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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #philosophie et philosophes tag

Onfray parle sur Rue89

16 Novembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

A écouter dans le fil de ce que nous avons déjà dit sur le sujet. Je dois reconnaître qu'il m'est quand même très sympathique.

 

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Marx, Foucault, Habermas, leurs lecteurs indiens, Darwin

19 Octobre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Un collègue me passe, de temps en temps, "Actuel Marx", ce qui a le mérite de m'obliger à revenir un peu à la philosophie - ce que je n'ai guère fait sérieusement depuis la publication de mon livre sur Nietzsche en 2004.

 

J'y retrouve toutes sortes de considérations - de déviations et d'enrichissement - du marxisme contemporain qui va chercher du côté de Gramsci, d'Habermas, de Foucault, de Derrida et même de Banjamin des moyens d'assouplir et de complexifier ce qu'il y eut de trop mécanique dans le léninisme ou d'autres versions de ce courant.

 

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Il faudra un jour que je revienne à la question du marxisme qui ne peut pas être balayée d'un revers de main. Je continue de penser qu'il y a un problème fondamental dans le marxisme, c'est son héritage hegelien. C'est une manière de traiter en des termes métaphysiques l'activité sociale humaine en forgeant des concepts totalisants autour des rapports sociaux comme la métaphysique classique en forgeait sur la nature des choses (sur l' "être" pour parler vite).

 

L'héritage métaphysique est un biais de la pensée, quoique Marx ait tenté de le corriger par la mobilisation de connaissances plus empiriques comme en fournit la science économique par exemple.

 

En même temps, je ne partage pas le radicalisme d'un Bricmont selon lequel faire de la philosophie serait superflu, ou ne servirait à la rigueur qu'à se prémunir de la (mauvaise) philosophie des autres.

 

Or la philosophie peut-elle complètement éviter les totalisation hasardeuses ? Dans Marx il y a sans doute à sauver la valorisation du substrat matériel comme condition de possibilité des représentations et du devenir politique (à condition de corriger Marx par Gramsci, l'Ecole de Francfort, et même Bourdieu pour rendre à la sphère intellectuelle une autonomie partielle), et la problématique de l'aliénation de l'individu dans son travail, celle de la domination de classe, des possibilités d'émancipation par sa subversion, d'une certaine "dialectique" qui se joue dans les dépendances mutuelles entre dominants et dominés (à condition de ne pas sacraliser cette dialectique, et d'éclaircir ces notions floues de dominants et dominés, que j'emprunte d'ailleurs plus à Bourdieu qu'à Marx), peut-être aussi la réflexion sur la fétichisation.

 

Mais il faut ménager dans l'étude des relation sociales des aspects qui transcendent l'historicité des rapports de forces pour s'ancrer dans une historicité plus lente - celle de l'évolution naturelle. Tel est le cas notamment des rapports de genre, du sens de l'éthique et de la justice, de la rationalité théorique ou pragmatique. De ce point de vue là par exemple j'approuve l'effort de l'Allemande Sonja Buckel dans Actuel Marx du premier semestre 2010 pour - à partir de Gramsci et de Luhmann - dégager une autonomie relative de la forme juridique comme espace intellectuel potentiellement disponible pour une appropriation par les dominés (mais alors il faudrait remonter jusqu'à la transcendance du sens de la justice et de l'éthique chez l'humain, transcendance que l'article suivant de Massimiliano Tomba va chercher dans les apories d'une politique abandonnée à ses propres valeurs mais qu'il faut ancrer dans les dispositions neuronales du cerveau comme le fait Dawkins). Je pose ceci en précisant que je reste malgré tout assez réservé devant l'enthousiasme contemporain pour le néo-darwinisme, et d'autant plus sceptique lorsque je lis Fodor. Au fait : Marx a beaucoup aimé les livres de Darwin, paraît-il.

