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Indépendantisme catalan
Moi qui suis à 25 % catalan par mes origines, je dois quand même vous parler un peu de ce sondage du Centre d'Estudis d'Opinió évoqué par El Mundo aujourd'hui, selon lequel s'il y avait des élections générales maintenant 17,6% des gens voteraient pour les indépendantistes de gauche d'Esquerra republicana (ERC) contre 16, 6 pour le centre droite CiU qui a gouverné la Catalogne pendant si longtemps, lequel représente le double du Parti socialiste. 54,7% des catalans voteraint pour l'indépendance en ca sde référendum. Il s'agirait du résultat de l'agitprop souverainiste entretenue par le président de la Generalitat Arturo Mas (CiU), qui n'en tire aucun bénéfice puisque sa cote de popularité à 4,75 passe sous celle d'Oriol Junqueras d'ERC à 5,6.
Vraisemblablement l'Espagne ne laissera pas la Catalogne la quitter, et celle-ci, comme la Flandre belge, risque de mariner encore dans son ressentiment sécessionniste et la haine de la "convivencia". Sauf à ce qu'une formule bizarre confédérale sorte du chapeau des politiciens espagnols... qui ne manquerait pas d'avoir des effets dans ma région aquitaine natale, et dans tout le sud de la France...
Par ailleurs un autre sondage commandé par la Generalitat et les Oeuvres sociales de la Caixa révèle que seul un quart des immigrés (25,6 %) veulent l'indépendance de la Catalogne, ce qui révèle quand même un petit problème d'ouverture de la "catalanité"...
Marinaleda
Un petit docu réalisé par la communauté d'Emmaüs-Lescar (que j'ai visitée il y a 5 mois) sur une commune andalouse peuplée essentiellement d'ouvriers agricoles qui vivent en autogestion.
Et si l'austérité européenne coulait l'indépendantisme catalan ?
Il y a quatre jours, Pere Navarro, premier secrétaire du Parti socialiste de Catalogne (PSC), était l'invité de l'émission politique "El Debate" de TVE. Il est reproché au PSC de faire le lit du nationalisme catalan en acceptant le principe d'un référendum inconstitutionnel sur l'indépendance (tout en disant qu'il prônera le "non" à ce référendum). Je me demande si, paradoxalement, la politique d'austérité dictée par l'Allemagne à l'Union européenne n'a pas un effet collatéral positif : en obligeant la Catalogne (comme les autres communautés autonomes espagnoles) à définir une politique d'austérité, l'Union européenne fait éclater la coalition nationaliste qui dirige la Generalitat, entre d'une part le centre-droit nationaliste (CiU) "austéritaire" et la gauche nationaliste utopiste (Esquerra republicana de Catalunya) plus progressiste, de sorte qu'aucun budget n'est voté et que le PSC (noniste du référendum) pourrait être appelé en renfort pour intégrer la coalition dirigeante. Cela lui confèrerait un pouvoir d'influence pour couler le projet de référendum. Voilà peut-être une "ruse de l'histoire" comme disent les hegeliens.
Le quart d'heure espagnol
Bon allez un petit quart d'heure espagnol (dans ce blog bordélique pourquoi pas ?)
- Eroticoporno : une actrice X catalane María Lapiedra fait campagne pour le président de la généralitat Artur Mas dans le clip ci-dessous. Ca ne vous rappelle pas le vrai-faux clip de soutien à Mélenchon au printemps dernier ?
- Repentance : L'Espagne vient de décider d'accorder la nationalité de ce pays à tous les Séfarades du monde qui parlent le judéo-espagnol (250 000 personnes) pour se faire pardonner leur expulsion en 1492...
- Union européenne : la commissaire européenne en charge de la justice Viviane Reding a fait savoir que si la Catalogne faisait sécession de l'Espagne, elle se situerait en dehors de l'Union européenne et le droit européen ne s'y appliquerait pas. Une interprétation juridique intéressante, qui aura des effets importants sur les processus politiques de cette "Communauté autonome"...
La victoire des nationalistes au Pays basque espagnol
Aux élections de dimanche dernier, le Parti national basque (PNV) de droite remporte 34,6 % des voix, et la gauche abertzale (25 %). Celle-ci bénéficie de la fin du terrorisme d'ETA, mais échoue a faire aussi bien en voix qu'aux élections générales de 2011, et perd notamment des suffrages dans son fief de Guipuzcoa qu'elle gouverne (certains croyaient à tort qu'elle dépasserait le PNV).
