Articles avec #divers histoire tag
Escroqueries prophétiques
Il y a peu une apprentie-sorcière de culture orthodoxe coach en PNL interviewait un auteur de best-sellers (en ce moment qui dit auteur de best-seller dit agent du système) admirateur des apparitions de Garabandal (son argument en leur faveur est que le Padre Pio a eu un message de Marie pour une voyante de cet endroit...mais il en a eu aussi un pour la voyante spirite parisienne Mlle Bouvier....). Un entretien sur une prophétie antirusse de Marie-Julie Jahenny au XIXe siècle qui, comme on le verra ci-dessous, ne favorisera pas la paix dans le monde (mais ce n est pas ce que ce genre de youtubeuse recherche)
Si l'on prend le seul élément factuellement vérifiable de ce genre de prophétie, il ne tient pas la route : l'histoire de l'encerclement de Paris. Si Notre Dame a vraiment annoncé que Paris résisterait pendant quelques dizaines de jours à l'encerclement par les Russes, alors cette prophétie ne s'appliquera pas avant plusieurs années, car nos militaires disent tous que nous n'avons des munitions que pour tenir un front de 200 km pendant 6 jours. Or par hypothèse l'encerclement de Paris n'interviendrait qu'après plusieurs jours de combats infructueux sur le front de l'Est. Donc ça ne peut intervenir que quand la France aura à nouveau une industrie d'armement solide, c'est à dire dans vingt ans au minimum. Pour la même raison d'ailleurs on ne comprendrait pas pourquoi l'Espagne (qui a aussi peu de munitions que la France voire moins) serait en état d'empêcher que les Russes aillent au delà de leur zone côtière comme l'affirme l'auteur de best sellers.
J'ai essayé d'expliquer tout cela par mail à la Youtubeuse, mais bien sûr ce genre de personne religieuse n'aime pas la vérité et elle n'a rien voulu savoir : hélas les esprits dévôts généralement méprisent un peu trop les voies rationnelles pour apprécier les vérités factuelles (piétinant au passage l'enseignement de St Thomas d'Aquin et la tradition de l'Eglise qui laisse une place à la raison pour une partie de la connaissance), préférant se consoler de leurs petits bobos psychologiques par l'autosuggestion ("oui Dieu m'aime, Dieu m'aime!") et prenant comme argent comptant tout ce qui est d'apparence surnaturelle (alors pourtant que la Bible elle-même les met en garde contre ce genre d'illusion).
Songez à tous les débats totalement stériles qu'on provoquées les prophéties de la Salette dans lesquels les milieux monarchistes français ont sombré au XIXe siècle (le comte de Chambord, héritier légitime de la couronne de France, avait même reçu un des voyants dans son exil). Les mêmes erreurs se reproduisent de génération en génération.
Chateaubriand à Prague
Mémoires d'Outre-tombe L. IV. «Entré à Prague, le 24 mai (1833), à sept heures du soir, je descendis à l’hôtel des Bains, dans la vieille ville bâtie sur la rive gauche de la Moldau. J’écrivis un billet à M. le duc de Blacas pour l’avertir de mon arrivée; je reçus la réponse suivante :
" Si vous n’êtes pas trop fatigué, monsieur le vicomte, le roi sera charmé de vous recevoir dès ce soir, à neuf heures trois quarts ; mais si vous désirez vous reposer, ce serait avec grand plaisir que Sa Majesté vous verrait demain matin, à onze heures et demie. Agréez, je vous prie, mes compliments les plus empressés. Ce vendredi 24 mai, à sept heures. Blacas D’AULPS. "
Je ne crus pas pouvoir profiter de l’alternative qu'on me laissait; à neuf heures et demie d usoir, je me mis en marche; un homme de l’auberge, sachant quelques mots de français, me conduisit. Je gravis des rues silencieuses, sombres, sans réverbères, jusqu’au pied de la haute colline que couronne l’immense château des rois de Bohême. L’édifice dessinait sa masse noire sur le ciel ; aucune lumière ne sortait de ses fenêtres; il y avait là quelque chose de la solitude, du site et de la grandeur du Vatican, ou du temple de Jérusalem, vu de la vallée de Josaphat. On n’entendait que le retentissement de mes pas et de ceux de mon guide ; j’étais obligé de m’arrêter par intervalles sur les plates-formes des pavés échelonnés, tant la ponte était rapide.
A mesure que je montais, je découvrais la ville au-dessous
Parvenu au plateau sur lequel est bâti Hradschin, nous traversâmes un poste d’infanterie dont le corps de garde avoisinait le guichet extérieur... Comme je montais le second étage, je rencontrai M. de Blacas qui descendait. J’entrai avec lui dans les appartements de Charles X; là étaient encore deux grenadiers en faction. Cette garde étrangère, ces habits blancs à la porte du roi de France, me faisaient une impression pénible : l’idée d’une prison plutôt que d’un palais me vint.
Nous passâmes trois salles anuitées et presque sans meubles : je croyais errer encore dans le terrible monastère de l’Escurial. M. de Blacas me laissa dans la troisième salle pour aller avertir le roi, avec la même étiquette qu’aux Tuileries. Il revint me chercher, m’introduisit dans le cabinet de Sa Majesté, et se retira.
Charles X s’approcha de moi, me tendit la main avec cordialité en me disant : "Bonjour, bonjour, M. de Chateaubriand, je suis charmé de vous voir. Je vous attendais. Vous n’auriez pas dû venir ce soir, car vous devez être bien fatigué. Ne restez pas debout ; asseyons-nous. Comment se porte votre femme?" Rien ne brise le cœur comme la simplicité des paroles dans les hautes positions de la société et les grandes catastrophes de la vie. Je me mis à pleurer comme un enfant ; j’avais peine à étouffer avec mon mouchoir le bruit de mes larmes. Toutes les choses hardies que je m’étais promis de dire, toute la vaine et impitoyable philosophie dont je comptais armer mes discours, me manqua. Moi, devenir le pédagogue du malheur ! Moi, oser en remontrer à mon roi, à mon roi en cheveux blancs, à mon roi proscrit, exilé, prêt à déposer sa dépouille mortelle dans la terre étrangère! Mon vieux prince me prit de nouveau par la main en voyant le trouble de cet impitoyable ennemi, de ce dur opposant des ordonnances de Juillet. Ses yeux étaient humides; il me fit asseoir a côté d’une petite table de bois sur laquelle il y avait deux bougies; il s’assit auprès de la même table, penchant vers moi sa bonne oreille pour mieux m’entendre, m’avertissant ainsi de ses années qui venaient mêler leurs infirmités communes aux calamités extraordinaires de sa vie.
