Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #ecrire pour qui pour quoi tag

Les lecteurs (suite)

14 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

"026--1992--29.8.92-24.11.92--204.jpgLes gens de mon métier n'écrivent jamais que pour un certain nombre de personnes placées dans des situations ou perdues dans des rêveries analogues à celles qui les occupent". George Sand, Histoire de ma vie.

Lire la suite

Les journaux intimes préformatés

14 Août 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Tout en écoutant les lourdeurs des commentaires de Depardon sur son petit film "Empty quarter" (mis en DVD par Arte en 2005), je chargeais hier les scans de mon journal intime de 1985 sur des espaces privés gratuits mis à disposition par certains sites. Je découvrais au passage d'autres sites qui proposaient aux gens d'écrire des journaux intimes en ligne, et j'étais affligé par l'absence totale de liberté laissée aux auteurs : on les enferme dans des modèles pré-définis dont on leur remplit la vue d'entrée de jeu, on les incite à écrire des pages courtes et, sous l'empire de ces injonctions, les pauvres sont enclins à rédiger des billets brefs et au fond très impersonnels comme sur des blogs. Là comme ailleurs le système Internet et notre époque révèlent leur profond mépris de l'individualité, leur volonté imperturbable de l'encadrer et l'assêcher jusqu'à ce que mort universelle s'ensuive.

 

P1010968Décidément sur ce sujet je resterai de la vieille école. 28 ans après les débuts de mon journal je continue de l'écrire (et souvent de le gribouiller) sur des pages de cahiers d'écolier, sans limite d'espace, sans aucun modèle à singer, libre de faire courir ma plume comme si je dessinais  -et il faut absolument que l'écriture intime soit un exercice de dessin, pleine et sereine par moments, illisible et tendue à d'autres. En faire un travail de dactylographie sur un écran lumineux c'est la priver de sens.

 

Lorsque les "scans" c'est à dire les photos des 10 premières années de ce journal bizarroïde seront en ligne comme des albums, je me demande bien à qui je les confierai. Mais nous en sommes encore loin. C'est un travail de bénédictin.

Lire la suite

Vive l'art !

29 Juillet 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Chers amis lecteurs, je suis enclin à vous écrire ce soir sur le ton de la confidence. Sans doute ne devrais-je pas car je ne sais pas qui me lit, et les regards malveillants sont nombreux. Mais le choix de la sincérité est signe de liberté, il montre que je ne crains pas les jugements, même les jugements des idiots, de ceux qui veulent me nuire. D'ailleurs ma sincérité sera bien innocente et peu compromettante car je n'ai sur le coeur que des idées pures, tournées vers le Bon, le Beau et le Vrai, en bon platonicien (bon, je sais qu'on condamne parfois à boire la ciguë pour cela, mais tant pis, ces valeurs euphorisent le coeur et donnent l'illusion de l'invincibilité, c'est bien connu, alors suivons notre daimon ! Je rigole bien sûr...).

 

Il est bon de voir qu'au coeur des vacances estivales quelques personnes tapent sur Google "Delorca" "blog de Delorca", en plus de celles qui accèdent à ce blog directement parce qu'il est dans leur signet. Qui sont ces personnes ? Des gens de ma famille ? Des militants ? Des gens qui ont lu mes livres ? Des habitués de ce blog ? des inconnus ? Qu'y cherchent-ils ? Un prolongement du travail fourni sur le blog de l'Atlas alternatif ? quelque chose de plus artistique ?

 

La question revient en boucle sous mon clavier depuis six ans. Je n'y trouve pas de réponse complète, ce qui est normal, et dans un sens, je crois que je ne cherche pas de réponse, parce qu'au fond ce n'est pas très important. Les lecteurs comptent pour le sentiment d'interaction avec le monde, avec autrui, l'humanité au fond de nous a besoin de ça, mais ce n'est pas de nature à vraiment surdéterminer ce qu'on écrit, qui dépend de paramètres différents des attentes des lecteurs.

 

Il faut parler de ce qui est, du monde réel et imginaire (en distinguant bien les deux), de ce qui doit être, dans nos actes, et nos grilles de lecture. On ne peut pas être un simple "journaliste", il faut être un homme à part entière, donc un philosophe, et, un peu, si possible, un artiste, et ce blog est là pour nous y aider - pour m'y aider, et peut-être aussi pour aider certains lecteurs, s'il est vrai que, comme disait Nietzsche, écrire c'est lancer une flèche à quelqu'un, on ne sait pas qui, qui la rattrappera un jour, et la lancera à son tour.

