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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #divers histoire tag

Les chemtrails du projet Cloverleaf

1 Juin 2018 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous, #Débats chez les "résistants", #Les Stazinis, #Divers histoire, #Barack Obama

Il y a beaucoup de sujets qu'on fuit parce qu'ils ont des relents complotistes, et parce qu'ils nécessitent une compétence scientifique pointu. On finit par s'en remettre aux experts officiels, d'autant que les petits chiens de garde blablateurs sont toujours très doués pour nous injurier et nous menacer dès qu'on s'aventure sur ces terrains. Et puis ces sujets sont souvent discrédités par ceux-là même qui prétendent les amener dans le débats publics et qui, par manque de compétence, les caricaturent. Bref, autant de bonnes raisons pour se taire à ce sujet. Mais il en est une pour quand même essayer de parler : c'est que tout honnête homme doit chercher à savoir dans quel monde il vit, et, s'il a un peu de temps libre et d'intelligence, il ne doit pas passer à côté de ce qui est potentiellement structurant du monde où il vit (or, pour savoir si c'est structurant où anecdotique, il faut d'abord se renseigner et réfléchir).

Parmi ces sujets, les chemtrails, ces traces blanches que laissent les avions dans le ciel. On pourrait juste se dire "c'est débile de penser que nos gouvernants veulent nous intoxiquer avec ça. Ca n'a pas de sens, et d'ailleurs pourquoi les Russes comme les Chinois seraient aussi d'accord eux qui n'ont pas les mêmes intérêts économiques et politiques - du moins pas toujours - que les Américains". Néanmoins le débat persiste depuis longtemps. Alors regardons une seconde et voyons si, au moins en apparence (car, soyons réalistes, on ne pourra pas aller plus loin que les apparences) il est plus sérieux que les théories sur les petits hommes verts, la terre creuse, la terre plate, le fait que le Moyen Age n'aurait jamais existé etc.

On nous dit qu'il existe un projet Cloverleaf (feuille de trèfle) pour répandre des aérosols sur la Terre afin de réduire le réchauffement climatique.

Par exemple Scott Stevens ex monsieur météo de  News Channel 6 à Pocatello explique qu'il est tout à fait logique que les jets produisent des traînées de condensation et qu'il serait inhabituel qu'ils ne le fassent pas. Mais le problème c'est leur persistance. Huit jours sur dix les conditions sont favorables pour que, lorsqu'un avion vole, les traînées persistent, alors que la moyenne devrait être 3,5 ou 4,5.  C'est pourquoi la forme des nuages change. Ils n'ont plus des formes de tortues ou de chameaux, ils sont plutôt strillés.

Un chercheur de la NASA (mais la NASA est-elle fiable ?) Patrick Minnus dément :les trainées de condensation ne représenteraient que 3 % de la couverture nuageuse. Les traînées de condensation se forment dans l'air au-dessous de -39 degrés Celsius quand l'air est sursaturé de glace. En raison de la structure physique de la glace, le niveau d'humidité doit en fait être plus élevé, soit environ 150% d'humidité, que pour que l'air soit sursaturé en eau. "L'échappement (moteur à réaction) injecte beaucoup d'eau dans l'air", a déclaré Minnus."Les gouttelettes d'eau gèlent immédiatement et vous vous retrouvez avec une traînée de condensation." Ca augmente avec le trafic aérien, voilà, c'est tout, circulez y a rien à voir.Sauf que l'idée de balancer des chemtrails pour lutter contre le réchauffement climatique est ancienne. L'académie nationale des sciences américaines l'avait évoquée dans un rapport de 1992 " "La stimulation de nuage par l'approvisionnement des noyaux de condensation de nuage semble être, indique-t-il, une option faisable et peu coûteuse capable d'être utilisée pour atténuer n'importe quelle quantité d'équivalent de CO2 par an. "

On dit aussi qu'Edward Teller (le père de la bombe H) a fourni la solution théorique au bouclier d'ozone dégradé - un programme global de modification atmosphérique à grande échelle. Il a proposé d'utiliser des avions et des fusées pour faire flotter des paillettes métalliques réfléchissantes dans la haute atmosphère afin de refléter les rayonnements ultraviolets, infrarouges et cosmiques nocifs dans l'espace. Cela permettrait de colmater temporairement le bouclier d'ozone, ce qui nous donnerait le temps de remplacer l'ozone par d'autres méthodes. Dans la même logique des avions ultradiscrets balanceraient des chemtrails.

L'hypothèse d'une utilisation de Cloverleaf pour modifier le climat n'est qu'une option faible dans les théories avancées sur les chemtrails.

Selon une thèse plus audacieuse ce projet orchestré par la CIA viserait à créer des armes à faisceau plasma à particules chargées. Une arme à plasma utilise de la matière constituée de particules chargées, d’ions et d’électrons ce qui lui permet de constituer un faisceau capable de détruire des satellites. La transformation de notre atmosphère planétaire en un plasma électriquement conducteur hautement chargé, utile pour les projets militaires. L'air que nous respirons est chargé de fibres synthétiques et de métaux toxiques, y compris les sels de baryum. Ces matériaux agissent comme des électrolytes pour améliorer la conductivité des radars militaires et des ondes radio.

Sauf que le baryum est toxique comme l'arsenic. Il est affaiblit les muscles et provoque l'Alzheimer. Le thorium présent aussi dans ces matériaux est cancérigène.

Le représentant démocrate Dennis Kucinich en 2001 avait tenté en vain  de faire interdire ces armes dans l'espace et comportait aussi un article sur les chemtrails.

L'aspect militaire et l'aspect lutte contre le réchauffement climatique sont interconnectés. Le père de la bombe H Teller était directeur émérite de Lawrence Livermore National Laboratory, où des plans d'armes nucléaires, biologiques et à énergie dirigée sont fabriqués. Peu de temps après la présentation en 1997 de son projet pour remplacer la couche d'ozone,  CBS News a admis que les scientifiques «envisageaient des solutions radicales pour le réchauffement climatique, y compris la manipulation massive de l'atmosphère». CBS a confirmé que le projet de charger l'air avec de minuscules particules «détournerait suffisamment de lumière pour déclencher un refroidissement global. " On sait par ailleurs que le Programme de recherche aurorale active à haute fréquence (HAARP) de l'Armée de terre en Alaska dans le cadre de l'Initiative de défense stratégique est un puissant outil de modification du climat et qu'il peut causer divers séismes.

Pour certains, les militaires prendraient le risque de tuer des civils parce que les sociétés secrètes ont prévu de réduire la population mondiale à 500 millions de personnes. C'est le "premier commandement" d'un étrange monument érigé en 1980 en Georgie (Georgia Guidestones). On connaît un peu le fonctionnement de certaines sociétés secrètes dans l'establishment militaire américain par des témoignages comme celui de Kay Griggs en 1998 (cette dame caricature l'existentialisme et confond Trotsky et Tolstoï mais elle avait l'air honnête, ce qui lui a d'ailleurs valu beaucoup d'ennuis). Allez savoir... La CIA n'en serait pas à sa première opération criminelle contre les civils de son propre pays en tout cas. Pensez au centre de recherche bactériologique de Plum Island où elle embaucha le SS exfiltré (opération paperclip) Erich Traub, centre qui provoqua probablement 1975 à Lyme au Connecticut une maladie inconnue (lyme disease) - le Dr Hermann von Buchholtz disparut mystérieusement pour avoir suspecté Plum Island.

Ce qui me gêne dans toutes ces histoires c'est que, si j'admets que l'augmentation du nombre des cas d'Alzheimer en 10 ans de plus de 50 % ne peu pas s'expliquer par le vieillissement de la population ni par les progrès de la connaissance médicale, je peine à l'imputer à des chemtrails. Si les militaires américains (ou français, ou chinois) balançaient du baryum ou du thorium dans l'atmosphère pour préparer leurs armes à plasma, tout un chacun pourrait le mesurer dans son jardin avec les instruments de mesure adéquats, non ? Juste une remarque naïve à ce stade où je n'ai pas d'opinion très élaborée sur le sujet.

(NB : en tout cas je conseille aux chercheurs sur le sujet de se reporter plutôt à des travaux américains qu'à des gens comme feu Claire Severac qui a l'air d'avoir beaucoup de fans sur le Net français mais qui était la reine de l'imprécision là dessus - voir cette video où on a droit à des "à Corpus Christi et je ne sais plus dans quel autre endroit' où min 5'12 ou à la minute 6'48 "Brzezinski éminence grise de tous les présidents des Etats-Unis", alors que quiconque connaît un peu la politique américaine et les relations internationales sait qu'il était  uniquement attaché aux cercles démocrates et fut donc conseiller de Carter, Clinton, Obama, et pas des autres, pour discréditer un propos ce genre d'erreur est fatal...)