Il m’était impossible de retrouver la voix, en regardant dans la demeure des empereurs d’Autriche le soixante-huitième roi de France courbé sous le poids de ces règnes et de ses soixante-seize années; de ces années, vingt-quatre s’étaient écoulées dans l’exil, cinq sur un trône chancelant; le monarque achevait ses derniers jours dans un dernier exil, avec le petit-fils dont le père avait été assassiné et de qui la mère était captive. Charles X, pour rompre ce silence, m’adressa quelques questions. Alors j’expliquai brièvement l’objet de mon voyage : je me dis porteur d’une lettre de Mme la duchesse de Berry, adressée à Mme la Dauphine, dans laquelle la prisonnière de Blaye confiait le soin de ses enfants à la prisonnière du Temple, comme ayant la pratique du malheur. J’ajoutai que j’avais aussi une lettre pour les enfants. Le roi me répondit : « Ne la leur remettez pas; ils ignorent en partie ce qui est arrivé à leur mère; vous me donnerez cette lettre. Au surplus, nous parlerons de tout cela demain, à deux heures ; allez vous coucher. Vous verrez mon fils et les enfants à onze heures et vous dînerez avec nous. » Le roi se leva, me souhaita une bonne nuit et se retira. Je sortis; je rejoignis M. de Blacas dans le salon d’entrée ; le guide m’attendait sur l’escalier. Je retournai à mon auberge, descendant les rues sur les pavés glissants, avec autant de rapidité que j’avais mis de lenteur à les monter. (...)
Le mardi 28 mai, la leçon d’histoire à laquelle je devais assister à onze heures n’ayant pas lieu, je me trouvai libre de parcourir ou plutôt de revoir la ville, que j’avais déjà vue et revue en allant et venant.
Je ne sais pourquoi je m’étais figuré que Prague était niché dans un trou de montagnes qui portaient leur ombre noire sur un tapon de maisons chaudronnées : Prague est une cité riante où pyramident vingt-cinq à trente tours et clochers élégants ; son architecture rappelle une ville de la renaissance. La longue domination des empereurs sur les pays cisalpins a rempli l’Allemagne d’artistes de ces pays ; les villages autrichiens sont des villages de la Lombardie, de la Toscane, ou de la terre ferme de Venise : on se croirait chez un paysan italien, si, dans les fermes à grandes chambres nues, un poêle ne remplaçait le soleil.
La vue dont on jouit des fenêtres du château est agréable : d’un côté, on aperçoit les vergers d’un frais vallon, à pente verte, enclos des murs dentelés de la ville, qui descendent jusqu’à la Moldau, à peu près comme les murs de Rome descendent du Vatican au Tibre ; de l’autre côté, on découvre la ville traversée par la rivière, laquelle rivière s’embellit d’une île plantée en amont, et embrasse une île en aval, en quittant le faubourg du Nord. La Moldau se jette dans l’Elbe. Un bateau qui m’aurait pris au pont de Prague m’aurait pu débarquer au Pont-Royal à Paris. Je ne suis pas l’ouvrage des siècles et des rois ; je n’ai ni le poids ni la durée de l’obélisque que le Nil envoie maintenant à la Seine ; pour remorquer ma galère, la ceinture de la Vestale du Tibre suffirait.
Le pont de la Moldau, bâti en bois en 795 par Mnata, fut, à diverses époques, refait en pierre. Tandis que je mesurais ce pont, Charles X cheminait sur le trottoir ; il portait sous le bras un parapluie ; son fils l’accompagnait comme un cicérone de louage. J’avais dit, dans le Conservateur, qu’on se mettrait à la fenêtre pour voir passer la monarchie : je la voyais passer sur le pont de Prague.
Dans les constructions qui composent Hradschin, on voit des salles historiques, des musées que tapissent les portraits restaurés et les armes fourbies des ducs et des rois de Bohême. Non loin des masses informes, se détache sur le ciel un joli bâtiment vêtu d’un des élégants portiques du cinquecinto : cette architecture a l’inconvénient d’être en désaccord avec le climat. Si l’on pouvait du moins, pendant les hivers de Bohême, mettre ces palais italiens en serre chaude avec les palmiers ? J’étais toujours préoccupé de l’idée du froid qu’ils devaient avoir la nuit.
Prague, souvent assiégé, pris et repris, nous est militairement connu par la bataille de son nom et par la retraite où se trouvait Vauvenargues. Les boulevards de la ville sont démolis. Les fossés du château, du côté de la haute plaine, forment une étroite et profonde entaille maintenant plantée de peupliers. À l’époque de la guerre de Trente Ans, ces fossés étaient remplis d’eau. Les protestants, ayant pénétré dans le château le 23 mai 1618, jetèrent par la fenêtre deux seigneurs catholiques avec le secrétaire d’État : les trois plongeurs se sauvèrent. Le secrétaire, en homme bien appris, demanda mille pardons à l’un des deux seigneurs d’être tombé malhonnêtement sur lui. Dans ce mois de mai 1833, on n’a plus la même politesse : je ne sais trop ce que je dirais en pareil cas, moi qui ai cependant été secrétaire d’État.
Tycho-Brahé mourut à Prague : voudriez-vous, pour toute sa science, avoir comme lui un faux-nez de cire ou d’argent ? Tycho se consolait en Bohême, ainsi que Charles X, en contemplant le ciel ; l’astronome admirait l’ouvrage, le roi adore l’ouvrier. L’étoile apparue en 1572 (éteinte en 1574), qui passa successivement du blanc éclatant au jaune rouge de Mars et au blanc plombé de Saturne, offrit aux observations de Tycho le spectacle de l’incendie d’un monde. Qu’est-ce que la révolution dont le souffle a poussé le frère de Louis XVI à la tombe du Newton danois, auprès de la destruction d’un globe, accomplie en moins de deux années ? Le général Moreau vint à Prague concerter avec l’empereur de Russie une restauration que lui, Moreau, ne devait pas voir.
