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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #divers histoire tag

"Le socialisme impérialiste dans l'Allemagne contemporaine" (1919)

20 Juillet 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

prusse.jpgEn 1919, la France épuisée par cinq années de guerre, essaie de comprendre son ennemie vaincue, l'Allemagne.

 

Dans son numéro 73 du 1e octobre 1919 (p. 811), la prestigieuse Nouvelle revue française (NRF) publie une recension sous la plume du germaniste Félix Bertaux. Elle commente le livre "Le Socialisme impérialiste dans l'Allemagne contemporaine, dossier d'une polémique avec Jean Jaurès (1912-1913)" de son maître alsacien (futur professeur au collège de France) Charles Andler, spécialiste du socialisme allemand, qui vient de paraître.

 

"Ce dossier d'une polémique avec Jaurès remet  sous les yeux du public des documents désormais historiques. On se souvient qu'en novembre 1912, Charles Andler avait publié dans l'Action nationale une étude approfondie du socialisme impérialiste dans l'Allemagne contemporaine. Il y dénonçait les tendances de l'aile droite du parti socialiste allemand. Gerhard Hildebrand, Atlanticus appuyé sur Kautsky, Max Schippel, Ludwig Quessel, Sudekum et l'Autrichien Karl Leuthner réclamaient une politique coloniale supposant l'appui socialiste donné à la diplomatie pangermaniste et au militarisme allemand. Hétérodoxie au sein de la Socialdémocratie, soit. Mais celle-ci n'avait acquis d'écrasantes majorités électorales qu'en allant au-devant des appétits germaniques. Gardant, par une imposture devenue éclatante en 1914, la façade internationale au-dedans, elle s'était faite nationale, de plus en plus étoitement. Au congrès d'Iéna, il avait échappé à Bebel : "Le mot d'ordre n'est pas de désarmer, mais d'augmenter les armements".

 

Cet esprit - faut-il dire nouveau ? - du socialisme allemand, Charles Andler nous le révéla en 1912. Sans se croire héroïque. Sans chercher le bruit.

 

Simplement il accomplissait un double devoir : devoir d'historien qui a jeté un nouveau coup de sonde dans des parages explorés par lui depuis vingt ans ; devoir de socialiste dont l'attachement à un idéal humain restera exemplaire.

 

Mais tandis qu'Andler épiait dans les livres et dans la vie l'évolution sociale, que de toute son âme et de toute sa conscience il recherchait la vérité, d'autres intellectuels du parti restaient politiciens, tacticiens purs. Ignorant les faits qui les eussent tirés d'un optimisme béat, ils e prétendaient assurés de mener un mouvement international et unifié. Rêvant généreusement de souder les églises nationales, ils repoussaient la probe information qui démentait leur rêve. Même Jaurès fut victime de l'illusion ; il voulut l'être. Mal entouré, circonvenu et trop faible un jour pour regarder les choses en face, il se laissa aller à reprocher à son ancien camarade de travailler "pour l'Europe bourgeoise et réactionnaire". Et à sa suite un "troupeau de buffles" piétina l'apôtre de la vérité, au printemps de 1913, alors que l'on discutait de la loi de trois ans (*).

 

La justification d'Andler est venue - combien vite ! - et la réparation. Jean Richard-Bloch, Charles Albert, les plus purs, les meilleurs ont compris et témoigné. Jaurès aussi fût venu à résipiscence, dit Andler dans une émouvante introduction.

 

Ainsi se clôt pour l'auteur un débat dont il sort grandi. Et les pièces qu'il rassemble éclaireront l'histoire d'hier. Elles serviront en outre d'introduction à la vie de demain. Un merveilleux remueur d'idées nous initie dans ce livre, comme dans sa collection du Pangermanisme et dans ses récents articles de l'Action nationale, aux détours d'une politique sociale restée agossante. Lui seul peut-être connaît l'ensemble des faits, lui seul les domine. Il est vraiment au dessus de la mêlée pour l'avoir traversée en y laissant un sang généreux, pour l'avoir dominée d'une intelligence souveraine. C'est sur cette intelligence qu'il faut insister : alors que la cervelle s'oblitère chez les maniaques dangereux, un homme a su allier à la ferveur de l'action la probité de l'étude, à l'enthousiasme la conscience, à la chaleur la lucidité. Seuls les esprits ainsi libres doivent nous guider dans l'élaboration d'une nouvelle civilisation intellectuelle et sociale. Avec des maîtres comme Andler, des annonciateurs comme Albert Thierry, des chercheurs comme Pierre Hamp, la France y peut apporter une assez belle inspiration"        ( *) sur le service militaire

 

Ce texte m'intéresse beaucoup, à plusieurs égards. L'idéologie européiste dans les années 1980-90 nous a conduitsà voir chez les socialistes français ralliés à l'Union nationale des cyniques opportunistes. Berteaux au contraire les considère comme des "purs" mais des purs lucides, en rappelant qu'ils ont eu le courage de ne pas s'aveugler sur l'internationalisme, c'est à dire aussi le courage de s'opposer à de logiques d'appareil qui s'aveuglaient pour présever une Internationale socialiste moribonde. Cela doit nous faire réfléchir : ceux qui condamnent le ralliement de certains socialistes français au patriotisme sont peut-etre aussi des gens qui méprisent par trop l'héritage républicain français et sousestiment le danger que fut pour l'Europe le pangermanisme.