 

1couv_montagnes-copie-1.jpgDans le courant de l'année, quand je bosse, j'ai tendance à oublier que je suis romancier. Auteur d'un roman que certains ont aimé, voire adoré (mon éditeur par exemple), et qui en a laissé d'autres indifférents (rappelez vous par exemple le jury du premier roman de Draveil, des vieux bourgeois avait dit un lecteur de ce blog, peut-être...). J'aurais pu en écrire d'autres. Je l'aurais peut-être fait si des critiques littéraires avaient soutenu celui-ci, et peut-être ces critiques m'auraient-ils lu si j'avais fourni des efforts titanesques pour leur faire connaître ce livre plutôt que d'aller écrire sur le stoïcisme ou sur l'Abkhazie. Je n'ai peut-être pas été assez persévérant. Les choix sont si difficiles mes amis ! A tout moment quand on a un peu de temps libre il faut se demander : dois-je le consacrer à ma famille , à des amis, à jouer les essayistes ou les romanciers, à rencontrer de nouvelles personnes ou cultiver les réseaux existants, à défendre ce qui a déjà été écrit ou à explorer d'autres univers, à écrire sur le Népal, sur la Bolivie, à lire, à dénoncer une nouvelle injustice, à s'intéresser à quoi ? A presque 42 ans je suis à un point où, sans être célèbre (et donc en restant libre de ce fait) je peux vouloir valoriser beaucoup de savoir-faire ou beaucoup d'investissements dans des domaines variés, et sans savoir, à chaque instant, si les choix que je fais (souvent désinvoltes, c'est le prix de la liberté) ne sont pas les plus imbéciles.

 

P1010600-copie-1.jpgJe ne sais plus trop ce qui, ces derniers temps, m'a rappelé que j'étais un romancier. Peut-être ce détail : de retour de Pau, j'ai été contacté sur Facebook par le profil d'une crêperie de cette ville que je ne connaissais pas. C'était juste une démarche publicitaire, mais je leur ai parlé de mon roman, et il paraît qu'il y a une chance qu'ils acceptent d'en mettre quelques exemplaires en vente dans leur établissement. Joyeux mélange des genres, nourriture et ouvrages. Cela ferait un point de vente de ce livre, il y en a peu en France, mon éditeur n'ayant jamais eu les moyens de le faire connaître. J'aime que cet ouvrage soit un intermédiaire entre moi et ma ville natale que je peine de plus en plus à reconnaître. Que le fil de plus en plus ténu qui me relie à mes origines et au passé tienne à la fiction et à une crêperie, voilà une très belle chose.

 

Oui, j'ai un peu envie de me sentir romancier quoique la reconnaissance sociale ne soit pas au rendez-vous de ce côté là. A-t-on besoin de reconnaissance lorsqu'on est dans la création ? En zappant devant la TV tantôt je tombai sur un concert de Jim Morisson, bel exemple de radicalité. Il en faut un peu pour s'envoler, et le rôle du romancier (j'emploie le mot "rôle" à dessein, puisque je n'ai pas de "vocation") peut y aider. Parce que la radicalité "humaine", profonde, ne peut pas se limiter à répéter tous les deux mois dans un essai "halte à l'impérialisme", "halte à l'européisme libéral" etc : ça c'est juste de la radicalité "mécanique", fadouille, qui fatigue et décourage tout le monde à la longue.

 

L'action politique, elle, (nécessaire pour assumer des responsabilités concrètes à l'égard de ses semblables) reprendra à la rentrée. Un journaliste connu m'a proposé d'assister à une réunion de lancement d'un média alternatif solide. Peut-être une perpective intéressante ? En revanche je laisse tomber le collectif de sensibilité "indignado" pour lequel j'avais commencé à recruter des correspondants début juillet et qui me semble aussi creux qu'un discours de Clémentine Autain (et surtout bien fourbe : les mecs pendant mes vacances ont complètement défiguré sans m'en informer un projet d'agence de presse du Sud alternative sur lequel ils m'avaient fait bosser début juillet).

 

Donc oui, allez, vive l'art ! Vive la liberté de la création ! Passons cette soirée dans cet état d'esprit pour changer un peu...

