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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #les rapports hommes-femmes tag

Histoires d'amour... et d'Occident

16 Mai 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #"Eloge de la liberté sexuelle stoïcienne", #Les rapports hommes-femmes, #Philosophie et philosophes

Le 7 avril Emmanuel Todd, 74 ans, souverainiste de gauche, rencontrait le premier ministre Victor Orban, souverainiste de droite. Libération a persifflé. Todd a expliqué sur Fréquence Populaire hier que ce qui avait surtout compté pour lui, c'était qu'il avait pu revoir une femme hongroise dont il était amoureux dans les années 1970 (un amour à sens unique selon ses dires). 

L'intervieweuse Diane Lagrange qui a  43 ans n' a pas eu l'air très sensible à cet aspect "romantique" du voyage hongrois du célèbre démographe. Peut-être parce qu'aujourd'hui les histoires d'amour n'évoquent plus rien d'épique. On les réduit à des questions d'intérêt de bas étage (des quantités de dopamine, des applications de rencontres qui quantifient le taux d'affinité pour une nuit, des risques de procès judiciaires ou de virus). Pourtant Todd sousentendait beaucoup de choses sur le rôle de cette aventure romantique dans sa trajectoire : à travers elle il a eu son premier contact avec le bloc soviétique, grâce auquel il allait avoir l'intuition de la prochaine chute de l'URSS, une intuition qui allait faire son succès.

Moi j'ai repensé au rôle que Budapest jouait dans mon livre "Eloge de la liberté"... et à la belle aventure de Lanzmann avec une Nord-Coréenne avec laquelle il avait eu, lui aussi, un nouveau contact ultérieur tardif, des décennies après leur idylle avortée. Il est vraiment dommage que, de nos jours, les gens (notamment les journalistes interviewers) aient des oeillères et restent obsédés par des considérations pragmatiques. Au lieu de chercher absolument à savoir ce que M. Todd pense de Macron, de la visite de Trump en Arabie Saoudite et autres platitudes de cette "actualité brûlante" qui infeste nos poumons et sera périmée dans quinze heures, Mme Lagrange aurait mieux fait de se laisser aller à la rêverie, essayer d'imaginer ce qu'étaient ces belles histoires de coeur du temps où elle n'était même pas née. Elle y aurait peut-être, qui sait, appris des choses utiles à la compréhension du monde intellectuel dont elle a hérité, la compréhension des qualités et défauts de l'humanité d'avant, de celle d'aujourd'hui, quelque chose de son propre for-intérieur... qu'elle fuit peut-être, comme les patrons de sa chaîine fuient la leur... car peut-être justement les interrogations sur l'humanité ne nous intéressent-elles plus... peut-être veut-on seulement savoir si Macron est un cocaïnomane, si l'Occident va s'effondrer avant la Saint Sylvestre... peut-être veut-on seulement avoir une interview bien cadrée, qui "remplit toutes les cases" pour qu'on puisse dire "voilà c'est dans la boîte, on a un enregistrement de plus pour YouTube". Et cette étroitesse, précisément, participe aussi de "déclin de l'Occident"...

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Une bonne critique de l'évolutionnisme en psychologie

19 Avril 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les rapports hommes-femmes, #Philosophie et philosophes, #Grundlegung zur Metaphysik, #Christianisme, #La gauche, #La droite

Une discussion intéressante, sur une chaîne marxiste (ci-dessous) qui "debunke" comme disent les jeunes la psychologie évolutionniste (ou évolutive) utilisée par les influenceurs de droite.

J'ai été intéressé par ce type de psychologie il y a 20 ans (en parallèle avec mes travaux de sociologie bourdieusienne). Mon article dans le Notebook sur Chomsky en porte la trace. Ce volet de mes travaux avait même conduit Delphine de Mallevoüe du Figaro à me contacter en 2012.

Je savais que ce genre de théorie était très fragile et surtout ne devait pas être appliquée au domaine politique actuel puisque nous ne sommes plus en situation de lutte pour la survie au sens darwinien depuis le Néolithique. Mais à l'époque cette approche avait du succès même sur Arte.

Depuis ma conversion chrétienne le darwinisme ne m'intéresse plus trop (même si je n'ai pas d'idées très arrêtées à son sujet). Je reconnais qu'il a pu être un contrepoids utile au constructivisme extrême des sciences sociales (notamment dans la "théorie du genre"), mais je m'intéresse plus aujourd'hui à ce que dit la théologie sur l'amour qu'au darwinisme (encore que la théologie est pleine de pièges, car elle est largement l'otage de déformations politiques et d'impensés de classe).

PS : Je précise que je n'ai pas plus d'estime que ça pour ce Youtubeur Padu, interne en médecine, (rendu célèbre chez les lecteurs du Point il y a 8 jours) qui, après avoir à juste titre reproché à l'influenceur de droite Papacito de "fuir le système de production en cherchant à vivre de sa chaine" s'est précipité à une réunion de B. Friot pour la création d'une sécurité sociale pour youtubeur. Il est un boutiquier comme les autres. En outre j'attends le jour où il traitera sérieusement la question de l'impérialisme, de la géopolitique, du projet mondialiste. Cette gauche reste pitoyablement hexagonale et attachée à des petites querelles locales sans intérêt.