 

En outre on retrouve dans ce texte un trait déjà rencontré dans les mémoires de Romain Rolland : l'image d'un Jaurès faible, qui contraste avec l'idéalisation du personnage dans notre mémoire collective.

 

Les considérations de Berteaux à ce moment-là sont d'autant plus importantes qu'elles ont gardé leur actualité. A l'heure où Berteaux écrit, la socialdémocratie nationaliste allemande assassine Rosa Luxembourg et magnigance pour créer un Etat "menchévik" en Géorgie contre le bolchéviks russes et contrôler de la sorte le prétrôle de Bakou, des aspects gommés de la mémoire européenne (et européiste) comme l'histoire de l'Abkhazie.

 

J'ajouterai que ces propos qu'on trouve dans la NRF ne sont nullement entâchée d'un nationalisme étroit. Ils sont introduit par un article très intéressant qui évalue les mérites des échanges intellectuels franco-allemands avant-guerre et ce les leçons qu'il faut tirer de la guerre pour redéfinir l'universalité intellectuelle française. Nous y reviendrons peut-être...

 

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Si Annie Lacroix-Riz n'existait pas...

3 Juillet 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

books.gifSi Annie Lacroix-Riz n'existait pas, il faudrait l'inventer. Je ne partage pas toutes ses convictions politiques, mais je me réjouis que Normale Sup, qui produit beaucoup de Monique Canto-Sperber, ait aussi réussi à fabriquer une Annie Lacroix-Riz. Mes connaissances historiques sur la seconde guerre mondiale sont celles du sciencespoteux moyen, de sorte que je suis bien incapable de juger de la validité de ses travaux. Si je voulais jouer les mâlins je dirais que peut-être elle fait parfois un peu trop confiance aux témoignages des diplomates français - qui ne sont pas toujours des modèles de lucidité lorsqu'ils écrivent des télégrammes du pays où ils sont en poste -, et je pourrais même aller chercher la petite bête en faisant remarquer par exemple que, dans sa dernière lettre ouverte à l'Humanité Dimanche, elle parle à tort des "mémoires" de Goebbels, alors que le propagandiste d'Hitler qui s'est suicidé en 45 n'a sans doute pas eu le temps d'écrire des "mémoires", mais qu'en revanche son journal nous est parvenu, et c'était un diariste accompli.

 

Mais si je situais le débat à ce niveau je manquerais l'essentiel : l'essentiel est que cette historienne apporte de la contradiction, du pluralisme, sur un sujet archi-verrouillé par l'idéologie dominante - l'histoire de l'URSS dans les années 1930 et 1940. De la contradiction, et pas avec des arguments en l'air : de la bonne contradiction universitaire, avec force notes de bas de page, que personne ne peut s'offrir le luxe de balayer d'un revers de main méprisant (ce revers de main, cette moue pleine de morgue qu'on nous déballe si facilement quand on veut bousculer les tabous de notre temps).

 

Hommage doit être donc rendu à son travail, et ceux qui n'ont pas le temps de lire ses livres peuvent au moins, pour se faire une idée, jeter un coup d'oeil à sa lettre ouverte dont j'ai indiqué le lien plus haut dans le présent billet.

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Approximations médiatiques à propos de Tiananmen (1989)

30 Juin 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

On en a peu parlé, pourtant la nouvelle publié par Wikileaks et reprise dans The Telegraph le 4 juin dernier a quelque peu modifié la version officielle en Occident des "massacres de la Place Tiananmen" : en voici la traduction en français.

 

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"Wikileaks : aucun massacre à l'intérieur de Place Tiananmen, affirment des câbles diplomatiques


Les câbles secrets de l'ambassade des Etats-Unis dans Pékin ont montré qu'il n'y avait eu aucun massacre à l'intérieur de Place Tiananmen quand la Chine a dispersé des manifestations pro-démocratiques d'étudiant il y a 22 ans.
 
Par Malcolm Moore, Changhaï


Les câbles, obtenus par WikiLeaks et publiés en exclusivité par le Daily Telegraph, confirment en partie le récit du gouvernement chinois au cours des premières heures du 4 juin 1989, qui a toujours insisté sur le fait que les soldats n'ont pas massacré des manifestants à l'intérieur de Place Tiananmen.

 

Au lieu de cela, les câbles prouvent que les soldats chinois ont ouvert le feu sur des protestataires en dehors du centre de Pékin, car ils ont dû se battre pour se frayer une route jusqu'à la place depuis l'ouest de la ville.

 

Trois câbles ont été envoyés de l'ambassade des USA le 3 juin, dans les heures qui ont conduit à la dispersion, car les diplomates se sont rendus compte que l'épreuve de force finale entre les protestataires et les soldats apparaissait inévitable.


Les câbles ont décrit les « 10.000 à 15.000 hommes de troupe armés et casqués » entrant dans la ville, une partie « portant des armes automatiques ».


Pendant ce tempd, « les troupes aéroportées d'élite » et les « unités de réserve » devaient venir par le sud.

 

L'armée s'est heurtée « à un système élaboré de blocus », décrit dans un câble à partir du 21 mai 1989, qui a permis à des étudiants « de contrôler la majeure partie du centre de Pékin ».


Les diplomates ont observé que « il y avait des autobus tournés en travers des routes pour former des barrage » et les étudiants avaient juré que l'armée ne pourrait pas les traverser. « Mais nous avions des doutes là dessus», ajoute un câble. Les étudiants utilisaient aussi des équipes de motis-courriers pour communiquer avec les barrages de route, et envoyer des renforts où c'était nécessaire.