Beaucoup de médias mainstream ou contestataires (comme Russia Today) se méfient de cette montée des nationalistes basques d'autant qu'elle pourrait se trouver en phase avec l'évolution actuelle de la Catalogne.
Je voudrais juste apporter ici quelques nuances à cette vision négative. Je suis très loin d'être un inconditionnel du catholicisme nationaliste basque. Je sais qu'il est mal né (arrimé au romantisme allemand au XIXe siècle et tourné contre la montée du socialisme porté par les ouvriers venus du Sud de l'Espagne).En outre en tant que Béarnais je connais les tendances de ce nationalisme à phagocyter à un vision "euskarocentrique" (et un tantinet victimaire) toute l'histoire de la Gascogne avant la conquête romaine et toute son économie actuelle.
Mais rappelons quand même qu'à partir des années 30, le PNV fut du bon côté de la barrière : allié des républicains en 1936 puis auréolé du prestige de la résistance anti-franquiste, même si on doit lui reprocher son atlantisme dans les années 80-90 (et rappelons en outre qu'en 1986, le Pays basque avait voté contre le maintien de l'Espagne dans l'OTAN, malgré le soutien du PNV au "oui" au référendum).
Le Pays basque, sous le PNV jusqu'en 2009 puis sous les socialistes a profité d'un taux de croissance supérieur au reste de l'Espagne (après une reconversion industrielle réussie) pour continuer à mener une politique keynésienne quand le reste du pays (et l'Europe) choisissait l'austérité pour renflouer les banques. On comprend que l'entité basque (alors que le Pays basque n'a jamais voté pour la constitution espagnole) se pose des questions sur son appartenance au reste de l'Ibérie quand celle-ci pour sa part continue de valider la politique d'austérité du gouvernement Rajoy (voyez le vote majoritaire de la Galice en faveur du Parti populaire).
J'attire votre attention sur cet extrait d'un article de la Voz de Barcelona en avril dernier :
""La situation en Catalogne est beaucoup plus dramatique qu'au Pays Basque". Par ces mots de l'historien Fernando Garcia Cortazar analyse la situation politique actuelle et les nationalismes en Espagne. Le professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Deusto (Bilbao) les a prononcés, mardi, en commémoration du bicentenaire de la Constitution de Cadix de 1812 organisé par Impulso Ciudadano.
Auteur à succès, García de Cortázar - ses livres populaires de l'histoire sont toujours des best-sellers -, a rappelé qu'au Pays basque, ceux qui ne sont pas nationalistes, n'ont jamais été abandonnés par le gouvernement, les médias et les centres culturels contrairement à la Catalogne: "Au Pays basque ce sont les nationalistes basques qui sont dans la clandestinité et qui se cachent à l'université, par exemple."
Le propos montre que le Pays basque est devenu une sorte de petit frère, à l'école du "grand frère" catalan en matière de sécessionnisme.
Cela dit on aurait bien tort aussi d'exagérer l'importance de l'indépendantisme de la Catalogne. Il est clair qu'Artur Mas, actuel président de la Generalitat, joue avec une rhétorique sécessionniste, mais c'est aussi parce qu'il sait que son référendum (promis à la population) sera invalidé par le Tribunal constitutionnel à Madrid et sera désamorcé comme le plan basque Ibarretxe en 2008. En ce moment le même journal (Voz de Barcelona) parle d'une dévaluation de la notation de la Catalogne (alors que celle du Pays Basque reste stable) par Moody et du risque de problèmes de financement pour les grandes entreprises catalanes en cas de choix de l'indépendance. Tout cela sent la vaine agitation comme les "déclarations de souveraineté" basque et catalane du début des années 1990.
Lo que nunca ha tenido sentido, y nunca lo tendra
Il y avait ce soir sur Arte une soirée Pedro Almodovar. Je tourne toujours en rond quand je parle de l'Espagne sur ce blog. En fait c'est un sujet dont je ne veux pas parler, mais que je ne peux pas éviter. Un sujet dont je crois toujours pouvoir m'affranchir, mais qui me rattrappe toujours, souvent par l'intermédiaire de tiers.
