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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #divers histoire tag

L'Education nationale coule

8 Octobre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous, #Divers histoire, #Le quotidien

J'en ai fait le constat dans l'enseignement public pour l'école primaire et le collège. Je le vérifie hélas encore pour le lycée où mon fils vient d'entrer - et qui est pourtant le meilleur établissement de la ville, dit-on.

Les enseignants ont le niveau des employés de la Poste de ma jeunesse. Le prof d'histoire de mon rejeton multiplie les bévues personnelles depuis le début de l'année. Il enseigne à sa classe que les religions monothéistes ont une conception cyclique de l'histoire (ce qui est en réalité le cas des religions polythéistes seulement), que Claude était le troisième empereur romain (pas de chance, c'était le quatrième...), qu'il y a des religions "abrahamaniques" (sic - et quand je fais corriger cela par mon fils en écrivant "abrahamiques", le prof lui compte ça comme une erreur). Et encore, je ne tombe sur ces erreurs que par hasard, il y en a mille autres qui doivent passer sous mon radar et dont mon fils n'aura même pas conscience et qu'il traînera dans ses bagages pendant des années.

Et cela ne fait que s'ajouter aux biais idéologiques du côté "woke, féministe, post-colonial" etc du système, qui fait, par exemple, que les jeunes n'ont aucune idée de l'originalité (originalité scandaleuse à maints égards) qu'a constituée l'invention de la démocratie à Athènes. A force qu'on leur rabâche que, de toute façon, les femmes, les esclaves et les étrangers ne siégeaient pas à l'Assemblée, ils finissent par se dire que cela ne différait pas beaucoup de la démocratie représentative parlementaire actuelle, et, du coup, s'interdisent de comprendre les débats passionnés qu'a suscités pendant des siècles en philosophie politique la réflexion sur le précédent athénien. Ils ne se donnent même pas la peine de réfléchir à tous les aspects en termes d'organisation, toutes les révolutions mentales, et tous les dangers, que représentait un système où les plus pauvres rédigent les lois, et peuvent être magistrats.

A quoi bon de toute façon comprendre le passé puisqu'il est censé n'être qu'une pâle ébauche du "fantastique" présent à partir duquel nous jugeons de tout ? Quel marécage de bêtise !

Et je ne parle même pas, bien sûr, du fait qu'il faut continuer à faire de la grammaire en seconde, parce qu'à part le bourrage de crâne avec des concepts abstraits sur les structures des phrases, les mécanismes fondamentaux n'ont jamais été enseignés avant, etc.

J'ai perdu l'espoir d'avoir la moindre possibilité de dialoguer avec la jeune génération le jour où les vieux de celle de mes parents auront tous disparu (ma génération a plus de points culturels communs avec les gens nés dans les années 1940, et même avec ceux nés 150 ans plus tôt qu'avec celle qui vient). Et, bien sûr, je sais que mes écrits ne seront jamais lus ni compris par ceux qui viendront après moi. Tout inculte et maladroit que je sois par rapport aux gens de mon âge qui ont fait de plus belles carrières professorales ou littéraires que moi, je participe d'un univers lettré qui plane à des kilomètres au dessus de la tête des enfants que nous formate en ce moment l'Education nationale. Je suis une fin de race, et, si j'ai la malchance de vivre vieux, je serai plus isolé que le roi Lear dans ce nouveau monde de décérébrés et de machines que le système antéchristique nous prépare.

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Après la disparition de la République du Haut Karabakh

5 Octobre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE, #Colonialisme-impérialisme, #Christianisme, #Divers histoire, #Vatican

A l'heure où le Haut Karabakh/Artsakh vaincu par le gouvernement de Bakou se dépeuple à grande vitesse dans le silence médiatique (cf la remarque de Mel Gibson à ce sujet), le bien nommé Evgeny Satanovski, politologue russe (le 30 septembre) expliquait que le premier ministre arménien pro-américain Nikol Pashinian veut expulser la Russie de la Transcaucasie. Le président azerbaïdjanais Aliev promet de respecter les droits les des Arméniens du Karabakh, mais vu la violence de son action ce mois-ci, beaucoup doutent de sa sincérité.