Comme les troupes entraient dedans, les câbles précisent que le personnel diplomatique ont été à plusieurs reprises avertis « de rester chez eux » à moins qu'ils ne soinet impliqués dans le reportage de première ligne. « La situation au centre de la ville est très confuse, » observait un câble du 3 juin. « Les dirigeants politiques à l'hôtel de Pékin ont rapporté que les troupes poussent un grande partie de la foule vers l'Est sur l'avenue de Chang'an. Bien que ces troupes semblent ne pas être ouvrir le feu sur la foule, on fait état de tirs à l'arrière derrière des troupes venant de la place ».


À l'intérieur de la place elle-même, un diplomate chilien devait remettre en main propre à son homologue américain le récit d'un témoin oculaire des heures finales du mouvement pro-démocratique.


« Il a regardé les militaires entrer sur la place et n'a pas observé quelque usage que ce soit d'armes pour ouvrir le feu sur la foule, bien que des tirs sporadiques aient été entendus. Il a affirmé que la plupart des troupes qui sont entrées sur la place étaient en réalité seulement armées  d'équipement anti-émeute - matraques et clubs en bois ; ils ont été soutenus par les soldats armés, » détaille un câble de juillet 1989.


Le diplomate, qui était posté à côté d'une station de Croix-Rouge à l'intérieur de Place Tiananmen, précisait qu'une ligne des troupes l'a entouré et « a faite paniquer » le personnel médical pour le mettre en fuite. Cependant, selon lui il n'y avait « aucun tir d'arme à feu de masse sur la foule des étudiants autour du monument ».


Selon les dossiers internes de parti communiste, publiés en 2001, 2.000 soldats de la trente-huitième armée, ainsi que 42 véhicules blindés, ont commencé à envahir lentement la place du nord au sud à 4.30 du matin le 4 juin.

 

Alors que, environ 3.000 étudiants étaient assis autour du monument aux héros des personnes sur la limite sud de la place géante, près du mausolée de Mao de Président.


Les chefs de la protestation, y compris Liu Xiaobo, le gagnant du prix de paix Nobel de l'année dernière, ont invité les étudiants à quitter la place, et le diplomate chilien a rapporté qu' « une fois que l'accord a été conclu pour que les étudiants se retirent, ceux ci se sont donnés la main pour former une colonne,et ont quitté la place par le coin du sud-est. » Ce témoignage contredit les rapportages de plusieurs journalistes qui étaient à Pékin à ce moment-là, qui qui décrivaient des soldats « chargeant » sur des civils sans armes, et suggère que le nombre de morts cette nuit-là serait bien inférieur aux milliers qui étaient évoqués jusque là.


En 2009, James Miles, qui était le correspondant de BBC dans Pékin alors, a admis qu'il a « donné l'impression fausse » et qu'« il n'y avait eu aucun massacre sur la Place Tiananmen. On a permis aux protestataires qui étaient encore sur la place quand l'armée est arrivée de partir après des négociations avec des troupes chargées d'exécuter la loi martiale […] Il n'y a pas eu de massacre de Place Tiananmen, mais il y a eu un massacre de Pékin ».


Au lieu de cela, le combat le plus féroce a eu lieu place Muxidi, environ trois miles à l'ouest de la place, où les milliers de personnes s'étaient réunies spontanément la nuit du 3 juin pour arrêter l'avance de l'armée.


Selon les Journaux de Tiananmen, une collection de dossiers internes du parti communiste, des soldats a commencé à tirer à balle réelle à environ 10.30 du soir, après avoir tenté en vain de disperser de la foule avec les balles de gaz lacrymogène et en caoutchouc. Incrédule, la foule a essayé de s'échapper mais elle a entravée par ses propres barrages routiers.


Les câbles indiquent également jusq'à quel point manifestations d'étudiants pour la démocratie avaient gagné l'appui populaire, et comment pendant plusieurs semaines les protestataires ont effectivement occupé la totalité du centre de Pékin, lançant un défi existentiel au parti communiste.


Un câble, à partir du 21 mai 1989, signale qu'un visiteur anonyme avait signalé au consulat des USA à Shenyang que Ni Zhifu, le Président des syndicats de Chine, avait condamné la loi martiale dans la capitale et avait averti que si les étudiants n'étaient pas  traités avec plus de respect il organiserait une grève générale des ouvriers qui paralyserait la Chine."

 

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"Le Destin de Rome", Marc-Antoine et Cléopâtre

19 Juin 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

MarcAntoine.jpgFasciné par Rome depuis l'enfance, j'aborde toujours les documentaires et les "docu-fictions" contemporains, partagé entre Montaigne qui disait se sentir depuis l'âge de 7 ans plus citoyen de la Rome antique que de sa propre époque, et Roland Barthes qui raillait les acteurs américains des peplum, au front toujour dégoulinant de sueur comme des lawyers newyorkais au travail.

 

Le documentaire "Le destin de Rome" sur Arte hier soir (et rediffusé cet après-midi) était à maints égards fort séduisant, à commencer par son parti pris de faire jouer les acteurs en latin et en grec ancien. On pouvait même s'amuser de noter les petites différences entre l'acteur qui jouait Marc-Antoine et qui prononçaiet le "c" de César comme un "s" (et les "v" d'une façon moderne) alors que les autres disaient bien "kaesar" comme on nous l'apprenait au collège. Il paraît que es réalisateurs se sont même inspirés des fautes d'orthographe des graffiti pour mieux comprendre comment les gens parlaient en ce temps là.

