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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #billets divers de delorca tag

L'irrationnel en politique

4 Juin 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Dans les milieux dissidents, il est fréquent que des groupes sectaires, versés dans les spéculations obscurantistes, se saisissent de thèmes d'actualité pour nourrir une paranoïa du complot. Ce fut le cas particulièrement autour des événements du 11 septembre. Qu'on se reporte par exemple à cette vidéo - http://www.dailymotion.com/video/x4jhkg_zeitgeist-remasterise-complet_news - et encore de celle-là http://www.dailymotion.com/video/x4iu3v_jeu-de-carte-illuminati_politics.

Le style même de ces vidéos montre qu'elle s'adresse à des gens qui n'ont pas le temps de lire, qui ne connaissent pas trop en détail l'histoire du monde, et qui ont besoin à la fois de se faire croire qu'ils en savent plus que les autres - avec notamment une ou deux références scolaires bien placées - sans cependant dépenser d'énergie à croiser les sources. Elles visent des gens fragiles, que notre monde angoisse, et pour qui la petite - ou grosse - dose de causalité métaphysique qu'apporte la théorie du complot à grande échelle a finalement quelque chose de sécurisant (hé oui, tout n'était pas si absurde, puisqu'un Diable était derrière tout ça, un Diable nous voulait du mal).

Je suis bien aise que ce genre de spéculation ne soit pas reprise sur les grands sites alternatifs de gauche comme Bellaciao ou le Grand soir, et que les digues de la rationalité, dans ces milieux ne cèdent point complètement. Car ces considérations, si elles se répandaient trop, finiraient par noyer définitivement le nécessaire travail d'investigation rationnelle critique qu'il faut mener contre la thèse officielle sur le 11 septembre, comme sur toute thèse officielle dans tous les domaines (et l'on notera que là dessus les choses n'avancent guère après le beau verrouillage effectué par l'administration états-unienne).

La frontière entre le rationnel et l'irrationnel n'est pas toujours si facile à tracer que dans le cas des vidéos précitées. Je le constate à propos de cette affaire du tremblement de terre en Chine. On a assisté ces derniers mois à deux catastrophes naturelles, dans deux pays (le Myanmar et la Chine) dans lesquels se sont manifestées peu de temps auparavant deux ingérences droit-de-l'hommistes grossières jouant sur les monastères bouddhistes. Je m'étais dit en riant après ces deux récents cataclysmes : "sûrement quelqu'un va-t-il nous expliquer que la CIA a appris à provoquer des catastrophes naturelles "

J'étais loin de songer que très vite en effet des gens défendraient cette hypothèse : on m'envoie aujourd'hui une information parue dans Alterinfo d'un certain Jean-Pierre Petit, physicien, qui avance les remarques suivantes

1) William Cohen, secrétaire à la défense de Clinton a déclaré en avril 1997 "D'autres terroristes sont engagés dans un type d'action "écologique" où ils peuvent altérer le climat, déclencher des tremblements de terre, des éruptions volcaniques en utilisant des ondes électromagnétiques. Beaucoup d'esprits ingénieux travaillent actuellement pour imaginer des moyens de terroriser des nations entières. Tout ceci est réel et c'est la raison pour laquelle nous avons intentifiés nos efforts dans la guerre contre les terroristes". On peut concevoir que M. Cohen savait de quoi il parlait et que ses propres laboratoires faisaient ce qu'il reprochait aux terroristes islamistes.

2) "Les Russes avaient construit un énorme générateur appelé "Pamir" (..) C'était une des n variantes du générateur de Sakharov, à compression de flux. Celui-ci avait la forme d'une boite de camembert de six mètres de diamètre. Ces générateurs, dont on sur par la suite qu'ils équipaient les canons électromagnétiques installés au sol par les Russes s'appellent également des générateurs de Pavloski. Leur fonctionnement, par "compression de flux" est analogue au système MK1 de Sakharov que tout le monde commence à connaître maintenant. (...) Ce système "permettait de faire circuler de forts courants électriques dans le sol". Officiellement le dispositif était présenté comme un système d'analyse de la situation d'un terrain en mesurant sur le grandes distances et à grande profondeur la conductivité électrique du sol.(...)Des militaires-géophysiciens peuvent ainsi localiser en secret de par le monde, dans des territoires potentiellement "hostiles" ou "devant être mis au pas" des "régions sensibles" où une action plus musclée pourrait déclencher un séisme dévastateur. " http://www.jp-petit.com/Divers/Armes_sismiques/Armes_sismiques1.htm