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Francesca Gee, Grasset, l'espionnage, le Consentement et la galaxie Maxwell

5 Avril 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les rapports hommes-femmes, #Grundlegung zur Metaphysik, #Proche-Orient, #Colonialisme-impérialisme

On en parlait en 2024, Francesca Gee avec "Le Scandale du consentement" revient au micro d'Alexis Poulin pour expliquer qu'après l'élection de Macron l'Etat profond voulait lancer la notion de consentement en remplacement de la morale sexuelle. C'est une notion issue du droit mercantiliste anglosaxon qui permet tout (Béloubet voulait en abaisser l'âge limite à 13 ans).

Elle enquête sur les origines mendésistes des éditions Grasset, et dénonce le film de 2023 "Le Consentement" avec Jean-Paul Roux, qui "nettoie" l'aspect complicité des éditeurs, modifie le personnage de Matzneff, et se donne, malgré son côté voyeur, comme un film à diffuser dans les écoles. Tout le Kompromat auquel Matzneff a pu contribuer est neutralisé, notamment ses cahiers des années 1990 (tous n'auront pas le sort de Christophe Girard, ex-homme de l'empire Bergé et patron de la culture à la mairie de Paris).

Gee née en 1958 rappelle (min 43 de l'entretien) que son père journaliste britannique (souvent employé par Maxwell qui a fini par saboter sa retraite) était entouré de barbouzes, lui-même a avoué travailler pourle Mossad (elle a d’ailleurs grandi dans les années 1960 dans la Plaine Monceau à deux pas de l'ambassade d'Israël où son père était toujours fourré, a été interrogée à Bruxelles en 1973 par des Israéliens après avoir commencé sa relation avec Matzneff et a fait un voyage en Israël très jeune). L'autre victime de Matzneff Vanessa Springora, souligne-t-elle, éditrice, ultra-soutenue par les hiérarques littéraires depuis Me-Too, qui fait aujourd'hui l'apologie de la sorcellerie et de la guerre, dit que son père Patrick Springora, ancien directeur délégué au Groupe du "Quotidien, mort esseulé en 2020 après la sortie de son livre "Le Consentement", était lié aux services secrets.

On a aujourd'hui une polarité Gee-Springora (très maçonnique en un sens), l'une "noire" dans la symbolique maçonnique, diabolisée, "populiste l'autre, "blanche", ultra-soutenue par le système (le même qui a soutenu Matzneff jadis), dans une bataille symbolique pour la définition légitime d'une orthodoxie des rapports hommes-femmes, et de la condamnation de la pédophilie.

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Ludovic Malot sur Notre Dame

24 Janvier 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE, #Christianisme, #Grundlegung zur Metaphysik, #Les régimes populistes, #Les rapports hommes-femmes

Rendons ici hommage à l'enquête de Ludovic Malot sur l'incendie criminel de Notre Dame en 2019. Nexus l'interviewait hier (cf ci-dessous).

Il a notamment révélé que la société Aubriat spécialisée dans le traitement de la mérule qui a la chouette du Bohemian Grove (mais aussi du T-shirt de Macron en 2021 et d'H. Clinton dans les mails fuités de 2011, pourrait-on ajouter) comme symbole sur fond d'équerre avait été sollicitée pour traiter en février 2018 les poutres de la cathédrale, avec un gel à base de phosphore et d'oxyde de fer (d'où les fumées jaunes et la rapidité du feu). Cette société fête souvent publiquement Halloween (23e minute) Elle fait partie d'une holding créée le 7 juillet 2017 (7 7 17, il y a 3 fois 7 ce qui rappelle les 777 ans séparant du bûcher du Talmud). Ce jour même Macron vantait à Hambourg l'esprit des Lumières (on était aussi dans le 3e centenaire de la fondation officielle de la franc-maçonnerie à Londres) pour placer la France au coeur du "projet humaniste pour le monde".

Les décapitations des statues soi-disant pour les restaurer avaient aussi une connotation maçonnique. L'implication de la banque brésilienne Safra dans le financement de la restauration est étrange. L'organiste de la cérémonie de réouverture Olivier Latry est un adepte de l'oeil d'Horus.

Barbara Chase Riboud (minute 33) qui exposait au Louvre au même moment a adopté, en référence à Isis, le slogan " Quand Un Noeud Est Dénoué, Un Dieu Est Libéré". Huit musées parisiens sont mobilisés au service de cette magie noire. En désacralisant Notre Dame explique Ludovic Malot prive Paris de sa protection divine.

Chase Riboud dit dans les textes de présentation de son travail avoir entendu une voix en 1989 lui demandant si elle brûlerait Le Louvre ou Notre Dame et qu'elle a avait dit choisir la seconde.

L'initiée Roselyne Bachelot, ex-ministre de la culture a confié dans le livre "682 jours" que la "femme" de Macron lui a exposé un projet avec un phallus d'Osiris géant dans la cathédrale (sur cette "épouse" il y aurait tant à dire, par exemple sa commande du tapis "Soleil noir" du pédophile Claude Lévêque, qui allait bien avec le livre de Gide sur le portrait présidentiel, son implication dans la cérémonie transgenre des Jeux Olympiques).

Attention quand même : Ludovic Malot est un partisan des prophéties de Marie-Julie Jaheny condamnées par Mélanie Calvat.