 

Un historien dans la presse a garanti que le "docu-fiction" reflétait "à 95 %" ce qui s'était vraiment passé (sans doute en opposant cette production aux créations récentes comme la série britannique "Rome"), mais cette prétention me paraît surtout refléter l'arrogance de notre époque et j'ai été convaincu de son erreur en observant de près la façon dont Marc-Antoine et Cléopâtre étaient traités. C'est vrai que j'étais habitué aux dénigrements de Cicéron et de Plutarque contre le "neos dionysos" (ainsi se faisait appeler Antoine) d'Alexandrie. Je veux bien croire les réalisateurs du "Destin de Rome" quand ils affirment que tous les historiens qui ont traité le sujet étaient des propagandistes césariens qui ont donc caricaturé le couple alexandrin (enfin bon, Cicéron, lui, n'était pas du tout un césarien naïf, et le portrait qu'il fait du consul avant la mort de César fait plutôt froid dans le dos). Je veux bien qu'on rectifie certaines caricatures à la marge, mais dans le récit du "Destin de Rome", les défauts d'Antoine (notamment son côté provocateur et aventurier bien mis en valeur dans la série Rome) et de sa maîtresse sont si parfaitement gommés qu'ils deviennent une espèce de petit couple bourgeois paisible, qui élèvent tranquillement leurs enfants, plaisantent sur leurs parties de pêche, et ont même fondé un groupe "la vie inimitable" carrément assimilé à un club mondain. Il ne manque qu'un poste de télévision dans leur palais et l'on croirait reconnaître en eux le couple de télespectateurs d'Arte-type (celui qu'Arte voudrait avoir) confortablement installé dans son salon...

 

La thèse sous-jacente à cette mise-en-scène serait quelque chose du genre "Si le cruel Octave avait laissé Antoine mener se projets à bien avec Cléopâtre, on aurait eu une Rome grecque, un empire centré sur l'Orient plus beau et plus raffiné". C'est une idée que j'ai déjà trouvée chez des historiens. La tentation de la défense d'une histoire alternative nourrit toujours le fantasme du "ç'aurait été mieux si ça s'était passé autrement", mais il se peut que ce ne soit là qu'une vue de l'esprit.

 

Pour poser ce sujet correctement il faudrait se demander quel apport spécifique le modèle de civilisation romain "occidental" (déjà mâtiné d'hellénisme depuis quelques siècles) mi-républicain mi-monarchique tel que l'a construit Auguste pouvait fournir par rapport à la monarchie hellénistique. Des auteurs comme Hodgson sont convaincus que la vraie richesse et la vraie culture se trouvaient en Orient. C'est vrai pour la richesse économique, et aussi pour la culture lettrée (les arts et lettres). C'est moins vrai pour la culture concrète, celle du droit, à laquelle nous devons le système démocratique actuel (voir le bouquin de Sciavone à ce sujet). Je sais que la dynastie julio-claudienne au 1er siècle ap JC fut des plus impafaites. Mais au moins il y eut le droit romain pour continuer à faire "tourner" l'Empire, protéger ses institutions et ses citoyens, ce qu'il n'y avait pas dans le monde hellénistique. Certains comme Paul Veyne pensent même que c'est le droit qui a rendu fous les empereurs julio-claudiens parce qu'il les maintenait dans un équilibre politique intenable entre la plèbe et la noblesse sénatoriale. Bien sûr en France le droit intéresse peu les esprits littéraires et nos historiens ont tendance à croire qu'il pèse peu face à la philosophie grecque, mais c'est là une idée très contestable.

 

A l'inverse quand j'observe l'abjection politique et morale des derniers Ptolémées en Egypte (mais aussi des derniers Séleucides en Syrie), je ne suis pas du tout convaincu de la grandeur de ce modèle de civilisation. Même si Cléopâtre était à même de le regénérer, rien ne dit que ses successeurs auraient maintenu cet héritage.

 

Les pères de notre démocratie, les philosophes des Lumières (de Montesquieu à Marx), ont toujours considéré avec un certain mépris tous les absolutismes orientaux, de l'empire perse jusqu'au sultan turc, un ensemble qui inclut les monarchies hellénistiques. Les historiens contemporains tentent de contrer ce préjugé, réhabiliter les mal-aimés, mais cette facilité du contre-pied ne doit pas être menée trop loin.

 

Je ne crois pas du tout que l'empire façon Marc-Antoine et Cléopâtre eut valu mieux que celui d'Auguste. Il aurait constitué une avancée si Marc-Antoine avait réfléchi à un compromis entre la civilisation juridique romaine et l'absolutisme oriental (comme Octave, lui, avait dessiné un compromis entre monarchie et Répubique), mais il n'y a pas songé une seule seconde. Quoi qu'en disent les réalisateurs du film, il était affectivement, politiquement et culturellement prisonnier du système de pensée de Cléopâtre. La propagande d'Octave ne mentait pas là-dessus. Antoine était devenu hellénistique jusqu'au bout des ongles, il se prenait pour un nouvel Alexandre. Sauf qu'il n'avait même pas les moyens de son ambition. Il n'avait pas les moyens d'être un grand souverain hellénistique. Pour cela il eût dû conquérir la Perse gouvernée par les Parthes. Or il s'est cassé les dents sur les Parthes comme tous les Romains avant lui, et n'aura réussi qu'à conquérir l'Arménie. Incapable de saisir politiquement et militairement les possibilités historiques qui lui étaient offertes à partir, disons, de 40 av. JC, il s'enfermait désormais dans le rôle du velléitaire. Et son enfermement dans le piège d'Actium en 31 n'a fait que confirmer son échec. Si un coup du sort lui avait permis de remporter la victoire et finalement de marcher sur Rome, il aurait dû ensuite réfléchir (un peu tard) à un nouveau compromis politique entre l'Orient et l'Occident (un compromis d'autant plus nécessaire qu'il n'avait pas le contrôle de la Perse pour appuyer davantage son pouvoir sur l'Orient). Lui et ses successeurs en eussent-ils été capables ou auraient-ils tout simplement à nouveau perdu l'Occident à la faveur d'une nouvelle guerre civile ? Je penche plutôt pour la seconde hypothèse. A mon avis il n'y avait pas, dans le projet d'Antoine et Cléopâtre les moindres prémices d'une viabilité historique.

