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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #ecrire pour qui pour quoi tag

Référencement Wikio Sources

14 Septembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Je viens d'apprendre que mon blog est désormais référencé sur Wikio sources. Encore un système de classement amusant pour stimuler l'égo des bloggeurs. J'en découvre l'existence. Je trouve ça rigolo. Ludique, comme tout ce que nous faisons sur le Net.

 

J'ai un peu protesté hier contre les vidéos qu'ils avaient retenues pour illustrer mon blog. Ma protestation a été entendue, ils ont aimablement corrigé leur tir.

 

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Ce blog est donc ... 9 537 ème... Très loin évidemment du blog "la lettre volée" de mon ami Edgar (1 412ème) ou de celui de Lili Castille (2 925 ème). Mais bon, vu le peu d'énergie que je lui consacre, je ne vais pas me plaindre. Je ne comprends même pas pourquoi soudainement j'entre dans ce classement alors que le nombre de lecteurs et de publications est stable depuis 2 ans. Peut-être justement à cause de cette stabilité. Toujours ce phénomène bien connu : c'est comme Arlette Laguiller ou les derniers poilus de 14 : il suffit de continuer d'exister à un endroit donné, dans un rôle donné, pour se voir accorder une reconnaissance. Le temps et la persévérance font votre valeur indépendamment du contenu intrinsèque de ce que vous faites ou dites (d'ailleurs qui détient les critères légitimes pour juger de ce que vous faites et dites ?).

 

Je découvre donc que mon blog est principalement consacré à l'international (plus de 30 %), à la culture (23%); à la politique (19 %) mais qu'il s'y trouve aussi des sciences (11%), des considérations sur la France (7 %) et même du sport (7 %)... je suppose qu'il s'agit du sport en chambre. Comme tout cela a dû être difficile à calculer quand on sait que bien souvent je suis du genre à commencer un article en parlant de Hegel pour le finir sur la situation de la Guinée ou sur des considérations météorologiques...

 

En comparaison le blog d'Edgar, lui, est un peu moins international (28 %), beaucoup plus économique (19 %) à peu près autant politique (18 %), plus société (tiens, mon blog n'est pas "société" ?) mais pas du tout consacré à la France (2 % - ah bon ? je croyais pourtant...). Lili Castille, elle, n'a pas la "chance" de bénéficier d'un découpage analytique de ses thèmes.

 

Le "top" de leur classement est un blog "High tech" qui est référencé depuis 2006, talonné de près par celui d'un chroniqueur d'Europe 1 et un blog qui tape beaucoup sur Sarkozy. Preuve que les amateurs de blogs aiment beaucoup la politique politicienne. On sait ce qu'il faut faire pour entrer dans le Top10 : disséquer l'agenda de François Fillon et de Ségolène Royal, laisser tomber les articles intimistes sur le thème "aujourd'hui j'ai mangé un yaourt à la fraise" ou les sujets abscons du genre : "est-ce que Fodor a raison de critiquer la théorie computationnelle de la connaissance défendue par Pinker" ? Personnellement, mon classement dût-il en pâtir, je garde un faible pour les deux derniers registres.

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La pétrification des rôles

4 Juillet 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Marrant ce dernier commentaire d'actualité (http://www.dailymotion.com/video/xdnr50_alain-soral-actu-de-mai-2010-partie_news) où Soral inclut à deux reprises l'Iran et la Turquie parmi les pays arabes. Ca me rappelle ses imprécisions sur le cas Onfray. Bah, notre société est trop tolérante à l'égard du flou artistique.

 

A part ça une nouvelle : si vous voulez acheter des livres pas cher dans le quartier latin, allez chez Ishtar ils liquident tout jusqu'au 11 juillet - les pôôvres, ils n'avaient pas voulu parler de l'Atlas alternatif parce qu'il y avait dedans un article de Diana Johnstone sur la Serbie, ça ne leur a pas porté chance...