Du coup, on commence à nous expliquer que le tremblement de terre chinois aurait été provoqué à partir du système Haarp (Highfrequency Active Auroral Research Project), un programme américain à la fois scientifique et militaire de recherche sur l'ionosphère composé de 36 antennes érigé en Alaska centrale, à 300 km à l'Est d'Anchorage. Cette vidéo est faite par le Lyndon LaRouche Political Action Committee http://larouchepac.com/static/about-larouche.html qui est spécialisé depuis longtemps dans la dénonciation de complots (voir http://en.wikipedia.org/wiki/Political_views_of_Lyndon_LaRouche), et donc, à ce titre, occupe naturellement une place controversée dans l'espace politique étatsunien.

Evidemment, on  se situe ici à la limite du rationnel, car le bien-fondé de ce genre d'allégation ne peut être établi que dans le cadre d'un débat entre scientifiques indépendants, débat que, n'en doutons pas, les pouvoirs publics se garderont bien d'organiser sur le sujet (alors que ce serait leur devoir, dans une démocratie digne de ce nom). Pour la petite histoire, on notera en tout cas que Haarp est un des héritiers indirects de l'inventeur serbe Nikola Tesla - voir la vidéo en français sur http://xiberia.info/blog/index.php/2008/04/22/46-le-projet-haarp#co durée 44 minutes). Pour ma part j'ai dû attendre mon 36 ème anniversaire avant d'apprendre tous ce que les Etats-Unis et le monde durent à ce génial inventeur.

 

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Le fantôme de la liberté

31 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Je regardais hier en DVD Le fantôme de la liberté, de Luis Buñuel, qui est un chef d'oeuvre de cinéma surréaliste. Dans les premières scènes du film, un résistant espagnol devant le peloton d'exécution napoléonien s'écrie "A bas la Liberté". On sait que la France au début du XIX ème siècle a mis toute l'Europe en position de devoir crier "A bas la liberté" si elle voulait défendre sa propre liberté, car la liberté française venait légitimer les massacres et l'oppression impériale. A Alcañiz qui est le chef-lieu de l'arrondissement aragonais dont à la fois Buñuel et ma famille paternelle étaient originaires, sur la place centrale, il y a un monument aux martyrs de la résistance à Napoléon. A cause de l'impérialisme français, en Espagne, les partisans de la Liberté ont pu passer pour le "parti de l'étranger". La liberté ne s'exporte pas dans des convois militaires.

Un homme qui a pu à bon droit s'exclamer "A bas la liberté !" ou "A bas la démocratie !" ces derniers temps, c'est Norman Finkielstein, un célèbre professeur américain, très critique de l’occupation israélienne, de l’instrumentalisation du génocide juif par Israël et par le lobby juif américain, s’est vu refuser l’entrée en Israël, il y a huit jours à sa descente d’avion, après avoir subi un interrogatoire de plusieurs heures et avoir été sequestré dans une cellule de l’aéroport pendant 24 H (je renvoie aux débats qu'il y a avait eu sur les travaux de cet historien en 2002, et aux critiques justifiées dont Vidal du Monde Diplomatique avait l'objet à ce sujet). Après cette expulsion manu militari, Finkielstein serait en droit de se dire que si Israël est le paradigme de la liberté et de la démocratie au Proche-Orient, cette liberté-là ne vaut pas mieux que celle des oppresseurs napoléoniens en Espagne.