Il m'est retombé dessus quand j'avais 20 ans, par le biais de mes petits camarades de Sciences Po hispanophiles. Aujourd'hui il me poursuit à travers mes cousins. Je crois toujours qu'il n'a plus rien à me donner, et je reçois de lui. C'est étrange. Je reçois mais je n'en fais rien. Du Béarn j'ai fait un roman, de l'Espagne rien. Mais c'est là.
Pays compliqué. Très hermétique à mes yeux. Un pays qui a fait peur, pendant des siècles à l'Europe. Car il était le fer de lance de son obscurantisme, de ses ténèbres. Et cependant c'est le pays du "mas vale honra sin barcos que barcos sin honra" face aux Etats-Unis. Ce pays qu'Orwell aimait tant qu'il était persuadé que, même sous une dictature, brune ou rouge, il garderait une décence, une retenue dans les persécutions, que l'URSS et l'Allemagne n'avaient plus (Orwell écrit cela dans l'Hommage à la Catalogne quand un sbire du gouvernement républicain après la liquidation des anarchistes vient fouiller sa chambre).
Souvenir de ces pilotes espagnols aux ordres de l'OTAN qui ont refusé de bombarder Belgrade en 1999 et l'ont fait savoir au monde entier. Que sont-ils devenus. L'époque où l'employé du consulat de Yougoslavie (RFY) à Paris tenait à me parler en castillan...
J'ai souvent pensé à Cioran qui plaçait un signe d'égalité entre Russie et Espagne du point de vue de leur fonction en Europe et de leur mysticisme. Le néo-conservateur Bernard Lewis trace la même égalité et l'explique à sa façon : deux pays soumis à une longue occupation musulmane, puis qui ont eu leur reconquista, et qui finalement ont colonisé d'autres musulmans. Je ne sais pas. Je connais moins la Russie que l'Espagne, et je connais au fond fort peu l'Espagne, malgré mes attaches familiales là-bas et les longs mois que j'y ai passé. Pour moi la Russie est un pays de fous. Et l'Espagne un point d'interrogation. Je ne sais pas. Je ne comprends pas.
Devrais-je faire quelque chose de ce pays ? Quoi ? Aller avec un cousin dans ce village sans habitant près de celui où est né mon père ? Y aller avec un photographe pour des prises de vue... un peu spéciales ? J'ai des idées oui. Des idées. Pas les mêmes qu'à 20 ans, pas avec la même fraîcheur d'esprit, cela va de soi. Mais quand même... Ils ont foutu des éoliennes sur les plateaux de Don Quichote mais ils n'ont pas complètement toutes les idées qui peuvent germer dessus.
Est-ce qu'il y a encore des fontaines le long de la Castellana ? J'ai vu que les Indignés ont été sévèrement réprimés il y a quelques jours à la Puerta del Sol. Espagne de l'austérité. Les gens se désapent en public pour protester. Hé quoi ? Peut-on dire que Merkel écrase en ce moment le dernier héritage de la Movida, comme elle s'oppose à ce qu'il reste de la résistance communiste grecque au nazisme ? (je pense à ce vieux, Manolis Glezos, qui a dérobé le drapeau à la Svastika sur l'Acropole, qui est une des figures de proue de Syriza).
Mais quoi, tant qu'il y aura Pénélope. Vous souvenez-vous de Sertorius ? "Rome n'est plus dans Rome". L'étrange général romain, un "populaire" anti-aristocrate, qui avait domestiqué une biche si j'en crois Plutarque. Touchante image. C'est en Espagne qu'il cherchait son "autre Rome" et l'eût peut-être construite si ce pauvre idiot de Pompée (ce pauvre pantin devrais-je dire) ne l'en avait délogé. Mais assez parlé ! Nous ne règlerons pas le compte de l'Espagne ce soir.
Ici, pour finir, deux films associés au temps où je bossais à l'ambassade de France à Madrid, calle Salustiano Olozaga. Ah, Madrid, ce mirage au milieu du désert, cette cité purement étatique, "villa y corte", pur produit des diktats des rois, avec ses grands avenues américaines, ses bars à sangria et à drogues en tout genre. La ville la moins authentique que je connaisse, et, pour cette raison, celle à l'égard de laquelle je tends à être le plus indulgent.
Séville/Saint-Sébastien
Mes amis, j'étais à Séville ce weekend. Quitter l'Espagne est toujours un crève-coeur pour moi depuis 20 ans, bien qu'à chaque fois que je m'y rende en me jurant que je resterai insensible au charme de ce pays.