 

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L'affaire des grooming gangs en Angleterre

8 Janvier 2025 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous, #Peuples d'Europe et UE, #Les rapports hommes-femmes, #La gauche, #Les régimes populistes

Vous savez que je ne pense pas du bien d'Elon Musk et du culte qui l'entoure, mais il faut reconnaître que la pression qu'il met sur le premier ministre Keir Starmer autour de l'affaire des grooming gangs indo-pakistanais est pleinement justifiée.

Des dizaines de milliers de jeunes filles anglaises souvent mineures d'origine populaire ont été victimes de gangs pakistanais qui avaient organisé des stratégies pour les séduire et les réduire à l'esclavage sexuel. Ces filles qui vivaient pour la plupart dans des villes dirigées par les travaillistes non trouvé de secours nulle part, même pas auprès de la police, en raison du dogme de l'antiracisme, et Starmer qui a dirigé pendant longtemps au niveau national les poursuites judiciaires a sa part de responsabilité.

Aujourd'hui encore les partisans de la société multiculturelle comme Macron n'ont pas une once de compassion pour ces femmes et ont l'audace de rejeter l'accusation sur Musk en l'accusant d'ingérence (alors que les ingérences permanentes des think tanks et lobbies américains ou européistes ou pro-sionistes dans nos affaires intérieures et les millions de dollars versés par Bill Gates ou les Rothschild sur nos médias et nos universités ne gênent personne). Le projet de destruction des nations européennes et de la civilisation de notre continent revêt plusieurs aspects. Il est systématique et systémique. Le viol (qui a pris des formes souvent très barbares et sadiques (voyez la vidéo ci-dessous) des jeunes Anglaises, qui n'est pas sans rappeler les agressions sexuelles du Nouvel An 2016 à Cologne et dans d'autres villes allemandes, sans parler de toutes les violences qui ont lieu quotidiennement, dans les piscines, au domicile des femmes (rappelez vous de Cherbourg en août 2023) affaires où se mêlent la barbare systémique de l'Islam intégriste à l'égard des femmes et parfois la possession démoniaque avec ses avatars psychiatriques, est une des facettes de cette destruction systématique de ce que nous sommes, nous Européens, de ce dont nous avons hérité, et de ce qui cimente notre avenir. Le silence lâche de nos élites sur ces souffrances et injustices terribles a fait le lit des populismes (aux portes du pouvoir en Allemagne, en Autriche, déjà au pouvoir en Italie qui s'offre au Starlink de Musk).

Tout en dénonçant les injustices racistes dont sont encore victimes nos banlieues et les enfants de l'immigration africaine chez nous, il faut aussi dénoncer ce que subissent les "souchiens" pour reprendre le mot qu'utilisait jadis Bouteldja, et punir les responsables politiques qui ont couvert l'omerta à leur sujet, comme il faut sanctionner leurs crimes impérialistes commis dans les pays du Sud. Tout doit être mis sur la table.

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La belle circassienne

16 Octobre 2024 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Abkhazie, #Divers histoire, #XVIIIe siècle - Auteurs et personnalités, #Les rapports hommes-femmes

 

On a parlé de Pierre Loti, de sa passion pour une Circassienne en Turquie. Du temps où l'on disait les choses ouvertement, il était fréquent de considérer les Circassiens (Abkhazes, Tcherkesses, Tchétchènes) comme les plus beaux êtres humains du monde (voyez le rapport "Circassiens syriens / Unité de renseignement française Damas – Quneitra 1935" ici) et le thème de la belle Circassienne prisonnière du harem du Sultan était si répandu qu'il fut même un sujet d'attraction dans les spectacles forains aux Etats-Unis.

Chose étrange, Paris eut aussi sa belle Circassienne à l'époque de la Régence. Ce fut Mademoiselle Aïssé (1693-1733), que le comte Charles de Ferriol, ambassadeur de France à Constantinople acheta en 1697 (à l'âge de 4 ans). Ferriol était habitué à acheter de belles esclaves au marché turc nous dit Sainte-Beuve "et ce n'était guère dans un but désintéressé" La belle fut mêlée dès sa prime adolescence aux salons parisiens et entretint des correspondances avec les grands esprits du XVIIIe siècle. Son personnage allait inspirer beaucoup d'oeuvres littéraires au siècle suivant.

L'historien légitimiste Capefigue nous dessine, comme nous l'aimons nous autres sociologues, l'espace de sociabilité dans lequel a grandi la belle orientale. Il y avait, nous dit-il, l'épicurien comte de Ferriol (le frère du diplomate qui l'avait achetée), sa femme, Mme de Ferriol   ("soeur de la célèbre chanoinesse et du futur cardinal" écrira Sainte-Beuve), belle, galante, intrigante  "très-protégée par le maréchal d'Uxelle en ce temps de moeurs faciles" (cela signifie qu'il était son amant), deux neveux (le comte d'Argental et le comte du Pont de Veyle), qui furent comme des frères pour Aïssé. "Cette famille appartenait tout entière aux moeurs libres de la Régence : ceux que Voltaire appelait ses chers anges ne se piquaient ni d'austère morale, ni de religion : gens d'esprit, insouciants ils se jouaient avec la vie et leur but était d'en descendre doucement de fleuve" écrit l'historien.  Dans une lettre à Mme Calandrini de Genève, elle dit qu'elle était "le jouet des passions" des  intellectuels qui fréquentaient le salon de son père adoptif. Un portrait l'a immortalisée à 16 ans.