 

Un texte intéressant aussi dans cet Actuel Marx n°47, celui de l'indien Ranabir Samaddar "Lire Foucault à l'ère postcoloniale" qui explique étrangement que les marxistes indiens pouvaient moins adhérer aux théories du dernier Foucault sur la gouvernementalité et la biopolitique parce que cette forme là (non disciplinaire) de la modernité ne fonctionne pas dans les pays du Sud.

 

1majmumbai.jpgLes marxistes indiens m'intriguent toujours. Cela me fait penser qu'en février dernier (comme le temps passe !) je voulais vous dire un mot de "Can subaltern speak" de Gayatri Chakravorty Spivak, un livre indien qui critique encore plus vertement le foucaldisme. J'avais jeté quelques notes dans le brouillon de ce blog mais n'avais pas pu les publier. Il s'agit d'un ouvrage assez ancien (1988) récemment republié, dans une traduction française d'un certain Jérôme Vidal (le sieur Sébastien-Budgen-de-Cambridge-et-de-la-LCR, que j'ai rencontré en 2006 pour la publication de l'Atlas alternatif en anglais, a aussi trempé dans cette entreprise). Ce genre de texte est une bible des postcolonial studies aux Etats-Unis, et, pour cette raison, il est aussi cité par certains petits bourgeois intellectualisants de la mouvance des Indigènes de la République.

Spivak, qui est une grande lectrice et traductrice de Derrida à Columbia University, commence par une attaque en règle contre les théories de Foucault et de Deleuze qui, selon elle, en introduisant une vision totalisante du désir et du pouvoir, et en refusant l'idée qu'une idéologie de classe; pouvaient tromper les opprimés. Elles réintroduisent, dit-elle, une forme de subjectivité politique homogène, non probématique, qui désarme toute possibilité de révolte collective (Spivak estime même que Foucault et Deleuze de ce fait s'excluent de la gauche, et font le jeu du système capitaliste et colonialiste, tout comme le positivisme scientifique, en s'en remettant à l'expérience des acteurs).

Pour contrer cette vision de l'ordre politique, Spivak fait un retour par Marx, un Marx relu par Derrida dans lequel le "négatif" serait à l'oeuvre dans les consciences de classes au point de défaire toute subjectivité politique possible, au moins au niveau individuel, tandis que la composition de consciences de classes collectives serait une construction artefactuelle à rechercher à travers des procédures discursives.

Spivak reproche ainsi à Foucault d'avoir construit le sujet colonial comme un grand Autre en le dépossédant du coup de toute possibilité de se construire en sujet politique.

Je n'aime pas beaucoup cette inspiration intellectualiste derridienne qui, tout en refusant le logocentrisme, pense le monde comme texte et abuse de métaphore graphologiques : par exemple "le sous-texte du récit palimpsestique de l'impérialisme" (p. 38). Ce n'est pas seulement un problème stylistique : c'est un biais dans la façon de poser le problème lui-même. Il s'agit toujours de réintroduire le maître du texte (les petits intellectuels de la LCR, du PIR ou de Colombia university) dans le rôle des éclaireurs, ce que Foucault et Deleuze avaient au moins eu le mérite de vouloir briser. Mais je pressens aussi bien à travers Spivak qu'à travers Samaddar que les sociétés postcoloniales dans la problématique spécifique de leur émancipation sur fond d'une aliénation radicale - qui est celle de l'oblitération pure et simple de leur passé par le colonisateur - ont en effet de sérieuses objections à adresser au foucaldisme européen et à toute critique sociale qui prétendrait s'en inspirer.

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Philosophies

23 Septembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

C'est étrange. Ce matin je me suis réveillé avec la sensation d'avoir dépensé beaucoup d'énergie dans la nuit à rêver de philosophie. Pendant ma période de rêve mon cerveau avait beaucoup argumenté.