 

Au fait en parlant de Diana Johnstone, vous avez peut-être remarqué son récent exercice d'admiration de Noam Chomsky qui se termine en forme de clin d'oeil à Dominique de Villepin. Je crois savoir qu'elle s'est rapprochée récemment de la mouvance du parti de François Asselineau. Ce qui me frappe dans cette article, comme dans le livre de Pinto que je citais hier, c'est que rien ne me surprend en lui. Il se déroule comme un programme d'un logiciel informatique après quon ait cliqué deux fois sur "enter". C'est le problème de beaucoup de journalistes et d'essayistes : quand leurs idées sont fixées, ils peuvent pendant 10 ans répéter la même chose. Et c'est d'ailleurs souvent ce que leur public attend d'eux.

 

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Je pense que mes propos sur ce blog présentent le même défaut dans la mesure où ils répètent trop souvent les mêmes considérations, sur le bourdieusisme, le chomskysme etc. Mais cela tient aussi au ciblage initial du blog : il est conçu comme un prolongement des livres publiés, et donc il se trouve nécessairement enfermé dans leurs problématiques. Ce n'est que lorsqu'un nouveau livre sort que je puis normalement écrire quelque chose de vraiment nouveau dans son sillage. Sauf que le livre lui-même doit toujours être cohérent avec ce qui a précédé, donner l'impression de poursuivre une démarche. C'est là aussi un des pièges de la notion d' "oeuvre", qui fait qu'un Sartre a toujours fait du Sartre, un Finkielkraut a toujours fait du Finkielkraut. BHL n'écrira pas sur les films pornos ou sur la gastronomie sibérienne, Elisabeth Badinter ne s'intéressera jamais à la composition sociologique des légions romaines sous Trajan, Alain Badiou n'écrira pas une biographie de Kylie Minogue. Le piège de l'oeuvre, le piège du "rôle" social aussi, dans un sens. Plus on vieillit, plus cela se marque. Et c'est dommage, au fond. Cette incapacité à se renouveler qui finalement marque tout individu, mais plus encore l'intellectuel comme produit du marché littéraire, et fait qu'il devient aisément labellisable et caricaturable (quand il ne se caricature pas lui-même), quel piège effrayant. De sorte que les oeuvres, les articles et les blogs ne sont au fond que de mornes épitaphes tout juste bonnes à identifier nos futures tombes dans les cimetières.

 

Rimbaud avait résolu le problème par la fuite, en se faisant traficant d'armes. Mais la fuite aujourd'hui est identifiée à de la facilité. En plus il n'y a même plus d'ailleurs où fuir.

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Un "niet" éditorial, le débat sur Debray dans Le Point, Gaza encore

29 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

J'ai tenté une opération risquée hier sur le front éditorial : profiter d'une mention de mes travaux d'anthropologie du corps dans un grand mensuel (son numéro de juin) pour suggérer (via un canal que je gardais sous le coude depuis deux ans) à un éditeur diffusé par Lagardère un livre que j'étais prêt à écrire dans le registre "philosophie vulgarisée". Mais l'offensive a tourné court. On m'a dit "niet" tout net. Dans ces cas, inutile de demander la raison du refus. On ne vous dira jamais franco : "c'est parce que vous n'êtes pas la fille de BHL". Mais il y a du bon dans ce refus. Certes une acceptation m'aurait permis d'aller plus loin dans ma recherche personnelle, m'aurait motivé pour expliciter mon "éthique stoïcienne". Mais un "non" clôture l'espace : on sait qu'on ne peut plus aller au delà, le périmètre est circonscrit. Ainsi il n'y aura pas de vie au delà des Editions du Cygne, pas de livre à grande diffusion. Plus besoin, par conséquent, de dépenser de l'énergie à imaginer d'autres ouvrages au delà du dernier qui sera publié, chez le Cygne (inch'Allah) en 2011. Mon statut est définitivement fixé.

 

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En parlant d'édition, Régis Debray, lui, s'en tire toujours bien. Un livre = pour lui 4 pages dans Le Point, presque automatiquement. Je lisais cela dans le salon d'attente de mon médecin. Le Point oppose Ruffin et Lanzmann à son livre.

