Articles avec #peuples d'europe et ue tag
L'Europe, les Sudètes, les enjeux mémoriels

"Est-ce l'Europe ou la loi du plus fort ? En décembre 1989, le responsable des amitiés franco-tchécoslovaques avait publié une tribune dans Le Monde qui disait en gros "Français investissez en Tchécoslovaquie et épousez des tchécoslovaques, ne laissez pas l'Allemagne occuper seule le terrain dans ce pays". Aujourd'hui je me demande quelle est la part respective de l'Allemagne et de la France dans les investissements en République tchèque.
D'un point de vue géopolitique, il y a deux visions de l'Europe centrale : une vision française qui y soutient les peuples slaves, et la formation de fédérations respectables sous leur égide (la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie), et la vision allemande selon laquelle tout ce qu'il y a entre l'Adriatique et les Carapathes constitue une sorte de "Galilée des nations" dans laquelle les Allemands ont leur place (et qui soutient aussi les revendications des non-slaves Hongrois, des Turcs, des Albanais).
Evidemment le souvenir du nazisme permet de dénigrer le point de vue allemand mais plus pour très longtemps. Mais sur la question de l'Europe centrale je ne suis pas convaincu que le souverainisme "classique" (c'est à dire la défense de l'héritage de 1945 qui reproduisait celui de 1918 favorable à la France) soit complètement réaliste, sauf à considérer qu'un peuple déraciné (les Alllemands des sudètes) doit faire le deuil de sa mémoire et se recréer une identité ailleurs.
Il y a autour de ces questions mémorielles des difficultés considérables : les Sudètes veulent revenir en Tchéquie, les Juifs sionistes en Palestine, les Pieds-noirs en Algérie. Des tas d'enjeux coloniaux se greffent là dessus (car Pieds noirs et Sudètes par exemple étaient des colonisateurs là où ils vivaient). Le progressisme du 20 ème siècle (la foi en l'avenir), justifiait que les peuples opprimés expulsent les colons pour créer un avenir meilleur. Le pessimisme écolo-conservateur de notre époque qui fétichise le passé, valorise le droit au souvenir et ouvre la voie au retour des colons partout".
Franco-africanisme et eurasiatisme