Encore au réveil j'étais embarqué dans des réflexions sur le piège du kantisme, la question (qui m'a toujours intrigué) : pourquoi Hegel rompt-il si aisément avec le kantisme pour installer à sa place un grande dramaturgie historique, et puis pourquoi toutes ces ratiocinations de Schopenhauer et Nietzsche sur la volonté et la représentation, pourquoi le néo-kantisme de Cassirer et le méta-kantisme de la phénoménologie, pourquoi le néo-réalisme d'un Stove.

 

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Aujourd'hui la philo (celle qui avance vraiment, pas celle qui tourne en rond dans de la vaine rhétorique comme nous la sert Arte), se développe dans le monde anglo-saxon et s'attèle à des questions très scientifiques. On se demande s'il y a du rien avant le Big Bang (il faudrait prendre le temps en ce moment d'essayer de comprendre cette idée d'Hawking selon laquelle l'avant-Big Bang était un simple principe : celui de la gravitation), ou si l'ensemble des données de mon cerveau greffées sauvegardées sur un ordinateur seraient encore "moi" - question que je trouve chez Eric T. Olson et chez Daniel Dennett. On peut se demander d'ailleurs si l'obsession scientifique anglo-saxonne, qui est l'inverse du déni des sciences de la philosophie allemande postkantienne (et de nos joyeuses French theories soixante-huitardes), n'est pas exagérée, s'il ne faudrait pas un tout petit peu "déplacer la perspective", ou l'élargir, mais je reconnais que c'est délicat car le risque d'idéalisme est grand.

 

Quelques indices ténus m'ont conduit à ces rêves nocturnes d'aujourd'hui. Mon supérieur hiérarchique au bureau qui vient me parler de Boltanski et qui me dit "c'est chouette ces débats sur le capitalisme, ça élève l'esprit, c'est comme la philo, au début on a du mal à entrer dedans, mais c'est un langage, ça aide ensuite à respirer". Et puis il y a eu la BD d'Onfray sur Nietzsche. Une lecture récente de Schopenhauer, à laquelle une référence d'Assouline faisait heureusement écho, et encore l'amusante adaptation télévisée hier soir de la Peau de Chagrin hier soir qui met en scène un jeune philosophe.

 

La philosophie est la seule activité intellectuelle (avec peut-être l'art placé à son plus haut niveau) qui ne vous fait attendre aucune écoute d'autrui, aucune approbation - et qui donc brise toutes les dépendances. Ce n'est pas une activité de "partage" comme l'affectionne le totalitarisme du "sympa" contemporain. Elle se suffit à elle-même - ce qui explique qu'Aristote la définît comme praxis au même titre que la respiration, et non comme poiesis comme le sont l'art et toutes les productions finalisées. Je donne cent fois raison à Aristote à ce sujet. On devrait accorder plus de temps à la philosophie.

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L'oubli des singularités

4 Septembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Toute la philosophie existentialiste jusqu'à Heidegger et au delà le dit et le répète : les sciences (y compris sur le mode pseudo-scientifique des sciences humaines) scindent (étymologie commune avec sciences selon Benveniste) le réel et en retranche le sujet lui-même isolé dans une abstraction. Une tournure d'esprit qui a envahi la politique, et par contagion le regard de tout un chacun sur autrui. On raisonne in abstracto, on se situe par rapport à ce que l'on croit être des moyennes statistiques, des règles, des histoires sur la longue durée. Tenez même la TV apprend aux dames qui se croient trop rondes à relativiser leur détresse en se replaçant dans des échelles de comparaison statistiques. Tous ces découpages pour resituer les réalités "par en haut", du point de vue du "on", comme disait justement Heidegger, nous fait perdre de vue la singularité de l'ici et maintenant, du fait qu'il y existe une multitude d'agencements qui ne se renouvellent jamais.

 

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Plus les gens apprennent à traiter abstraitement et scientifiquement ou pseudo-scientifiquement leur vie, plus l'on ne peut retrouver d'ancrage dans la singularité que de façon très ponctuelle, voire de plus en plus rarement, sous peine d'être en décalage complet par rapport à son époque.