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Rouch, Blake, Manès, les Trois Glorieuses et la rue du Bac

24 Août 2017 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Grundlegung zur Metaphysik, #Divers histoire, #Le quotidien, #Christianisme

Il y avait un documentaire hier soir tard sur Arte à propos de Jean Rouch, cinéaste au Niger. Un homme qui dans les années 50-60 épousait sans difficulté la spiritualité africaine, ce monde où les sirènes tuent des pasteurs, un sujet pour film nigérian actuel. En ce qui me concerne j'ai de plus en plus de présences africaines autour de moi, depuis le prêtre béninois rencontré l'an dernier et revu cette année, jusqu'à cette amie ivoirienne musulmane que le fantôme de son père a conduit jusqu'à sa tombe oubliée sous un baobab que je cite dans un de mes livres.

Il paraît que le peintre Cattiaux vénéré par certains miens amis belges a eu des messages célestes lui indiquant que le renouveau spirituel viendrait d'Afrique. Caton d'Utique eut la même révélation si l'on en croit Lucain, et l'Afrique fut son tombeau.

Tout cela ne me donne pas beaucoup de clés. Je parcours le livre de Boutang sur William Blake sans trop le comprendre. Il m'explique à quel point le poète était swedenborgien. Fort bien, je suis ravi de l'apprendre. Et manichéen avec ça, mais en secret. Je suis trop béotien pour y entendre quoi que ce soit. Boutang prend la peine de recopier les pages de St Augustin sur les turpides des manichéens. Il fait bien : j'y découvre combien la place du sperme n'a rien de gratuit dans toute leur machine à purifier. Je n'irai pas jusqu'à dire que le bukkake japonais est lié à cela, mais au moins je comprends mieux les délires de Carpocrate et des adamites. La semence est aussi nécessaire à leur métaphysique que la Lune et le Soleil. C'est effrayant quand on y songe. Boutang dit que le manichéisme fut la plus forte des hérésies. Je crois qu'Hillaire Belloc le dit aussi. Et donc il ne faut pas sousestimer son influence rampante sur l'histoire des idées jusqu'à nos jours. Encore une fois, je veux bien le croire, même si je n'y entends goutte, comme je n'entends rien aux spéculations sur l'éclipse de Lune américaine de lundi dernier. Et qui m'expliquera pourquoi les quakers de France (qui sont peu nombreux) organisent parfois leur assemblée en la citadelle de Carcassonne et y rendent hommage aux cathares ?

J'ai reçu le livre de David Placer sur Chavez et la sorcellerie ce matin. La façon dont Chavez raconte lui-même (là encore ce sont des pages recopiées d'un autre livre, façon poupées russes) la façon dont il apprit de la bouche de la voyante Cristina Marksman en 1987 qu'il mourrait avant 60 ans est aussi saisissante que le face-à-face de Bernadotte et de sa pythonisse en janvier 1804. Il ne faut jamais vouloir connaître son avenir.

Si un jour vous ne savez pas quoi faire, lisez la chute des Bourbons en 1830 narrée par Chateaubriand dans le dernier tome de ses Mémoires. Saisissant sur la lâcheté des parlementaires. Fut-ce un tournant fondamental dans l'histoire du christianisme ? Les protestants diraient que non, de même les athées et les adeptes d'autres religions. Sauf peut-être les Juifs, puisque par Maïmonide ils acceptent que le christianisme (dans toutes ses formes) comme l'Islam, sont des étapes voulues par Dieu pour l'avènement des temps messianiques. Si tel est le cas, se qui se joua en France pendant les Trois Glorieuses eut une portée cosmique (beaucoup plus que 1848 qui n'a fait que liquider une imposture orléaniste). Pas étonnant alors que la Sainte Vierge soit apparue rue du Bac quelques semaines plus tôt pour signifier son affection à ce Royaume.

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L'honneur assassiné de Léontine de Villeneuve

21 Août 2017 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités, #Divers histoire, #Les rapports hommes-femmes, #La droite, #Cinéma

Dans le livre qu'il a écrit contre Deleuze "Apocalypse du désir" mais que je ne vous recommande pas car je le trouve un peu trop labyrinthique, Boutang voit dans le cavalier blanc du chapitre 6 de l'Apocalypse de Jean la figure du désir immédiatement adhérant à l'instant et sans but, désir pur et enfantin, à la différence du désir de guerre, du désir de mathématisation des rapports humains et du désir de néant qu'incarnent les trois autres cavaliers.

Châteaubriand éprouve à l'égard de cette forme de "désir pur" la même méfiance que Boutang. Il dit l'avoir vécu à 60 ans en 1829, dans sa vieillesse, sur le chemin de Cauterets (en Bigorre) et le compare au "repos inopiné" de Palinure dans l'Enéide qui s'était mal fini.

Il allait rencontrer dans la station thermale une de ses admiratrices de 26 ans, Léontine de Villeneuve, qui le lisait depuis deux lustres et entretenait une tendre correspondance avec lui depuis deux ans. Hélas pour le grand écrivain (que je soupçonne d'être un peu mythomane comme comme Malraux), celui-ci n'hésita pas à la diffamer dans ses Mémoires d'Outre-tombe en faisant croire qu'elle l'avait forcé à la raccompagner chez elle dans ses bras alors qu'elle n'avait que 16 ans (sic). Boutang dit que la plénitude de l'instant précède souvent un meurtre. Là c'est l'honneur de Mlle de Villeneuve (devenue ensuite comtesse de Castelbajac) que Châteaubriand tua.

La petite fille de Léontine a publié plus tard en 1925 ses lettres sous le titre Le roman de l'Occitanienne et de Chateaubriand, et tenté de rétablir la vérité.

"Il a fallu l'étrange passage des Mémoires de M. de Chateaubriand pour troubler mes souvenirs, écrivait à plus de 40 ans Léontine après être tombée sur cet extrait des mémoires dans  un journal. En présence de ce vrai et de ce faux.ainsi mêlés, et je puis ajouter ainsi travestis, l'effroi m'a saisie (*). Je me suis demandé si je me trouvais réellement vis-à-vis de moi-même dans cette personne dont je ne reconnaissais pourtant ni les sentiments, ni les actions. Mais ma fierté a pu se relever lorsque j'ai traduit chaque ligne de cette page au tribunal de l'exacte vérité. "

Elle expliquait plus loin que la différence d'âge (puisqu'il pouvait être "deux fois son père") l'avait poussée à vivre à Cauterets en toute innocence son amitié avec le grand homme et lui faire lire sa poésie, elle qui ne voulait vivre que de cet imaginaire là, et pour cette raison n'était toujours pas mariée. Chateaubriand qui apprit à ce moment-là qu'il était évincé du pouvoir, fit miroiter à Léontine la perspective qu'elle pourrait intégrer à titre permanent le cercle d'amis qu'il comptait fonder à Rome. Après avoir refusé cela parce qu'elle devait tout de même à son père de se marier, Léontine, le lendemain même, propose quand même d'aller attendre l'écrivain à Rome tandis qu'il irait règler des questions politiques à Paris. L'attendre, mais en tout bien tout honneur, pour intégrer ce groupe d'amis qu'il voulait réunir. Car, elle le dit dans son texte, elle est légitimiste, et politiquement plus à droite que Châteaubriand (trop libéral à son goût). Et dans ce milieu là on ne badine pas avec l'honneur !

"Vous me retrouverez entre les murs d'un couvent, sous la sauvegarde de la protection religieuse. Là, ma réputation sera mise à l'abri... Je ne parle pas de mon honneur : personne n'aura jamais le pouvoir d'y porter atteinte. Vous pourrez venir me voir tous les jours dans cet asile où nous nous donnerons hautement le nom d'amis, même en présence de Mme de Chateaubriand. Et, plus tard, lorsque les années seront venues pour moi comme pour vous, pourquoi ne deviendrais-je pas une nièce d'adoption qui se consacrerait à soigner et à consoler votre vieillesse?" lui aurait-elle dit... Et Chateaubriand refusa ce beau projet sacrificiel puis quitta Cauterets. Ils allaient s'écrire plusieurs fois encore (alors que dans ses Mémoires Chauteaubriand fait comme s'il connaissait à peine la jeune sylphide). Ils se revirent même en 1838 à Cauterets, puis rue du Bac à Paris juste avant la mort de l'auteur du Génie du christianisme. La correspondance publiée montre bien que la version de Léontine était la bonne.