Elle a d'ailleurs peut-être été d'abord l'amante de son propre père adoptif. Une lettre d'amour de celui-ci a été retrouvée et publiée en 1828. La lettre fut écrite quand Ferriol avait 60 ans et Aïssié 17. Sainte-Beuve pense que le comte y parle pour l'avenir pour contrer un rival, mais rien ne prouve, dit-il, qu'Aïssié, qui vivait à plus de mille kilomètres de son père adoptif, puisqu'il était en permanence à Constantinople à partir de 1700, ait accepté (on est donc très loin de la pédophilie brutale et vulgaire de notre époque). Elle habitait rue Neuve-Saint-Augustin, près de l'actuel métro Quatre Septembre chez Mme de Ferrol ce qui la protégeait de toute éventuelle entreprise de son père adoptif. Il a été souligné cette phrase d'Aïssié à Mme de Calandrini "Mon coeur ne pouvait être séduit que par la vertu ou tout ce qui en avait l'apparence". On est quand même loin de la dépravation que nous plaquons rétrospectivement sur la Régence.

Sainte-Beuve a aimé sa conversion à la vertu. Il a écrit "A l’époque la moins poétique et la moins idéale du monde, sous la Régence et dans les année qui ont suivi, Mlle Aïsé offre l'image inattendue d'un sentiment fidèle, délicat, naïf, discret, d'un repentir sincère et d'une innocence en quelque sorte retrouvée". Il y voit même une sorte d'allégorie du salut de la France par l'Orient : "il fallait que cette Circassienne, sortie des bazars d'Asie, fût amenée dans ce monde de France pour y relever comme la statue de l'Amour fidèle et de la Pudeur repentante" (bon, bien sûr ça ce n'est pas ce que la fiche Wikpedia polluée par l'idéologie actuelle en retiendra).

A 7 ans Aïssé (ou Haidée) quand elle représente sous le prénom de Charlotte la marraine du petit comte du Pont de Veyle à son baptême à St Eustache à Paris en 1700, elle ne sait pas signer mais sera instruite par la suite et manifestera dans ses lettres un style élégant et une personnalité délicate. "On ne peut peindre mademoiselle Aïssé, disait sa meilleure amie, qu'en jurant que l'âme d'un ange habitait son corps". Le romantisme allait ensuite célébrer son amour pour le chevalier d'Aydie. Voilà une charmante contribution du Caucase à notre histoire nationale.

 

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La série Tapie sur Netflix et le rapport hommes-femmes

18 Juillet 2024 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire, #Les rapports hommes-femmes, #Cinéma, #La gauche, #Philosophie et philosophes, #Colonialisme-impérialisme

Je regardais hier sur Netflix (pour faire plaisir à mon entourage) le début de la série Bernard Tapie, série servie par le beau jeu d'acteur de Laurent Laffite, même s'il lui manque quelques aspects de la rugosité du personnage et la gravité de sa voix.

Je ne reviendrai pas sur le personnage Tapie qui fut aussi présent dans le paysage (devrait-on dire le cirque ?) médiatico-politique de la première moitié de ma vie qu'Alain Duhamel ou Jacques Chirac. Meyssan qui a collaboré avec lui déclarait il y a un mois (51ème minute ici) dans une interview à Courrier des Stratèges qu'il avait des capacités intellectuelles impressionnantes dans sa façon par exemple de digérer les fiches qu'il lui préparait et qu'il aurait pu rendre de grands services à la France si l'oligarchie ne l'avait pas coulé. Je crois que ce faisant Meyssan révèle surtout sa cécité politique. Lui qui a toujours combattu les guerres d'ingérence depuis 2001 comment peut-il blanchir un homme d'affaires qui a fait liste commune avec Kouchner (champion de l'ingérence) aux élections européennes de 1994 et qui a reconstitué sa fortune après 2008 en soutenant Sarkozy le bourreau de la Libye ?

J'ignore si la série est très fidèle à la biographie. J'ai repéré des petits anachronismes évidemment dans la façon de parler (des expressions comme "gagnant gagnant", "il y a un souci" etc), et dans les références ("à l'heure où on a le TGV" dit Tapie quand il prévoie de créer un service d'urgence médicale en 1972, alors que le TGV n'existait pas encore). J'observe qu'elle fait la part belle à la part de sincérité qu'aurait gardé Tapie, et de loyauté à l'égard de ses origines populaires (de son père militant cégétiste). J'ignore jusqu'à quel point c'est vrai.

Ce qui m'a frappé dans le premier épisode, c'est l'impuissance de la série à restituer sa vie affective, et le rapport à ses deux compagnes successives... A vrai dire ce n'est pas la faute du réalisateur, et je fais le constat pour toutes les productions cinématographiques qui prétendent restituer les années 1970-80. Les acteurs, aussi bien hommes que femmes, échouent à "entrer dans la peau" de façon convaincante dans les histoires d'amour de l'époque. Vous savez que j'ai moi-même écrit un livre qui parle des rapports passionnels - un livre qu'a bien voulu commenter un jeune blogueur il y a deux ans.