 

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Quand les chiites du Bahrein inventaient un communisme islamique

4 Juin 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

On parle en ce moment de "nettoyage ethnique" à l'encontre des Chiites du Bahrein, expression qui serait hélas opportune si le chiisme était une ethnie, et non une religion.

 

Il est intéressant de souligner de quel héritage culturel et politique cette communauté est porteuse: celui du mouvement des Qarmates.

 

Les Qarmates sont un courant dissident de l’ismaélisme refusant de reconnaître le fatimide Ubayd Allah al-Mahdî comme imam. Ils furent actifs surtout au Xe siècle en Irak, Syrie, Palestine et dans la région de Bahreïn où ils fondèrent un état (903-1077) aux prétentions égalitaires que l'on a parfois qualifié de communiste.

 

Dans un article d'août 2003, l'ex-militant communiste Raymond Debord (qui a beaucoup milité auprès des immigrés si l'on en croit sa biographie) replace ce mouvement dans la longue liste des peuples en lutte pour des idéaux égalitaires - une liste que son texte limite au monde islamique mais qu'il faudrait étendre à toutes les cultures de l'humanité.

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Il explique : "Sous les Abbâssides, les grands bénéficiaires de l'essor économique et social sont la classe des marchands et les milieux de la Cour. Les marchands profitent de l'essor commercial dû au développement de grandes métropoles, de l'afflux d'or , de l'augmentation du crédit et de la hausse des prix." "Dès 875, explique Debord, une propagande messianique annonçant la venue prochaine du mahdi - l'imam caché - se répend dans les milieux ruraux et bédouins. Le trait dominant de la propagande colportée par les missionnaires (dâ'î, plur. du'wâ) est la revendication de l'égalité sociale ‑ encore qu'on en exclut les esclaves ‑ et de la communauté des biens."

 

En 899 le laboureur Hamdân Qarmat fait scission du mouvement chiite ismaélite. "Le qarmatisme développe une doctrine originale, insistant sur la liberté individuelle, le rejet de la loi formelle de l'Islam et l'affirmation du caractère relatif de tout système de relations humaines" précise Debord. Ils valorisent le monde du travail, le changement social, et refusent toute nostalgie : c'est un projet politique tourné vers l'avenir. Ses partisans mèneront diverses batailles contre le califat au Proche-Orient. Leur fief est l'Etat qu'ils ont fondé au Bahrein et qui durera jusqu'au 12ème siècle.

 

Selon le blog Omphalos et Metanoïa qui reprend un article de l’Encyclopédie de l’Islam (nouvelle édition établie par E. van Donzel, B. Lewis et Ch. Pellat, Leiden-Paris, Brill-Maisonneuve & Larose, tome IV, 1978, p. 691), "l’Etat qarmate fut placé sous la direction d’un gouvernement collégial (...) La vitalité économique de cet Etat était assurée par les butins des campagnes militaires qarmates, par les droits de douane perçus sur tous les navires qui empruntaient les routes maritimes du golfe arabo-persique, ainsi que par les droits de protection payés par les caravanes du Pèlerinage. L’excédent qui était dégagé de ces diverses opérations, ainsi que l’achat de plusieurs milliers d’esclaves noirs, permit l’épanouissement de cette « société dont l’ordre et la justice suscitèrent l’admiration d’observateurs non-karmates » : les habitants, en effet, « ne payaient ni impôts ni dîme, et toute personne qui s’était appauvrie ou endettée pouvait obtenir un prêt qu’elle pouvait rembourser lorsque sa situation s’était rétablie ; les prêts n’étaient jamais productifs d’intérêts, et toutes les transactions commerciales locales se faisaient au moyen d’une monnaie de plomb purement symbolique. [...]La réparation des maisons était faite gratuitement par les esclaves des dirigeants, et des moulins étaient entretenus par le gouvernement pour moudre gratuitement le blé pour les habitants. » Enfin, « à partir de l’époque d’ Abu Saïd, les prières, le jeûne et les autres pratiques musulmanes furent abolies, mais un marchand étranger fut autorisé à construire une mosquée à l’intention des visiteurs musulmans ». Paradoxe à l’état pur, l’organisation sociale des Qarmates du Bahrein était donc, pour résumer, un sorte de Welfare State esclavagiste, s’appuyant sur une économie parasitaire à l’extérieur et pratiquant à l’intérieur une forme de communisme, le tout sous les ordres d’une dynastie dont la doctrine religieuse avait pour conséquence la laïcisation de la société." 