Notre époque qui aime ajouter le crime au crime, le mensonge au mensonge, en 2008, sortit le film "L'Occitanienne",  dans lequel Châteaubriand et Léontine s'enlacent et se caressent longuement au milieu d'images suggestives du flot rageur du gave qui roule ses galers (j'aurais encore préféré une version avec Rocco Siffreddi et Clara Morgane...). Tant pis pour ce qu'était réellement Léontine de Villeneuve, son idéalisme littéraire, et sa vertu royaliste rigide. L'important n'est pas de rendre justice aux gens du passé, à ce qu'ils ont vécu ni ce en quoi ils ont cru. Léontine n'est plus ici qu'une jeune fille de notre époque qui aurait abusé d'une correspondance sur Facebook, et, arrivée dans la chambre de l'écrivain auquel elle était prête à se donner et même à qui elle voulait donner un enfant (ce qui, suivant les critères du XIXe siècle, est le comportement d'une catin...) réaliserait que tout est plus compliqué qu'elle ne l'avait initialement pensé. Notre époque n'aime pas rendre justice aux êtres, ni au passé... seulement idolâtrer ses propres valeurs, sa propre médiocrité...

Le réalisateur du film a le culot d'écrire en postface du film dans le générique que Léontine fut profondément blessée de "l'entrefilet" que Châteaubriand lui consacra dans ses mémoires ! (comme si lui, l'homme de notre époque, prétendait lui rendre justice et réparer l'offense faite à la jeune femme de 1829 en lui versant à son tour un pot de chambre sur la tête). Mais qu'eût elle dit du film alors ! Léontine n'avait pas été blessée du peu de place que l'écrivain lui accordait dans son livre mais du fait qu'il ait laissé entendre qu'elle voulait coucher avec lui, comme une fée des forêts un peu follette, alors que, comme ils étaient membres de la bonne société aristocratique tous les deux, et ayant de nombreux amis en commun (elle y insiste pour éclairer l'arrière-plan de leur rencontre), elle avait placé leur complicité littéraire à un tout autre niveau... Est-ce si dur à comprendre de nos jours ?

(NB : je n'ai pas le temps de développer ce point, mais il faut bien voir que notre temps aveuglé par sa fascination pour le désir charnel, et soucieux de rendre justice aux femmes - mais pas à la femme idéaliste, seulement à la femme sexuellement disponible, et mécontente de n'avoir pas assez de pages dédiée à son égo dans les mémoires d'un écrivain - non seulement ne comprend rien à l'honneur aristocratique et la vertu chrétienne qui le soutenait - à la différence de l'aristocrate romaine païenne antique qui selon Paul Veyne se donnait au noble le plus offrant dans un adultère sans état d'âme -, mais encore ne comprend rien à toute la beauté dont l'art littéraire se parait au début du XIXe siècle, beauté que Châteaubriand ne croyait pas ternir en se vantant d'avoir séduit une sylphide, mais qu'une aristocrate encore vierge aurait bien sûr anéantie en vautrant sa délicate poésie dans une sombre coucherie prénuptiale avec l'idole de son tabernacle épistolaire).

(*) c'est moi qui souligne

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Les Indiens hispanisés des Caraïbes

6 Août 2017 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XVIIIe siècle - Auteurs et personnalités, #Divers histoire

Les westerns nous ont montré des Indiens habitués à traiter avec la civilisation anglo-saxonne mais, au XVIIIe siècle,il y en avait aussi en Louisiane française qui s'habillaient à la Louis XV, et en Floride espagnole certains qui avaient été baptisés par des prêtres castillans. Quand le Père jésuite de Charlevoix fait partie d'une embarcation (un bateau nommé "Adour" bien qu'il eût un équipage breton) qui échoue en 1722 sur une des "Iles des Martyrs" à 150 kilomètres de la Havane, il est cerné par des "Sauvages" qui détestent les Anglais (mais les Français se sauvent en disant qu'ils sont alliés des Espagnols), tribu dont le chef se fait appeler Dom Antonio, mais dont les bonnes manières s'arrêtent malheureusement là (voir le récit ci-dessous). Charlevoix ne saura jamais à quelle ethnie ils appartenaient. Voici deux pages de son récit savoureux.

- Dommage que Gallica n'ait scanné que 3 tomes de sa description de l'Amérique française (au point que la fiche Wikipedia sur Charlevoix affirme qu'il n'existe que trois tomes de cet ouvrage), vous ne trouverez le tome 6 qui relate l'année 1722 que sur Google Books.Quel incroyable bonhomme que ce Charlevoix auquel on doit aussi une histoire du Japon et une du Paraguay ! -

 

 

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Histoire : Les Yézidis et l'URSS

13 Février 2017 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire, #Aide aux femmes yezidies

Puisque nous approchons du centenaire de la révolution bolchévique, un extrait du Bulletin périodique de la presse russe 8 septembre 1923 p.6 à propos des Yazidis du Caucase.

Conférence de Yézidis et de Kurdes à Tiflis.

La Pravda (30-8) annonce la clôture d'une conférence organisée par les Yézidis et les Kurdes de Transcaucasie. La Conférence, à laquelle le gouvernement soviétique a donné , tout son appui, s'est ouverte à Tiflis en présence d'une cinquantaine de délégués. Les Yézidis, qu'on désigne encore sous le nom d'Adorateurs du diable en raison des cérémonies bizarres qui accompagnent leur culte, forment avec les tribus kurdes des minorités nationales en Arménie soviétique. Les principaux groupements yézidis habitent le voisinage du mont Alagheuz et forment plusieurs villages le long de la frontière russo-turque.

Au début de la Conférence, les représentants du parti communiste de Russie rappelèrent aux délégués l'état de mépris et d'isolement dans lequel tous les régimes avaient tenu Kurdes et Yézidis. Il leur fut donné l'assurance que le gouvernement soviétique, défenseur des minorités nationales et des peuples opprimés, ferait tous ses efforts pour donner à chacun la possibilité de travailler et de vivre, tout en profitant des bienfaits de la culture soviétique.

En réponse, les délégués Yézidis déclarèrent qu'après des siècles d'oppression, d'alarmes et de persécutions, ils ont enfin trouvé de la tranquillité sous le régime soviétique.

Après la lecture de nombreux rapports, les délégués décidèrent de demander au gouvernement soviétique d'Arménie d'ouvrir des écoles nationales dans tous les villages yézidis d'Arménie. Avant de clôturer la Conférence, un rapporteur yézidi attira l'attention des délégués sur le fait que la publication du livre yézide (Chame)  (La Lumière) a été faite pour la première fois sous le régime des Soviets. (1)

(1) Le code de la doctrine des Yézidis contenu dans le « Livre » a été traduit de l'arabe en anglais par MM. Layard et Badger. Ce Livre, qui se réduit à quelques feuillets, paraît avoir été écrit à une époque relativement récente. M. J. Menant, de l'Institut, a donné sur les Yézidis une étude d'ensemble dans le vol. 5 des Annales du Musée Guimet.

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Les "Psaumes de David" en béarnais d'Arnaud de Salette

6 Janvier 2017 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Béarn, #Divers histoire, #Grundlegung zur Metaphysik

En tant que béarnais, la question du protestantisme a souvent croisé mon parcours évidemment. La trace la plus ancienne de mes interrogations à ce sujet remonte, dans mon journal personnel, au 10 novembre 1986 (j'avais 16 ans) où j'écrivais sur un ton qui se voulait humoristique : "Cet après midi, après deux heures de brasse papillon en maths, j'étais assis à une table du café le Verlaine (à Pau) avec mon camarade Régis et six jeunes filles, dont deux protestantes, ce qui démontre une fois de plus mon extraordinaire tolérance à l'égard des suppôts de Satan qui, il y a quatre siècles, asservissaient le Béarn. A une des deux calvinistes je déclarai que j'aimais bien les protestants et qualifiai mon attitude d' "oecuménique". Celle-ci me rétorqua que l'oecuménisme n'était pas cela. Selon elle, il s'agissait de l'adhésion simultanée à deux religions chrétiennes. J'écoutai religieusement sa thèse, la remerciant de son cours de catéchisme. Naturellement, je savais sa définition erronée et l'assurance avec laquelle elle définissait un concept qu'elle ignorait me fit sourire". J'ai retrouvé ce passage cet été alors que je regardais des vidéos de prédicateurs sur You Tube. Un paragraphe qui montre au passage tout ce que ma personnalité de lycéen arrogant avait de pire. Je n'ai bien sûr gardé aucun souvenir de cette conversation ni des deux camarades de classe auxquelles je fais allusion...