Je pense que les acteurs aujourd'hui n'arrivent pas à rendre ce qu'étaient les sentiments il y a 40 ou 50 ans, parce qu'ils n'ont plus trop idée de ce qu'était la répartition des rôles entre hommes et femmes à l'époque. Comme l'avait souligné Roland Barthes une décennie plus tôt il y avait une part de jeu dans ces rapports, mais un jeu sérieux, intégré dans les dispositions sociologiques les plus viscérales des individus (leur habitus si on veut parler comme Bourdieu), et qui était indexé à des structures sociales que nous avons perdues de vue aujourd'hui. Le mouvement post-me-too, simplifie cela en soulignant l'asymétrie hommes-femmes à l'époque. Il y avait une asymétrie, mais qui entrait dans une dynamique dont on ne savait jamais vraiment qui de l'homme ou de la femme en tirait le plus grand bénéfice in fine. Il est vrai que chacun se construisait suivant cette asymétrie, mais ce qui est intéressant c'est à quel style, à quelle monde, celle-ci renvoyait. Ce n'était pas le monde des réseaux sociaux, de la vidéosphère, ni même d'Harry Potter auquel bizarrement ce billet du Monde de juin 2024 renvoie pour penser les rapports hommes-femmes de nos jours. C'était un monde beaucoup plus imprégné de littérature, même si les gens ne lisaient pas forcément, littérature de gare ou littérature savante, qui façonnait la forme même du sentiment, du regard, etc. Je me souviens par exemple vers la fin des années 1990 avoir échangé avec une jeune femme malheureuse dans son couple qui m'écrivait "je ne vais quand même pas aller me jeter sous les roues d'un train comme Anna Karénine". Les femmes et les hommes avaient à l'arrière plan de leur monde, des personnages littéraires, et même s'ils ne les avaient pas directement, ils avaient aussi dans leur inconscient des films ou des téléfilms vus qui étaient imprégnés de ces rapport à la littérature classique.

Et cela déterminait beaucoup la façon dont l'homme et la femme s'avançaient l'un vers l'autre, la façon dont ils construisaient chacun leurs attentes ou leurs craintes à l'égard de l'autre sexe, la façon dont ils se laissaient électriser par la magie de leurs différences, leurs complémentarités, leurs incompatibilités.

Cela n'a peut-être pas complètement disparu, mais les choses ont changé. Aujourd'hui masculinité et féminité se pensent eux-mêmes sur fond d'agendas politiques distillés par Hollywood, avec toute une série de revendications (la femme doit revendiquer quelque chose de son "égalité" si elle veut se sentir pleinement femme) ou de dénégations (l'homme notamment doit dénier en partie sa virilité, quitte à ce qu'ensuite la femme lui reproche plus ou moins consciemment de l'avoir trop déniée), avec en arrière plan l'arsenal légal (la femme pourra toujours envisager le recours en justice contre l'homme) et la pornographie (que l'homme ne peut complètement chasser de son monde, la femme de moins en moins aussi), le harcèlement (devenu omniprésent depuis la diffusion des ordinateurs portables et des smartphones). Tout cela donne l'impression d'être plus tendu, de pouvoir glisser plus facilement  dans de la cruauté obsessionnelle, sans aucun souci pour les formes, ou alors, à l'opposé (pour éviter justement la dimension pathologique), une certaine mise à distance : sans aller jusqu'au point des Japonais qui ne veulent plus avoir de relations sexuelles, je vous des jeunes ados former des couples qui ne se rencontrent à heure fixe une fois tous les huit jours, à l'opposé du romantisme, dans une sorte de "bureaucratisation" de l'amour.

Et même les jeunes "réacs" qui voudraient retrouver "quelque chose" de ce qu'était l'amour du temps où il s'incarnait dans des gens comme Catherine Deneuve ou Marcello Mastroianni, ne parviennent à reconstruire que des villages Potemkine.

Je ne dis pas d'ailleurs que la façon de vivre l'amour il y a quarante ans ou même il y a trente ans mérite d'être défendue. Elle a fait beaucoup de dégâts dans les couples, chez les enfants, et même on peut dire que dans l'ensemble elle abîmait l'âme des gens plus qu'elle ne l'édifiait (encore qu'il faudrait entrer dans une analyse complexe pour en mesurer les avantages et inconvénients "globaux"). Je dis simplement qu'elle formait par rapport à notre nouveau siècle une singularité irréductible, et que cette singularité explique pourquoi des acteurs nés dans les années 1980 ou 1990 lorsqu'ils entrent dans des histoires d'amour des années 1970-80 ressemblent à des papous qui s'essaieraient à la danse classique. Et encore ce ne sont pas eux qui sont en cause, mais la direction d'acteurs, cette même direction qui met dans leur bouche les expressions "il y a un souci" ou "gagnant gagnant", tous ces petits riens qui signent une incapacité totale à retrouver l'esprit d'une époque désormais très lointaine.

Mais on admettra néanmoins que ces reconstitutions plus ou moins réussies permettront à la jeune génération d'entrevoir (mais seulement d'entrevoir) à travers un épais brouillard, la vie de ceux qui l'ont précédée.

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Foot fetish

28 Mars 2024 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Vatican, #Les rapports hommes-femmes, #Christianisme

Un prêtre disait il y a peu que laver des pieds de femmes le mettrait mal à l'aide. Pas le pape (voir en 25e minute).