Milan Cetnik dans le journal serbe Politika aujourd'hui compare l'annexion du Haut Karabakh au nettoyage ethnique de la Krajina serbe par les Croates en 1995. "L’idéologue extrêmement sensible et moraliste du mondialisme, qui promeut et défend les droits menacés des chiens et le statut des pervers sexuels, écrit-il (...), a regardé en silence la nouvelle scène biblique de l’expulsion, avec quelques remarques humanitaires bon marché." Il blâme aussi le silence du Pape François : "Les prétendus vicaires du Christ sur terre n'ont pas été affectés par le fait que le royaume d'Arménie, créé six siècles avant la naissance du Fils de Dieu, est déjà devenu le premier État chrétien de l'univers en l'an 301 selon le calendrier de Jésus." Puis il rappelle l'histoire : "Le mal s'est produit dans les années 1980, sous l'URSS, précisément à cause du Karabakh, et en janvier 1990, deux cent mille Arméniens, peuple indigène, ont été expulsés de la capitale azérie, Bakou(*). Elle s'est poursuivie en Moldavie à cause de la Transnistrie, en Géorgie à trois reprises (Abkhazie, Ossétie du Sud, Adjarie), dans les Balkans à six reprises (guerres de Slovénie, de Croatie-Krajina, de Bosnie, du Kosovo-Metohian, de Presevo-Bujanovac et de Macédoine), et de nouveau dans le Caucase (deux fois en Tchétchénie et encore une fois en Ossétie du Sud), se situant actuellement dans les steppes ukrainiennes boueuses et ensanglantées".

Pour lui, le Vatican et les communistes (qui avaient voulu que la Krajina soit croate et l'Artsakh azéri) ont fait finalement cause commune au XXe siècle sur les Balkans et le Caucase, avec la bénédiction ultime de l'Occident. Cetnik apporte d'ailleurs des éléments intéressants sur l'investissement communiste en Croatie dès 1940 et sur le projet de la direction du PC Croate en 1971 voulait détacher la Croatie de la Yougoslavie pour la mettre sous la protection de Moscou (cf Jakopovic, 2021), et Gorbatchev dès 1991 incitait Milosevic à accepter l'indépendance croate. Pour lui, Krajina et Artsakh furent finalement les dupes de leur russophilie.

Il est vrai que les Russes n'ont pas vraiment défendu les intérêts des Arméniens, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais les gesticulations de Pashinian/Pachinian maintenant à Grenade en Espagne aux côtés d'un Zelensky de plus en plus discrédité (y compris aux yeux de ses alliés, notamment polonais, et en Ukraine même, même Courrier International en parle) et de von der Layen, tout comme sa ratification des statuts de la Cour pénale internationale, n'est pas fait pour arranger la cause arménienne. Et le point de vue de Cetnik en Serbie ne reflète pas celui de Belgrade qui officiellement soutient l'intégrité des frontières de l'Azerbaïdjan comme Bakou soutient celle de la Serbie.

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(*) Les Azéris ont aussi été expulsés d'Arménie, la Communauté de l'Azarbaïdjan occidental s'est chargée de le rappeler à von der Layen et Macron aujourd'hui....

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La générale de l'Armée du Salut à Cuba en 1993

8 Août 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire, #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Christianisme

Un passage comme il y en aura quelques uns dans mon livre sur Cuba. Je trouve cela dans le Bulletin hebdomadaire de l'Armée du Salut du 30 mai 1993, sous le titre "La générale Eva Burrows rencontre le Président Fidel Castro. Une visite exceptionnelle qui confirme l’esprit d’ouverture de cette fin de siècle." :

"La rencontre de la Générale avec le Président Fidel Castro, lors de sa récente visite à Cuba, constitue un événement historique. C’est la première fois, en effet, que le Président de cet état marxiste entrait en contact avec un chef international de l’Armée du Salut. La rencontre eut lieu à 22 h 30, juste six heures avant le départ de la Générale, et dura deux heures. La Générale parla des récents développements de l’Armée du Salut autour du monde. Le Président montra un intérêt particulier pour l’extension de notre œuvre en Russie.