A propos d'Israël, j'ai reçu cette semaine, comme beaucoup je suppose car le texte traîne sur plusieurs sites, un texte sur le travail de l'historien Shlomo Sand. Celui-ci démontre que les Juifs séfarades sont les descendants de Berbères convertis au judaïsme pendant l'antiquité (il y en eut beaucoup, tout comme beaucoup d'Arabes, ainsi qu'en porte la trace le Coran), tandis que ceux d'Europe centrale et orientale seraient descendants des Khazars, des Slaves païens eux aussi convertis. Les descendants génétiques des Juifs de Judée romaine seraient ainsi les Palestiniens car, selon cet historien, les Juifs n'auraient pas fui massivement leurs terres après les persécutions de Titus et la destruction du Temple. Même les Juifs du bassin méditerranéen seraient des Juifs convertis, et, toute cette histoire de "diaspora" juive serait largement une construction du nationalisme sioniste à la fin du XIX ème siècle.

La thèse a le mérite de briser le mythe passablement raciste d'un peuple qui serait resté "ethniquement pur" pendant deux millénaires. Toute l'historiographie du XIX ème siècle si souvent substantialiste et ethniciste car solidaire de projets idéologiques nationalistes, dans tous les pays d'Europe, a été battue en brèche (voyez par exemple comment en ce moment Christian Goudineau au Collège de France démonte le mythe de l'homogénéité gauloise ou celte). Il est bon qu'elle le soit aussi en Israël.

Est-elle pour autant fondée ? N'étant pas historien, je ne puis le dire. Disons qu'elle me surprend quand même, parce qu'on m'avait toujours appris que, malgré l'attractivité indéniable du judaïsme dans le Bassin méditerranéen à partir disons du II ème siècle av. JC, et son choix effectif du prosélytisme, la conversion restait très dure à vivre dans le cadre politique de l'empire romain (à cause surtout des règles d'organisation de la vie, de nourriture etc, incompatibles avec les règles civiques de l'Empire), ce qui explique que seul le christianisme ait pu convertir massivement des païens à l'héritage abrahamique, en balançant par dessus bord, via Paul de Tarse, la loi mosaïque. Donc en tout cas il y a peu de chance que les communautés juives de d'Asie mineure, d'Achaïe, d'Italie et de Gaule aient été des païens convertis. Le judaïsme a-t-il pu se développer plus facilement en Afrique, dans des régions moins directement soumises à l'Empire romain (donc pas l'Afrique romaine autour de Carthage mais plus à l'intérieur des terres) ou hors du champ de l'Empire romain dans certaines tribus slaves ? Je ne sais pas, il faudrait y regarder de plus près. La thèse de Shlomo Sand semble un peu trop extrême pour être vraie, mais disons qu'elle équilibre utilement celle, elle aussi extrême et pourtant dominante, de l'homogénéité de la diaspora pendant 2 000 ans.

En tout cas il est sain de voir cette thèse se développer en Israël et trouver sa place dans le débat. Elle rappelle aussi les travaux d'Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman qui montraient que le judaïsme et l'Ancien Testament étaient une création intellectuelle assez récente (le réplique du régime politique de Juda aux conquêtes assyriennes), tandis que Moïse, et le règne de Salomon qui n'ont laissé aucune trace archéologique sont probablement des mythes.

Ces voix dissidentes dans l'historiographie s'élèvent aussi, souvent, sur le plan politique pour demander que la société israëlienne s'ouvre aux autochtones arabes, et aux immigrés. Bref pour remettre en cause le projet sioniste. Tout cela est très encourageant et il faut souhaiter que ce ne soit pas tué dans l'oeuf  par les logiques militaristes à l'oeuvre dans cette zone.

Les combattants de la liberté ne sont pas tous voués à l'échec. Cette semaine les communistes et maoïstes népalais sont parvenus à transformer leur pays en une fière République. On redoutait une réaction de la droite monarchiste, elle n'a pas eu lieu (nul doute que celle-ci s'arrangera pour "droitiser" la République dans les années qui viennent, comme en France autrefois, mais pour l'heure la victoire est dans le camp de la gauche). Des milliers de combattants en ont payé le prix pendant des années face à une répression féroce. Cette fois, ils ont gagné.