Au grand l'oral de l'ENA en 1992 le journaliste Philippe Meyer m'avait beaucoup cuisiné sur la réforme, et dans cette école à Strabourg je côtoyais de temps à autre un calviniste militant. J'ai cherché dans ce blog en 2011 et en 2012, parfois un peu maladroitement, à cerner les mérites et désavantages de la "petite Genève" constituée à Pau avant l'abjuration d'Henri IV...

J'ai examiné d'un point de vue "anthropologique" la révolution calviniste en Béarn, avec des prohibitions des jeux et de la danse, dignes des talibans de notre époque. J'ai été sensible aux récriminations de Marguerite de Valois, la reine Margot, dans ses mémoires que l'on peut lire sur Gallica contre l'intolérance de cette révolution.

Aujourd'hui je suis devenu assez sceptique sur l'intégrité morale des deux femmes à l'origine de la victoire (provisoire) de la Réforme : Marguerite de Navarre et sa fille Jeanne d'Albret. La première, la Marguerite des Marguerites des poètes de la Pléiade, ne fut pas vraiment protestante mais elle protégea beaucoup de calvinistes dans le clergé local. Ses propos au capitaine Bourdeille relatés dans les Dames Galantes, sur cette tombe (peut-être dans le parc du château de Pau) de Mademoiselle de la Roche (Un bulletin historique et littéraire de la société d'histoire du protestantisme français du siècle dernier accessible sur Gallica précise que c'était une de ses dames, veuve et sans enfant, que la reine de Navarra envoya comme dame d'honneur à la duchesse de Ferrare en 1545 et qui allait être considérée en Italie comme une"créature méchante et de la pire espèce" avant de revenir à Pau pour y mourir) qui vibre quand son ancien amant marche dessus pue le spiritisme et l'occultisme à cent kilomètres (il est vrai que c'était à la mode : le frère de Marguerite de Navarre, François Ier, portait toujours sur lui de la poudre de momie égyptienne et fut fasciné par l'art "isiaque" de Léonard de Vinci). La fille de Marguerite, Jeanne d'Albret, fut moins élégante et plus intègre religieusement, mais sa manière de chanter un cantique à Notre Dame du Bout du Pont quand elle accouche de son fils Henri n'est pas à l'honneur de son calvinisme...

Pour me faire une meilleure opinion sur l'histoire de ma région, je me suis récemment penché dans ce classique de la littérature en langue béarnaise dont je connais l'existence depuis 1991 (cela fait partie des livres qu'on vend bon marché dans les festivals occitanistes) que sont les Psaumes de David traduits par Arnaud de Salette (les cours du Rav Dynovisz sur les psaumes sur You Tube avait excité ma curiosité à ce sujet à l'automne dernier).

Arnaud de Salette, qu'on croit né vers 1540 à Pau, est fils naturel d'un membre du conseil de Navarre, président du Conseil souverain en 1567 (il présida donc l'assemblée extraordinaire qui mit le Béarn en état de guerre contre la France en 1568 pour la défense de Navarrenx), qui l'a cependant reconnu et fait héritier par testament. D'abord avocat puis pasteur, il est reçu au ministère lors du synode de Pau en 1567, la même année que Jean de Liçarrague (1506-1601). La comparaison avec Jean de Liçarrague est intéressante. Puisqu'il est le traducteur du Nouveau Testament en langue basque imprimé sur ordre de la reine de Navarre à La Rochelle en 1571, livre dédicacé à Jeanne d'Albret (le conseil de Navarre lui accorda en 1573 50 écus Soleil - somme importante pour l'époque dit-on - pour cette opération selon l'Histoire de Béarn et Navarre composée par le pasteur de Nay Bordenave). En 1582 il était né à Briscous et pasteur à Labastide-Clairence, village basque du canton de Bidache, parlait français, béarnais et basque, et peut-être ancien prêtre catholique. En tout cas il fut emprisonné pour ses opinions. Il publia aussi le catéchisme de Calvin en baque. En 1874 il ne restait plus que 13 exemplaires connus de son Nouveau Testament dont 6 dans les bibliothèques publiques en Europe.

Salette semble d'un milieu social plus élevé que Liçarrague et plus impliqué dans la vie de cour. Pasteur à Orthez (adjoint d'un certain Solon), professeur à l'académie protestante de cette ville, il s'installe à Lescar avec son académie, à cause d'une épidémie de peste à Orthez, puis muté à Lembeye après de mauvaises fiançailles avec la fille d'un pasteur. Aumônier de la régente Catherine de Bourbon à Pau, il meurt vraisemblablement dans les années 1590. Les psaumes commencés en 1568 (quand Liçarrague traduisait son Nouveau Testament) ne sont publiés qu'en 1583 par un imprimeur montalbanais Louis Rabier installé à Orthez en 1578 et qui réalisa sa dernière impression à Montauban en 1582 d'un livre d'Athénagoras d'Athènes traduit par Michel Béraud (pasteur théologien de l'académie de Montauban qui enseigna aussi à Saumur). Il avait déjà publié les 150 psaumes de David en français à Orléans.

Les psaumes de Salette sont une mise en vers béarnaise pour être chantés sur le modèle de ce que Marot et de Bèze avaient fait en français. Selon Robert Darrigrand, reprenant l'hypothèse de l'abbé Bidache, estime que Salette a pu les traduire directement de l'hébreu. Seulement dix exemplaires sont parvenus à nous (moins encore que du Nouveau Testament en basque de Laçarrague) dont trois étaient en Angleterre et en Suisse.

Les Psaumes sont en hébreu les Téhilim. Selon un texte du Midrash (de l'exégèse, dans la Torah orale Torah SheBe'al Pe), le roi David a demandé que ses Psaumes aient autant d'importance que la Torah de Moïse. Dieu (Hachem) l'aurait refusé, alors que David a divisé son livre en 5 livres pour que cela corresponde aux 5 parties de la Torah. La demande de David  selon l'enseignement du Rav Dynovisz aurait permis de faire du judaïsme une religion standard dans laquelle la connexion à Dieu par la prière aurait été fondamentale, sans étude du texte placée au premier plan. David ayant une âme du côté féminin (et de la royauté féminine). Mais ce que David a obtenu c'est que l'on ne puisse être un géant dans la Torah qu'en passant par la prière. Toute réalité se construit à partir de réceptacle et énergie, la Torah est la lumière et la prière en est le réceptacle (comme l'âme et le corps). La prière est le corps. On ne peut donc être homme de Torah sans lecture quotidienne des Psaumes. Dans la Kabbale Moïse représente la tribu de Yesod (celle de la Lune et du fondement de l'arbre de vie), et David celle de Malkuth ou Malchut (la royauté féminine). Déjà la Torah de Moïse cherchait son réceptacle : au début du 2ème livre de la Torah, dans "voici les noms des enfants d'Israël qui sont descendus en Egypte" (Exode 1,1) la fin des mots de cette expression en hébreu donne Tehilim (les Psaumes). David dans ses psaumes a caché des secrets qu'ont approfondi le Zohar et la Kabbale.

Nous allons ici comparer la traduction de quelques psaumes de Salette avec la version française actuelle (nouvelle version Segond révisée 2014) et avec ce qu'en disent les autorités juives. On verra que Salette est souvent plus proche de l'hébreu sur le plan littéral, que de la logique occidentale (française) comme est censé le faire protestantisme par rapport au catholicisme mais que cela ne lui permet pas forcément de rejoindre la visée théologique du point de vue strictement juif de chacune des invocations qu'offrent les Psaumes.

Psaume 2 : "Pourquoi les peuples sont dans l'effervescence, et pourquoi les nations pensent-elles de telles vanités ?" "Pourquoi les nations s'agitent-elles" dans Segond, "Perqué hen brut e tempestejan tas holas gents" : Salette perd la notion de nation sauf si on comprend "gents" comme les nations dans le sens de "droit des gens" et après il parle des peuples mutinés. "Parce que voici que se dressent tous les dirigeants du monde, et tous les conseillers se réunissent dans le secret ensemble pour essayer de s'unir dans un projet contre Hachem et contre son Messie". Segond dit "Les roi de la terre se dressent et les princes se liguent ensemble, contre l'Eternel et contre son Messie". Salette "Les grands rois de la terre se sont levés ensemble et les seigneurs d'un coeur maudit, pour contre Dieu faire la guerre ensemble, et contre Christ son Fils béni". Salette est plus concret ici sur la notion de guerre, mais il en rajoute sur ce Messie "fils de DIeu" qui est absolument absent de l'original juif. Les deux perdent la notion de secret des conseillers.