Si Prague était au bord de la mer, rien ne serait plus charmant ; aussi Shakespeare frappe la Bohême de sa baguette et en fait un pays maritime :
« Es-tu certain, dit Antigonus à un matelot, dans le Conte d’hiver, que notre vaisseau a touché les déserts de Bohême ? »
Antigonus descend à terre, chargé d’exposer une petite fille à laquelle il adresse ces mots :
« Fleur ! prospère ici… La tempête commence… Tu as bien l’air de devoir être rudement bercée ! »
Shakespeare ne semble-t-il pas avoir raconté d’avance l’histoire de la princesse Louise, de cette jeune fleur, de cette nouvelle Perdita[27], transportée dans les déserts de la Bohême ?
Confusion, sang, catastrophe, c’est l’histoire de la Bohême ; ses ducs et ses rois, au milieu des guerres civiles et des guerres étrangères, luttent avec leurs sujets, ou se collettent avec les ducs et les rois de Silésie, de Saxe, de Pologne, de Moravie, de Hongrie, d’Autriche et de Bavière.
Pendant le règne de Venceslas VI, qui mettait à la broche son cuisinier quand il n’avait pas bien rôti un lièvre, s’éleva Jean Huss, lequel, ayant étudié à Oxford, en apporta la doctrine de Wiclef. Les protestants, qui cherchaient partout des ancêtres sans en pouvoir trouver, rapportent que, du haut de son bûcher, Jean chanta, prophétisa la venue de Luther.
« Le monde rempli d’aigreur, dit Bossuet, enfanta Luther et Calvin, qui cantonnent la chrétienté. »
Des luttes chrétiennes et païennes, des hérésies précoces de la Bohême, des importations d’intérêts étrangers et de mœurs étrangères, résulta une confusion favorable au mensonge. La Bohême passa pour le pays des sorciers.
D’anciennes poésies, découvertes en 1817 par M. Hanka, bibliothécaire du musée de Prague, dans les archives de l’église de Kœniginhof, sont célèbres. Un jeune homme que je me plais à citer, fils d’un savant illustre, M. Ampère[28], a fait connaître l’esprit de ces chants. Célakowsky a répandu des chansons populaires dans l’idiome slave.
Les Polonais trouvent le dialecte bohême efféminé ; c’est la querelle du dorien et de l’ionique. Le Bas-Breton de Vannes traite de barbare le Bas-Breton de Tréguier. Le slave ainsi que le magyar se prêtent à toutes les traductions : ma pauvre Atala a été accoutrée d’une robe de point de Hongrie ; elle porte aussi un doliman arménien et un voile arabe.
Une autre littérature a fleuri en Bohême, la littérature moderne latine. Le prince de cette littérature, Bohuslas Hassenstein, baron de Lobkowitz, né en 1462, s’embarqua en 1490 à Venise, visita la Grèce, la Syrie, l’Arabie et l’Égypte. Lobkowitz m’a devancé de trois cent vingt-six ans[29] à ces lieux célèbres, et, comme lord Byron, il a chanté son pèlerinage. Avec quelle différence d’esprit, de cœur, de pensées, de mœurs, nous avons, à plus de trois siècles d’intervalle, médité sur les mêmes ruines et sous le même soleil, Lobkowitz, Bohême ; lord Byron, Anglais ; et moi, enfant de France !
À l’époque du voyage de Lobkowitz, d’admirables monuments, depuis renversés, étaient debout. Ce devait être un spectacle étonnant que celui de la barbarie dans toute son énergie, tenant sous ses pieds la civilisation terrassée, les janissaires de Mahomet II ivres d’opium, de victoires et de femmes, le cimeterre à la main, le front festonné du turban sanglant, échelonnés pour l’assaut sur les décombres de l’Égypte et de la Grèce : et moi, j’ai vu la même barbarie, parmi les mêmes ruines, se débattre sous les pieds de la civilisation.
En arpentant la ville et les faubourgs de Prague, les choses que je viens de dire venaient s’appliquer sur ma mémoire, comme les tableaux d’une optique sur une toile. Mais, dans quelque coin que je me trouvasse, j’apercevais Hradschin, et le roi de France appuyé sur les fenêtres de ce château, comme un fantôme dominant toutes ces ombres.
Ma revue de Prague étant faite, j’allai, le 29 mai, dîner au château à six heures. Charles X était fort gai.(...)