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Fin de semaine

24 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Contrairement à ce que j'avais anticipé, mon interview de Carlos Ouédrago ne suscite aucun commentaire favorable, notamment chez les militants tiers-mondistes ou anti-impérialistes auxquels j'ai adressé les vidéos. Peut-être n'ont-ils pas eu le temps de les visionner. Mais je suppose qu'ils ne réagiront pas. Cette interview sort trop du cadre associatif dans lequel ils travaillent. Je n'ai eu que quelques remarques de dames sur les grandes mains de Carlos et sur ma voix à l'accent méridional. Rien de très politique. A propos de méridionalité, il faudra que je discute un jour sur ce blog de la question de savoir si les Français méridionaux sont des colonisés ou pas. J'attendrai peut-être qu'un de mes livres en préparation soit publié.

Cet après-midi, en surfant sur le net, je tombe sur ce titre dans B92 : "Fiat urges Serbia to follow European path". En Europe ce sont les stars du showbiz qui appellent à voter pour l'Europe. En Europe de l'Est ce sont directement les patrons des grands groupes. Le pouvoir de l'argent s'y dit plus directement. Il est vrai que les stars du showbiz y sont moins politiquement correctes que chez nous. Marija Serifovic qui a remporté le concours de l'Eurovision l'an dernier avec Molitva a donné un concert pour le candidat du parti radical à la présidentielle. Je crois me souvenir aussi qu'en 2003 un chanteuse à succès avait été arrêtée après l'assassinat du premier ministre. D'ailleurs l'Eurovision ce soir est diffusée depuis Belgrade. Voilà qui doit coûter bien cher à ce pays.

Cette histoire d'Eurovision est toujours amusante. Dans les pays de l'Est elle fait toujours ressortir des aspects auquel l'Ouest ne s'attendrait pas. L'an dernier, les votes s'étaient prêtés à une véritable analyse géopolitique, les Turcs votant pour les Bosniaques, les Serbes pour les Russes, les votes des diverses diasporas basées en Autriche faisant des arbitrage. Et la nomination de Marija Serifovic avait fait ressurgir des propos homophobes en Serbie (car on l'accusait, car dans les Balkans c'est une accusation, de lesbianisme - peut être d'ailleurs est-ce la raison pour laquelle elle a soutenu le Parti radical, allez savoir). A propos de lesbianisme, la presse transnistrienne fait ses choux gras de la répression d'une gay pride à Chisinau (Moldavie). On pourrait faire un inventaire des gay pride réprimées en Europe de l'Est.



En feuilletant la presse alternative, j'observe aussi qu'Europalestine donne la parole à Georges Corm sur la situation libanaise - les médias occidentaux ayant annoncé un premier pas vers le compromis institutionnel dans ce pays. J'entends toujours dire du bien des analyses de Corm et je veux bien croire qu'elles sont plus fiables que celles de Thierry Meyssan. en parlant du Proche-orient, je vais m'atteler bientôt pour Parutions. com au CR d'un entretien donné par le résistant Georges Habbache avant sa mort.

D'un continent l'autre : une petite vidéo sur l'Amérique latine - pardon, Suramerica...


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Les obsessions de l'Immonde

19 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Hier j'ouvre le site du Monde (L'Immonde, comme l'appelait De Gaulle), et tombe, une fois de plus sur une chronique antibolivarienne intitulée "Chavez-Lula, le match est joué" qui félicite Lula, et condamne Chavez. Un article stupide, mesquin, perdu dans des ratiocinations, comme le soi-disant centre-gauche européen les aime tant. Apologie de la voie centriste, refus de toute forme de socialisme. Surtout que rien ne change. Surtout que personne ne tente rien. Administrons tranquillement le capitalisme. Il faut parfois admettre que l'on n'a plus rien en commun avec ses concitoyens, admettre qu'on n'a rien en commun avec ceux qui écrivent dans Le Monde, et avec ceux qui le lisent. Tous ces bons administrateurs "prudents", frileux, insensibles au sort du plus grand nombre, au crime permanent commis contre le plus grand nombre.