Il a une étonnante compréhension de l’histoire théologique et ecclésiastique, discutant des thèmes tels que l’enfer, la rédemption, les persécutions religieuses et la foi en Dieu. Minuit était passé lorsque la Générale et les officiers qui l’accompagnaient quittèrent le bureau du Président, non sans avoir prié pour lui et pour son peuple."

L'article ajoute aussi sous une photo : "La Générale a la joie de retrouver l’ambassadeur du Zimbabwe à Cuba et son épouse Mme Midze. L’ambassadeur est un ancien élève des écoles de l’Armée du Salut dans son pays, où à enseigné Eva Burrows. "

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Retour à Montmartre

11 Mai 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités, #Christianisme, #Divers histoire

Je trouve ceci sous la plume de Richard Khaitzine (dont j'ai déjà parlé ici) dans le bulletin 62 de la Société d'histoire et d'archéologie Le Vieux Montmartre (1997) :

"Pourquoi élever une église nommée Sacré-Coeur ? Pour comprendre, il nous faut revenir à l'année 1672. A cette époque, une religieuse visitandine de Paray-le-Monial, Marguerite-Marie Alacoque répandit la dévotion au Sacré-Coeur du Christ, à la suite d'une apparition dont elle aurait bénéficié. Ce culte devint public sous l'impulsion de Marie Leclzinska, en 1765. La France fut consacrée au Sacré-Coeur par Louis XVI, en 1792. Le symbole, un coeur surmonté d'une croix, en fut porté, cousu sur leur veste, par les Chouans.

L'érection du Sacré-Coeur sur la Butte Montmartre se fit à l'instigation d'une organisation connue sous le nom de Hiéron du Val d'Or de Paray-le-Monial. Le fondateur de cette organisation fut un jésuite, le Père Drevon, lequel prêchait le retour du Christ et son règne social. A ce premier fondateur vint se joindre un Basque espagnol, le baron de Sarachaga (1840-1918). Alexis de Sarachaga fonda le Musée-Bibliothèque de Paray-leMonial avec l'aide du Baron Félix d'Alcantara, du Docteur Henri Favre et de sa fille Mme Bessonet-Favre. Ces deux dernières personnalités étaient membres des cercles ésotériques parisiens.

Sous la direction du Baron de Sarachaga, le Hiéron adopta une ligne philosophique empreinte de la pensée gnostique et cette orientation explique l'étrange symbolisme de la basilique montmartroise. Il faut croire que les autorités ecclésiastiques n'en furent pas dupes car le baron, persécuté, fut contraint de se retirer à Marseille.

La dévotion au Sacré-Coeur n'était pas neuve, et déjà, dans l'antiquité, un culte lui était rendu, ainsi qu'en témoigne une amulette égyptienne conservée au musée de Rennes. L'image du cœur rayonnant est également omniprésente chez les Templiers, elle est visible dans les commanderies d'Angleterre et sur les murs du donjon de Chinon. Il s'agit d'un culte très ancien, celui du Coeur du ciel, autrement dit le Soleil. Par conséquent, du moins à l'origine, le mouvement de Paray-le-Monial n'était nullement inféodé au Vatican. Il se rattachait à la Gnose, à une connaissance de nature métaphysique et ésotérique, un courant souterrain qui traversa toutes les époques, et dont nous verrons qu'il eut de singuliers prolongements, à la fin du XIXème siècle, à Montmartre."

Khaitzine attribue dans un numéro de l'année suivante tout simplement la construction de Montmartre à Fulcanelli, ce qu'il démontre à partir d'une symbolique du sein allaitant qu'il juge alchimique, mais laissons cela pour l'instant.

Je suis tombé sur ce passage parce qu'il parle du Hiéron du Val d'Or. Or un de mes correspondants a attiré il y a peu mon attention sur un livre, en forme de roman (mais dans les milieux ésotériques les romans font souvent "passer" des vérités) d'un certain Morris Leblanc (pseudonyme) dont les préfaciers font état d'un "groupe d'hermétistes sulpiciens rattaché au Hiéron du Val d'Or, ou disons à une société clandestine chrétienne entretenant - par voie de réminiscences polaires - un lien profond avec l'Ordre ésotérique fondé par le Baron de Sarachaga (1840-1918)". Un certain Jean Parvulesco (1928-2010), panthéiste roumain, aurait eu accès à certains savoirs secrets de ce groupe dont des éléments sur "la nature atlantéenne de l'Arche d'Alliance" (sic).