«Je représentai au Roi qu’il était trop loin de la France, qu’on aurait le temps de faire deux ou trois révolutions a Paris avant qu’il en fut informé à Prague. Le Roi répliqua que l’Empereur l’avait laissé libre de choisir le lieu de sa résidence dans tous les étals au tri chiens, le royaume de Lombardie excepté. "Mais, ajouta Sa Majesté, les villes habitables en Autriche, sont toutes a peu près à la même distance de France. A Prague, je suis logé pour rien, et ma position m’oblige à ce calcul. " Noble calcul, que celui-là pour un prince qui avait joui pendant cinq ans d’une liste civile de vingt millions, sans compter les résidences royales; pour un prince qui avait laissé à la France la colonie d’Alger et l’ancien patrimoine des Bourbons, évalué de 25 à 30 millions de revenu ! Je dis : " Sire, vos fidèles sujets ont souvent pensé que votre royale indigence pouvait avoir des besoins; ils sont prêts à se cotiser, chacun selon sa fortune, afin de vous affranchir de la dépendance de l’étranger. " — Je crois, mon cher Chateaubriand, dit le roi en riant, que vous n’êtes guère plus riche que moi. Comment avez-vous payé votre voyage ? — Sire, il m’eut été impossible d’arriver jusqu’à vous, si Mme la duchesse de Berry n’avait donné l’ordre à son banquier, M. Jauge, de nie compter 6,000 fr. — C’est bien peu ! s’écria le roi; avez vous besoin d’un supplément? — Non, sire; je devrais même, en m’y prenant bien, rendre quelque chose à la pauvre prisonnière ; mais je ne sais guère regratter.. — Vous étiez un magnifique seigneur à Rome ? — J’ai toujours mangé consciencieusement ce que le roi m’a donné ; il ne m’en est pas resté deux sous. — Oh ! ça ne finira pas comme ça. Combien, Chateaubriand, vous faudrait- il pour être riche ? — Sire, vous y perdriez votre temps; vous me donneriez quatre millions "ce matin, que je n’aurais pas un palard ce soir. Le roi me secoua l’épaule avec la main : A la bonne heure ! Mais à quoi diable mangez-vous votre argent? — Ma foi, sire, je n’en sais rien, car je n’ai aucun goût et ne fais aucune dépense; c’est incompréhensible ! Je suis si bête qu’en entrant aux affaires étrangères je ne voulus pas prendre les 25,000 francs de frais d’établissement, et qu’en sortant je dédaignai d’escamoter les fonds secrets! Vous me parlez de ma fortune pour éviter de me parler de la vôtre. — C’est vrai, dit le roi;-voici à mon tour ma confession : En mangeant mes capitaux par portions égales d’année en année, j’ai calculé qu’à l’âge où je suis, je pourrais vivre jusqu’à mon dernier jour sans avoir besoin de personne. Si je me trouvais dans la détresse, j’aimerais mieux avoir recours, comme vous me le proposez, à des Français qu’à des étrangers. On m’a offert d’ouvrir des emprunts, entre autres un de 30 millions qui aurait été rempli en Hollande, mais j’ai su que cet emprunt, coté aux principales bourses en Europe, ferait baisser les fonds français; cela m’a empêché d’adopter le projet; rien de ce qui affecterait la fortune publique en France ne pouvait me convenir. — Sentiment digne d’un roi ! Dans cette conversation on remarquera la générosité de caractère, la douceur des mœurs et le bon sens de Charles X. Pour un philosophe, c’eût été un spectacle curieux que celui du sujet et du roi s’interrogeant sur leur fortune et se faisant confidence mutuelle de leur misère au fond d’un château emprunté aux souverains de Bohême ! »
Sur certaines inexactitudes du récit voir ici.
Quelques fétiches malsains de cet hiver
Je lisais récemment dans "Pour un autre Moyen-Age" une interprétation sociologique de Jacques Le Goff sur le culte de Mélusine au XIIe siècle que l'historien interprète comme une sorte de révolte de la petite noblesse contre l'Eglise à l'époque. Cela s'applique aussi à la fée d'Argouge dans le Calvados. Un kabbaliste ancien collaborateur du Monde Diplo aujourd'hui fait revivre ce culte à Lusignan. Encore une figure du féminin sacré...
/image%2F1562800%2F20240114%2Fob_1cd508_comet.jpg)
Je n'aime guère cette scénographie qui se rattache à Lilith, c'est le moins qu'on puisse dire,. Un certain Sylvain Durain, prisé des traditionalistes d'Academia Christiana (récemment dissoute) souligne (avec hélas des références anthropologiques datées et assez bon marché) à juste titre que le culte du féminin sacré conduit aux sacrifices humains. Mais il pointe du doigt les rituels africains (dans la mouvance "Valeurs Actuelles" on ne sait que maudire le Tiers-Monde), au lieu de cibler certains cercles de la haute maçonnerie (à supposer qu'il faille encore parler de maçonnerie à ce niveau transnational) occidentale qui font la même chose. Je lui ai communiqué un de mes billets sur la mort sacrificielle du cuisinier Bourdain proche d'Obama, en lui disant "il y a aussi ces sacrifices là". Evidemment il ne m'a pas répondu et ne me répondra pas (ce dont il devra un jour répondre devant Dieu, car il est facile de pointer du doigt la magie africaine en ignorant celle de nos dirigeants, mais l'une est plus dangereuse que l'autre, même si les deux vont souvent de pair).
La méfiance à l'égard du féminin sacré m'inspire aussi beaucoup de prudence à l'égard de l'Abkhazie où il semble très présent (Novi Athos fait exception, mais ce monastère est une sorte d'enclave coloniale russe, sauf à considérer que ce monastère "purifie" le féminin païen dans ses prières, la question reste ouverte), et de toutes ces affaires autour d'Israël et des Frères musulmans dont on ne maîtrise pas tous les tenants et aboutissants (aussi bien les racines historiques du Likoud que celles du Hamas sont dans le féminin sacré, et voir Meyssan venir à Courrier des Stratèges avec un pull à damier maçonnique nous expliquer qu'une partie du Hamas est maintenant contre les Frères musulmans ne me persuade guère - regardez bien son code vestimentaire sur chacune des 4 vidéos : pull à damier, pull noir, pull blanc, pull à damier - un clin d'oeil évident aux "frères" : il est en mission).
/image%2F1562800%2F20240113%2Fob_d20343_meyssan-damier.png)
Tous ces faux fétiches m'agacent. Quelqu'un attirait aussi mon attention sur soeur Yvonne Aimé de Jésus, qui connaît un regain de succès dans les milieux charismatiques dont témoigne l'interview de Didier Van Cauwelaert sur Tocsin. Mais celui-ci ( a tort de n'imputer l'indifférence de l'Eglise conciliaire à l'égard de cette nonne au seul fait qu'elle était une femme. Si l'on se rapporte au livre catholique des années 1970 "Le tribunal du Merveilleux", on découvre qu'à l'époque beaucoup de faux miracles avaient été attribués à cette religieuse qui s'étaient dégonflés d'eux-mêmes. On comprend que cela ait jeté un doute sur la cause de sa canonisation, même si peut-être la montée de l'humanisme et du rationalisme dans l'Eglise à l'époque soit aussi à blâmer.
A part ça une certaine extrême droite sur les réseaux sociaux s'agite contre le nouveau premier ministre français qu'elle accuse d'être israélite, homosexuel, "Young leader" du Forum Économique mondial (les deux premières caractéristiques étaient aussi celles de Mme Borne quoique sur un mode moins affiché). A vrai dire ces "marqueurs" sociologiques qui peuvent être assez caractéristiques de ce qui fait l'identité de la République (et aussi de beaucoup de cercles monarchistes qui prétendent s'y opposer) n'ont rien de très original. Ce qui est drôle c'est que beaucoup de ceux qui les mettent en avant comme Xavier Poussard sont des admirateurs de Trump... qui poursuit le projet antéchristique de reconstruire le Temple à Jérusalem... Tous ces gens peinent à être cohérents.