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Kotor (Montenegro) au temps de Pierre Loti

23 Novembre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures, #XIXe siècle - Auteurs et personnalités, #Peuples d'Europe et UE, #Les rapports hommes-femmes

A 30 ans, en 1880, Pierre Loti, alors lieutenant e vaisseau, arrive à Kotor/Cattaro (Montenegro) :

"Par le dédale des petites rues de Cattaro, nous nous dirigeons vers L'albergo del Cacciatore (l'hôtel du Chasseur). — Dans quelque quartier de cette ville que l’on soit, on est toujours sûr, en regardant en l’air, d’apercevoir sur sa tête, par-dessus les maisons, à des hauteurs extraordinaires, un mélange de nuages et de rochers qui grimpent dans le ciel et semblent prêts à s’effondrer sur le public ; — cela donne à ces vieilles rues étroites un caractère étrange. Dans une maison ancienne, qui a dû être aussi autrefois une habitation de riche Vénitien, se tient une table d’hôte où se parlent plusieurs langues : c’est L'albergo del Cacciatore. — Nous y entendons le slave, l’italien, — et l’allemand lourd de quelques officiers autrichiens causant avec de grosses personnes blondes qui ont des têtes de Gretchens trop mûres et des toilettes cocasses. Le déjeuner, mangé de très bon appétit, se termine par un dessert local : cela s’appelle un jardinetto (petit jardin). — Jardin où poussent toute sorte de choses ; grand plat où sont plantés pêle-mêle des fromages, des gâteaux et des fruits. Après le jardinetto, nous voyons entrer de grands diables de Monténégrins, sales et dépenaillés, ayant des boucles d’oreilles et des mines de bandits, avec un arsenal de poignards et de pistolets à leur ceinture. — Ce sont nos guides que M. Ramadanovilch nous envoie. — Otant très humblement leur bonnet rouge, ils nous préviennent en italien que nos chevaux nous attendent à la porte de Cattaro et qu'il faut nous hâter de partir.

Nous trouvons, en effet, à la porte de Cattaro quatre chevaux qui nous attendent, et, quand nos guides ont amarré en croupe notre mince bagage avec le leur, nous nous mettons en route. Eux se proposent de nous suivre à pied. On ne s’imagine pas en France ce qu’un Monténégrin est capable de faire de ses jambes; hommes et femmes, dans ce pays, peuvent trotter du matin jusqu’au soir, avec la même allure allongée de chat maigre, sans éprouver la moindre fatigue. C’est la seule qualité que nous reconnaissions à ce peuple."

On est dans les Balkans d'avant Zora la Rousse, un univers à la Tintin. Étrange mélange d'Italie, d'Autriche et de monde slave. Loti n'est pas tendre avec ses hôtes. Pourtant il aura une petite passion avec une jouvencelle du coin, Pasquala Ivanovitch. Une plaque à Baosici en célèbre le souvenir depuis 1934 paraît-il.

"La vue de Loti, écrira Risto Lainovic de l'université de Nis, était diamétralement opposée aux panégyriques exagérés que les écrivains du XIXe siècle consacraient à ce peuple épris de liberté, pour lequel la lutte contre les Turcs était devenue, avec les siècles, presque une manière de vivre". Il ajoutera que Loti cependant reconnaissait aux Monténégrins une belle authenticité et leur prédisait un avenir glorieux, et qu'il avait aussi un jugement dur contre les Serbes pendant la guerre contre les Turcs, mais allait ensuite s'en repentir et aider Belgrade autant qu'il pouvait.  C'était dans la "Revue Pierre Loti" du 1er avril 1981. Car à l'époque il y avait une Revue Pierre Loti (il n'y aura jamais de Revue Frédéric Delorca).

Risto Lainovic avait soutenu en 1977 une thèse de doctorat à la Sorbonne Nouvelle (Paris III) sur "Les thèmes romantiques dans l'oeuvre de Pierre Loti". En 1980, dans la presse de Titograd (aujourd'hui Podgorica), il avait rappelé le centenaire du passage de Loti à Kotor.

L'histoire des revirements de Loti sur la question balkanique est belle. Le patron du Figaro Calmette estimait que la turcophilie initale de Loti (qui allait faire des foules d'émules) était due à sa passion de 1877 pour une odalisque circassienne Hatice/Hakidjé/Aziyadé, qui appartenait au harem d'un dignitaire turc qui mourut de chagrin après son départ, comme il l'apprit dix ans plus tard... L'ancien cœur d'artichaut que j'ai été ne peut pas ne pas être sensible à cette belle histoire.