 

Je lis en ce moment le "Journal atrabilaire" de Jean Clair "de l'académie française", et "Sexe et caractère" de Otto Weininger (un livre assez fasciste, et donc assez désagréable à lire pour moi mais qui fut très influent jadis, j'aurais dû le lire plus tôt, entre 17 et 25 ans quand je m'intéressais à la psychologie, cependant mieux vaut tard que jamais, et je ne désespère pas que mes connaissances en sociologie et en darwinisme, ainsi que mon expérience personnelle m'aident à trouver quelque chose de pertinent à dire sur ce bouquin que je me serais contenté de percevoir à travers la grille de lecture dictée par mon époque à 20 ans). Il faudra que je vous reparle de tout ça.

 

Bon allez, trêve de bavardage ! la nuit est déjà bien avancée, allons nous coucher !

 


 
Lire la suite

Le détour par les "littérateurs"

8 Juillet 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Un ami lecteur me reprochait gentiment ce matin de "perdre du temps" avec des littérateurs esthétisants comme Stefan Zweig. J'ai répondu en gros qu'il y a la pensée individuelle, le style et la sensibilité qu'on travaille d'un bout à l'autre de sa vie, et que l'action politique (ou l'inaction, qui est une action dans l'autre sens) est un prolongement de ça. Or la pensée, le style, la sensibilité, doivent se nourrir de tout, y compris d'auteurs "centristes" comme Zweig, sceptiques, hyper-conservateurs, ou facho, ce qui ne veut pas dire qu'on entre dans leur propre système de pensée

rollandMoi, les auteurs conservateurs, esthétisants etc m'aident à vivre mieux (du moins ceux d'entre eux que je trouve encore un peu lisibles) la bêtise dogmatique des dominants et le sectarisme hargneux de leurs adversaires. J'ai besoin de ne pas être trop empathique avec le destin de l'humanité, car l'empathie m'a joué de mauvais tours dans le passé. Pour Zweig c'est un peu particulier, parce qu'il se trouve que je voudrais mieux comprendre Romain Rolland, et Zweig fut son meilleur ami. Et je dois comprendre 14-18, comme l'antifascisme des années 30, par delà les stéréotypes construits par les historiens. La résistance à l'ineptie belliqueuse présente des constantes d'un siècle à l'autre, sa répression aussi. Bien sûr je sais que les gens ont aussi bien changé devant leurs écrans virtuels, mais quand même certains réflexes humains restent.

Peut-être ai-je passé trop de temps à éplucher Romain Rolland et Zweig, ou Aristippe de Cyrène. Mais perdre du temps est aussi une manière de résister à l'utilitarisme de notre époque. Et puis ce qui se "perd" sur un terrain peut être parfois "rentabilisé" sur d'autres.

 

Un type sur un site exalté (pour lequel je ne ferai pas de pub) range le blog de l'Atlas alternatif que je dirige dans la catégorie "Sites renfermant des informations mais crypto-sioniste, ou sioniste de gauche ce qui est équivalent, à façade pro palestinienne", au même titre qu'Europalestine et Info-Palestine. J'ai trouvé ça plutôt rigolo. Alors que d'autres classificateurs superficiels m'avaient un jour étiqueté "conspirationniste" trop "antisioniste" à leur goût. Evidemment on peut multiplier ces classements si faciles, et beaucoup le feront au gré des lubies qu'entretiennent chez eux la culture d'Internet. C'est un peu comme ranger des timbres dans un album quand on est collectionneur, et c'est aussi futile. Je trouve très drôle d'être comparé à Europalestine qui sont aux antipodes de moi sur bien des points (y compris la psychologie). Mais bon, ce n'est drôle qu'au second degré. Parce qu'au premier degré, on reste dans la logique de guerre civile "virtuelle" de bas étage...

Lire la suite

Frédéric Taddei et la mélasse médiatique

2 Juillet 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Une interview faite par le site de droite Enquête et Débat (ci-dessous). Autour de la 29ème minute, Taddeï y parle de son envie d'inviter Asselineau à son émission. Le reste est consacré aux critères de choix des invités.
 
Ce genre de vidéo me pose beaucoup de questions. J'ai écrit une quinzaine de bouquins sous deux identités différentes. J'ai une vision politique et philosophique du monde, une vision toujours en mouvement, mais qui se nourrit quand même de principes et de lectures. Bien sûr on peut me trouver nul (le très faible taux de reprise de mes billets sur le Net - et de mentions de mes livres - tend à prouver que c'est le cas), mais du point de vue objectif du fonctionnement de la machine éditoriale (pour laquelle je travaille puisque j'ai quatre éditeurs), on peut aussi se demander si je ne devrais pas faire plus d'efforts pour faire connaître ce que je fais (en étant plus didactique dans mes billets, plus conciliant avec des alliés potentiels etc.) en vue d'être retenu par des médias plus importants comme celui de Taddéi (sans garantie d'y parvenir, mais au moins essayer).
 