/image%2F1562800%2F20240114%2Fob_d50a69_trump-cible.jpg)
A propos de Trump, il a circulé des théories avant Noël autour de la chorégraphie de la Maison Blanche inspirée de Casse-Noisette où le roi des souris assassiné ressemblait à Trump en mode "predictive programming" (ce qui n'est pas la première fois - Kathy Griffin nous l'avait fait en mode tête coupée en 2017, dans un esprit plus maçonnique). Un humoriste (mais dans ce monde qui est humoriste, et qui dit la vérité ? comme lorsque Coluche posait avec l'oeil d'Horus dans 2 heures moins le quart av. JC), Dick Gregory (1932-2017) a dit qu'il y a deux Trumps fabriqués par les milieux occultistes : un avec une cravate bleue (le faux), l'autre avec la rouge (le vrai). Celui du Casse-Noisette a une cravate bleue. Blue pill, red pill. Il est vrai que Trump est souvent associé à la thématique du double, dans les films (par exemple dans Gremlins 2) et dans la presse (et je ne parle même pas du thème de son prétendu double Andy Kaufman).
/image%2F1562800%2F20240114%2Fob_91d26a_cuba-livre.jpg)
A part ça les Houthis défendent bravement les Palestiniens en Mer Rouge au point de perturber le commerce occidental (mais qui sont-ils vraiment, et qui est vraiment le Hezbollah libanais qui a grassement aidé Meyssan pendant des années ?). Milei obtient un soutien du FMI en Argentine pour brader des pans du pays à la JP Morgan (tu parles d'un libertarianisme, mais c'est un libertarianisme à la Ayn Rand), mais doit affronter le système judiciaire pour pouvoir liquider les droits des travailleurs. Londres montre ses muscles (dégonflés) face à Pyongyang, à Sanaa, et à Caracas au Guyana (il est vrai qu'il n'est peut-être pas très malin de la part de Maduro de relancer la polémique sur l'Esequibo maintenant que le Guyana est un pays pauvre, même si historiquement le Venezuela a été escroqué par Londres sur le tracé de la frontière). A Cuba le prix de l'essence va être multiplié par cinq. Les scènes que je décrivais dans mon livre l'an dernier risquent de se reproduire. Pas de réponse de Céline Payen à mes voeux (le temps où par son intermédiaire je pouvais parler de l'Ukraine sur BBC Afrique est révolu). Pas de réponse de Bricmont à mon mail sur Chomsky et Epstein. Pas de réponse de Florence Matton d'Aligre FM à l'envoi de mon livre sur Cuba (le temps où elle me tendait son micro pour parler de l'Atlas alternatif est révolu). A vrai dire j'ai seulement sondé ces anciens contacts à titre de test. Je n'ai plus du tout envie d'aller avec eux, comme il y a quinze ans, jouer les mini-stars de la pensée critique. Il ne faut pas participer à ce théâtre du pseudo-débat démocratique.
Condition des femmes musulmanes en Egypte jadis
Les femmes en Egypte dans les années 1910 (extrait de En Egypte : choses vues / E. L. Butcher ; traduit de l'anglais, par Lugné-Philipon p. 52) :
" Les Mahométans riches et instruits d'Egypte n'infligent point aux femmes une réclusion absolue, sinon en Egypte même. On peut voir arriver à la gare du Caire un essaim de femmes voilées jusqu'aux yeux et conduites, telles des prisonnières, jusqu'à leur wagon par l'être infortuné et grotesque dont la mutilation est rendue nécessaire par le système qui régit la vie de famille musulmane. Les femmes ne doivent regarder aucune personne se trouvant sur le quai de la gare ; elles doivent, à plus forte raison, s'abstenir d'adresser la parole à qui que ce soit. On les enferme à clef dans leur wagon, puis on les mène, sous bonne escorte, du wagon au bateau à vapeur.
Le matin suivant, ces femmes viennent prendre place à la table commune des passagers de première classe ; elles ont dépouillé le voile qui les enveloppait, elles sont nu-tête, elles portent un costume de voyage à la dernière mode de Paris, elles se prélassent dans des fauteuils pliants de la meilleure marque, elles lisent les romans français nouveaux. Tant qu'elles seront loin de leur pays, elles
poseront pour des Européennes et afficheront une grande liberté d'allure, mais quand le bateau les ramène en Egypte, elles retrouvent les mêmes geôliers, les mêmes voiles qui les attendent, et elles rejoignent le Caire dans le même équipage qu'au départ.
S'il arrive que vous rendiez visite, dans un harem, à une dame entourée de ses amies, et que son mari entre à l'improviste (il est vrai que d'habitude il se fait annoncer), vous pourrez voir les visiteuses indigènes se mettre à genoux sur le parquet et tirer leur jupe jusque sur la tête, de peur que l'intrus ne puisse apercevoir tant soit peu leur visage. Bien mieux, on a vu une femme indigène de là classe la plus pauvre relever sa robe par-dessus la tête en rencontrant un Européen ; elle avait conscience d'agir selon les lois de la bienséance, et elle ignorait avec candeur et sérénité ce fait qu'elle exposait ainsi la plus grande partie de son corps."
Napoléon, Rancé, Sartre...
Le film de Ridley Scott sur Napoléon que je n'ai pas encore vu suscitait toutes sortes de débats sur l'Empereur dans le Figaro hier. Jean Dutourd dans "La Chose écrite" avait rendu hommage au style littéraire de l'empereur en en faisant la racine d'une famille stylistique en soi dans laquelle il classait aussi bien Stendhal que George Sand et même Roger Vailland au XXe siècle, tandis que la monarchie avait le sien qui allait selon lui de Chateaubriand à Louis Aragon (par delà les clivages politiques). Une façon en quelque sorte de faire comme si la littérature pouvait se comparer aux styles mobiliers.
J'ai jeté un oeil sur ce que Gallica propose des oeuvres complètes de l'empereur. J'ouvre le tome 4, au hasard. Un communiqué militaire après la victoire de Friedland en 1807 qui fait l'inventaire des pertes adverses (par milliers). Il ajoute "Après de tels événemens on ne peut s'epêcher de sourire quand on entend parler de la grande expédition anglaise et de la nouvelle frénésie qui s'est emparée du soir de Suède". Lisez aussi la page suivante (251) sur l'estime mutuelle que Français et Russes se portaient.