La sortie de l'Union européenne ouvrirait la perspective de ce renouveau politique avec l'Afrique. Elle permettrait aussi de rapprocher la France des grandes puissances du continent eurasiatique : la Russie et la Chine. Je lis en ce moment le blog d'Alexandre Latsa qui rêve d'un continent gouverné par Moscou (http://alexandrelatsa.blogspot.com/2008/11/moscou-capitale-de-leurope.html). J'ai entamé un dialogue avec son auteur. Je n'ai pas encore suffisamment avancé pour connaître ses positions. Je sais qu'il y a - sur ce sujet comme sur tant d'autres - des spéculations qui sentent le soufre, comme un projet proche de l'extrême-droite qui, me disait-on il y a quelques mois, défend l'idée eurasiatique mais sur des bases très sélectives et ambigues, au point par exemple d'y intégrer le Japon et pas la Chine. Je ne sais pas si M. Latsa est proche de cette tendance. Il ne semble pas, si j'en juge par la manière dont il met en avant la faucille et le marteau. Mais notre discussion ne faisant que commencer ce point n'a pu être éclairci.
Pour ma part, je ne souhaiterais pas que notre continent soit soumis à Moscou, même si j'apprécie le côté provocateur de cette idée, qui force à réfléchir. La Russie m'intéresse beaucoup comme expérience culturelle, politique, économique, je veux dire comme une possibilité de faire vivre ensemble des êtres humains dans un certain style de cohabitation. Elle m'intéresse en un sens comme les Etats-Unis m'intéressent, comme la Chine, comme toute entité politique de grande envergure. Au delà de la curiosité, je lui voue une certaine affection au vu de ce que je peux en connaître, et, comme le projet franco-africain dont je parlais plus haut, elle m'intéresse comme un partenaire potentiel pour libérer nos pays de la chappe de plomb euro-atlantiste qui l'écrase depuis 60 ans et qui a liquidé chez nos concitoyens tout sens du réel et tout sens de la liberté de choix collectif entre divers avenirs possibles. Je crois qu'il ne faut pas s'aveugler sur la Russie : c'est un pays dont le gouvernement a gardé des tendances autocratiques, et où les méthodes brutales demeurent. La campagne de terreur dont ont été victimes de nombreux militants des droits sociaux (voyez l'agression dont fut victime à Moscou le 13 novembre après beaucoup d'autres Carine Clément, sociologue, directeur de l’Institut indépendant de l’Action collective, engagée dans le réseau « Union des soviets de Coordination de Russie » et dans les luttes concernant le droit au logement) en atteste. Le peu que je connais de ce pays révèle qu'il trouve mal son équilibre entre la persistance de gangs privés peu recommandables et d'une bureaucratie conservatrice et souvent inefficace. Mais je crois qu'il faut miser sur les bons côtés le Russie. Le fait que ce pays croit en l'Etat, c'est-à-dire à la possibilité de définir de nouvelles options politiques, pour lui-même et pour le monde. Le fait aussi que c'est un pays qui souhaite équilibrer les rapports de force, là où les Etats-Unis n'ont cessé d'afficher leur volonté de "leadership" (certes Obama a adouci le discours, mais sans changer les hommes, ainsi que le montre la constitution de son équipe ce qui est de mauvais augure). Et ce pays, de fait, a joué un rôle positif pour la paix face aux Etats-Unis, dans les Balkans, dans le Caucase, au Proche-Orient. Par conséquent, sans aller jusqu'à souhaiter que Moscou gouverne le continent, il faut vouloir une coopération accrue avec la Russie. C'est ce qu'ont compris, après les latino-américains et beaucoup de peuples du Tiers-monde, les résistants à l'euro-atlantisme en Europe.
Reste à organiser tout cela, au niveau-même de l'opinion. Créer des cercles pour promouvoir à la fois l'idée d'un renouveau des relations franco-africaines, et celle d'une coopération russo-française et sino-française dans l'esprit eurasiatique. Faire avancer ces idées contre le formatage euro-atlantiste, proposer des actions concrètes, et des programmes politiques concrets dans ce sens. Il y a beaucoup à faire.
Eulex au Kosovo
Le Conseil de sécurité des Nations-Unies a donné son feu vert à l'envoi de la force de police européenne Eulex au Kosovo mais à condition que celle-ci s'inscrive dans le cadre de la résolution 1244 (interprétée par la Serbie comme reconnaissant sa souveraineté sur la province), reste neutre dans le conflit albano-serbe, agisse sous l'autorité directe du Conseil de sécurité (ce qui donne un droit de regard à la Russie et à la Chine) et ne s'inscrive pas dans le cadre du plan d'indépendance de l'administrateur Ahtisaari qui n'a jamais été validé par l'ONU. Du coup c'est maintenant l'entité de Pristina qui juge cette mission contraire à sa constitution et s'y oppose alors que la Serbie l'accepte (http://www.b92.net/eng/news/politics-article.php?yyyy=2008&mm=11&dd=27&nav_id=55328).
Russia Today présente la mission Eulex comme une prise de contrôle des institutions judiciaires du Kosovo par l'Union européenne (c'est-à-dire une recolonisation) - http://www.russiatoday.com/news/news/33861. La question de l'indépendance du Kosovo reste en suspend devant la Cour internationale de justice saisie le 9 octobre dernier par 77 voix contre 6 (les USA et leurs petits alliés proches).
Samoa
L'île de Samoa est aujourd'hui le 47 ème Etat à reconnaître l'indépendance du Kosovo. La Serbie, qui a mené de grande opérations diplomatiques à l'ONU (notamment auprès des pays musulmans, obtenant le soutien de l'Indonésie et de la Malaisie) considère que les Etats-Unis n'ayant pu convaincre les pays de plus grande taille doivent se contenter des miettes. Elle espère obtenir une condamnation de la sécession kosovare devant la Cour internationale de justice. Les nationalistes kosovars y voient plutôt un succès relatif. Un inventaire exhaustif des positions internationales sur l'indépendance du Kosovo se trouve sur http://en.wikipedia.org/wiki/International_reaction_to_the_2008_declaration_of_independence_by_Kosovo. On observe que le Kosovo est davantage reconnu que Taiwan, mais moins que le Sahara occidental.
"Non" à l'Union européenne

Autre bonne nouvelle, je lisais ce soir dans l'Humanité Dimanche du weekend dernier - outre une excellente interview de Taddei, journaliste dont j'ai déjà fait l'éloge ici - que Jacques Nikonoff ancien patron d'Attac lance un mouvement pour le socialisme du 21 ème siècle, pour la souveraineté des peuples, (voyez http://www.m-pep.org/) et qui prône une sortie de la France de l'Union européenne. Il rejoint ainsi ce que je disais dans Programme pour une Gauche Française Decomplexée l'an dernier. Je lui ai d'ailleurs envoyé mon livre, même s'il est probable que, comme Mélenchon auquel je l'avais aussi adressé, il n'en accusera même pas réception.
Ajde Jano
La manif sur le Kosovo dimanche / élections états-uniennes
D'aucuns m'incitent chaudement à y assister. Evidemment je suis archi-hostile à l'indépendance du Kosovo de la manière dont elle s'est faite (alors que, sans la pression des Etats-Unis, une solution plus juste, basée sur une large autonomie de la province, ou sur une partition, aurait été possible). Une fois de plus, comme en 1991, on ouvre la boîte de Pandore du redécoupage des frontières en Europe. L'Occident joue avec le feu, fait le jeu des extrémistes, ce n'est pas nouveau hélas. Aujourd'hui une bombe a explosé dans les quartiers nord de Mitrovica. Certains agités albanais sont déjà prêts à parachever le nettoyage ethnique antislave et antirom de 1999.

