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Le blog de Frédéric Delorca

Bernadette Chirac

3 Octobre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

"Bernadette Chirac" ce titre est aussi incongru en tête d'un de mes billets que "Jacques Derrida" dans le répertoire de Scritti Politi. Mais c'est peut-être l'époque qui veut ça. L'âge venant je suis enclin à avoir la plus grande indulgence, voire la plus grande mansuétude à l'égard de la vieille aristocratie française. Alors après Jean d'Ormesson, rendons hommage à l'ancienne première dame. Elle a représenté tout ce que je détestais en France. Et voilà que ce soir, en l'entendant parler à la TV, quelque chose en elle me surprend, m'intrigue, m'accroche. La sobriété du verbe, le stoïcisme, la force de la volonté. Elle parle de sa première année à Sciences Po (qu'on appelait à son époque et à la mienne "année préparatoire"), de ces tables en carré en conférence de méthode, de son futur mari qui agitait les jambes face à elle et dont elle se disait qu'il devait boire trop de café, du moment où elle s'est portée volontaire pour les exposés en histoire et en droit constitutionnel (en 1988 nous avions encore les mêmes matières). En arrière plan il y a une photo d'elle en noir et blanc à 18 ans. Je me demande si dans mon souvenir il y avait des "Bernadette Chodron de Courcel". Je trouve dans ma mémoire des femmes avec des noms à rallonge, mais pas de celles qui assumaient leur rang comme le faisait celle-là. De mon temps les filles aristos cherchaient déjà à faire "peuple".

 

On peut comprendre que Chirac ait été attiré. Elle avait du tempéramment, en plus du prestige de sa noblesse. Ils ont vécu une belle aventure personnelle tous les deux (quoiqu'il ne soit pas sûr que notre pays en soit sorti grandi). Elle a une belle façon de l'évoquer, avec beaucoup de retenue, comme quand Mitterrand parlait. Certains vieux sont immenses quand ils racontent ou jugent le passé. En même temps elle a toujours le même regard que la sciencepoteuse de 18 ans. Sans doute les mêmes qualités et les mêmes défauts aussi.

 

Elle s'indigne qu'on ait pu vouloir traduire en justice "comme un citoyen ordinaire" son mari, juste à la sortie de ses fonctions, comme un malpropre, sans égard pour tout ce qu'il avait fait pour l'Etat (et c'est vrai que le procès des emplois fictifs était absurde). Je pense à la démocratie athénienne. Elle a passé son temps à faire ça : porter au pinacle ses chefs, et les traduire en justice. Mais il est vrai que Bernadette n'eût pas été "première dame" dans ce sytème-là. Je pense au Père C qui se pignole en rêvant au Parthénon (vous savez, le prof d'économie qui donnait un cours à Annecy le 23 septembre...). Je pense surtout à Périclès et Alcibiade... Mon esprit vagadonde sur ces rivages là. Mince. Il a perdu en cours de route Bernadette Chodron de Courcel. Zut, que disions-nous d'elle déjà ? Je ne sais plus. Elle glisse déjà vers le passé, comme son mari, avec son lot de possibilités non réalisés, de choses ui auraient pu se faire ou ne pas se faire. C'est un instantané poignant. Tous ces gens du XXe siècle, qui se sont maintenus dans le XXIe un peu par hasard. Ils sont dans leurs vieux meubles et dans leurs souvenirs. Ils ne sont plus là que par erreur. On se sent un peu comme eux parfois. Savez-vous qu'il y a une belle citation de Chateaubriand sur le fait de survivre au passé alors qu'on aurait dû mourir avec lui. Ce grand homme se sentait comme ça, étranger au nouveau siècle qu'il avait vu naître. L'actuel siècle me fait un peu peur. Avec toutes ses lumières. De la lumière artificielle, des effets spéciaux, un grand soin accordé à des enveloppes vides.

 

Mais bon, rassurez-vous, je ne vais pas chanter "I love you Bernadette" comme Scritti Politti entonnait "I'm in love with you Jacques Derrida". Il y a des limites quand même.

 

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