J'ai connu un médium très branché sur les aspects ésotériques de Montmartre... On y revient donc par des voies sinueuses... A noter que le médium Reynald Roussel explique dans une vidéo de 2021 que c'est la stigmatisée Edith Royer (1841-1924) qui a choisi l'emplacement du Sacré Coeur en voyant une grand croix bleue au dessus de sa calèche le soir où elle cherchait le lieu adéquat en communication avec Jésus (il dit le tenir de lectures et de prêtres).

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Angélique et le Roy

9 Avril 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Cinéma, #Le monde autour de nous, #Les rapports hommes-femmes, #Grundlegung zur Metaphysik, #Divers histoire, #Souvenirs d'enfance et de jeunesse, #Colonialisme-impérialisme

Je regardais tantôt, en déjeunant, sur Paramount TV, un morceau d' "Angélique et le Roy", charmant petit film des années 1960 qui rappelle le temps où la France avait encore une culture sûre d'elle, qu'elle mettait même en scène dans ses bleuettes pour caissières de Prisunic.

On ne se torturait point l'esprit, en ce temps là, avec le "wokisme"(une idéologie qui n'a cependant pas que des défauts, même si elle en a beaucoup). On mettait en avant un féminisme de pacotille, qui servait plus à jouer avec le mâle qu'à le haïr. Et bien sûr il y avait alors un dedans et un dehors : dehors se trouvait le barbare - cet ambassadeur de Perse qui n'est bon qu'à violer. Les frontière entre les deux comme entre le haut et le bas étaient très claires, et, de ce fait, on pouvait s'amuser à tenter (mais tenter seulement) de les transgresser parfois.

L'ouvrier devait rêver (mais rêver seulement , en salle obscure) de marquisat. "Vous me trouverez à la cour, dont je suis" lance la marquise à l'ambassadeur après qu'il eût tenté de jouer avec elle. Dont je suis, dont vous n'êtes pas... et dont le téléspectateur n'est pas non plus.

Le film ne dit rien de la France de Louis XIV, et tout du regard que la bourgeoisie parisienne (ou parisianisée) des années 1960 portait sur elle, ou ce qu'il pouvait en rester à son époque... dans cette France qui se voulait encore un peu au dessus du monde...

Cette bourgeoisie qui commandait encore au pays en 1980 et 1990 n'était bien sûr pas disposée à m'intégrer en son sein. J'ai eu beau avoir ses diplômes, je n'ai jamais maîtrisé ses codes (ses manières, son accent), ni sa tournure d'esprit.

Il n'y a par exemple jamais eu la moindre familiarité entre moi et les lieux de la noblesse du bassin parisien comme Reims, Versailles ou Senlis, lieux dans lesquels nos bons bourgeois projetaient leur imaginaire (je suis un homme des périphéries, voyez ce livre, comme l'amusant et chaotique Juan Branco qui disait il y a cinq jours avoir défendu face à Mélenchon la grandeur de Louis XIV, mais lui a grandi à Paris et dans les jupons occultistes de Catherine Deneuve... pas moi).

Qu'aujourd'hui cette bourgeoisie en ait enfanté une autre qui a vendu l'âme de la France à l'empire américain et à son élite sataniste et globaliste est son problème plus que le mien. Asselineau a beau agiter les grigris eurasiatiques pour rompre cet envoûtement, ce n'est pas par cette voie qu'il arrachera sa terre au purgatoire.

La bourgeoisie des années 1960 avait préparé le chemin, non seulement en s'apprêtant à voter pour Giscard et Mitterrand dix ans plus tard, mais déjà en méprisant le christianisme et les racines spirituelles profondes de l'hexagone. Dans Angélique on vénère les richesses matérielles, les belles robes, le sexe de la femme que les nobles se disputent... et l'on cherche des substances alchimiques pour acquérir des pouvoirs magiques.

Comme dans Pif Gadget (alors communiste), Dieu est absent.