 

On comprend bien quelle nécessité presque épique soustend cette scientifisation du regard et ce sacrifice massif des individualités. On voit bien que dans une société où l'on gagne des mois d'espérance de vie grâce à la science chaque année, et fait progresser la technologie à grand pas, un consensus s'établisse sur l'idée que le sacrifice des singularités en vaut bien la chandelle (comme en d'autre temps les progrès objectifs qu'apportait le communisme en Russie et en Chine en poussait plus d'un à sacrifier le singulier pour continuer de faire avancer la machine). Et l'on sait ce qu'il y aurait de puéril à passer toute sa vie dans la contemplation des instants ou des individus "singuliers" et de leur irrémédiable anéantissement.

 

Certains comme Arnsperger ne seraient pas loin de penser que la causalité est même inverse : ce n'est pas le progrès des techno-sciences dans un contexte d'accumulation capitaliste qui nous fait sacrifier les singularités, mais le besoin de sacrifier une singularité trop angoissante (celle du devenir et de la mort) qui nous fait fuir dans la "scientifisation" de nos vies et de nos rapports à autrui.

 

Hier en lisant dans Wikipedia la biographie d'un de mes camarades de grandes écoles, j'ai découvert qu'il était veuf. J'avais perdu son contact pendant des années, et pourtant j'avais assisté à son mariage et connaissais un peu sa femme. Il est étrange d'apprendre par Wikipedia le décès d'une personne qu'on a connu. Surtout quand on n'a "que" 40 ans. J'ai réalisé que dans l'horizon des gens que j'ai connus et qui avaient à peu près mon âge il y a en a deux (y compris l'épouse de ce camarade) et deux seulement qui sont à l'état de cadavre alors que moi je vis encore. Deux qui ne se sont pas vu accorder la "chance" de vivre la fin de années 2000, de poursuivre leur route. Ca fait partie des configurations singulières, étranges, des sources de stupeur de l'existence. Ca ne se laisse saisir par aucune statistique. Aucune "neutralisation" scientifique ou pseudo-scientifique, aucune généralisation ne peut venir à bout de cette singularité, pas plus que de la singularité de l'instant que je passais ce matin à regarder passer des trains avec mon petit garçon de deux ans. Seule l'émotion peut être en phase avec ces singularités-là. Et cependant on pressent bien qu'il y a par ailleurs une aventure humaine plus générale dont le mouvement nous arrache à tout cela, pour nous porter au delà.

 

L'équilibre n'est pas facile entre les singularités et ce mouvement humain général qui avance sur la vague scientifique ou crypto-scientifique.

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Ex nihilo

3 Septembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Je lis dans le journal aujourd'hui (Le Monde) :

 

galaxy-copie-1.jpg"L'astrophysicien britannique Stephen Hawking affirme que l'Univers n'a pas eu besoin de Dieu pour être créé. Dans son nouveau livre, The Grand Design, Stephen Hawking souligne qu'en comprenant une série complexe de théories physiques, la création de l'Univers s'expliquera. Des extraits de cet ouvrage, écrit avec le physicien américain Leonard Mlodinow, ont été publiés jeudi dans le Times.

 

"Il n'est pas nécessaire d'invoquer Dieu (...). L'Univers peut et s'est créé** lui-même à partir de rien, selon Stephen Hawking. La création spontanée est la raison pour laquelle il y a quelque chose plutôt que rien, la raison pour laquelle l'Univers existe et nous existons." "

 

** traduction maladroite de "can and has created"

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Roudinesco et Onfray

2 Septembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Il y a beaucoup de sujets en ce bas monde qui méritent plus d'attention que la polémique Roudinesco-Onfray. Par exemple la question : pourquoi les inondations au Pakistan intéressent-elles moins les médias et les foules alors que, de l'avis de l'ONU, elles sont plus désastreuse que le tremblement de terre d'Haïti qui a ému tant de personnes ?