 

Lanzmann a tort parce qu'il reste attaché au caractère inégalable et inimitable d'Israël qui devrait justifier selon lui qu'on lui pardonne tout. Mais il a raison quand il dit que Debray a un mauvais style, qui collectionne les formules et dit tout et son contraire d'une ligne à l'autre (les extraits cités par Le Point le confirment). Ruffin, lui, se défend plutôt bien quand il explique que son rapport (de 2004, je crois) qui prônait la criminalisation de l'antisionisme visait uniquement ceux qui assimilent sionisme et nazisme. Comme lui je trouve cette assimilation détestable et il n'a pas tort de dire qu'elle incite à la haine au delà de toute raison. Il dit qu'il voulait ainsi mettre fin à la judéophobie de certains jeunes pro-palestiniens. Cela étant  si sa proposition avait été suivie, si la criminalisation de l'antisionisme était passée dans la loi, qui sait si elle n'aurait pas été aussi instrumentalisée bien au delà de l'intention première, et utilisée pour empêcher toute critique d'Israël ?

 

Nous savons combien notre époque est rétive aux débats sereins et rationnels. Je crois que la création d'une délit d'opinion supplémentaire n'aurait fait qu'amplifier les problèmes.

 

Au fait, vous avez peut-être vu qu'une armada très importante de bateaux humanitaires se dirige vers Gaza, ce qui est une bonne chose. Bien sûr j'eusse aimé en voir partir une aussi vers l'Abkhazie ou vers les camps saharaouis à l'ouest de l'Algérie, et vers tant d'autres peuples oubliés de nos élites. Mais il faut féliciter cette initiative et la soutenir comme elle le mérite.

 

 

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Tourisme politique et marketing littéraire

7 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Mon correspondant allemand de Munich me propose de traduire en allemand mon petit ouvrage sur la Transnistrie. Il n'est sans doute pas motivé par la qualité littéraire du récit dont ses compétences linguistiques ne lui permettent guère de juger (il a juste estimé qu'au vu de ce qu'il avait cru en comprendre ce texte lui paraissait bien), mais il a envie de se rendre dans ce pays cet été, et pour cette raison ce livre lui plait. Je l'avais déjà remarqué : mon livre sur la Transnistrie épouse une certaine mode, celle du tourisme politique et beaucoup de gens s'y intéressent à titre de préalable (de mise en bouche) pour un prochain départ pour Tiraspol (puisque cette ville s'ouvre aux étrangers depuis peu).

 

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La culture étant réduite à l'état de "marché", la qualité des livres se définit de plus en plus exclusivement en fonction de leur propension à épouser les grandes tendances sociologiques du moment. Tout n'est plus affaire que de "concept" marketing. Par exemple ma petite trouvaille qui consiste à mélanger dans chacun de mes livres dorénavant un récit personnel avec un travail d'analyse plus objectif, est vouée à n'être qu'un concept marketing (et non pas une invention qui révolutionne le genre de l'essai, or pourtant j'affirme qu'elle change profondément le statut et le mode d'écriture des essais). C'est simplement un "concept" plus ou moins apte à trouver un public, et susceptible de vieillir, de s'user, à plus ou moins brève échéance.

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Echos du passé

2 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Un ancien prof de mon lycée m'écrit : "Vous restez pour moi un exemple de courage et d'indépendance, sans doute le meilleur, qu'il m'arrive de citer à mes élèves". Combien d'images de soi, tantôt agréables, tantôt fort déplaisantes on laisse derrière soi. Sans jamais trop savoir sur quelles déductions personnelles (et, souvent, sur quelles erreurs) tous ces jugements se fondent. Mais bon, allez, il est plutôt utile parfois de pouvoir se dire qu'on n'a pas laissé que des souvenirs négatifs aux gens qu'on a croisés, même si ces personnes se trompent...

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Parler de ses livres

15 Mars 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Ce soir je suis tombé par hasard sur le blog d'un publiciste connu qui disait comme moi : "J'arrive au terme d'un cycle de mon oeuvre, il faut que j'arrête d'écrire, sans quoi je me répèterais, il faut que je recommence à vivre un peu". Sauf que lui ajoutait "j'arrive à un cap, celui de la cinquantaine", alors que moi je dis "j'arrive à un cap, celui de la quarantaine". A part ça les mots étaient tellement les mêmes que je me suis demandé si ce n'était pas l'époque qui nous poussait à mettre en scène notre suicide scriptural, plutôt qu'un mouvement personnel en nous. Cela fait longtemps que je dis que c'est le statut même de l'écriture qui rend vaine sa poursuite aujourd'hui, ou du moins sa poursuite au delà d'un certain seuil de publication (disons de septième ou du dixième livre écrit selon les cas).
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Je mesure aussi en écoutant ce publiciste (qui se filme en vidéo), tout le ridicule qu'il y a à dire "mon oeuvre". Ce garçon qui plus est se compare à Mishima, puis in fine attaque un de ses collègues contemporains. Un peu minable. On devrait prohiber le mot "oeuvre", la référence aux grands prédécesseurs, et d'une manière générale les airs inspirés sur ce qu'on écrit. Voire on devrait interdire aux journalistes de poser des questions aux auteurs. Le livre devrait parler pour lui-même.