Aujourd'hui Pif Gadget interviewe Macron. Si la Marquise des Anges reprenait vie, elle aurait maintenant les traits d'un "transgenre" amoureux de notre président, dans un monde sans frontière (plus de haut, plus de bas, plus de nous et plus d'eux, plus de mâles ni de femelles, plus de bien plus de mal), et sans l'artifice de l'élégance versaillaise, même une élégance kitsch, pour dissimuler la chute du pays.

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Péguy de Romain Rolland

6 Janvier 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures, #1910 à 1935 - Auteurs et personnalités, #La gauche, #La droite, #Christianisme, #Peuples d'Europe et UE, #Divers histoire

Du temps où j’œuvrais à Brosseville, une époque où je faisais tout de travers, je m'intéressais à Romain Rolland, mais au Romain Rolland jeune, panthéiste et hindouïsant de la première moitié de sa vie. Et un certain Plagne, ami du Dissident internationaliste, avait essayé de m'initier à Péguy. Mais c'était le mauvais intermédiaire, je n'avais pas accroché. Introduit différemment, il y a trois mois, par le journal de Claudel, à Péguy via un Romain Rolland au seuil de la mort, je perçois les choses différemment et saisis tout sous un angle nouveau. La gauche socialiste française de 1900 était-elle le vrai visage du christianisme, et donc la fille de Clovis plus que la Réaction catholique ? Peut-être... Leroux en 1845 l'eut sans doute par avance certifié, lui qui voyait le vrai visage religieux de la France dans les soldats de l'an I. Souvenez-vous de Lanzmann disant (à la conférence « Après l’émotion la réflexion politique », Fondation Marc Bloch, 29 mai 1999) que l'injustice faite aux Serbes était une nouvelle affaire Dreyfus. Parfois un combat pour la justice exorcise plus de démons dans une nation qu'une défense pharisienne du dogme.

Romain Rolland me fait voir le visage condamnable de Jaurès à travers son influence sur le ministère Combes en 1904 et l'interdiction des congrégations. Là-dessus Péguy avait raison.  Fut-il aussi perspicace dans son emportement contre l'Allemagne à partir de la crise de Tanger de 1905 (un emportement que bien sûr Jaurès ne partageait pas) ? Rolland est circonspect, lui qui avec son Jean-Christophe fut toujours le pont avec l'Outre-Rhin. Il rappelle ce point : Péguy défendait qu'il y avait quatre grandes civilisations au service de l'humanité - celle des Juifs, celle des Grecs, la civilisation chrétienne et la civilisation française. Et pour lui les trois dernières étaient maintenant les trois dernières étaient menacées par l'Allemagne. Rolland souligne qu'au moins le diagnostic sur la menace sur la civilisation est avéré depuis la guerre russo-japonaise de 1904 en laquelle il voit la première guerre d'extermination.

Alors que nous nous affrontons sévèrement cet hiver avec l'Allemagne sur la question de l'énergie - verbalement du moins sur les plateaux médiatiques, mais pas assez par le canal diplomatique car Macron n'ose pas parler - il est bon de réfléchir aux erreurs de Péguy sur le sujet. A-t-il exagéré la barbarie germanique ? Sans doute. Cela dit que la France fût une nouvelle Grèce, Nietzsche lui-même l'admettait sur le plan culturel (à défaut d'en soutenir la République, et le philosémitisme, comme Péguy le faisait). Et si Péguy a sans doute tort de construire excessivement son patriotisme contre l'Allemagne (qui, cependant, était en effet menaçante après 1905, Rolland le reconnaît), ce travail de réflexion sur la civilisation française lui permettait de réfléchir sans cesse au génie français - une réflexion aujourd'hui interdite par le wokisme, et dévoyée par l'extrême droite. Je suis très frappé de voir que Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc il est prêt à fonder, par la voix de Jeanne, contre le pape, une Eglise nouvelle sur la base des seules vertus des saints français et du peuple du bassin parisien, en proclamant que eux, à la différence de St Pierre, n'auraient jamais abandonné Jésus après son arrestation. Rolland affirme que Péguy eût fondé cette Eglise s'il n'était mort en 1914.