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Religions et politiques

5 Février 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

L'humain est un animal effrayé par la diversité de ses dispositions et qui, par crainte des abominations que cette diversité produit,  a éprouvé périodiquement le besoin de se discipliner dans une purification de type relgieux - qu'on trouve dans les diverses réformes spirituelles qui ont émaillé l'histoire de notre espèce, sous les cieux du polythéisme comme sous ceux plus récents du monothéisme.

 

Ces velléités de purification et de remobiliation discipilinaire ont connu  des modalités plus laïques depuis trois siècles, mais la conséquence éthique du mouvement est toujours la même.

 

Pour ma part je me situe toujours, vous le savez, d'un point de vue laïque (qui est aussi celui qui inspire ma défense  du stoïcisme), mais je reste intéressé par toutes les réflexions politiques qui se déploient dans des univers religieux et les juge, du point de vue qui m'intéresse, c'est à dire de l'organisation des vies humaines, davantage à l'aune de leur efficace sociale que de leur contenu de croyance. Non pas parce que je tiens le savoir athée pour une conquête mineure, mais parce que je sais que cette conquête est vaine si elle sert l'injustice sociale. Et donc, sur une planète où l'injustice n'a jamais atteint un pareille ampleur, je soutiens d'abord les mouvements qui combattent l'injustice avant de regarder s'ils sont laïques comme moi ou pas.

 

Je conseille d'ailleurs à mes lecteurs la lecture intéressante de l'article ci joint sur Machiavel et Savonarole, qui est une interrogation passionnante sur le rapport de la politique au fait religieux, et qui, évidemment, me fait penser à Chavez.

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Je suis à l'égard des autres peuples premièrement sympathisant de tout ce qui se bat chez eux pour la justice sociale locale et planétaire, et deuxièmement partisan de la non ingérence, au sens où j'estime que les puissances hégémonistes sur le sol desquelles je suis né n'a pas à choisir le gouvernement adéquat, ni même l'opposition légitime, en lieu et place des peuples concernés.

 

A l'égard de mon propre peuple, pour qui, heureusement, le fait religieux appartient largement au domaine du passé, je suis pour qu'il progresse sur la voie de la rationalité et de l'immanence. Mais je souhaite qu'il le fasse sur une base compréhensive à l'égard de ceux qui n'ont pas encore épousé ce regard là, et notamment pour ceux qui, dans le passé, n'avaient pas les moyens d'embrasser cette conviction. C'est pourquoi en particulier je rejette a christianophobie d'un Dawkins, d'un Bricmont ou d'un Onfray. Le christianisme, comme l'Islam ou le judaïsme, fut parmi les tentatives intéressantes de "purification" et de mobiliation des dispositions humaines qui entraînère souvent des améliorations anthropologiques notables dans les comportement, quoi qu'il aboutît lui-même souvent également à des impasses regrettables.

 

Tunisie-132.jpgPour moi le christianisme, dans toutes ses dimensions, rigoriste dans sa version cathare (voire hérétique, puisqu'ils étaient à la limite du renversement du message biblique), protestante, janséniste etc, ou licencieuse (jusqu'au "christianisme" païen des Borgia) fait incontestablement partie de l'héritage culturel des peuples de notre continent, comme en ont fait partie les paganismes avant lui, et en feront partie à l'avenir les apports religieux des religions monothéistes ou non venues d'autres horizons (du Maghreb, d'Afrique noire, d'Asie etc). Reconnaître leur place dans notre héritage culturel, ne signifie pas que j'oublie leurs crimes (n'en déplaise aux adversaires des commémorations), ni que je mette sur le même plan éthique les bourreaux et les victimes (comme le font certains partisans de la tabula rasa sans même s'en rendre compte, semble-t-il). Je salue simplement ce qui dans chacune des nuances de ces expériences religieuses a pu viser une amélioration de la condition humaine, visée en vertu de laquelle chacune a pu rallier à elle l'action de gens honnêtes.

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Un point d'histoire sur la question du rapport du Parti communiste à l'immigration

5 Janvier 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Vous le savez,  je n'ai jamais été membre du Parti communiste français (PCF), et je cultive une position anti-impérialiste qui n'est pas marxiste stricto sensu. Cependant je tiens toujours à ce qu'une certaine vérité objective soit respectée lorsqu'il s'agit d'évoquer les mouvements révolutionnaires en France et dans le monde, ceux d'aujourd'hui et ceux d'hier, car les courants conservateurs ont tôt fait de verser dans la calomnie sur ce genre de sujet et d'égarer l'opinion commune sur ce genre de sujet.

 

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Dans cet esprit, je me permets de publier sur ce petit blog, avec l'autorisation de son auteur, la lettre ouverte adressée par M. Jean-Pierre Page, qui fut jadis responsable des relations extérieures de la CGT, à Mme Laurence Cohen, secrétaire départementale de la fédération du PCFdu Val-de-Marne, au sujet de l'exposition "30 ans de communisme dans le Val de Marne"‏ dont le journal le Parisien du 5 juin dernier, et l'Humanité du 3 juin ont parlé. Le texte mérite une certaine attention, car il corrige des erreurs répandues dans l'opinion publique depuis 30 ans en ce qui concerne le rapport du PCF à l'immigration. Sur ce sujet on peut aussi jeter un coup d'oeil aux vidéos ci-dessous.