Rien de nouveau sous le soleil, en effet. Et les menaces contre la Russie avec nos sombres manoeuvres en Ukraine vont dans le même sens hélas.
Evidemment, quelles qu'aient été les erreurs des dirigeants serbes ou de leurs supporters à tel ou tel moment de l'histoire (et, quand on parle des Balkans, il faut parfois remonter à des dates très anciennes), et quels qu'aient été les crimes de guerres commis (mais il y en eut dans tous les camps), je crois que notre devoir est de nous tenir aux côtés de ceux qui, aujourd'hui, défendent le droit international, l'intégrité des Etats, la paix en Europe, contre les apprentis sorciers. Or les garants du droit international en ce moment, les remparts contre les folies impérialistes, ce sont les Serbes.
Pour autant les manifestations comme celle de dimanche sont elles la meilleure façon d'exprimer son refus de cette politique irresponsable ? Je n'en sais rien, et même, pour tout dire, j'en doute, mais je conçois toutefois que certains y décèlent une arme politique efficace. Affaire de sensibilité.
En parlant de paix, je lisais ce matin cet extrait d'un discours de Barack Obama que citaient les libertariens d'Antiwar.com :
"I think the pundits have it wrong. I think the American people have had enough of politicians who go out of their way to look tough, who say one thing in a caucus and another in a general election. When I am the nominee of our party, the choice will be clear. My Republican opponent won't be able to say that we both supported this war in Iraq. He won't be able to say that we really agree about using the war in Iraq to justify military action against Iran, or about the diplomacy of not talking and saber-rattling. He won't be able to say that I haven't been open and straight with the American people, or that I've changed my positions. And you know what? The American people want that choice. Because I believe that's what we need in our next President.
"We've had enough of a misguided war in Iraq that never should have been fought – a war that needs to end." - http://www.antiwar.com/justin/?articleid=12366-
Justin Raimundo sur ce site fait l'éloge d'Obama et voit en lui le nouveau candidat du camp anti-guerre après le retrait de Ron Paul. Il y a un mois pourtant on nous expliquait ailleurs qu'un Obama avec Brzezinski parmi ses conseillers(le "père" de la guerre d'Afghanistan version 1979) c'était la même chose qu'une Hillary Clinton avec son Holbrooke (http://www.divergences.net/spip/spip.php?article230). L'antisioniste Alan Dershowitz et l'ex reaganien Paul Craig Roberts soutenaient cette thèse. Qui croire ? J'observe que les opposants iraniens sont très remontés contre Obama et Brzezinski, en qui ils voient des empêcheurs de faire la guerre aux mollahs - http://www.iran-resist.org/article3963. Brzezinski l'auteur d'un mode d'emploi pour démanteler la Russie rallié au camp des colombes de la paix ? Ce serait quand même assez étrange...
Pour un référendum sur le traité de Lisbonne

Je conseille la lecture du texte "Traité Européen : Haute Trahison" de la courageuse professeur de droit public Anne-Marie Le Pourhiet sur http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1356 (il est très rare que des gens de sa profession s'engagent sur un combat comme celui-ci qui ne lui vaudra pas que des amitiés).
Je recommande à tous nos concitoyens de signer cette pétition, de la faire signer autour d'eux, et d'écrire à leurs députés, leurs sénateurs, afin qu'il refusent de voter la réforme constitutionnelle qui permettra la ratification du Traité de Lisbonne, et ce, qu'ils soient pour ou contre ce traité. Le blog "La lettre volée" vous propose un modèle-type de lettre à envoyer à votre député ou à votre sénateur sur http://www.lalettrevolee.net/article-14593313.html : envoyez la à vos élus pour les Fêtes de fin d'année !
La soumission par référendum au peuple d'un texte portant sur un sujet sur lequel il s'est déjà exprimé par référendum est une obligation démocratique. Et il est du devoir civique de chacun, s'il veut être respecté comme un citoyen adulte dans ce pays, de se battre pour obtenir un référendum, quelles que soient ses idées sur le traité à venir.