Cependant quand je vois des nuls qui sont invités à Ce soir ou jamais je me dis que cela ne donne pas envie d'en être. On m'objectera bien sûr qu'il y a aussi des gens brillants dans cette émission. Donc l'argument a ses limites. Mais plus profondément il y a ce problème de l'entrée dans le "format médiatique" (le règne de l'image, de la parole courte et percutante etc). Faut-il essayer de mettre son grain de sel dans ce maelstrom ? (et notez au prix de quelles contorsions Taddeï justifie ses choix d'invités, c'est significatif de la mélasse dans laquelle il baigne) Je me souviens des critiques de Deleuze, Guattari, Bourdieu, etc sur la forme de la parole télévisuelle. Je crois qu'il faut rester fidèle à ce point de vue là. Ne pas chercher à adapter son style au mode de pensée de ce milieu, même pour séduire les plus libéraux d'entre eux (dont Taddei fait partie). Ca peut passer pour un combat d'arrière garde, comme celui de Zweig (dont je parle beaucoup en ce moment) qui refusa toute sa vie durant de toucher une automobile, mais après tout à l'heure du déclin des quatre-roues le conservatisme de Zweig ne passe-t-il pas aujourd'hui pour avant-gardiste ?  
Vous savez j'ai connu des hauts fonctionnaires qui ont l'esprit mieux fait que la moyenne des invités de Taddeï et qui riaient de son émission en ces termes : "Les gens dans ce genre d'émission parlent, parlent, disent n'importe quoi, sans éléments de preuve solides, ne s'écoutent pas, ça bavasse dans tous les sens, et puis à un moment ça s'arrête, on ne sait pas pourquoi, il n'y a pas de conclusion possible, ils n'ont donné à personne les moyens d'avancer, ça a juste fait du spectacle". Il faut refuser cette conception médiatique du débat démocratique. Accidentellement on peut être conduit à parler dans ce genre d'arène, mais il ne faut pas formater son style de pensée et d'écriture en vue d'y accéder. 
  
 
 
Lire la suite

Mon journal de 1997

10 Avril 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

saint jeromeJe m'en excuse auprès des lecteurs qui ne consultent ce blog que pour lire des considérations politiques ou sociologiques, mais il me faut aussi parler à ceux d'entre eux (même s'ils sont rares), qui prennent au sérieux ma prétention à faire de la philosophie, je veux dire à penser le sens de l'existence humaine, du rapport à l'autre etc, ceux qui, par exemple, ont lu  La Révolution des Montagnes et ne l'ont pas pris juste pour un divertissement. Ceux là ont beaucoup de mérite car je ne leur facilite pas la tâche. Et je ne la leur facilite pas, parce qu'on ne me la facilite pas non plus. Peut-être parce qu'à 20 ans j'ai fait Sciences Po plutôt que Normale Sup, parce que je n'ai jamais eu le confort de l'enseignant dont on loue le brio et dont on attend le écrits, je n'ai pu faire de la philosophie qu'à temps partiel, par intervalles, entre deux trains, sur le fil du rasoir. Je n'ai pas pu soigner mon style de pensée comme je le voulais, faute de temps, mais aussi faute d'avoir derrière moi des éditeurs importants qui croient en moi (puisque je n'ai jamais eu l'occasion de développer de réseaux solides dans ces milieux-là).

 

Pourtant je continue de penser que ma recherche philosophique, tâtonnante, maladroite, reste plus importante que tout le reste. Prenez le thème de la non-ingérence dans les relations internationales par exemple. C'est un thème qui est souvent défendu sans subtilité aussi bien par l'extrême droite que par l'extrême gauche, les uns parce qu'ils fantasment sur des "communautés" fermées sur elles-mêmes, les autres parce que simplement ils n'aiment pas le système capitaliste. Or la vraie légitimité de la non-ingérence, elle se trouve dans la dignité des hommes : incompatible avec la prétention de nos bourgeois à prendre des décisions et même donner des conseils au mépris de l'histoire et de la sensibilité de ceux qui vivent à 3 000 km de là. Mais pour poser correctement cet enjeu de dignité, il faut tout prendre en compte (sans naïveté ni paternalisme) et notamment le besoin de ces gens à 3 000 km de croire par moments en la légitimité, voire en la nécessité, de l'intervention du bourgeois (quel pays, quel mouvement depuis 30 ans n'a pas un jour voté en faveur d'une intervention occidentale ?).