 

Pour aller dans le sens de cette lettre, on peut rappeler que l'ex-dirigeante du groupe d'aide aux immigrés GISTI Danièle Lochak a fait ses débuts dans un groupe d'alphabétisation des immigrés organisé par la CGT, et elle n'était sans doute pas un cas isolé. Le rôle du PCF aux côtés des immigrés dans les années 1960-70 (même s'il mérite des critiques sur bien des plans), doit quand même être intégré à la mémoire de la gauche.

 

FD

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"La Havane, 4 janvier 2010
 
 
Chère camarade,
 
Je suis informé d’une exposition sur “ 30 ans de communisme dans le Val de Marne”, dont la fédération du PCF serait à l’initiative et qui rapporte dans des termes inexacts et politiciens les événements intervenus à Vitry en relation avec l’expulsion de travailleurs immigrés du foyer de St Maur, en décembre 1980. Je souhaite donc te faire part de mon indignation!
 
En dénaturant de façon grossière les principes de  solidarité internationaliste qui furent  pendant de nombreuses années les valeurs sur lesquelles s’est construit l’identité du PCF, les responsables de cette exposition  insultent la mémoire, la générosité et l’engagement de nombreux militants communistes.  Pire ils participent à cette réécriture de l’histoire qui n’est pas étrangère au fiasco politique qui caractérise aujourd’hui ce parti dont la perte de crédibilité est une caractéristique que l’on peut vérifier non seulement en France mais aussi dans le monde.
 
Pour avoir assumé d’importantes responsabilités à la CGT comme secrétaire général de l’Union Départementale du Val de Marne ainsi qu’au PCF comme membre de la direction fédérale, puis comme membre du Comité central, il m’est insupportable qu’on travestisse à ce point la réalité de ce que furent nos positions véritables. J’ajouterai que je ne suis pas étonné de voir le PCF se livrer à cette énième séance d’exorcisme dans  le but de se libérer de ses prétendues fautes. Toutefois je conteste avec la plus grande énergie que cela se fasse en se servant de nous comme de simples boucs émissaires !
 
Si les responsables de cette exposition n’avaient pas été obsédés par l’idée de reprendre à leur compte la campagne des médias relayés à l’époque et depuis par le PS, le PSU, la LCR, la CFDT ils auraient consulté comme je viens encore de le faire le livre d’Alain Bertho, historien et à cette époque rédacteur en chef de Société Française écrit en collaboration avec notre regretté Roland Foucard : « Ceux du Val de Marne » ! Ils y auraient découvert des faits et des documents incontestables dont d’ailleurs un grand nombre se trouvent maintenant aux Archives départementales du Val de Marne.
 
Ainsi comment parler de ces événements sans évoquer la bataille que menait depuis plusieurs années en Val de Marne la CGT avec le soutien du PCF et des associations de travailleurs migrants en particulier l’Amicale des Algériens en Europe et l’Association des Maliens pour le respect des droits des résidents des foyers ADEF et SONACOTRA gérés par les marchand de sommeil du patronat de la Métallurgie et du Bâtiment avec le soutien de la droite et du PS.
 
C’est à cette époque et chaque fois avec l'engagement du PCF et de ses élus que furent organisés non sans succès de nombreuses manifestations, rassemblements, conférences de presse avec les résidents des foyers qui déboucheront et pour la première fois sur l’organisation en France de « Comités de résidents CGT des foyers ». Forts de milliers d’adhérents dans le Val de Marne ce sont eux qui permirent d’imposer au Ministre de Giscard Lionel Stoleru un statut national qui devait permettre après  négociations  les importantes rénovations des foyers du Val de Marne en particulier celui de Chevilly-Larue , la gestion des activités par les résidents eux-mêmes, de véritables contrats de locations, une réduction importante des loyers, le droit de s’organiser librement et tenir réunions, le droit de recevoir, le respect des cultes, etc….
 
C’est à cette époque que nous dénoncions la ségrégation à laquelle se livraient les municipalités de droite vis-à-vis des travailleurs migrants en refusant l’installation de foyers sur le territoire de leurs communes. Le 21 janvier 1978 dans une initiative au foyer ADEF de Chevilly Larue je faisais remarquer au nom de la CGT « Il n’est pas juste que des communes comme Champigny compte 4  foyers d’autres 3 comme à Vitry, Choisy, Ivry, Villejuif et d’autres n’en comptent pas comme à Nogent, le Perreux, Bicêtre, La raison de cette situation est simple les élus réactionnaires refusent et s’opposent violemment à la présence des travailleurs immigrés ou à la construction de foyers dans leurs localités. Il faut mettre un terme à ce comportement scandaleux ! »


C'est dans ces circonstances que Beaumont, Maire de St Maur qui rêvait de faire de sa ville, « le Neuilly de l’Est Parisien » avait avec la complicité de l’ADEF, du Préfet et l’aide des CRS décidé d’expulser plusieurs centaines de résidents d’origine Malienne d’un foyer en grève de loyers avec le soutien de la CGT et du PCF. Le 21 décembre on  amena par bus, quasi clandestinement, sans aucune explications, avec l'aide de la police et depuis St Maur une partie d’entre eux dans des locaux de Vitry, appartenant aux HLM et devant être reconverti en foyer de jeunes cheminots. Pourquoi ne pas évoquer tout cela pour expliquer la décision du Maire de Vitry de prendre un arrêté d’interdiction d’habiter dans ce lieu insalubre et de surcroît dangereux  qui devait faire l’objet d’une reconversion.
 