Simple divagation de normalien ? Voire... Rolland rappelle qu'une femme de ménage d'une prof de lettres appréciait plus Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc que sa patronne, qu'il y avait une affinité particulière entre le style de Péguy et le petit peuple dont il était issu, donc peut-être au niveau de la pensée aussi...

Le rapport de Péguy à la terre de l'Orléanais et de Chartres nous interroge. Car il n'en fait pas un simple musée à la gloire de la royauté destituée des Bourbons déchus. Avec excès parfois (car il avait hélas un tempérament trop sanguin comme le mien) mais avant tout avec une inspiration visiblement transcendante (qui l'enflammait pendant des jours), cet auteur avait le mérite de sortir de ce terreau là d'autres vertus, une autre France, une France ensemble chrétienne et socialiste et toute entière tournée vers la Justice et la Vérité. Il y a là un défi intellectuel, spirituel et affectif autrement plus intéressant que la bien-pensance identitaire bourgeoise à laquelle s'est toujours résumé (et se résume encore) le catholicisme de droite auquel Péguy, révolutionnaire, ne s'est jamais rallié.

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La vie parlementaire selon Barthou

1 Janvier 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #1910 à 1935 - Auteurs et personnalités, #Divers histoire, #Béarn

Tout système politique engendre des comportements, des façons d'être au quotidien, des réalités anthropologiques nouvelles.

A l'heure où un mien collègue s'essaie au rôle de député sur les bancs de la NUPES à l'Assemblée nationale française, je découvrais hier un livre de mon compatriote béarnais (à qui mon école primaire et mon lycée durent leur nom) cet ouvrage inattendu paru en 1923 "Le Politique", qui est une sorte de crypto-anthropologie (car c'est typiquement littéraire, mais tout de même Barthou s'est lancé dans son écriture après une introduction sur l'éthologie animale, donc l'inspiration scientifique n'est pas absente) de cette réalité étrange créée par la République dans notre pays : le parlementarisme.

On y apprend (p. 81) que "je demande à ce que", y est employé depuis belle lurette, et aussi (p. 111 et suiv) deux ou trois choses sur les épouses des hommes politiques. Mais je suppose que Barthou a écrit des choses plus importantes dans sa vie.

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Quelques considérations sur les Valois

6 Novembre 2022 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Renaissance - Auteurs et personnalités, #Grundlegung zur Metaphysik, #Béarn, #Divers histoire, #Les rapports hommes-femmes

Vous savez que sur ce blog on s'intéresse un peu à la descendance des rois de France auxquels beaucoup de mystiques ont prêté un destin eschatologique surnaturel qui ne s'est pas à ce jour vérifié, ce qui m'a conduit à m'intéresser à l'alchimiste Pierre Dujols qui disait être le frère du dernier héritier légitime des Valois, et bien sûr à la soeur du premier souverain de la dynastie des Valois, le grand François Ier, constructeur de Chambord, Marguerite de Navarre, personnage qui a marqué ma région natale, et qui a intrigué beaucoup des ésotéristes comme Gaston Leroux et Richard Khaitzine.

Je peine à cerner ce personnage, notamment l'univers spirituel dans lequel elle évoluait. Les protestant lui savent gré d'avoir ouvert la voie à la Réforme (d'ailleurs sa fille, la mère du futur Henri IV, transforma Pau en "petite Genève"), les catholiques le lui reprochent, comme le Marquis de la Franquerie et pensent même que son penchant hérétique causa bien des malheurs à son frère et à sa lignée.

A vrai dire, la question est un peu complexe. Patricia Lojkine dans son dernier livre sur cette reine montre que les choses furent assez complexes. Avec toutes les charges ecclésiastiques qu'elle avait comme duchesse puis comme reine du Béarn, et surtout comme soeur du très chrétien roi de France, elle ne pouvait pas aisément pencher du côté de la Réforme quand bien même elle l'eût voulu. Et de toute façon, il me semble que son pèlerinage à la Sainte-Baume en janvier 1516 avec son frère et sa mère, et la protection que sa famille accordait à des intellectuels très attachés à la dévotion de Marie-Madeleine comme Lefèvre d'Etaples ou François de Moulins de Rochefort, paraissent exclure.