 

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Je serai donc bref sur la polémique parisienne, en signalant seulement combien les querelles intellectuelles ont parfois du bon pour résumer les caractéristiques des gens. Bien sûr on est toujours, de part et d'autre, dans le registre de la caricature, mais la caricature dit aussi quelque chose de vrai sur la limite d'un raisonnement, d'une posture. Dans le dernier livre de Roudinesco contre Onfray il y a de très beaux paragraphes, un très beau portrait de la pensée de son adversaire. Preuve, comme disait Gide, qu'il faut faire raconter une histoire par un homme (ou une femme) en colère, ou encore, comme disait Nietzsche, que la colère est une source d'inspiration formidable. A-t-elle vraiment, par ailleurs, tenté de faire couler financièrement l'université populaire d'Onfray ? Ce ne serait pas très élégant, pas plus d'ailleurs que la réponse du philosophe à la psychanalyste dans Libé. C'est un problème assez constant en France depuis l'après-guerre : les gens ne savent pas garder une hauteur de vue.

 

N'étant ni pour la psychanalyse, ni pour la religion païenne que M. Onfray cherche à imposer, je ne me sens pas vraiment concerné par le fond des arguments qui sous-tendent cette polémique. En revanche je trouve qu'on a raison de reprocher à M. Onfray sa désinvolture méthodologique sur le volet de l'historiographie. On ne devrait jamais laisser un philosophe faire de l'histoire. Dans le livre de Roudinesco, la façon dont l'historien Guillaume Mazeau démonte les écrits d'Onfray sur Charlotte Corday m'a paru tout-à-fait exquise.

 

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Les Argonautes, Régis Debray, les incendies russes et Chrysippe

21 Août 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien, #Grundlegung zur Metaphysik, #Philosophie et philosophes

Actualisation 2019 : Texte écrit avant mes découvertes sur le monde invisible au contact des médiums, largement renié depuis que je sais quelles forces sont à l'oeuvre dans tout cela

Il y avait hier soir sur une chaîne de la TNT un navet, énième version de l'épopée des Argonautes, version 2000 ou 2001, mais qui avait le mérite de m'en rappeler une autre, plus ancienne, de 1980, qui celle-là m'avait fait rêver. Cela m'a fait penser au Médée de Pasolini évidemment, et à l'Abkhazie, ancienne Colchide où j'étais l'hiver dernier. Les variations sur un même thème ont toujours du bon. Qu'on nous resserve donc l'Iliade et l'Odyssée, et le cycle thébain, et la malédiction des Atrides. J'ai lu dans Carlo Ginzburg il y a peu qu'en Colchide, encore au IVème siècle avant Jésus-Christ, on faisait sêcher les cadavres des gens pendus aux arbres dans des peaux d'animaux et que ce fut sans doute la première vision que Jason eut de ce pays. Je pense que Pasolini l'ignorait quand il a mis en scène les sacrifices humains du royaume de Médée. La réalité dépasse toujours la fiction.

 

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A midi la chaîne parlementaire diffusait ou rediffusait une interview de Régis Debay (que j'ai bien connu),  toujours égal à lui-même : mélancolique, désabusé, disant un peu tout et son contraire, amoureux des belles formules. Il m'a donné envie de lire Julien Gracq. J'ai acheté de lui La Forme d'une Cité cet après-midi. J'espère y retrouver le sens de l'inutilité littéraire, du luxe des mots qui ne sont plus qu'une musique.

 

Debray a eu une phrase juste dans son interview, sans doute une phrase extraite de son dernier livre : "De nos jours seule la nature fait événement". C'est très juste. Les feux de forêt en Russie, les inondations au Pakistan. Etrange fascination pour les cataclysme planétaires, envers de notre découragement devant l'humain. Pauvre humanité qui ne nous inspire plus que des petites compassions rose-bonbon comme dans "Belle toute nue" que je regardais cet après-midi pour tuer le temps.