A rebours je passe au tome 3 pour le 13 mars 1802 : "Rome, Naples, l'Etrurie sont rendues au repos et aux arts de la paix.
Lucques, sous une constitution qui a réuni les esprits et étouffé les haines, a retrouvé le calme et l'indépendance.
La Ligurie a posé dans le silence des partis les principes de son organisation , et Gènes voit rentrer dans son port le commerce et les richesses.
La république des Sept-Iles est encore, ainsi que l'Helvétie, en proie à l'anarchie; mais d'accord avec la France, l'empereur de Russie y fait passer les troupes qu'il avait à Naples, pour y reporter les seuls Liens qui manquent à ces heureuses contrées, la tranquillité, le règne des lois, et l'oubli des haines et des factions.
Ainsi, d'une extrémité à l'autre, l'Europe voit le calme renaître sur le continent et sur les mers, et son bonheur s'asseoir sur l'union des grandes puissances et sur la foi des traités."
Jean Dutourd disait que Napoléon fut le seul écrivain qui écrivait sur le monde au moment même où il le modifiait. Le seul qui eût ce pouvoir là. C'est une remarque assez juste.
A part delà je ne lis que des textes de vieillards ou sur des vieillards. Avant hier c'était la Vie de Rancé de Chateaubriand, que bien sûr je recommande à tout le monde, texte profond sur la vie ascétique, sur la spiritualité de l'époque de Louis XIV qui fut aussi un visage important de ce que fut la civilisation française. Il n'y a que les cinéastes imbéciles subventionnés par l'Etat qui croient que la France du Roi Soleil n'était que danses, mignardises et parties de jambes en l'air sous les dorures de Versailles. Ces gens ne comprendront jamais rien à ce que fut leur pays.
Et puis j'ai aussi jeté un oeil aux derniers chapitres du livre d'Annie Cohen-Solal sur Sartre. Le temps du maoïsme, et ses dernières années, aveugles dans le face-à-face avec Benny Lévy. Vous savez qu'il y a un an je m'étais penché sur le maoïsme français avec des lunettes chrétiennes, et notamment avec celles de Clavel (ce qui était une façon de revenir sur ce sujet ) l'âge mûr, sachant qu'auparavant je ne l'avais observé qu'avec le regard de Monsieur Tout le Monde). Je l'avais regardé comme on dissèque une hérésie. Les hérésies ont beau être fausses, elles pointent parfois vers des vérités, et surtout suscitent des modes de vie intéressants. J'en retrouve la preuve dans les mots de Cohen-Solal sur la fraternité que Sartre trouva pour la première fois chez les "maos". J'avais deux ou trois ans, quand le maoïsme atteignit son apogée dans notre hexagone, je n'en ai donc rien connu, Pourtant je ne pense pas qu'on puisse réfléchir aux idées de gauche sans se pencher sur ce qui s'est joué dans cette expérience. J'en ai un peu parlé aussi dans mon livre sur Cuba dans lequel j'interroge le contenu religieux des révolutions, notamment celui du castrisme.
/image%2F1562800%2F20231122%2Fob_2df68a_cuba-livre.jpg)
Il vaut mieux passer son temps à lire ces vieilleries qu'à regarder les news à la TV ou les imbécilités politiques de YouTube et des réseaux sociaux.
Michel Collon chez Rémy Watremez
Il m'est arrivé notamment pendant la crise sanitaire de regarder sur You Tube "Juste Milieu" la chaîne de Rémy Watremez. Ce n'est pas à proprement parler une chaîne d'information alternative, plutôt de divertissement, équivalent dans l'ordre contestataire de ce qu'est par exemple "Le Quotidien" du côté des mainstream. Il y a quatre jours le Youtubeur interviewait Michel Collon, l'homme que je surnommais "Le Missionnaire" dans mon livre "L'ingérence de l'OTAN en Serbie" où j'évoque notamment mes échanges avec lui à l'époque.
Je n'ai pas tout écouté, seulement la façon dont le journaliste belge présentait son itinéraire. C'est amusant la façon dont un homme de 77 ans résumé son engagement devant un youtubeur de 29... Le jeune ne connaît pas vraiment le contexte politique des années 1990-2000. Donc le vieil homme peut aisément présenter les choses comme cela l'arrange. Dans un sens il n'a pas le choix : il ne dispose que de 5 minutes. Mais la synthèse, la cristallisation, produisent un effet curieux. Comme si tout était naturel, linéaire. Collon était fils de bourgeois, mais il a découvert la gauche, l'usine, puis "Manufacturing consent", puis la propagande de guerre, et puis il y a eu Internet, et l'altermondialisme etc... La jeunesse gobe ces mots comme elle lirait un livre d'histoire. Tout cela est finalement bien abstrait.
Le récit gomme tout ce qui n'allait pas de soi. Les coups de poignards, contre les ennemis, mais aussi contre les alliés, et surtout contre la vérité, à chaque étape - c'est embêtant de la part de gens qui s'érigent en professionnels de la lutte contre le mensonge. De vrais "saint Jean de la Croix" du combat pour la vérité (pour reprendre le mot de Sartre qui comparaît Fidel Castro à ce mystique). En réalité tout est bien plus complexe, mais qui se soucie de la complexité ? La complexité est dans les livres. Il faut aller les trouver chez des éditeurs confidentiels, les livres sont longs à lire.
Moi qui suis aussi un ancêtre (quoique plus jeune que Collon), astreint à ce titre au devoir de mémoire, je n'ai pas oublié. Ce qu'était la République fédérale de Yougoslavie à l'été 2000 quand Michel Collon organisait des visites à Belgrade alors que les opposants (de gauche et de droite) étaient en tôle. L'histoire de la création du portail Internet qui n'a jamais vu le jour au début des années 2000 voulez-vous que je vous la raconte ? Et la façon dont Taddei cooptait les opposants légitimes (Collon-Bricmont) pour l'émission "Ce soir où jamais" à l'époque où le socialisme de Chavez était à la mode ? Chaque fois qu'un opposant crée son petit "business de la vérité" et joue des coudes pour être reconnu, il en écrase une vingtaine d'autres, mais surtout, il écrase aussi beaucoup d'aspects de la vérité qui auraient gagné à être compris et qui auraient dû être portés par ceux qui ont glissé dans l'oubli. Je ne parle pas de moi : je n'avais pas la "gnaque" pour devenir un porte-drapeau, mais de beaucoup de gens de trente ou quarante ans plus jeunes que Collon auxquels celui-ci n'a pas fait la courte-échelle, qu'il a utilisés pour vendre ses cassettes, ses livres, et qui ont pâti de ne pas avoir plus d'espace pour s'exprimer et devenir à leur tour de bons journalistes alternatifs.