En ce moment je suis en train de choisir la couleur de la couverture de mon bouquin sur les aléas de l'histoire qui paraîtra sous mon nom d'état civil bientôt. Je découvre que mon "incursion en classes lettrées" a été commandée par quatre bibliothèques universitaires alors que je n'ai jamais fait aucune pub pour ce livre (on ne devrait jamais chercher à promouvoir une autobiographie, ni, plus généralement, sa propre existence, on l'écrit et voilà tout). Alors que "10 ans sur la planète résistante" dont j'ai beaucoup parlé (et qui a 650 supporters sur Facebook) a été boycotté par les biblis. C'est bizarre, parce que les idées que j'exprime dans l'un et l'autre bouquins sont assez voisines.

 

Marianne2 m'a interviewé vendredi sur mes travaux de sociologie du corps. C'est le seul domaine sur lequel plusieurs médias de masse aiment à m'interroger. Parce que je travaille sur des thèmes qui touchent à leur "actu" comme on dit. Au départ je ne prenais pas très au sérieux ces sollicitations de grands médias qui allaient du Figaro Madame à France 2, tant j'étais convaincu que ce genre de fenêtre participaient uniquement du "bruit ambiant". Maintenant que Sarkozy a remué l'opinion avec son "débat sur l'identité nationale" avec ses comparses Gérin et Raoult sur la burqa, ouvrant un joli boulevard au Front national comme l'ont montré les élections d'hier, je commence à faire attention. D'autant qu'on me questionne précisément sur le voile assez souvent, et que l'autorité académique que me confère le livre leste d'un certain poids mes réponses, qui oblige même les plus "mainstream" des medias à prendre en compte mon point de vue. Je ne dois donc pas négliger ce que je fais passer sur ce terrain là aussi, ne pas seulement considérer ces interviews comme de simples services rendus à mon éditeur, voire des corvées.

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Pourquoi il faut arrêter d'écrire des livres

13 Janvier 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

books.gifJ'ai souvent dit pourquoi le livre me paraît constituer le meilleur espace possible de mise en forme d'une idée, d'une thématique. Mais il n'est que trop évident qu'il faut se hâter d'écrire les derniers livres, parce que le livre n'a plus du tout sa place dans la société actuelle. Coincé entre les grands éditeurs qui publient les livres de stars médiatiques les plus inconsistants (et les plus rapidement voués au pilon au bout de trois ou quatre semaines) et les livres de petits éditeurs parmi lesquels on trouve beaucoup de feuilles de chou d'un grand amateurisme (d'autant que les petits éditeurs n'ont même pas les moyens de relire sérieusement vos coquilles), on en est réduit à chaque fois à jeter des bouteilles à la mer, en se demandant quelle bibliothèque universitaire ou municipale aura l'audace de vous sauver de l'oubli en vous recueillant dans ses rayons (la BPI de Beaubourg a acheté mon livre sur la Transnistrie, la BNF mon roman, pourquoi ces livres plutôt que d'autres ? mystère).

En outre, pour le lien avec le public, on dépend trop du bon vouloir du journaliste Lambda, qui vous cite ou ne vous cite pas selon son humeur. Récemment une certaine Laurène je-ne-sais-plus-trop-quoi annonce qu'elle citera mon livre sur la Transnistrie dans une revue liée au Courrier international, puis y renonce parce que j'ai eu le tort de lui demander à quelle date elle le ferait. Même mésaventure avec une journaliste de la presse féminine sur mon livre de sociologie du corps. Au dernier moment on cite quelqu'un d'autre, un autre livre. Peu importe que l'autre livre soit meilleur ou pire, de toute façon les livres sont assez mal lus, en diagonale, ça n'a aucune importance (et cela n'ira qu'en empirant avec le livre électronique dont on pourra alterner la lecture avec Internet sans changer de support). En choisissant de citer l'auteur le plus "sympa", celui qui accepte le mieux la souveraineté des médias sur les livres, on prive juste les lecteurs de la possibilité d'aller plus loin dans leur réflexion, de prendre plus d'indépendance. Mais who cares ?

