?option=com_content&task=view&id=1158&Itemid=163). Mais on peut également répondre en se demandant quelles solutions les déclinistes ont à proposer.

Ceux-ci mélangent habilement deux problèmes : le déclin de la France par rapport aux pays émergeants, surtout en Asie, et celui de la France par rapport à d’autres pays industrialisés, principalement les États-Unis et l’Angleterre. La première forme de « déclin » est une très bonne chose : elle signifie seulement qu’une partie du Tiers Monde se développe. Mais, comme ils savent très bien qu’il est difficile d’imiter la Chine et l’Inde, les déclinistes proposent d’imiter le modèle anglo-saxon, qui est supposé éviter le déclin par une série de mesures de flexibilisation du travail, de destruction des acquis sociaux et des services publics, de mesures sécuritaires  et de réarmement moral.

Envisageons donc la situation de leur pays favori, les États-Unis. Ceux-ci ont dépensé des centaines de milliards de dollars pour envahir l’Irak ; ils y ont eu des milliers de morts,  des dizaines de milliers de blessés, et ils y sont complètement coincés ; ils ne peuvent pas gagner, parce qu’ils ont réussi à se mettre à dos l’immense majorité des Irakiens, et ils ne peuvent pas s’en aller, parce que ce serait la fin de leur empire. Donc, ils vont s’enliser en Irak pendant de nombreuses années, y perdre encore plus d’hommes, d’argent et de prestige, tout en causant des souffrances inouïes et inutiles au peuple irakien. Et pourquoi sont-ils allés en Irak ? Entre autres, à cause de manipulations de l’opinion sur la question des armes de destruction massive. Ils ont des services de renseignement qui espionnent le monde entier, une presse « libre » avec des moyens gigantesques, des universités regorgeant de spécialistes sur tous les conflits et problèmes de la planète. Malgré tout cela, ils n’ont pas été capables de comprendre des choses élémentaires, que même un enfant voyageant aux Moyen-Orient pouvait comprendre, à savoir qu’ils y sont détestés principalement à cause de leur soutien à Israël, et que toute intervention de leur part dans la région provoquerait un rejet massif. Si ce mélange d’incapacité, d’ignorance et d’arrogance n’est pas le symptôme d’une  société en déclin, alors je ne sais pas très bien ce qui pourrait en être un. La France, par contre, qui avait encore en 2003 une élite « vieillissante, dépassée, inadaptée au monde etc. », mais capable de penser, ne s’est pas engagée dans cette folie.

Mais ce n’est pas tout : le reste du monde, et la France en particulier, est sans cesse supposé « imiter les États-Unis ». Bien ; imaginons que, par un coup de baguette magique, le reste du monde imite réellement les États-Unis. D’où viendraient alors le pétrole et les autres matières premières que les États-Unis importent en abondance et sans lesquels leur société ne pourrait pas survivre très longtemps ? D’où viendraient les travailleurs immigrés, souvent « clandestins », c’est-à-dire privés de droits, ou les produits importés à bas prix (et non payés, c’est-à-dire financés par des déficits croissants), qui permettent aux travaileurs ayant perdu leurs emplois industriels de maintenir plus ou moins leur niveau de vie ? D’où viendraient finalement les cerveaux que les États-Unis pillent au reste du monde, parce qu’attirer par des haut salaires des gens déjà formés coûte beaucoup moins cher que financer un véritable sytème d’éducation de masse ?

Le fait est que le modèle américain est inimitable, parce que sa simple survie suppose l’existence d’un monde extérieur aux États-Unis, et qui ne leur ressemble pas. Il est vrai que la situation est assez semblable en Europe, mais c’est précisément notre degré de proximité du « modèle américain » qui est la meilleure mesure de notre déclin. De plus, la France n’a pas la puissance de l’Amérique et a encore moins qu’eux la possibilité de maintenir temporairement une situation intenable à long terme.

Faire le choix de Sarkozy, c’est faire le choix d’une imitation accélérée du modèle américain, c’est-à-dire le choix du véritable déclin.

 
Jean Bricmont

 

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