Et d'ailleurs, il faut aller plus loin. Il faut interroger plus en profondeur le rapport de Marguerite de Navarre au culte de Marie-Madeleine, ce qu'elle a voulu dire, dans la nouvelle 32 de son Heptaméron allégorique de la sainte repentante quand elle y mêle le peintre alchimiste Perreal.

Et il faut s'interroger sur le rapport de cette reine au spiritisme. J'ai évoqué cette scène narrée par Brantôme de la reine de Navarre à Pau en 1549 passant sur la tombe de la jeune Mlle de La Roche et sentant son cadavre se mouvoir. En septembre 2020 j'ai interrogé Bibliothécaire assistante spécialisée au Domaine du Château de Pau qui m'a répondu que Raymond Ritter, auteur de l’ouvrage « Le château de Pau » (Honoré Champion, 1919), rapporte également cette anecdote mais en précisant que les protagonistes se trouvent dans l’église de Pau. En effet l’ancienne église Saint-Martin, détruite en 1884, se trouvait en face du château, à quelques pas. Une étude archéologique et historique de l’édifice a été réalisé par Louis Lacaze qui indique que des pierres tombales (près de 90) formaient le sol de l’église, cependant la plupart étaient illisibles. De même on sait qu’un cimetière existait à l’est de l’édifice avant la construction du Parlement de Navarre. Les fouilles de la cour en 2014 et les diverses études des jardins n’ont pas fait mention de sépultures dans l’enceinte du château de Pau.

J'ai interrogé Mme Lojkine qui m'a expliqué qu'elle ne connaissait pas cette anecdote, mais qu'il en est d’autres rapportées par le même Brantôme concernant la curiosité de Marguerite pour le moment où l’âme quitte le corps (elle aurait observé une domestique pour guetter son dernier souffle)...

Si tout le monde s'accorde à voir chez Marguerite de Navarre un modèle de vertu (à part quelques indulgences pour les incartades charnelles de son frère), il y a plus d'une bizarrerie dans sa spiritualité, et je ne dis encore rien de la protection constante qu'elle accorda au proto-libertinage de Pocque et Quintin.

J'étais le 21 octobre dernier dans la cathédrale où elle est enterrée, comme je m'y étais déjà rendu dix ans plus tôt. A ma grande surprise j'ai pu constater qu'on ne peut plus approcher du tombeau comme auparavant. Peut-être l'évêque redoutait-il que le néo-féminisme autour de la reine n'attire les foules en ce lieu retiré.

Quant à François Ier, le roi chevalier, n'avait-il pas quelque rapport avec la "religion primordiale" ? Je passe sur les travaux de Didier Coilhac sur l'architecture occulte de Chambord et surtout sur ses conclusions hasardeuses sur une arche d'alliance enfouie vers laquelle celle-ci pointerait secrètement, pour simplement revenir à Pierre Dujols, ses "Nobles Ecrits" récemment réédités par le Mercure Dauphinois. Celui-ci a le sentiment que François Ier méritait son titre de chevalier là où beaucoup de souverains après lui l'usurpèrent, mais il prête à la chevalerie occidentale une sorte de spiritualité non-chrétien qui serait pratiquement dérivée du soufisme oriental (et d'une certaine façon, symbiotique avec le savoir des Templiers et de la première maçonnerie).

La clé du problème tient bien sûr à ce culte de l'amour courtois qui anime la chevalerie, culte que j'ai étudié pour la première fois dans mes jeunes années (en 1987) à travers Denis de Rougemont qui y voyait une hérésie dangereuse née chez les manichéens, transmise aux cathares et abâtardie par le roman du XIXe siècle et l'amour-passion hollywoodien. Il faut revenir à toute cette thématique, pour savoir dans quelle mesure les Valois en furent les héritiers.