Chavez, lui, malgré ses maladresses folkloriques, a toujours des mots forts. La semaine dernière encore contre Merkel dont il a rappelé qu'elle était l'héritière d'une droite allemande qui a porté Hitler au pouvoir. Une évidence simple, mais que tout le monde oublie après des années passées à entendre décrire le "totalitarisme" nazi comme un Mal métaphysique qui serait tombé du ciel. Je dois écrire demain un article sur le sommet ALC-UE de Lima pour BRN. J'y dirai quelques mots de la voyoucratie des multinationales en Amérique latine, que couvrent les ridicules fanfaronnades pro-Lula de M. Le Boucher, et les imprécations anti-Chavez des technostructures de nos "démocraties occidentales".
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Cuando sali de Cuba

11 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Edgar observe dans un commentaire à mon précédent post sur la virtualisation du politique qu'un blog est comme un journal intime. Je le suis tout à fait sur ce chemin là. Un journal intime, et non un acte politique. Le blog de l'Atlas alternatif est un site politique plus qu'un blog car c'est un site collectif d'info (qui aurait pris la forme d'un site si nous avions eu un bon webmaster). Mais les blogs personnels sont des journaux, et non des actes politiques. Ils peuvent éclairer le contexte subjectif, imaginaire, d'une action politique, mais pas s'y substituer.

Ce matin j'ai retrouvé sur un blog une vidéo d'une vieille chanson qui passait sur les ondes de la radio espagnole dans les années 1970 : "Cuando sali de Cuba". J'avais 7 ou 8 ans quand je l'ai entendue pour la première fois, au cours des vacances que je passais à l'occasion en Espagne où vivait une partie de la famille de mon père (la partie qui n'avait pas fui en 1939). Cette chanson m'avait marqué. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que j'en comprenais facilement le refrain : "Quand je suis parti de Cuba j'ai laissé ma vie et mon amour". J'ai entendu à nouveau cette chanson, par hasard, sur une radio madrilène en 1995. Je travaillais alors à l'ambassade de France. J'avais assisté à un congrès d'Izquierda unida sous passeport diplomatique. J'avais vu tout un amphithéatre, et notamment toutes les délégations des gouvernements du Tiers Monde (y compris les alliés de l'Occident) applaudir à tout rompre le nom du Parti communiste de Cuba, à l'heure où le Parti communiste français, lui, ne voulait plus entendre parler de Castro - au fait avez vous vu ce documentaire consacré à Marchais sur Arte qui montre le vieux lion cubain rendant visite à son alter égo de Champigny abandonné de tous, cette même année 1995 ?

"Cuba hurts" me disait mon correspondant anarchiste serbe en 2002 quand une campagne de signature fut lancée contre la répression des dissidents. Cuba a toujours fait mal, pour des tas de raisons. Tous les espoirs placés en ce pays. Cette résistance héroïque, sans pétrole, sans électricité, aux pires heures de la "globalisation libérale", et qui inspira tant d'admiration dans le Tiers-Monde. Elle peine les anarchistes et les trotskistes qui regrettent l'enfermement bureaucratique et répressif. Pourtant même Chomsky y va. Personne ne sait comment ce pays aurait résisté au rouleau compresseur américain sans la bureaucratie et sans la répression. Cuba a sauvé la révolution de Chavez, comme elle a contribué au renversement de l'apartheid en Afrique. Tout cela est à mettre à son crédit. Rémy Herrera a écrit de belles choses sur tous ces descendants d'esclaves attachés à l'égalité, et qui ne veulent pas voir revenir chez eux le lobby mafieux du rhum Baccardi.