 

Pour bien prendre en compte ces enjeux, il faut un style d'approche de l'humain, du sens du devenir collectif etc qui est nécessairement philosophique. C'est pourquoi j'ai été furieux qu'aucun éditeur, pour des raisons commerciales, ne publie mon "Douze ans", alors que n'importe quel compte rendu d'escapade en Abkhazie bien moins important avait droit de cité dans le domaine de l'édition. "Douze ans", dont Edilivre a hérité, est le livre dans lequel je traite avec le plus de subtilité et de profondeur le rapport à l'altérité dans un contexte de guerre (dans l'idéal le livre devrait être lu avec mon "Eloge de la liberté").

 

"Douze ans" et "Eloge de la liberté" sont deux livres qui tournent autour de 1999-2000 et de mon expérience serbe. Malgré leurs insuffisances propres, leurs maladresses, leurs égarements même, ces deux livres sont précieux car c'était une "one shot experience", un vécu qui, dans son rapport aux sentiments et à l'écriture (et donc à la philosophie), ne pouvait être éprouvé qu'une fois. Je veux dire que si j'avais eu 29 ans pendant la guerre de Libye plutôt que pendant la guerre de Serbie, je n'aurais jamais pu en tirer des livres comme ces deux-là, tout simplement parce qu'en 2011, le rapport de toute notre société à l'écriture, à l'altérité, et au devenir historique n'est plus du tout le même qu'en 1999. Tout est beaucoup plus froid, plus tourné vers des objectifs matériels concrets, que douze ans auparavant. Même si j'avais rencontré en Libye des personnages aussi troublants que ceux que la Serbie m'offrit, l'équation de l'écriture et des sentiments de 2011 au niveau macrosocial ne permettait tout simplement plus l'investissement de 1999. Ne serait-ce d'ailleurs que parce que le terrain était moins vierge qu'en 1999 : il était désormais encombré de la prose de Meyssan,  des contrefeux du souvenir de la guerre d'Irak, pas aussi abandonné à l'hubris de l'occidentalisme que la guerre de 1999.

 

Mais dans l'ordre de la philosophie, il y a plus important encore dans mon itinéraire que 1999 qui est une année déjà chargée de  considérations pragmatiques, de besoin d'utiité et d'efficacité (à cause notamment des illusions de vitesse que crée Internet). Plus importante pour moi fut 1997, année beaucoup plus dense en contacts humains, plus riche en expérimentations, et en même temps moins bousculée et moins déterminée (moins susceptible de déboucher sur des objectifs clairs). J'ai retrouvé non seulement mon journal vidéo de 1997, mais aussi le livre-journal que j'avais rédigé alors - et dont un type de Canal Plus l'année suivante suggéra que je fisse un scénario de film, mais cela n'aboutit à rien au final. Je ne cesse depuis deux mois de retravailler ce journal, tout en me demandant par quel biais je pourrais le présenter aux éditeurs, sous quelle identité, dans quelle perspective. J'y repère bien des sottises, mais aussi deux ou trois choses que je trouve littéralement sublimes (et bien supérieures à ce que je serais capable d'écrire, penser et vivre aujourd'hui, des choses elles-aussi solidaires d'une époque, l'époque d'avant Internet...). Il faut que je continue à retourner ce texte dans tous les sens. Je sais que je ne pourrai jamais être un écrivain à plein temps qui explicite tout. Et donc ma philosophie il faudra la deviner, entre les lignes, par combinaison entre les livres, en fonction des échos qu'on y entend d'un titre à l'autre. Mais pour qu'on y comprenne quelque chose, il faut nécessairement que ce journal de 1997 sorte. Oui, mais comment ? Chez quel éditeur ? Dans quelle perspective ? Je retourne ces questions sans réponses. Et je n'ai plus que trois mois. Dans trois mois plus une seule minute ne me sera accordée pour réfléchir à cela.

Lire la suite

Marché culturel

24 Mars 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

J'accompagnais tantôt un copain auteur (qui s'autopublie) à une séance de dédicaces chez un libraire. Le type n'a eu presque aucun "client", un peu comme lors de mes propres dédicaces, et pourtant il est sur un créneau de livre plus porteur que le mien (livre avec photos), malgré l'envoi de 38 000 mails dans la mailing list de son blog (dont seulement 10 % d'ouvertures de mails il est vrai) et la distribution de 5 000 flyers dans des commerces à Paris.