De toute façon, citer les gens quand on choisit de le faire c'est juste leur permettre d'ajouter une note "sympa" dans le flot du "sympa" comme on le fait avec Badiou, et donc les hâper dans la spirale du néant. Ne pas les citer c'est les laisser se replier sur leur club de 50 amis qui pensent comme eux sur Facebook, et voilà tout. Le choix récent de Nabe de boycotter l'édition classique présenté comme un bon coup financier se lit d'abord et avant tout lui aussi comme un repli sur le cercle des fidèles. Il n'y a plus d'espace public où chacun peut trouver des valeurs communes et s'en nourrir. Il n'y a qu'un supermarché de valeurs tribales. Chacun est prié de trouver sa tribu, et va y consommer tranquillement, dans l'attente de passer, peut-être dans cinq ans, dans une autre tribu, mais sans qu'aucun horizon de bien public, d'universalisme humaniste ne puisse se dégager de tout cela.

Mélenchon aujourd'hui regrette que le trostkiste Daniel Bensaïd soit mort sans que personne ait eu vraiment l'occasion de savoir ce qu'il écrivait, sauf les intellos proches de la LCR et du "mouvement social". On pourrait en dire autant de tant d'autres. Ca n'a pas d'importance de toute façon, puisque plus personne n'a plus d'énergie ni de temps pour structurer quoi que ce soit sur la base de ce qu'il lit.

Tout le monde sait qu'il ne serait pas sorcier de fiche en l'air les partis politiques, de rétablir l'autorité de l'Etat, liquider le système de consommation, tout nationaliser, et, sur cette base, recommencer à réfléchir sérieusement au bien commun. Mais qui est prêt à consacrer plusieurs années de sa vie à ce projet ? Où est passé le jeune gars qui il y a 15 jours m'a dit s'intéresser au socialisme réel et vouloir rencontrer des organisations de jeunesse en Transnistrie ? Par l'entremise d'un de mes contacts j'étais même parvenu à le mettre en relation avec une des dirigeantes du mouvement guévariste Proriv dans ce pays. Mais il a probablement oublié de donner suite. La logique du zapping et de l'émiettement est plus forte que tout. Les moyens techniques mettent les plus grands révolutionnaires à deux clics de votre boîte email... mais entre le matin où vous avez demandé leurs coordonnées et le soir où on vous les donne, vous avez juste changé d'avis, vous êtes passé à autre chose. "De mon côté je suis malheureusement trop du genre gauchiste velléitaire dont tu parles dans "dix ans sur la planète résistante" ", m'écrivait un jeune militant du PCF la semaine dernière.

Alors non, pas de livre. Basta ! Il faut savoir en finir avec ça.


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Blogs, définition d'une juste voix, communautarismes, cohésion globale

24 Novembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

J'ai reçu depuis avant-hier divers courriers me reprochant ma décision de suspendre les activités de ce blog. Certains m'ont fait remarquer, à juste titre, que si les blogs enferment auteurs et lecteurs dans le virtuel, supprimer son blog ne fera pas revenir les gens dans le réel pour autant, et laissera plus de latitude à d'autres blogs, moins justes (même si personne ne peut prétendre avoir le "ton juste" par excellence).

J'avoue que je suis sensible à leur argument, et j'admets qu'un abandon pur et simple serait par trop égoïste.

Faire de la politique sur la place publique, définir une position et en témoigner, est un art difficile.Je vous ai parlé il y a quelques mois d'une amie qui dirige un asile d'aliénés (ça ne s'appelle plus comme ça mais peu importe). Elle m'écrivait encore récemment qu'elle ne comprenait rien à la politique même si elle en subissait les conséquences chaque jour en termes de réduction des crédits pour son intitutions et pour le soin des malades. Je ne comprends pas qu'on puisse se vanter de refuser la politique. Car c'est une facilité. En revanche je conçois qu'on la trouve compliquée. Car c'est en effet un exercice délicat. Les questions ne sont jamais simples. On ne peut pas se contenter de dénoncer les crimes qu'on constate chaque jour. Il faut imaginer des alternatives, et concevoir des moyens pour que ces alternatives entraînent "un peu moins de crimes" que le système auquel on s'oppose (la politique n'a rien à voir avec des solutions idéales).