Donc en Espagne, il y avait  "Cuando sali de Cuba", qui, semble-t-il, était une chanson cubaine à l'origine. Reprise avec les paillettes des plateaux TV, elle avait presque des relents de colonialisme... Car pour l'Espagne Cuba ce n'est pas seulement Castro. "Cuba hurts" pas seulement à cause des problèmes de la révolution. Mon arrière grand père fit la guerre à Cuba en 1898 et fut prisonnier de guerre de l'armée états-unienne pendant des années. Le joyau de la couronne espagnole. "Mas vale barcos sin honra que honra sin barcos". Dans les années 1920, les villages espagnols étaient remplis de cercles d'anciens combattants de Cuba, les "habaneros". Des gens souvent très à gauche, pacifistes, future base de la République dans les années 1930. Dans les années 1950, les barbudos autour de Castro ont reçu leur formation militaire d'un ancien commandant républicain espagnol, Bayo. La boucle était bouclée. Mais Cuba hurts quand même.





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La virtualisation du politique

8 Mai 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Une dame en province qui se bat courageusement pour créer une entreprise de teeshirts militants sur lesquels s'afficherait la demande du droit à l'information pour le peuple a reçu hier le mail suivant d'un bloggeur :

Ne militer qu'avec des écrits qui ne dépassent pas les limites d'un village, voire un canton, même physiquement, n'a pas de réelle importance, alors que le net peut toucher un vaste public.
Le parcours, les actes sont louables mais la méthode est simpliste, voire enfantine, amateuriste et non productive pour éclairer et faire changer les mentalités de ce monde, faire ouvrir les yeux. L'internet c'est les yeux du monde qui touche beaucoup plus de cortex...
Bon courage, isolé... 


Voilà bien à quoi mène la virtualisation de la politique par la blogosphère : plutôt que de tenter de convaincre leurs voisins de pallier, beaucoup de gens préfèrent se lancer à l'assaut de la nuée "Internet, les ordinateur, le monde à nos pieds". Théatre d'ombres, théatre des égos.

A la soirée de l'Appel franco-arabe avant hier, il y avait aussi des bloggeurs... qui à la sortie n'ont parlé qu'aux deux ou trois personnes qu'ils connaissaient... puis se sont hâtés de retrouver leur ordinateur, chez eux. Avec Internet la politique n'est plus dans la Cité. Elle est logée dans l'irréel. Elle n'est plus nulle part.
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Pétition de principe

30 Avril 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Conclusion de l'édito du Monde aujourd'hui : "l'islamisme se nourrit de la suppression de toute opposition, de toute vie démocratique ; il fleurit sur le terreau de l'autocratie, quand la mosquée devient le seul espace de contestation. A Tunis ou ailleurs". Le genre de déclaration qu'on lit cent fois dans les journaux.

D'abord il y faut une preuve : que dire de l' "islamisme" chiite (Hezbollah) au Liban où le pluri-partisme politique existe ? Quid du Maroc et de la Jordanie où plusieurs partis se présentent aux élections, quoique d'une manière encadrée (mais n'y a t il pas aussi un fort encadrement de la "démocratie" en France), sans que cela empêche la présence de partis islamistes forts ?

Le point de vue dominant se nourrit de ces pétitions de principe : la "démocratie " (sous-entendu : le système politique occidental) prémunit de l'islamisme, de l'intégrisme, la "démocratie" (occidentale) permet une meilleure redistribution des richesses dans les pays concernés. Au nom de ce genre de pétition de principe on provoque des guerres, on met des peuples sous embargo, on sabote la Charte des Nations-Unies. Que l'on nous donne des preuves, pays par pays.
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Alain Finkielkraut - Annie Ernaux

14 Avril 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

J'ai eu un petit échange de mails ce weekend avec l'écrivaine Annie  Ernaux (avec qui j'ai une petite correspondance occasionnelle depuis la mort de Pierre Bourdieu en 2002).


Je lui ai demandé hier l'autorisation de reproduire sur ce blog le mail que je lui ai adressé à la suite de l'émission "Répliques" d'Alain Finkielkraut sur France Culture samedi dernier (12 avril 2008), et elle me l'a accordée ce matin. Je n'ai pas sollicité en revanche auprès d'elle le droit de reproduire la réponse de onze lignes qu'elle m'a envoyée dimanche, dans la mesure où ce  blog n'a pas vocation à révéler la teneur de messages qui me sont adressés à titre privé.