Problème des égos. Problèmes des idéologies aussi. Collon me hérisse à chaque fois qu'il affirme que les guerres impériales sont faites pour le pétrole. Il ose le répéter aujourd'hui à propos de la Palestine. On sait pourtant que l'ampleur du problème est plus vaste. Elle est spirituelle. Mais parler de pétrole simplifie le débat, comme lorsque les gens à l'époque du Covid croyaient avoir atteint le sommet de l'esprit critique quand ils disaient "c'est une question de pognon". Raisonner de la sorte arrange bien tout le monde.
Allez, je vous montre ce qui fut malgré tout le meilleur côté de Collon à mes yeux : Les damnés du Kosovo. Car avec ce film là, tourné quelques années après l'entrée de la KFOR dans la province serbe, il avait quand même le grand mérite de traiter un sujet qui n'intéressait plus personne dans les grands médias : la persécution des minorités non albanaises.
La complexité politique de la Croatie
Le journal croate Narod (Le Peuple) est comme Valeurs Actuelles en France : avec lui on n'est jamais assez proches de l' "identité chrétienne de l'Europe" et des intérêts de la bourgeoisie, ni assez anti-immigré, anti-palestinien, anti-russe, etc. Je les rejoins sur leur hostilité (au moins de façade) au Nouvel ordre mondial, aux lobbys sociétaux etc, je m'en éloigne sur bien d'autres points.
Le lire m'instruit toujours, moi qui fus, dans les années 1999-2000 très hostile à la propagande antiserbe de l'OTAN (voyez ce livre), très favorable aussi à l'idéal yougoslaviste finissant (quoique Milosevic en eût fait quelque chose d'aussi cynique que Mitterrand de l'Union de la Gauche, mais bon Milosevic était acculé là où Mitterrand ne l'était pas...). J'ai comme beaucoup d'anti-OTAN été à juste titre détesté l'expulsion des Serbes de Krajina par les Croates en 1995, mais j'ai aussi fait mon pèlerinage à Medjugorje (qui n'est pas en Croatie, mais dans la partie croate de la Bosnie, et j'ai traversé presque tout le pays pour m'y rendre) d'où j'ai tiré une impression pourrait-on dire... contrastée (il faudrait que j'en parle un jour dans un livre).
Mais revenons à Narod. Ce quotidien qui met un point d'honneur à se tenir à équidistance du communisme et du nazisme des oustachis, s'étranglait du fait que dans le village natal de du premier président de l'indépendance croate F. Tudjman, Veliko Trgovišće, l'office du tourisme envisage d'inclure dans l'Allée des grands hommes en cours de construction un monument au maréchal Tito (natif de Croatie), héros de la résistance, leader des Non-Alignés, et dictateur communiste de 1944 à 1980.
Narod y voit la preuve que la Croatie est un pays "sans repères" intellectuels. Il cite un communiqué de l'Association croate des journalistes et publicistes. (HNiP), présidée par Krešimir Čokolić qui rappelle que Tito avait poussé Nasser à faire la guerre à Israël, et que des restes de ce parti-pris pro-arabe imprègnerait la société croate. Ce communiqué déplore aussi que "la persistance du problème du soutien au culte de Tito dans les médias et dans la société a récemment été attestée par une situation désagréable similaire lorsque le Parlement croate n'a pas pu mettre en œuvre une coopération militaire avec l'Ukraine (sur la question de la formation de l'armée ukrainienne en Croatie)".
Voilà un passage intéressant sur la complexité de la Croatie. En politique, rien n'est jamais si simple qu'il y paraît. Rappelons que début octobre, le journal serbe Politika avait souligné les liens entre nationalisme croate et communisme. "Après la formation de la première Yougoslavie, écrivait Milan Tchetnik, le Komintern a ouvertement et programmatiquement préconisé la destruction de l’État slave du sud nouvellement créé et la création d’une Croatie souveraine, c’est-à-dire la réalisation du rêve chauvin de l’idéologie de droite et l’expulsion ultérieure des Serbes.(...) En juillet 1932, le Komintern de Moscou confia la « tâche » au Parti communiste de Yougoslavie de conclure des « accords de combat » avec les nationalistes anti-yougoslaves. La direction du « Groupe des révolutionnaires nationaux croates » dirigé par G. Dimitrov, et la principale force du Groupe était censée être les partisans des Oustachis et du Parti paysan croate (selon l'étude de Branislav Gligorijević : Komintern - Question yougoslave et serbe, 1992) (...) En 1971 (lors du Printemps croate), le chef de l'émigration oustachi, le Dr Branko Jelić, « avait des contacts avec la direction du parti communiste croate », mais aussi : « On a également appris que la direction du parti croate envisageait de séparer la Croatie. de Yougoslavie et la placer sous la protection de l'URSS- et qui voulaient des bases militaires navales sur l'Adriatique" (Andrej Jakopović, Attitude de J.B. Tito envers le Printemps croate /maspok, op. author./, Osijek 2021)."
Tout cela n'était pas sans lien avec l'attitude ambiguë de Tito avec l'Eglise catholique (qui a aussi milité contre le yougoslavisme dans l'entre-deux-guerres). Il fut en 1971 "le premier dirigeant communiste, à se jeter aux pieds du pape romain Montini (Paul VI) le 29 mars. "bien que les plus hauts fonctionnaires de l'URSS aient également rendu visite au pape, bien qu'à titre privé" (P. Radosavljević : Relations entre la Yougoslavie et le Saint-Siège 1963-1978)." D'ailleurs on a appris récemment, avec la publication du livre Čudesni život Josipa Broza Tita (La vie miraculeuse de Josip Broz Tito) de Žarko Petan que Tito a demandé, contre l'avis de son entourage, les derniers sacrements à un prêtre catholique slovène juste avant sa mort et ce serait la raison pour laquelle il n'y a pas d'étoile rouge sur sa tombe.