"Il faut absolument briser ces chaînes" ("brisons leurs liens" écrit Segond, Salette fait juste plus imagé avec des"courroies renforcées") "et on les jettera". "Celui qui est dans le Ciel se mettra à rire" ("se rira de" écrit Salette, et "se moquera" chez Segond). Dans le Talmud, le traité "Avoda Zara" au début du Talmud explique que depuis la destruction du Temple Hachem ne rit plus, et il ne rira à nouveau que pendant la guerre de Gog et Magog, quand Israël sera revenu de l'exil "échappé de l'épée" selon Ezechiel, après le dévoilement du Messie. Pour les commentateur donc le psaume est une vision eschatologique de la guerre de Gog et Magog. Segond perd la dimension du rire que garde Salette.

"Le maître du monde se moquera d'eux et il commencera à leur parler avec colère", en hébreu. Bizarrement Segond écrit ce passage au présent ce qui le vide de toute dimension prophétique. Salette en béarnais le conjugue au futur. "Et il les fera tomber dans une panique inimaginable, elles seront frappées de stupeur" "dans sa fureur il les épouvante" dit Segond, "il les ébranlera" écrit Salette. "Est-ce que vous voulez remettre en cause le fait que j'aie librement choisi mon roi "c'est moi qui ai choisi mon roi" dit Segond (idem chez Salette). Puis le Messie prend la parole : "Et moi je parlerai de la loi" "Et moi, son roi, je conterai tout exprès son saint décret qui jamais ne varie" chez La Salette. "Je publierai le décret de l'Eternel" écrit Segond qui perd complètement le changement de locuteur ! Le mot choisi qui eut vouloir dire décret désigne la loi au dessus de la compréhension humaine. Les nations sont liées par les 7 lois de Noah, et selon le Talmud Dieu en ajoutera 13 aux 7 déjà connues, soit 20 valeur numérique de "keter" couronne qui est la Sephira la plus élevée de l'arbre de vie. Ces 20 sont des têtes de chapitres.

"Du maître du monde qui m'a dit 'tu es mon fils' " (bizarrement Salette ajoute "unique" à mon fils, peut-être pour le rapprocher du credo). Du point de vue juif évidemment pas de référence à Jésus ici. Moïse avait dit d'Israël devant Pharaon au moment de la dixième plaie "Israël est mon fils". Dans le 2ème livre de samuel 7: 14 Hachem dit à David au sujet de son fils qui construira le temple "Je serai son père et il sera mon fils".

"Aujourd'hui je t'ai fait naître" (repris par Salette et Segond) - signe selon les Juifs que cet engendrement est purement métaphorique -. Ce sera le moment où le Messie recevra toute sa force. "Demande moi ce que tu veux, je te le donnerai. Tu veux hériter des peuples, que ton pouvoir s'étende aux extrémités de la Terre, tu l'auras". "Frappe les avec un bâton de fer, pulvérise les comme des pots chez le potier". "Maintenant vous les rois, dit le Messie, prenez garde, vous qui jugez la terre, servez Dieu dans la crainte" (Segond utilise aussi ce mot, Salette dit "en toute révérence". "Et dansez en tremblant"... "Soyez dans l'allégresse en tremblant" dit Segond (Salette fait une longue paraphrase trop constructive "Réjouissez vous d'avoir un tel Seigneur et tremblez devant son excellence". Et pour finir "Embrassez ce qui est pur de peur que Dieu ne se mette en colère, bienheureux ceux qui placent leur confiance en lui" (embrassez le "bar"). "Embrassez le fils de peur qu'il ne se mette en colère" écrit Segond "baisez le fils pour qu'il ne se courrouce pas" écrit Salette. Selon les Juifs, "bar" ne veut dire fils qu'en araméen, mais jamais un mot araméen n'est employé dans les psaumes. Plus haut Dieu dit "ben" pour fils. Chouraqui dit "transparence" et non pas "pur". Le premier psaume comparait les méchants à l'écorce qui vole au vent et les justes au blé sans écorce, et bar peut vouloir dire ici le blé.

On voit que dans ce psaume Salette a le mérite de placer ses verbes au futur ce qui au moins restitue aux versets leur dimension prophétique (par rapport à Segond) et il fait correctement la part entre ce que dit l'Eternel et ce que dit le Messie. Mais il y a une surenchère chrétienne dans les rajouts ("fils unique", mauvaise traduction de "bar" etc) qui conduit à ne pas voir, comme dans Segond, que le psaume annonce une revanche du peuple d'Israël après que les peuples dans le guerre de Gog et Magog se sont entre-détruits.

Psaume 7 : "Il y a quelque chose que j'ai commis sans en avoir la moindre idée, et cette faute je veux maintenant en faire un chant pour Dieu, et cette erreur concerne  Kouch fils de Benjamin". Kouch est un fils de Cham, ancêtre des africains et des Egyptiens. De Kouch sortit Nimrod. Les commentateurs disent que Kouch est Saül et qu'il n'a pas voulu l'appeler Nimrod (fondateur de Ninive) en lui disant qu'il vient de Kouch. "Hachem c'est en toi qu ej'ai placé ma confiance, sauve moi de tous ceux qui me poursuivent, de peur qu'ils ne déchirent mon NEFESH, mon âme, comme le ferait un lion". Salette écrit "de peur que leur guidon ne m'atteigne" (le guidon étant le porte-enseigne) "et comme un lion me prenne". "De peur qu'ils ne me déchirent comme un lion" dit Segond...

David parle souvent de son Nefesh (qu'on traduit aussi parfois par psyché, c'est la partie émotionnelle de l'âme, Chouraqui dans sa Bible traduit par "mon être"). Ici la notion est annulée par Segond et Salette.
"Ai-je fait quelque chose qui le mérite ? Est-ce que je me suis comporté d'une manière qui pervertit les valeurs 'avel' ? Moi je n'ai jamais fait de mal à ceux qui me font du bien, et je n'ai jamais fait du bien à ceux qui me veulent du mal".

Salette traduit par "si j'ai consenti à quelque lâcheté, si celui qui en toute amitié demeurait avec moi ou qui à tort était mon ennemi n'a pas trouvé en moi un bon ami" (sic). Segond choisit "s'il y a de la fraude dans mes mains, si j'ai rendu le mal à celui qui vivait en paix avec moi, si j'ai dépouillé sans raison mon ennemi".

D'un point de vue juif David dit qu'il n'a pas eu de perversion de valeur, il n'a pas aimé son ennemi comme Saül qui refusa de tuer le roi d' Amalec (dont un descendant voudra l'extermination des Juifs à l'époque d'Esther) comme Dieu le lui ordonnait (1 Samuel 15:9) pour venger ce qu'Amalec leur avait fait à la sortie de l'Egypte ("celui qui est bon avec ses ennemis sera cruel avec ses amis" allait lui dire Dieu).

Les deux traductions chrétiennes sont aux antipodes de cette problématique. Mais notons que celle de Chouraqui l'est aussi puisqu'il écrit "si j'ai rétribué mon payeur de mal, ou dépouillé on oppresseur gratuitement".

"Hachem lève toi, dans ta colère " (Salette et Segond traduisent de même) "Et enfin accomplis la justice dont tu es toi même la source" ("réveille toi pour moi toi qui as établi le droit" dit Segond, "selon ton jugement" dit Salette, étonnamment concis cette fois).