Le huguenot suisse Guy de Pourtalès (1881-1941) raconta d'ailleurs une étrange histoire de fantôme qui se produisait dans la maison de Loti à Rochefort (Charente maritime) et que l'écrivain lui a rapportée directement :

« Voici, dit-il, la stèle d’Aziyadé ; cette pierre dressée où brûle une petite lampe de verre. Il y a bien des années qu’elle est morte, Aziyadé ; mais est-on sûr de mourir ? Pour moi, je pense qu’il v a des êtres qui, même vivants, sont pourtant morts, et certains morts qui vivent toujours. Sachez donc qu’il se passe ici, toutes les nuits, une chose étrange. Vers dix heures, chacun de nous se retire dans sa chambre. La mienne est là, attenante à cette salle et je suis seul, seul sur cet étage. Je ferme les portes moi-même ; je verrouille celle de ma chambre, cadenasse l’entrée de la mosquée qui n’a pas d’autre accès. J’entre chez moi pour travailler au « journal » que j’écris depuis tant d’années, ce journal de ma vie d’où, l’un après l’autre, sont tirés tous mes livres. Puis je m’endors. Au matin, c’est moi le premier qui pénètre ici et m’assure que la porte est toujours verrouillée. Eh bien ! tous les matins, il y a sur le marbre, devant ce bassin, l’empreinte humide d’un petit pied de femme. Dans cette vasque, quelqu’un se baigne et je n’entends rien, pas un rire, pas un soupir, même pas les éclaboussures de l’eau où le fantôme de la jeune fille vient tremper ses pieds d’enfant... Vous croyez que j’invente, peut-être ? Ou bien vous vous dites que je suis le jouet d’hallucinations extravagantes... Patience. Demain, je vous ferai voir les pas d’eau sur les dalles » Il semble que Loti n'ait point tenu parole le lendemain, mais je suis convaincu que l'amour nostalgique peut engendrer ce genre de "matérialisation".

Le béarnais Louis Barthou avait le roman tiré de cette histoire d'amour dans sa bibliothèque. Il préfaça un livre sur Loti en 1924 un an après sa mort. Il compare beaucoup Loti à Chateaubriand (un lieu commun de l'époque semble-t-il), tout en ajoutant que le doute métaphysique de ce fils de protestant hanté par la fuite du temps était plus pénible que la désespérance de l'auteur du Génie du Christianisme.

Mais revenons au Montenegro. En 1984 Risto Lainovic était entré dans une fière polémique contre Danilo Lekic sur la monténigrophobie de Loti. Ce Danilo Lekic (1910-1992), homonyme d'un diplomate yougoslave connu, n'était pas doté du même capital universitaire que Lainovic. Né dans le petit village de Seoca, diplomé de la fac de philosophie à Belgrade en 1935, puis, enseignant au lycée de la ville portuaire de Bar, il avait alterné son métier avec des formations en France, à Grenoble et Dijon. Puis devenu après guerre cadre du ministère de la culture et directeur du Théâtre national de la République du Monténégro, il se posa en spécialiste du regard des Français sur son pays. Lekic était allé jusqu'à penser que Pasquala Ivanovitch n'a jamais existé.

Grave erreur. Le récit de Loti à son sujet est des plus réalistes :

13 octobre 1880 : " Pasquala Ivanovitch reste d'abord longtemps étendue sur la mousse, la tête sur mes genoux, faisant semblant de dormir. Et je sens son cœur battre très fort contre ma main, et je vois bien quelle ne dort pas. Je lui parle tout doucement en italien, et elle me répond en slave, par mots entrecoupés, comme quelqu'un de mal éveillé.

Pasquala Ivanovitch, en comptant sur ses doigts, dit qu'elle a dix-neuf ans; c'est bien l'âge que je pensais, car elle est déjà formée; pourtant, quand elle parle, on. dirait une voix de petite fille.

Elle sent le foin fauché, l'étable, le, serpolet de la montagne, et un peu aussi les moutons qu'elle garde. Au grand jour, son voile blanc et son corsage paraîtraient éraillés, fanés, salis par la terre des chemins; la nuit, tout cela est joli, tout cela sent bon les herbes et la campagne.

Quand elle remue la tête, on entend un petit bruit de paillettes de cuivre, à cause des bijoux grossiers, des épingles à pendeloques qui tiennent son voiler au drap de son béret rouge.

Elle a dû avoir plus d'une aventure avec les bergers de Baozich, et certes elle a livré déjà son corps qui brûle.

Elle a des naïvetés et des effronteries de petit enfant. Elle est bien belle, et sa taille est pure comme celle d'une statue.

On est bien dans ce bois d'oliviers. Par terre, il y a de la mousse sèche, du lichen, des feuilles mortes. Il y fait nuit noire; pourtant on sent qu'on est dans un lieu très élevé, qu'on domine de haut la mer,"

"Vendredi 15 octobre. Pasquala a un grand frère que je n'avais pas encore vu. Il arrive à l'improviste et me jette un mauvais regard de méfiance. Sur une explication que j'aurais déliré comprendre, donnée en slave par Pasquala, il sourit et me tend la main.

Il est habillé en paysan dalmate. Il s'appelle Giovanni, batelier à Rizano. Il a la même figure que sa sœur, les mêmes grands yeux gris, le teint bronzé et les cheveux blonds comme elle, sa moustache se détachant en clair sur le fauve de ses joues. Giovanni Ivanovitch m'accompagne jusqu'au bord de la mer. Il a l'air très étonné de cette chose qui nous est familière, l'embarquement d'un officier dans son canot les honneurs du sifflet, les matelots se précipitant pour offrir la main, pour étendre le tapis traditionnel, etc. II parait en conclure que je suis un très grand seigneur."

Puis un rêve dit à Loti, toute la vanité des escapades qu'il fait avec cette chevrière herzégovienne : "Un rêve de cette nuit : J'étais mort. J'étais dans un cimetière, assis sur la pierre de ma tombe, au crépuscule d'un soir d'été. Il y avait dans l'air dés rondes de phalènes et de moucherons, et des fleurs partout, parmi les tombeaux et l'herbe haute des cimetières.