Milovan Djilas ancien compagnon d'armes de Tito raconta que, de retour des funérailles du résistant slovène Boris Kidrič en 1953, dans le train bleu à destination de Belgrade, Đilas a abordé avec moquerie le sujet de l'au-delà. Tito l'interrompit brusquement : "N'en parle pas ! Qui sait ce que c'est !" Et quand ils ont brûlé le corps de l'économiste Edvard Kardelj (né en Slovénie) en 1979, Tito a déclaré qu'ils auraient dû l'enterrer selon la vieille manière chrétienne (ce en quoi il s'était montré plus rigoureux que beaucoup de chrétiens actuels qui acceptent la crémation).
Les palombes de la Saint-Luc
/image%2F1562800%2F20231018%2Fob_334429_palombe.jpg)
"Saint Luc lou gran truc" disait-on autrefois dans les Landes, mais aussi en Béarn. Le 18 octobre, c'est le jour du pic de passage des palombes.
Le Mémorial des Pyrénées du 25 octobre 1895 en parlait :
"La campagne se poursuit pour nos chasseurs, comme toujours, avec des chances diverses, mais un écart considérable existe pour tous entre les prises actuellement faites et celles de période correspondante de l’an dernier. Cependant, le passage semble devoir bientôt prendre fin ; les froids sont arrivés. les grues ont commencé leur migration et les meilleures chasses n’ont pas encore la moitié de leur contingent habituel de palombes. La semaine dernière la majeure partie des vols sont passés avec les vents du nord, à perte de vue et en rangs serrés. Jeudi et vendredi jour de la Saint-Luc, ils se sont succédé sans interruption, mais sauf pour quelques chasses exceptionnellement situées, ces palombes passaient sans paraître voir les appeaux.
« Mauvaise campagne ; les palombes ne veulent pas poser » ; tel est le langage que tiennent tous les chasseurs de la contrée. Est-ce l’abondance des glands qui rend la chasse difficile? Il est certain que la faim est un des éléments qui manquent cette année au succès de la chasse au filet. D’un autre côté, la plupart des chasseurs ont débuté sans avoir pu remplacer les appeaux que la maladie leur avait enlevés, et c’est là, croyons-nous, la cause la plus commune de l’insuccès relatif de la campagne.
Le roi palombe, à l’occasion du grand truc, est, dit-on, passé hier sur nos chasses, au milieu de ses bataillons; mais il n’a certainement pas entraîné à sa suite toute son armée; espérons que la réserve, une réserve sérieuse, reste encore à venir, et qu’en dépit d’un mauvais début, il y aura des palombes pour tous."
Même constat 17 ans plus tard, le 28 octobre 1912 : " Les petits oiseaux ont terminé leur passage le long de I’Adour : les alouettes leur ont succédé. Il y a eu d'assez bonnes prises. Quant aux palombes, on les voit passer, c’est tout : elles dédaignent ou négligent de s’arrêter. "
"La palombe vaut la peine qu'on la tire, lisait-on dans L'Avenir d'Arcachon 1906, c'est un mets succulent que certains amateurs mangent comme la bécasse avec une rôtie au rhum. En la préparant, on trouve parfois des glands dans son gésier, comme on rencontre des grains de genièvre dans les grives de l'Aveyron ; et le gland est un fruit salutaire puisqu'on en fait un certain café. "
Pour ma part je la dégustais dans une sauce au vin au restaurant dans mon enfance, avec des cèpes à la persillade.
Il y avait autrefois des foire de la Saint-Luc de Brionne en Normandie jusqu'à Lourdes en Bigorre. On y mangeait peut-être aussi des palombes. C'était du temps où elles n'envahissaient pas nos jardins urbains...
A propos de chasse au pigeon ramier, je tombe sur cet amusant article du Mémorial des Pyrénées du 14 février 1845, compte-rendu d'un procès aux Assises de Pau :
" Si la chasse a ses douceurs', elle à bien aussi ses dangers, surtout depuis cette malencontreuse loi du 12 mai 1844, qui est destinée à éterniser la querelle des braconniers et des gendarmes. Le dimanche, 20 octobre dernier, était jour de loisir pour les gens de Làas, canton de Navarrenx , et le beau bois de Làas devait foisonner de palombes ce jour-là. Une partie de chasse était convenue entre Larrieu père, Larrieu fils, Jean Bartholou fils, François Crampe! et François Hounloun ; et dès l'aube du jour ces cinq paysans de Làas étaient postés à la palombière, sorte de cabane aérienne, au- dessus de' laquelle s’agite une palombe-appeau, qui attire, les palombes voyageuses. Nos chasseurs attendaient les palombes; ce furent; les gendarmes qui arrivèrent. Roussel, l’un d’eux, demanda aux délinquans le permis de chasse ; ils répondirent qu’ils n’en avaient pas. Ceci était croyable. Roussel demanda leur nom ; ils répondirent qu'ils n’en avaient pas. Ceci paraissait peu vraisemblable. Et comme les chasseurs étaient perchés sur l’arbre de la palombière, Roussel grimpe au haut de l’arbre. Ils se dispersent comme des oiseaux et disparaissent dans les branches ; l’un d’eux , cependant, Larrieu père, plus intrépide que ses compagnons, s’élance comme un écureuil , saisit le gendarme à la jambe, disant : « Veux-in tomber sur les pieds ou sur la tête ? — Ce serait « une lâcheté indigne de vous, » répondit le gendarme avec sang-froid et sans s’effrayer du terrible dilemme.— Ce mot presqu’héroïque désarma Larrieu père. Le gendarme , descend ; tous les chasseurs le suivent; une fois au bas de l’arbre, les gendarmes somment les délinquans de dire leur nom ou de se rendre devant le maire de leur commune. Les chasseurs s’y refusent. Une mêlée s’engage , et le gendarme Roussel reçoit à la tête plusieurs blessures qui l'ont retenu au lit 17 jours. Ces faits n’ont pas paru au jury réunir les caractères du crime de rébellion. Les cinq accusés ont été acquittés."