Les deux traductions manquent le fait que David, prototype de l'homme poursuivi, accusé d'être un faux juif depuis le départ, de par ses origines, a été placé dans cette situation parce qu'il était jugé au niveau des petites erreurs de ses intentions et non de ses actes ou même pensées. Au niveau de l'action avec Bath-Sheba il n'a pas commis de faute. Son intention était de donner une lignée du roi Salomon le plus vite possible pour accélérer le tikkun. Sa seule erreur fut d'avoir fait tuer son mari avant que Dieu le fasse mourir en première ligne au combat. Comme le rappelle un site sur le Net " Technically, Bathsheba was not a married woman since David's troops always gave their wives conditional divorces, lest a soldier be missing in action leaving his wife unable to remarry " ( Talmud, Shabbat 56b ). David n'aurait jamais existé si Hachem n'avait pas pris au sérieux les intentions (David vient d'une inceste d'un père ancêtre des moabites - Lot - avec ses filles mais où l'intention était de survie du groupe, d'un beau père avec sa belle fille prise pour une prostituée - Juda et Tamar - mais où l'intention de Tamar était d'engendrer les rois d'Israël, de sorte que Dieu valorisa la part de bonne intention, et il fit de même avec les femmes de Moab, le peuple qui malgré son ascendance abrahamique ne nourrit pas Israël à la sortie d'Egypte, mais ce sont les seuls hommes qui sont engagés dans l'interdiction d'échange avec Israël car seuls les hommes allèrent au devant des israélites pour leur refuser le pain, comme le leur confirma la pudeur Ruth la moabite). Chaque cadeau que fait Hachem a un prix. Le prix de la bonne intention fut l'enfer pour David. Dieu a instruit David en lui montrant comment dans la moindre des bonnes intentions on peut trouver l'étincelle de divin (ce que devra faire le messie pour reconstruire le monde, la récupération des étincelles dans la kaballe), mais le revers est d'être jugé aux intentions. C'est pourquoi il est jugé même responsable des fautes de Samuel dont il fut victime parce que celles-ci eurent lieu du fait de son existence (d'où la notion de faute non intentionnelle). David veut protéger son nefesh parce qu'il a peur d'en devenir fou (lui et sa lignée messianique).

Cette attention aux intentions propre à l'ère messianique se retrouve dans le célèbre verset 10 de ce psaume "toi qui sondes les coeurs et les reins, Dieu juste" (d'ailleurs Salette ne parle que du coeur et pas du rein).

Psaume 33 : "Que les justes se mettent à chanter Dieu. Seuls ceux qui sont véritablement droits méritent de le louer. Louez Hachem, avec les harpes, le luth, les instruments à dix cordes. Chantons lui un chant nouveau. Mettez y les meilleurs de vos chants et instruments". "La louange convient aux hommes droits" dit Segond, "Car magnifier sa hauteur est aux justes chose belle et aimable" dit Salette. Ici c'est la traduction de Segond qui rend le mieux compte de l'accord entre intériorité et chant que désigne le fait en hébreu que seul le droit peut louer Dieu par le chant. "Hachem aime la bonté, la justice, la bonté d'Hachem remplit le monde" (Segond dit "la bienveillance", "les biens du Seigneur" dit Salette). "Le ciel a été créé avec la parole d'Hachem, tout ce que tu vois ne tient que sur le souffle de sa bouche". La parole de la Torah est ce qui le monde dit le Zohar, et la Torah du fidèle doit être tournée vers lui. "Toute leur armée est faite par son souffle dit Segond "de son souffle il a fait son armée" dit Salette.

"Hachem a réuni les eaux dans l'océan et ce monde est rempli d'eau" (l'eau de la mer et celle qui est sous terre) "Que tous ceux qui vivent sur terre craignent Dieu et tous ceux qui vivent sur terre doivent le craindre" . Le lien nature-spirituel selon le Malbim met en rapport la nature selon ses lois avec la nature selon la providence. L'énergie négative d'un individu se combine aux autres pour détraquer le monde. D'où le fait qu'il faut s'habituer à louer Dieu du plus profond de soi pour empêcher que le monde n'encourage en soi les penchants négatifs.

"Ce qu'il a dit est ce qu'il y a, ce qu'il a ordonné est ce qui restera. Hachem annule les décisions des nations. Il annule les pensées des peuples." ("il renverse le conseil des nations", dit Segond, "il détruit et corrompt ce qui se décide dans la tête des peuples" écrit Salette sur un mode plus clair)

"La seule chose qui restera c'est ce qu'Hachem a décidé.Le projet de son coeur, s'étend sur des générations"  "le conseil de l'Eternel subsiste à toujours et les projets de son coeur, de génération en génération" dit Segond "le conseil invariable du Seigneur demeure à jamais, ce qui est agréable à son coeur dure d'âge en âge". Segond là dessus est plus près de l'intention avec la notion de "projet".

Un petit plus donc pour Segondsur ce psaume, même si sa traduction comme celle de Salette ne permet pas de comprendre clairement que le Psaume incite à comprendre la réparation de Dieu sur plusieurs génération, quand la parole portée par l'homme n'est pas assez bonne pour le monde.

Psaume 39 : "En mi medish èo dit : jo prenerèi guarda a tot ço que jo harei etc" (je prenais garde à tout ce que je ferais), chez Segond "je disais : je garderai mes voies de peur de pêcher par ma langue" en hébreu:  "Je me suis convaincu de toujours faire attention à mon comportement (mais dans Chouraqi c'est "mes routes"), et de ne pas fauter avec ma bouche, j'ai toujours essayé de faire attention de fermer ma bouche lorsque le méchant devant moi me calomnie" (Salette dit "l'inique"). Il a montré que lorsque, poursuivi par son fils Absalom se leva contre lui (2 Samuel 15) il supporta les reproches du chef du Sanhedrin sans rien dire. "Je suis resté muet" en français, puis "et oui même du bien je me suis tu" écrit Salette, le français dit "éloigné du bonheur" (ce qui n'a rien à voir) les interprètes disent "même si on pourrait penser qu'il serait bon de répondre". Salette ici fait un effort supplémentaire par rapport à la Bible de Segond, mais rate quand même le sens juif. "Mon coeur était chaud" en traduction littérale de l'hébreu, "je sentis à mon coeur une grande chaleur" chez Salette, "mon coeur brûlait au dedans de moi" en français (Salette est plus près de l'hébreu). Le Talmud dit que les reproches contre David à propos de Bethsabée glaçaient le sang dans ses veines, mais qu'il se retenait de répondre pour ne pas leur enlever une place une place dans le monde futur (car celui qui fait honte en public à quelqu'un n'a pas de place au monde futur). "Mes pensées étaient pleines de feu" chez Salette comme dans l'hébreu ("dans mon gémissement un feu s'allumait" dit Segond). "Il n'y en a qu'un seul à qui je vais parler Hachem" (Salette "A Dieu ma langue a dit ceci", Segond "Et la parole est venue sur ma langue") : "Dieu, je t'en supplie aide moi à connaître que je suis un mortel" ("connaitre ma fin" dit Segond, "montre moi ma mort" dit Salette). "Aide moi à le ressentir et aide moi à comprendre que ma vie est mesurée" - "quelle est la mesure de mes jours" chez Segond, "que je sache le contenu de mes années" : ici Segond est plus éloigné du texte hébreu où il ne s'agit pas de contenu mais les 2 perdent le "aide moi à le ressentir"... "Aide moi à comprendre à quel point je ne suis pas indispensable ("je reconnaîtrai combien je suis fragile" chez Segond, le vers n'existe pas chez Salette). "Et en vérité combien l'homme devrait se rendre compte que son existence n'est que vanité" - Segond dit "Oui, tout homme debout n'est qu'un souffle"." Certes tout homme est toute vanité" chez Salette (plus près de l'hébreu) "Un homme avance dans l'obscurité" "il passe comme l'ombre" dit Salette "l'homme se promène comme une ombre" dit Segond. Les traductions ensuite se rejoignent sur l'idée que l'homme amasse au profit de quelqu'un d'autre. "Et je n'ai en vérité  qu'une seule demande, tout ce que j'attends de toi, sauve moi de la faute, et ne me laisse pas devenir comme eux une ordure" ("ne m'expose pas au déshonneur de l'insensé" dit Segond "et ne pas m'abandonner à la joie folle de ceux qui n'ont aucun entendement" dit Salette très loin de l'original).

"Aide moi à vivre que je suis mortel". La date de la fin de sa vie l'obsédait au point qu'il a forcé Hachem à lui dire qu'il mourrait un jour de Sabbat et, tous les sabbats il se scotchait à la Torah pour que l'ange de la mort ne puisse pas le prendre, ce qu'il fera à ses 70 ans quand la chute d'un arbre put le distraire de son étude. Pourquoi était-il obsédé par le jour de sa mort ? David avait toujours été refusé par ce monde parce que son âme était trop spéciale ou parce qu'il était chargé de préparer le tikkun du monde (cf  Ari Ha'Kadosh/Isaac Louria). C'est pourquoi il ressentait la vanité de sa vie. Il était prisonnier des klippot (les écorces négatives du monde). Il est dit éternel et plus présent dans le monde depuis 3 000 ans que les prophètes.

Malade pendant six mois après l'affaire de Bath-Sheva quand Dieu l'a frappé et quand tout le monde s'est ligué contre lui.Selon le Sforno (1470-1550) David était un admoni, un rouquin aux yeux pleins de sang (Samuel I, Chap.16, verset 12), né avec une nature qui a effrayé Samuel et exerçait une fonction de roi qui lui interdisait de garder le silence (il aurait dû couper des têtes). Mais comme il était d'essence royale, par delà l'extériorité de la fonction, il pouvait se taire. Donc il n'est rien en tant que David, mais devant Dieu par son essence il est éternel.