Trouver le ton juste pour des alternatives réellement défendables, ou du moins essayer, est un devoir auquel il est trop facile de se dérober. Et il faut le faire sur Internet aussi, parce que là aussi se rencontrent des errements auxquels il faut savoir résister. Et donc à cause de ça je reprends ce blog.

Ce soir je lisais sur Facebook un commentaire d'un garçon qui disait "Il y a vieil adage algérien qui dit que "Si tu es vraiment détesté, tu le resteras même si tu te tremps dans du miel". Il vaut mieux que Tariq Ramadan cesse de tenter de se faire passer pour une sorte de "fourest compatible"!". C'était une réaction à une citation de Khaled Satour : "Faire montre, donner des gages, voilà d’ailleurs à quoi Tariq Ramadan s’est appliqué sans cesse : il adore la culture et la littérature françaises, il est un défenseur de la laïcité, il aime la France, il voudrait même devenir français. Autant d’aveux qui lui furent arrachés dans un climat de discussion de comptoir tournant parfois à l’interrogatoire de garde à vue où les sommations pleuvaient sur lui de toutes parts. Aura-t-il pour autant convaincu ses détracteurs ? Ne sait-il pas, depuis si longtemps, que ses assauts d’honorabilité télévisuels s’apparentent à l’épreuve de Sisyphe et que son incontestable talent de débatteur ne lui fera jamais remporter que des victoires médiatiques sans lendemain ?"

Je sais que la question de la compromission médiatique est très sérieuse (aussi sérieuse que celle de la compromission internautique). Mais je ne comprends pas la formulation de Satour. Reproche-t-il à Ramadan d'afficher son intérêt pour la culture française ? Personnellement je ne trouve pas que Ramadan se montre "fourest compatible", et il a raison de ne pas se lancer dans des stratégies de rupture stériles. S'il aime la culture française ce n'est pas une honte, et il aurait tort de le renier. Toussaint Louverture aussi a aimé la culture française dans ce qu'elle a de potentiellement universel. Je l'ai aimée aussi bien qu'elle ait interdit à une moitié de ma famille de parler l'occitan et ait placé une autre moitié dans des camps de concentration en 1939 (des réfugiés espagnols) - je précise cela pour ceux qui seraient un peu trop tentés de m'envoyer au diable du fait que j'aurais moins subi les effets négatifs de l'impérialisme français qu'eux. Il est bon de savoir être soi même tout en étant ouvert aux autres, y compris à ses persécuteurs. C'est un signe de force morale. Je vois beaucoup de gens parmi les intellectuels issus de l'immigration postcoloniale (on ne sait plus comment nommer cette catégorie sociale) refuser agressivement l'universalisme. Ce n'est pas la bonne approche. Bien sûr l'universalisme abstrait ne vaut rien, mais dire que seules les femmes violées peuvent dire quelque chose de pertinent sur le viol, seul les noirs issus de famille d'esclaves peuvent parler de la traite etc tout cela n'a pas de sens, et ne mènera à rien. De même que ne mène à rien par exemple cette indignation sélective d'un collectif musulman contre des exécutions d'Ouïgours et de Tibétains en oubliant bizarrement (et dans une logique bien communautariste) de citer aussi les Hans qui ont été exécutés, comme si eux n'étaient pas aussi dignes de solidarité (voir l'intéressant prolongement de cette réflexion sur le blog de Bernard Fischer en terme de vision du rapport entre Chinois et Musulmans). Et voilà le genre de propos qu'il faut tenir sur un blog pour contribuer à garder ce qu'on considère comme un juste cap, et un ton juste, dans le combat anti-impérialiste.