Je reconnaissais ce lieu; c'était bien celui où dormaient mes grands-parents morts; il avait cette horreur particulière qui me glaçait, quand on m'y conduisait le soir, dans mon enfance, pour y porter des couronnes; un genre de tristesse, un genre d'horreur qui ne peut pas s'exprimer avec des mots humains.(...) Fantôme, je sentais que j'allais disparaître. "

Les bourgeois lettrés des années 1960 se précipitaient à Istanbul  en quête de la tombe de l'odalisque circassienne que Loti aima tant. Ils n'allèrent pas au Montenegro chercher celle de Pasquala. La pastourelle les faisait moins rêver sans doute. Elle se trouve peut-être sous la chapelle de Baosici où la bergère lui montra un ossuaire.

Je conseille à mes lecteurs de jeter un oeil à ce petit roman, écrit avec le style simple qui a fait la renommée de ce brillant académicien. Il nous rappelle combien le coeur d'une femme, même une petite bergère, peut faire aimer à un homme un pays. C'est par Pasquala que Loti apprit à apprécier ce carrefour de Français, d'Italiens, d'Allemands, de Russes, d'Autrichiens et de Slaves du Sud qu'était la côté monténégrine des années 1880. Elle lui en fait entrevoir l'histoire immémoriale, humer les parfums de fleurs, percevoir différemment l'eau de pluie.

Moi aussi j'ai connu un temps où la pluie sur mon visage n'était pas celle des jours ordinaires. C'était sur le Pont des Chaînes de Budapest, avec une autre fille des Balkans, en 1999...

Mais pour Loti les histoires d'amour se téléscopent. Et quand un Albanais lui fait ses adieux en turc, cela lui rappelle Stamboul "comme une note lugubre, comme un appel lointain du passé, comme un reproche"... Toujours son Aziyadé...

Il est dommage qu'aujourd'hui on puisse penser au Montenegro sans l'associer à Loti et sa Pasquala Ivanovitch. Il y a dans cette histoire quelque chose du rapport éternel du voyageur à la bergère, quelque chose qui remonte à Henri IV, à Virgile, et bien plus loin encore. Ce n'est pas de la prostitution, n'en déplaise aux féministes d'aujourd'hui (Pasquala Ivanovitch refuse avec colère qu'on lui donne de l'argent). C'est d'un autre ordre. C'est indicible. C'est peut-être néo-païen. Ca a peut-être à voir avec les forces invisibles de la nature. Il n'est pas à recommandé de le vivre, mais ce n'est pas pire que les immenses paquebots touristiques qui polluent maintenant la côte monténégrine ou la conquête de ce pays par les armées de l'OTAN. Je préfère encore associer cette région aux points d'interrogations dont notre écrivain entourait les robes usées de la pastourelle, qu'aux images actuelles.

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Condition des femmes musulmanes en Egypte jadis

22 Novembre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire, #Les rapports hommes-femmes

Les femmes en Egypte dans les années 1910 (extrait de  En Egypte : choses vues / E. L. Butcher ; traduit de l'anglais, par Lugné-Philipon p. 52) :

" Les Mahométans riches et instruits d'Egypte n'infligent point aux femmes une réclusion absolue, sinon en Egypte même. On peut voir arriver à la gare du Caire un essaim de femmes voilées jusqu'aux yeux et conduites, telles des prisonnières, jusqu'à leur wagon par l'être infortuné et grotesque dont la mutilation est rendue nécessaire par le système qui régit la vie de famille musulmane. Les femmes ne doivent regarder aucune personne se trouvant sur le quai de la gare ; elles doivent, à plus forte raison, s'abstenir d'adresser la parole à qui que ce soit. On les enferme à clef dans leur wagon, puis on les mène, sous bonne escorte, du wagon au bateau à vapeur.

Le matin suivant, ces femmes viennent prendre place à la table commune des passagers de première classe ; elles ont dépouillé le voile qui les enveloppait, elles sont nu-tête, elles portent un costume de voyage à la dernière mode de Paris, elles se prélassent dans des fauteuils pliants de la meilleure marque, elles lisent les romans français nouveaux. Tant qu'elles seront loin de leur pays, elles

poseront pour des Européennes et afficheront une grande liberté d'allure, mais quand le bateau les ramène en Egypte, elles retrouvent les mêmes geôliers, les mêmes voiles qui les attendent, et elles rejoignent le Caire dans le même équipage qu'au départ.

S'il arrive que vous rendiez visite, dans un harem, à une dame entourée de ses amies, et que son mari entre à l'improviste (il est vrai que d'habitude il se fait annoncer), vous pourrez voir les visiteuses indigènes se mettre à genoux sur le parquet et tirer leur jupe jusque sur la tête, de peur que l'intrus ne puisse apercevoir tant soit peu leur visage. Bien mieux, on a vu une femme indigène de là classe la plus pauvre relever sa robe par-dessus la tête en rencontrant un Européen ; elle avait conscience d'agir selon les lois de la bienséance, et elle ignorait avec candeur et sérénité ce fait qu'elle exposait ainsi la plus grande partie de son corps."

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