Dujols se prévaut de Gabriele Rossetti "Il Mistero del Amor platonico del Mediovo" dont Etienne-Jean Delécluze (1781-1863), auteur de Dante Alighieri ou la poésie amoureuse, se fit le porte-parole en France. Dans cette école de pensée on prétend que Diotime de Mégare, grande prêtresse de Mantinée, aurait initié Socrate à la Religion d'Amour, religion qui "aurait fait son apparition en Italie et en France avec l'entrée des Isiaques et des Philosophes dans la ville de Rome" (p. 75). Pour mémoire, le premier isiacum de Rome remonte à la dictature de Sylla. Marsile Ficin le néo-platonicien florentin écrit dans un de ses ouvrages : "Que le Saint-Esprit, amour divin qui nous a été soufflé par Diotime, nous éclaire l'intelligence". Dans son Histoire de France Henri Martin fait remonter la chevalerie au druidisme, druides qui sont héritiers de Pythagore. Grasset d'Orcet, initié par Eliphas Lévi, fait remonter la Table ronde à Enée de Troie. Le Graal est "le vase païen du feu sacré" (p. 89), le gardal égyptien devenu grasal en provençal. Eugène Aroux (1793-1859) a bien développé nous dit Pujols la mystique de la chevalerie mais eut le tort de la relier à la noblesse de France, lien qui fut accidentel et non essentiel, d'ailleurs la chevalerie n'était pas héréditaire alors que la noblesse l'était. Souvent le chevalier était de petite noblesse (Fauriel, Cours de littérature provençale) et le mysticisme maçonnique qui l'animait avait plus sa place dans les couvents (cf Sur la Route Sociale de Lebey). Goerres a bien comparé, nous dit Pujols, les rites de chevalerie à ceux des païens.

J'ai parcouru le livre d'Aroux (qui était chrétien de stricte observance) "Les mystères de la chevalerie et de l'amour platonique". Sa thèse sur Dante albigeois (les Albigeois, les Fils de la Veuve, qui classaient Innocent III, Dominique et Grégoire V parmi les démons - comme Dante dépeindra St Dominique en Minos - , et Pierre Damien, François d'Assise, Saint-Bernard, le Tasse, Robert Guiscard et Godefroy de Bouillon parmi leurs saints). Dante, dit-il, a vu dans Salomon l'organisateur de sa massénie, et c'est dans la littérature que le catharisme perdurait. Aroux en trouve la preuve dans la symbolique du Roman de Jauffré (roman provençal des années 1200, dont le héros est un fils d'un chevalier de la Table ronde), le Roman de Fierabras, Aucassin et Nicolette et Tristan de Léonois.

J'ai jeté aussi un coup d'oeil au travail d'André Lebey, qui dit des choses intéressantes sur une ville qui m'est chère, Troyes (p. 55), "une des cités les plus religieuses de France", où fut fondé l'Ordre du Temple, et où le couvent Notre Dame aux Nonnains "qui passa toujours pour abriter une survivance des cultes du paganisme en même temps que certaines pratiques des prêtresses druidiques", de sorte que beaucoup de couvents champenois allaient adhérer à la franc-maçonnerie... On comprend que Dujols ait apprécié son républicanisme franc-maçon, et sa relecture des traditions spirituelles à la lumière de cette foi, mais cela nous éloigne tout de même un peu trop de la chevalerie et des Valois.

Il faudrait plutôt peut-être méditer un peu plus, comme nous y invite Delécluze, sur cette figure qu'est la Femme comme médiatrice entre Dieu et les hommes, à travers la figure de Béatrice chez Dante, Diotime pour Socrate et Platon, Sainte Monique pour Augustin.

Le fait que François Ier portait sur lui de la poudre de momie, et son amitié pour l'initié Léonard de Vinci plaident pour une adhésion possible du roi à des traditions secrètes. Sa condamnation de l'alchimie est ambiguë.

Mais peut-être les alchimistes ont-ils trop tendance, par principe, à tirer la chevalerie et les Valois vers l'hérésie, comme Aroux tirait trop Dante (et l'ensemble du platonisme) vers la Gnose et le catharisme.  Concernant Aroux, c'est en tout cas ce qu'écrivait le romancier André Thérive dans la Revue hebdomadaire du 2 juillet 1921 (p. 85 et suiv.).

Sur la question de la succession des Valois, je ne crois pas du tout que l'ancêtre d'Antoine Dujols, Guillaume Dujol qui aurait été vers 1720 soi-disant adopté par des paysans du Cantal, soit un descendant caché des Vallois, comme l'avait d'ailleurs mis en doute cet article de 1885.

Il faudra revenir un peu sur tout cela ultérieurement...

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