Il me semble que sur ce Psaume Salette est souvent plus littéral que Segond, mais manque un peu ce besoin qu'a David de méditer sur la durée de ses jours, et donc manque cette forme de récupération de son essence royale que marquent son choix du silence et son face à face avec la mort.

Il y a donc dans l'ensemble quelques points sur lesquels Salette fait mieux que Segond dans sa traduction, mais d'autres sur lesquels il est plus simple. Beaucoup, à cause de l'arrière plan chrétien, s'éloignent de la connotation eschatologique purement juive que porte le texte hébreu. On peut se demander pourquoi il y a eu un retour aux Psaumes chez les calvinistes de la Renaissance, pourquoi ce succès des psautiers dans la liturgie. Mais je ne connais pas assez bien l'histoire du protestantisme pour répondre à cette question.

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Quelques notes sur "Occident et Islam" de Youssef Hindi

5 Décembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures, #Grundlegung zur Metaphysik, #Proche-Orient, #Divers histoire

L'histoire du sionisme connaît un regain de vitalité sur la place publique depuis un certain temps. Shlomo Sand en 2008 avait rappelé l'interdiction divine du retour en Israël par la force posée par Deutéronome 4:28 et par Ketouvot-Ketubot (en page 191 Sand omet la référence qui est Tractate Ketubot 110:82)

Sand citait pour seules exceptions de petites vagues de migration comme celle de Moshe ben Nahman Gerondi (ramban) au 13 e siècle et Yehuda Hahassid en 1700.

Hillard dans sa préface de Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine (p. 9) citait un marrane espagnol (juif superficiellement converti au catholicisme), Joseph Nasi (1524-1579) devenu duc de Naxos élevé à la cour de la Sublime Porte et qui avait assez d’influence pour faire élire un souverain en Moldavie, chef d’un empire financer, joua un rôle dans l’indépendance hollandaise et responsable du premier retour juif en Palestine, ce qui soulignait le rôle du protestantisme hollandais.

L'historien marocain Youssef Hindi (à l'origine lancé par les soraliens) dans Occident et Islam tome I fait remonter le projet au delà du protestantisme aux origine mystiques de la kabbale (qu'il rapproche à mon sens un peu arbitrairement de la Gnose païenne en extrapolant une phrase de Gershom Scholem). Parcourons ce livre qui est en réalité principalement une vulgarisation de "Le messianisme juif" de Scholem, à laquelle nous ajouterons quelques remarques cursives avant d'exposer un jugement d'ensemble à son sujet.

Pour lui, la kabbale parce qu'elle prétend faire progresser l'humanité par paliers diffère de toutes les religions. Elle se développe au Proche-Orient puis entre en Europe au XIe siècle par la Provence et y prend un tour néo-platonicien. Au XIII e s elle se déplace à Gérone (Catalogne) où elle s'ancre dans l'ésotérisme. Moïse Nahmanide (1194-1270) - qui est le Moshe ben Nahman de Shlomo Sand - homme dont la mystique est très différente de celle des chrétiens puisqu'il valorise notamment la sexualité  en application des préceptes de l'Ecclésiaste -, dans son Livre de la Rédemption pense qu'une repentance (techouva) extraordinaire peut hâter la venue du Messie. Dans une disputatio de 1263 il révèle son espoir qu'un jour le Messie demandera au Pape qu'il libère le peuple juif, le laisse repartir en Palestine, pour hâter la fin du monde (la venue du Messie pour Nahmanide était pour 1358). Comme Scholem l'a souligné les kabbalistes veulent judaïser les religions pour préparer leur soumission finale sous le règne du Messie.

10 ans avant la mort de Nahmanide, Abraham Aboulafia (né à Saragosse) à l'âge de 31, messie autoproclamé habité par des visions démoniaques quitte l'Espagne pour récupérer les tribus d'Israël perdues. Roland Goetschel dans "La Kaballe" (qsj) le qualifie de "plus grande figure de la Kabbale extatique" (par la combinaison des lettres). Marié en Grèce, il se rend à St Jean d'Acre puis renonce à prêcher en Palestine ravagée par les Mongols. Il retourne en Espagne étudier le Livre de la création (kabbalistique) et tente de maîtriser la magie que confère la connaissance du nom de Dieu. Selon Youssef Hindi, comme il cherchait à convaincre le pape Nicolas III de réaliser la prophétie de Nahmanide, le souverain pontife le fit emprisonner, mais mourut d'apoplexie le 22 août 1280, ce que le clergé interpréta comme un signe possible de magie noire et Aboulafia fut libéré (Goetschel note juste que la mort du pape permit sa libération p. 92). Mais d'autres versions disent qu'il résolut plutôt de convertir au judaïsme en 1281 le pape Martin IV (ce qui n'avait rien de surprenant puisqu'au même moment le prévot de Paris Hugues Aubriot s'était converti et menait une vie licencieuse avec des femmes juives) : "Il n'échappa au supplice du feu que parce Dieu, comme il le disait lui-même, lui avait donné deux bouches. Il voulait dire par là qu'il avait su se justifier devant le Pape ; peut-être affirma-t-il même au pape que lui aussi enseignait le  dogme de la Trinité" écrit Graetz dans "Histoire des juifs, de l'époque du gaon Saadia (920) à l'époque de la réforme" p. 231. Il ne se serait proclamé Messie qu'ensuite en s'enfuyant en Sicile mais il aurait reçu fort peu de crédits (sauf deux visionnaires d'Espagne qui le crurent, mais les signes qu'ils donnèrent à la foule furent des plus décevants). On ne sait pas bien si la version de la mort d'Aboulafia que retient Youssef Hindi  vient de Kappler et Grozelier qu'il cite juste avant ni pourquoi il la fait prévaloir sur celle de Graetz. Hindi en se fondant toujours sur Scholem souligne en tout cas que l'expulsion des Juifs d'Espagne par les rois catholiques poussera les kabbalistes à faire passer la venue du Messie (donc la fin du monde) avant le rapprochement avec Dieu.

Hindi cite encore Salomon Molcho ou Solomon Molkho (1500-1532), marrane du Portugal (mais pourquoi va-t-il chercher, pour aller plus loin que Scholem, la biographie sur le site du musée du judaïsme de la République tchèque, ne peut-on pas attendre d'un "historien" qu'il aille consulter de vais livres ?), disciple de David Ruveni qui obtint une autorisation du pape Clément VII pour prêcher en public la libération de la Palestine (le personnage inspira à Edmond Fleg une pièce en vers "Le Juif du Pape" jouée au Théâtre des Arts à Paris en 1925, détail qui sans doute indiffère l'auteur du livre mais je le signale quand même aux amateurs d'histoire littéraire, au delà de l'utilitarisme, d'autant que ce genre de détail peut s'avérer riche d'enseignements si on le recoupe avec d'autres). Selon Hindi Solomon Molcho ne serait rien d'autre que le "concepteur du projet sioniste"... ce qui est peut-être un peu excessif... Ensuite Joseph Nassi (1524-1579) marrane portugais réfugié en Hollande reprit le projet de Molcho à la cour de Soliman.

Après ce rappel Hindi reprend avec un brin de mépris ("le lecteur peut sourire en lisant ces passages de la Bible" p. 43 - sourire méprisant qui, on peut le supposer, justifiera chez le lecteur juif et chrétien le même sourire méprisant quand Hindi parlera de l'islam), les thèses bien connues des auditeurs sur You Tube du Rav Haim Dynovisz sur Jacob et Esaü, le royaume d'Edom face aux descendants d'Ismaël. (Il y a la même chose sur le Net chez le Rav Ron Chaya, mais dans une version plus favorable à Ismaël). Après une vulgarisation sur le livre de Daniel, Hindi revient à l'histoire moderne en braquant, avec Scholem, le projecteur sur Isaac Louria né à Jérusalem en 1534 (ou 1532 ?) qui dans l'ordre de la kabbale éclipsa même le Zohar par sa mystique de la lumière gnostique, qui depuis 1492 place le peuple juif au centre du destin de l'univers (mais cette lecture d'Hindi prisonnier de Scholem n'est-elle pas arbitraire ? n'y a t il pas déjà cela dans Rachi de Troyes par exemple et dans toute la tradition juive depuis la dispersion ?).