Pourquoi ne  pas rappeler enfin que le 10 janvier 1981 à l’initiative de la CGT et du PCF eu lieu une grande manifestation à Vitry « contre les provocations du pouvoir, des élus réactionnaires et de l’officine patronale qu’était l’ADEF . Ce jour là, les organisateurs de cette exposition devraient montrer  au lieu de chercher à effacer notre histoire comment les Maliens expulsés de St.Maur étaient tous fraternellement  à nos cotés pour crier  ensemble « Français
immigrés, même patron même combat ». Marcel Zaidner organisateur de cette exposition et membre du Comité Central à cette époque ne s’en souvient il pas ?
 
Ces événements intervenant  quelques jours avant Noël dans le contexte de l’élection présidentielle  donnèrent lieu à une campagne d’une rare violence dans les médias  contre le candidat du PCF : Georges Marchais. Elle fut relayée d’ailleurs dans la CGT au niveau national par Pierre Feuilly secrétaire général du syndicat CGT des journalistes et membre du comité directeur du PS,  qui appartenait comme moi à la direction nationale de la CGT. Les organisateurs de cette exposition auraient ainsi pu consulter les exemplaires de la Vie Ouvrière relatant sur ce sujet  les débats et les faits de cette époque, les reportages,  à moins ce qui doit être le cas qu’ils contestent également l’opinion de la CGT et de celui qui en était le directeur à ce moment-là : Henri Krazucki.
 
On peut avoir et c’était une qualité  des communistes l’esprit critique bien chevillé et une infatigable capacité d’indignation devant l’injustice, l’intolérance et l’arbitraire. Fort heureusement un grand nombre d’entre eux continuent  non seulement à s’indigner, mais à se rebeller, à se révolter devant la barbarie de cette société capitaliste. Par contre comment ne pas trouver affligeant de voir certains qui pour plaire aux princes en arrivent à capituler, à renoncer de façon subalterne  au point de caricaturer leur propre histoire. Renoncer c'est se ranger du côté de l'idéologie dominante, et l'idéologie dominante comme disait  Marx, "c'est l'idéologie de la classe dominante".
 
Que ne leur demandera t’on pas demain ? Qu’ils s’empresseront d’accepter ? Par exemple et comme c’est le cas actuellement refuser que le PCF s’associe à la liste des signataires de la protestation des PC d’Europe contre la campagne visant à criminaliser le communisme.
 
Pardonne moi encore cette citation, j’espère qu’elle ne sera pas inutile ! Le philosophe Italien Domenico Losurdo faisait remarquer récemment« les communistes  doivent savoir regarder de façon autocritique leur histoire mais n’ont pas à avoir honte et ne doivent pas se laisser aller à l’autophobie ; c’est le mouvement communiste qui a mis fin aux horreurs qui ont caractérisé la tradition coloniale».

 

S’agissant de ces évènements cela me semblait être une réflexion de circonstances !
 
Reçois chère camarade mes salutations,
 
Jean-Pierre Page
 
Ancien secrétaire général de lUD CGT du Val de Marne( 1979-1992),
ancien membre de la commission exécutive de la CGT(1982-2000)

 

PS : il va sans dire que je me réserve le droit de faire connaître cette opinion"

 

 

 

 

 

 
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Qui étaient les Ibères ?

12 Octobre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Mes lecteurs habituels qui, en bons citoyens modernes, sont friands d'actualité, surtout à l'heure où la glorieuse mobilisation populaire va chasser M. Sarkozy du pouvoir, n'aimeront pas le présent post. Mais celui ci s'adresse aux amateurs d'histoire antique, s'il s'en trouve encore, qui découvriraient mon blog en tapant "ibères" sur Google.

 

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J'ai appris il y a peu que les Ibères comme les Basques sont un peuple qui vient d'on ne sait trop où - de sorte que leur langue étant aussi peu indoeuropéenne que celle des Basques ceux-ci ont souvent tendance à s'approprier comme leur dans la toponymie ce qui est en réalité ibérique.

 

En vérité on en sait quand même un peu plus sur les Ibères que sur les Protobasques parce qu'au moins on sait dater leur arrivée en Europe du Sud-Ouest et l'on sait qu'ils sont asiatiques (d'Asie mineure ou du Caucase).

 

J'aime bien les peuples dont les langues ne sont pas "à leur place" dans un ensemble donné et qui devaient passer pour complètement incongrus à tous leurs voisins (encore que je n'arrive jamais trop à évaluer si l'incongruité linguistique jouait jadis un si grand rôle dans la conception qu'un peuple se faisait de son voisin tant les conflits de voisinage étaient sévères, même entre peuples de même langue).

 

Quand on me parle de peuple asiatique perdu au milieu des Indo-européens, je pense spontanément aux Etrusques, cernés par les Celtes et les peuples italiques qui se ressemblaient entre eux. On décrit parfois les Etrusques, et les Crétois, comme plus hédonistes que les Indo-européens. Est ce vrai aussi des Ibères? Les Ibères ressemblent-ils en quoi que ce soit aux Etrusques ? Y a t il quoi que ce soit, dans leur art par exemple, qui puisse plaider en ce sens ou du moins nous faire soupçonner quoi que ce soit sur leur mentalité ? Faut-il imaginer le Ibères remplis d'un imaginaire végétal comme les Etrusques et les Minoens ? ou rudes combattants austères comme les bergers de Phrygie ?

 

Je lance ces questions en l'air à l'attention d'improbables érudits de passage. Une façon aussi pour moi de desserrer l'étau du quotidien.

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