Qu'est-ce qui me retient donc toujours en Espagne ? Un peu sa résistance apparente au temps : à Séville point de minettes vulgaires aux hanches débordantes de graisse en pantalons taille basse comme à Naples, plutôt des femmes de tous âges très élégamment habillées, et ces moins de 30 ans aux formes sculpturales que m'avait déjà vantées une vieux dans un TGV en 1994. A Séville personne n'est suspendu à son téléphone portable comme si le sens de sa vie en dépendait ainsi qu'on le voit en France et en Italie. La résistance au temps pour le meilleur et pour le pire : ces corridas auxquelles on ne renonce pas, ces cortèges de processions qui battent le tambour le samedi "chrétiens repentez vous", et ces abominables hommage au coup d'Etat du 18 juillet 1936 qui surgissent de l'espace en face-même de la Giralda.
Mensonges du christianisme espagnol construit sur le sang des Arabes, des Indiens et des communistes. Une série de tragédies assumées, dissipées dans l'indolence des bars à tapas et des fontaines de sangria. Quoi ? Une série de colonialismes qui seraient au fond venus à bout de la subjectivité espagnole ? Avec, pour finir, le colonialisme européen, celui des marques de supermarchés français et des hordes de touristes gaulois ? Ou bien une façon de vivre avec le colonialisme, de ne plus se laisser impressionner par lui, d'être au dessus de ça ? La petite lumière du 3 de mayo ?
Allez savoir.
Les révolutionnaires de pacotille français rêvent en ce moment d'une révolution espagnole qui prolongerait celle des pays arabes avat de franchir les Pyrénées. J'ai vu les appels à se rendre aux "concentrations" pour la "démocratie réelle" place de l'Incarnation (un lieu qui eût plu à Rancière : la démocratie doit toujours s'incarner). Il y en avait sur les murs au milieu des annonces de processions et sur les panneaux de l'université andalouse où Carmen jadis fabriquait ses cigares.
Mais aux élections d'hier la droite à fait un tabac au niveau régional et municipal dans toute la péninsule. Séville a basculé du PS au PP comme beaucoup d'autres capitales régionales. Gauche unie reste assez marginale entre 5 et 10 % à un niveau stable. La participation dépasse les 60 %. On ne peut pas dire que la "révolution", si révolution il doit y avoir, détourne pour l'heure les électeurs du système institutionnel. Un journaliste à la TV parlait des manifestants avec beaucoup plus de mépris encore qu'un Mazerolles ne l'eût fait en 2006 des nonistes du référendum sur l'Europe. C'est dire...
Moi, le consulat d'Espagne ne m'a même pas proposé de voter sur la terre de mes ancêtres en Aragon. Les Républicains restent personna non grata.
Ca ne fait pas bien de le souligner sous nos latitudes bien pensantes, et ça va encore pousser les gens de l'autre bord à me qualifier d' "universitaire proche de la gauche radicale très hostile au mouvement national" (sic), mais j'ai quand même envie de saluer la victoire de la coalition d'extrême gauche Bildu au Pays Basque qui arrive en tête à Saint-Sébastien et dans toute la Guipuzcoa (vieux fief abertzale) au point qu'elle pourra gouverner 88 municipalités au total sur l'ensemble de l'Euskadi et en Navarre, et pas des moindres, avec la majorité absolue. Quel mouvement révolutionnaire peut afficher une performance semblable en Europe de nos jours à part le parti communiste chypriote (encore que celui-ci, allié aux forces centristes à la tête du gouvernement de Nicosie) soit beaucoup plus '"pro-systémique" et, de ce fait, moins diabolisé par les technostructures occidentales que le courant abertzale ?
Beaucoup disent que cette victoire de l'extrême-gauche basque peut signer la fin du terrorisme et le début d'un nouveau programme social pour ce pays. Si toutefois le système occidental leur laisse tenter cette expérience. Notons que déjà il y a trois ans, sous le règne des grands partis traditionnels, le Pays Basque s'était distingué du reste de l'Europe en choisissant le keynésianisme en plein milieu de la crise financière. Le Pays Basque peut-il renouveler l'exploit de l'Islande ? Je suis un peu sceptique, mais au moins l'aspiration populaire est là.