Il me semble qu'une réflexion sur cette émission pourrait nourrir une longue discussion sur le rapport entre politique et littérature...

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Chère Annie Ernaux

Je dois confesser que je n'ai pas (encore) lu votre dernier livre, mais j'écoutais ce matin votre interview chez Alain
Finkielkraut. Je dois tout d'abord vous féliciter d'avoir participé à cette émission. D'une part parce qu'il est
toujours difficile de débattre avec quelqu'un qui n'a pas les mêmes opinions que soi, et, d'autre part, parce les
espaces de débats pluralistes deviennent très rares dans les médias - chacun n'invitant que des gens du même bord que soi-même ou n'acceptant les invitations que de gens de son propre bord.

Je me permets juste de vous livrer un point de vue d'auditeur ordinaire. A vrai dire, autant la démarche de votre ouvrage m'a paru juste, autant sa traduction dans l'espace d'un débat laisse l'auditeur sur sa faim. Peut-être au fond c'est le projet même d'Alain Finkielkraut, d'utiliser ce livre comme espace de comparaison de deux imaginaires, et des conditions historiques de leur émergence, qui vouait le débat à l'échec, puisque au fond il s'est agi d'un
non-débat, et d'une simple juxtaposition de deux héritages.

Ce projet n'était d'ailleurs peut-être pas le projet initial. Il semble qu'Alain Finkielkraut au début
nourrissait l'intention de vous faire débattre avec lui de la question de la transmission transgénérationnelle qui,
selon lui, aurait été sacrifiée sur l'autel de mai 68, et que d'une certaine façon, l'absence d'accord sur cette question
là (une absence d'accord dont on n'a d'ailleurs pas clairemen vu la cause) l'ait fait dériver vers cette
juxtaposition des imaginaires.

Au moins cette interview aura permis une chose : faire entendre le souvenir des bombardements étatsuniens sur la
Normandie. Comme je vous l'ai déjà indiqué dans une lettre jadis, depuis notre attaque contre Belgrade en 1999 j'ai un rapport très fort à la question des bombardements (peut-être aussi à cause de mes orgines républicaines espagnoles). Ma compagne normande et sa famille m'ont beaucoup parlé du bombardement du Havre, de Rouen et de Sotteville. J'ai bien ressenti dans votre témoignage que c'était un des aspects de votre propos dans lequel vous investissiez le plus d'émotion, peut-être parce que ce traumatisme reste très largement occulté dans l'histoire nationale, alors qu'il est fondateur d'un ressentiment régional très fort.

Le silence sur l'horreur du bombardement de la Normandie en recouvre un autre : celui sur le sacrifice de toute une jeune génération de soldats soviétiques. Car M. Finkielkraut citant M. Agulhon pour qui la mémoire du Débarquement interdirait l'hostilité à l'égar des Etats-Unis oublie une chose : les Etats-Unis se sont hâtés de débarquer en Normandie parce que l'URSS était en train de remporter la guerre à l'Est. Ce qui relativise beaucoup notre obligation de gratitude.

Cet aspect des choses : l'oubli des bombardements qui rejoint l'oubli du sacrifice russe, ne pouvait sans doute
pas être traité du point de vue où vous vous placiez, qui est un point de vue littéraire. Car la littérature comme
témoignage d'un je, d'un on, d'un nous, ne peut pas nécessairement tenir ensemble des choses dont le "je"
n'était pas témoin - les Normands n'ont connu le sacrifice des Russes que très indirectement, et le lien conceptuel
entre ce qu'ils subissaient et ce que subissaient les Russes s'établit dans le champ de l'analyse historique, et non de ce qui est éprouvé empiriquement, même sous un angle collectif.

En tout cas, je reste très intéressé par votre démarche évidemment, cherchant moi-même à donner de la chair à mon engagement - par delà les froids mécanismes de la géopolitique - à travers la littérature , et ne manquerai pas de lire votre livre à l'occasion.

Bien amicalement

FD
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