 

p1000056.jpgLe libraire lui donnait des conseils pour accéder à des diffuseurs, et aussi pour attirer le chaland : notamment de tuyaux pour modifier la couverture de son livre. C'était assez terrible, parce que je voyais bien qu'à mesure que le libraire parlait il remettait complètement en cause le projet de mon ami. Le message était  : "si tu veux te vendre standardise toi, tant pis si tu dévoies ce que tu fais". C'était très violent.

 

En écoutant ça je songeais évidemment aux refus de publication auxquels je me suis heurté récemment. Au fond il n'y a rien d'original là-dedans. Nous sommes des milliers à créer, à avoir des projets dans tous les domaines (et encore on ne parle que de livres ici mais il y a aussi ceux qui font des films, qui se prennent pour des DJ etc). Chacun est dans sa petite bulle, à fignoler son concept, dans son rêve. Dans la vie réelle, tous ces projets, tous ces rêves, créent un effet de trop plein (il y a trop d'offre, et le libraire racontait notamment les efforts incroyables qu'il faut fournir pour être sur les étals d'une Fnac après avoir séduit une vendeuse, puis son chef de rayon, puis le chef au dessus etc). Dans ces conditions, les gens pour se faire connaître doivent à la fois 1) se montrer (dans les salons par exemple), 2) élaborer des statégies, 3) raboter beaucoup leur approche de leur propres projets pour entrer dans des "cases" calquées sur les attentes réelles ou supposées d'un public.

 

Bien sûr cette loi du rabotage est très cruelle, et de nature à tuer toute créativité puisqu'elle voue tout à la standardisation. C'est ainsi que le marché a de fait liquidé toute orginalité. On a beau le savoir dans l'abstrait, il est toujours intéressant de le vérifier à nouveau in vivo, dans un échange avec un professionnel.

 

De même j'ai découvert une fois de plus de choses que j'avais vécues précédemment mais qu'il est utile de voir se confirmer chez des tiers (car ça prouve que ce n'est pas lié à l'idiosyncrasie de tout un chacun), notamment sur le rapport des gens à la dédicace (leur façon de promettre sur Facebook qu'ils y seront, de ne pas venir ensuite, le rapport d'évitement que les clients de librairie ont souvent à l'égard de l'auteur qui dédicace dans son coin, ce qui rend assez vain l'exercice finalement).

 

Toute la folie de ce monde saturé de productions littéraires et artistiques vouées à ne trouver aucun débouché pourrait convaincre le créateur de rester finalement dans les délices du plaisir solitaire (de l'écriture, de l'expérimentation loin des foules) en faisant définitivement son deuil de l'idée-même d'avoir un public, tant il est vrai qu'il vaut mieux pouvoir se reconnaître dans ce qu'on fait que produire du vent bien adapté au conditionnement marketing.

Lire la suite

Hypnotic Tango

21 Mars 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi

Encore un refus de publication ce matin, de l'Harmattan dans une collection qui pourtant publie de sacrées nullités (dont le livre dont je parlais récemment qui confond Heidegger et Sartre). Eux, le Cygne, les Arènes sont déterminés à me foutre la tête sous l'eau et me pousser vers Edilivre. Il est épuisant de marcher contre le vent. Je suis bien conscient que, malgré mes efforts pour concentrer ce que j'ai à dire en seulement deux livres, ces deux ouvrages vont finir chez Edilivre. Les autres éditeurs avec leurs arguments commerciaux à deux balles me font gerber.

 

Mais tant pis, si c'est Edilivres, va pour Edilivres. Je m'en fous complètement.

 

De toute façon, il y a tellement de sujets plus importants. Par exemple la question de savoir si on va pouvoir bouffer Burger King ou Autogrill à Saint Lazare, hein ? ça c'est bigrement important. Comment les "marques" ont fait des annonces et des démentis - les "marques", parce que c'est bien la  "marque" qui compte, pas ce qu'on bouffe ni le sourire de la vendeuse. Méditez, mes amis, méditez. Cet article capital est ici. A lire plusieurs fois, jusqu'à l'hypnose, comme tout ce que le monde de l'édition et des médias nous sert, c'est tellement plus planant !

 

 

Lire la suite
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>