J'aurais beaucoup de choses à vous dire en ce moment car ce que je vis au jour le jour est très riche. C'est une des raisons lesquelles d'ailleurs je voulais abandonner ce blog, mais ne le puis. Il y a tous ces paradoxes des identités postcoloniales que j'affronte dans la ville ou je travaille.

Il y a tous ces gens d'origine maghrébine qui me parlent de leurs aïeux morts pour la France et rappellent qu'à cause de cela ils sont "plus français que Sarkozy". Il y a ce responsable d'une association de "hip hop" (ça existe encore) dont je ne connais pas l'origine culturelle (probablement l'Afrique subsaharienne) mais qui rêve de mener une action de coopération avec le Maroc. Quand je lui dis "Nous on voudrait organiser quelque chose sur l'Algérie". Il me répond : "ah oui, l'Algérie, oui pourquoi pas ? j'avoue que nous on a pensé au Maroc principalement à cause des publicités pour le tourisme". N'y a t il pas là une perversion de l'élan de solidarité par le capitalisme ?

Personnellement je n'apprécie guère la coopération nord-sud telle qu'elle existe (car c'est de la charité, et de la charité intéressée). C'est pourquoi je vais peut-être faire prochainement la recension du livre "En finir avec la dépendance à l’aide" de Yash Tandon (http://www.cetim.ch/fr/publications_details.php?pid=172). Mais je dois reconnaître qu'elle est actuellement un moyen essentiel d'initier les jeunes à l'internationalisme et de défragmenter leur imaginaire. Dans l'action concrète on ne peut faire l'économie d'un investissement dans cette dimension. C'est d'ailleurs ce que font aussi les Cubains, qui eux ont inventé semble-t-il une coopération vraiment altruiste, non condescendante, puisqu'ils lui consacrent une part très substantielle de leurs faibles ressources économiques. L'ambassadeur cubain Orlando Requeijo que j'ai rencontré il y a peu décrivait avec lyrisme ces centaines de pauvres descendus des montagnes en Haïti pour se faire soigner à l'hôpital cubain bien que les médias de droite sur les radios privés accusassent les chirurgiens cubains d'être des bouchers et de "casser le marché de la santé".

 

Et l'espace d'action pour la coopération est infini. Une dame hier qui mène un projet dans l'Est du Sénégal parlait de ces contrées horribles où il fait 48 degrés à l'ombre, où des mouches "pisseuses" infligent sur la peau des brûlures au cinquième degré, où seulement 150 enfants sur 500 ont accès à l'école, où les savoirs sont si déstructurés que les lits sont bancals parce qu'on ne sait pas mesurer les planches, et personne ne sait changer une rustine. D'un point de vue philosophique le sens de la vie de cette partie là de l'humanité - et ils sont des centaines de millions - pose autant de questions que celui du type qui a vécu 25 ans dans un état diagnostiqué à tort comme comateux, alors qu'il était conscient de tout mais ne pouvait rien exprimer. Or aucun système politique digne de ce nom ne devrait légitimement ignorer ce "poids mort" de l'humanité, toute cette masse de gens qui vivent dans un état pire que celui de nos bêtes, et ce à quelques kilomètres seulement des quartiers très riches de Dakkar. Des hommes comme Hugo Chavez ont fait de ces pauvres, de ces sans-voix, la boussole de leur politique, au niveau national, mais aussi international (il s'intéresse d'ailleurs de plus en plus à l'Afrique à cause de cela). Tout politicien digne de ce nom devrait faire de même. Et plutôt que de placer le soldat Shalit (voyez la glorieuse visite de Kouchner à sa famille au mépris de celle de Salah Hamouri) ou le bien être de nos banques au centre de leurs préoccupations, c'est à la reconstruction de la cohésion de notre humanité que nos gouvernants devraient travailler en priorité. C'est sur ce critère là que toute la réflexion devrait s'articuler.

Mais comme nous en sommes loin, et comme les idées restent confuses ! La lectrice de ce blog Catherine attirait mon attention avant hier sur le texte d'un Russe en faveur d'une réorientation de nos économies libérales(http://globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=16200). La semaine dernière je recevais une délégation chinoise qui voulait copier le système de protection sociale français, mais ils prônaient aussi dans le même temps la privatisation de la gestion des parcs d'activité industrielle au nom du "pragmatisme". Chez beaucoup la cohérence semble très difficile à tenir.

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