 

Dans Ria Novosti, un certain M. Hugo Natowicz s'enflamme contre le traitement des incendies russes par la presse française. Je voudrais bien partager votre indignation, cher monsieur, mais à aucun moment votre article n'affronte la raison pour laquelle les médias français imputent à M. Poutine la responsabilité des dégâts : la loi de privatisation de la forêt russe en 2007. C'est le coeur du problème et vous n'en parlez pas. Voilà qui ôte tout crédit à votre texte. Pour le reste rassurez vous : en France aussi nous imputons aux politiques les causes des dégâts naturels provoqués par les incendies et les ras de marée. Il n'y a donc pas, me semble-t-il, d'antirussisme particulier dans cette affaire.

 

Au fait : Michel Onfray fait dans le BD maintenant. Une sur Nietzsche. Je vais l'acheter je crois. A mon avis il doit être un bon vulgarisateur dans l'espace des cadres et des bulles.

 

Un peu loin de la vulgarisation j'ai lu hier des analyses universitaires remarquables sur le commentaire que le deuxième chef de l'école stoïcienne d'Athènes Chrysippe (vers 210 av JC) faisait d'un tableau pornographique représentant Héra qui offrait une fellation à Zeus. Je vous fais grâce du détail de l'explication et des théories physiques sur la création du monde qui soustendent tout cela. Mais décidément les stoïciens me plaisent de plus en plus.

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odium humani generis

29 Juillet 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

penan.gifUn certain Caleb Irri écrit à propos des théories de la décroissance : "je ne peux me satisfaire d’une théorie qui frustre les désirs et les espoirs d’un monde meilleur, sans lesquels il est vain de vouloir perpétuer l’espèce humaine". L'article ne dit par ailleurs à peu près rien sauf "d'accord il ne faut pas trop exploiter la nature, mais on peut bien arriver à continuer à produire sans surexploiter, abolissons l'argent", et donc j'en déconseille la lecture, mais ce qui m'intéresse c'est la phrase que je viens de citer sur la perpétuation de l'espèce humaine. Voilà au moins un auteur qui dit tout haut ce que l'extrême gauche pense tout bas : l'humanité peut disparaître si elle n'a pas les moyens de réaliser ses utopies. Ca a un côté polpotiste, et cela porte surtout la marque d'un nihilisme profond, d'une haine de la vie, dont je n'avais jusque là jamais remarqué la violence - mais que Nietzsche, lui, avait identifiée dans les utopismes de son époque, quoique lui-même en ait parfois partagé certains traits. L'humanité ne mérite pas de vivre et de se reproduire s'il n'y a pas d'utopie dans son horizon ? Tiens donc ! Veut-on dire par là que l'animal humain est nécessairement inadapté au monde où il vit ? que son évolution darwinienne aurait échoué de sorte que l'humain ne peut plus vivre que dans l'attente angoissée de son propre dépassement ? Quand je vois mon fils grandir j'aurais plutôt le sentiment inverse. Il est extrêmement grave de proférer ce genre d'accusation. Veut-on dire que les trois quarts de l'humanité qui n'ont aucune utopie politique concrète et les neuf dixièmes (voire plus) des humains qui nous ont précédés sont des erreurs de la nature ? On accuse souvent les écologistes conservateurs de détester, au fond, l'humanité et de ne voir en elle qu'un parasite d'une Nature idéalisée. Mais on peut en dire autant des anti-écolos utopistes qui conditionnent leur sympathie pour l'humanité à son adhésion à leurs projets politiques fumeux. Il est au moins un domaine dans lequel l'humain excelle (et notamment ceux des humains qui prétendent expliquer aux autres ce qu'il faut croire et ce qu'il faut pensée) : c'est dans la haine globale de sa propre espèce...

 

 

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