Les rabbins Isaac Bloch et Emile Lévy dans Histoire de la littérature juive d'après G. Karpelès 1901 p. 509 précisent que Louria aurait reçu des révélations du prophète Elie au bord du Nil, puis de Simon ben Yohaï, fondateur de la Kabbale, et enseigné à Safed (en Galilée, capitale spirituelle du judaïsme depuis 1530 où l'on pratique l'écriture automatique et la canalisation) où son disciple alchimiste Hayim Vital Calabrese (1543-1620) mit par écrit son enseignement oral. "La génération et la migration des âmes (gilgul) en est la doctrine essentielle" selon les deux auteurs. Ce serait un judaïsme ténébreux, peuplé de démons, opposé au judaïsme lumineux du Talmud. Selon Hindi, sur l'aspect qui intéresse le sionisme, Louria aurait tranché les controverses de la kabbale espagnole sur la question de savoir si le tiqqun messianique viendrait d'un coup ou progressivement par l'hypothèse d'une action de long terme du peuple juif sur l'humanité (p. 54). Ce serait selon Goetschel p. 118 (ça Hindi ne le dit pas, c'est moi qui l'ajoute) la face historique de ce qui, dans le monde spirituel, est la restauration du monde de l'Asiyyah à séparer définitivement du monde des écorces

Selon Hindi la Kabbale de Safed aurait surclassé celle d'Espagne en Palestine. Parallèlement le rabbin Menasseh Ben Israël, maître de Spinoza à Amsterdam rencontre en 1655 le "chrétien de l'Ancien Testament" et leader révolutionnaire Cromwell à Londres qui autorisera le retour des Juifs en Angleterre. Il précise qu'il ne souhaite pas le retour en Palestine tant que la dispersion annoncée dans Daniel 12:7 n'est pas achevée. M. Hindi cite au passage le rôle que le banquier juif Lopes Suasso allait jouer dans l'établissement de Guillaume III sur le trône d'Angleterre en se référant au livre d'Henry Méchoulan "Etre juif à Amsterdam au temps de Spinoza" p. 81, il emprunte aussi à cet historien les éléments sur la place du judaïsme dans l'essor de la banque anglaise.

A l'Est, dans l'Empire ottoman, Sabbataï Tsevi (ou Zewi) de Smyrne (né en Turquie en 1626), kabbaiste solitaire qui traverse des phases maniaques de possession, se proclame Messie. Après son apostasie, plus de 200 chefs de famile juifs devinrent musulmans. Le faux prophète Nathan de Gaza (qui allait effectuer des rituels secrets à Rome pour hâter la fin de l'Eglise), selon Scholem, allait justifier l'apostasie par le fait que Sabbataï Tsevi, vrai Messie était descendu dans la kelippah (l'écorce du mal) pour la restauration des étincelles de sainteté en la conquérant de l'intérieur. Par ailleurs Sabbataï Tsevi voulait un Etat juif en Bosnie. Des sabbataïstes faussement convertis, sous la houlette de Filosof et Florentin allaient former la secte des dönmehs qui allaient être nombreux chez les jeunes turcs en 1908, dont Ataturk qui eut lui même ensuite au moins rois ministres döhnmehs (Scholem p. 146). Dans ces groupes Jacob Frank (1726-1791) allait se dire réincarnation de Sabbataï Tsevi (p. 80). On est loin de l'ironie avec laquelle Voltaire traite dans le Dictionnaire philosophique (Folio p. 393)  "Sabhathai-Sévi, né dans Alep" qui "s'associa un nommé Nathan-Lévi" et devnt "roi des rois", poussant "même l'insolence jusqu'à faire ôter de la liturgie juive le nom de l'empereur et à y faire substituer le sien". Selon Voltaire il a "si fort discrédité la profession de faux Messie que Sévi est le dernier qui ait paru".

En 1750 Jacob Leibowitsch dit Frank, né dans une famille d'Ukraine adepte de Sabbataï Tsevi s'installe à Smyrne. Il a 24 ans, se convertit à l'Islam, puis se rend sur la tombe de Nathan de Gaza à Skopje. En 1754 il s'autoproclame Messie à la suite d'une vision de Sabbaraï Tsevi. Puis il retourne en Ukraine (à Podolie) où des catholiques le rejoignirent.

Charles Novak a montré que Frank voulait tirer l'humanité vers le bas pour accélérer sa rédemption. Il se fait baptiser à Varsovie, reconnaît Jésus et la Trinité. Parrainé par Auguste III de Pologne il infiltre la noblesse européenne (par exemple Maurice Hauke ancêtre des Mountbatten). Novak Meyer Rothschild fut son trésorier.Comme les sabbataïstes allaient préparer la voie de la franc-maçonnerie et de la laïcité en Turquie, les frankistes oeuvrent à l'assouplissement du christianisme de l'intérieur selon Novak. Hindi inspiré par Novak en veut pour preuve (très contestable) le fait que Jean Paul II fut ordonné prêtre par l'archevêque de Cracovie descendant d'une famille frankiste. ll met dans ce panier aussi (p. 88) le judaïsme réformé de la famille Brandeis dont Louis, juge à la cour suprême américaine proche de Wilson qui joua un rôle dans l'entrée en guerre en 1917 et dans la déclaration de Balfour comme président de l'American Jewish Congress).

Hindi prend ses distances à l'égard de Novak et Sholem en estimant que Frank n'est pas en rupture avec la kabbale qui dès avant Louria selon lui misait sur la rédemption de Satan.

Pour Hindi, le nihilisme wahhabite (à l'origine du régime saoudien) est le pendant oriental du frankisme. Il reconnaît cependant que la filiation avec le sabbataïsme n'est pas prouvée et se fonde seulement sur Vernochet et Redissi pour estimer que le wahhabisme comme les Frères musulmans détruisent l'Islam.

Même flou dans le lien entre sabbataïsme et première loge maçonnique du Levant apparue à Smyrne en 1738. Le sultan Murad V qui régna en 1876 fut membre d'une loge, comme les Jeunes-Turcs. L'iranien chiite Malkun Khan, franc maçon, préparait une religion de l'humanité, et ses rituels maçons se rattachent à la kabbale et au sabbataïsme.Idem le panislamisme du maçon (selon Thierry Zarcone et Hamadi Redissi) iranien cosmopolite Jamal al-Dîn al-Afghani qui a écrit à Renan une lettre contre l'Islam et avait de l'Islam une vision "nationaliste" sécularisée progressiste. Hindi instruit le même procès contre Mohamed Abduh et d'autres réformateurs progressistes ou wahhabites, pour finir par Tarik Ramadan qu'il accuse d'avoir soutenu la guerre en Libye (ce qui est faux : il était contre Kadhafi, ce qui se comprend, mais n'approuvait pas la politique occidentale).

Pas sûr qu'il faille croire M. Hindi sur parole quand il affirme que le message diplomatique de M. Netanyahou au pape après sa démission puisse être lu en référence à l'eschatologie talmudique (p. 55).

- Notons aussi les fautes de frappe (un verbe convaincre mal conjugué au passé simple p. 33 un participe présent avec un "s" p. 38, "jugé négligeable pas accordé au sujet p. 42, point de vue sans e p. 56 etc.

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Péril rouge

18 Septembre 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Il est très étonnant de voir combien en 1968-69 les gens de droite étaient persuadés que le communisme risquait de l'emporter dans le monde (remarquez j'ai constaté cela aussi en 1982). Je me souviens des images d'archives d'Edgar Faure tentant de justifier à l'assemblée nationale la constitution de l'université de Vincennes et disant aux gaullistes "certains d'entre vous pensent que le communisme va conquérir la génération qui vient - si c'est le cas ni vous ni moi n'y pouvons rien".

 

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Dans le journal de Paul Morand du 1er septembre 1969 je lis à propos de la prise du pouvoir par Kadhafi en Libye : "Révolution en Libye. Cela va faire, tôt ou tard, sauter la Tunisie et les communistes arriveront à Tanger. Faire sauter l'Espagne ne semble qu'un jeu. La flotte russe d'une Méditerranée russe appuiera. "Nous viendrons à bout de l'Occident par l'Orient" (Lénine)" "

 

Et dire que Morand a été diplomate ! Cette analyse ressemble aux propos d'un chauffeur de taxi...

 

Aujourd'hui, à part quelques exaltés d'extrême droite, personne ne fait sur les djihadistes les pronostics que les conservateurs d'il y a 40 ou 50 faisaient sur les communistes, c'est déjà un progrès. L'ennemi est ramené à une plus juste proportion.

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